Juste une vie parmi tant d'autres

Date 28-12-2014 00:05:42 | Catégorie : Nouvelles confirmées


(re)Naissance


« Non pas aujourd’hui, merci ». Mes yeux jetèrent un dernier regard à la vitrine illuminée, chocolats et confiseries étalées sous le néon blanchâtre, puis remontèrent sur son tablier bleuâtre, ses épaules délicates, sa nuque tendue, son menton saillant, sa bouche rougeoyante, un sourire sembla s’y esquisser, entre les écailles de rouge à lèvres, ses dents firent deux incises sur les rainures de sa lèvre inférieure et, malgré l’éclairage blafard, dégueulasse, je me sentis l’aimer, je sentis mon cœur déchirer ma poitrine, la faire éclater, des morceaux sanglants retombèrent sur la moquette rouge, une pluie de chair ; mon foie sous la machine à pop-corn, les reins par-ci, un poumon par-là et le reste au ventilateur.
« Au lieu du pop-corn, je voulais plutôt prendre, enfin, vous demander si… voulez-vous, peut-être, je ne sais pas, je voulais vous… Enfin, je vous trouve très… et puis vous… et je… ça vous dirait… qu’on aille… boire… un… verre ? Ou une pizza, ou un restaurant, un concert, un film même peut-être, je ne sais pas, je… Demain ou après-demain, ou quand vous voulez, même ce soir, je… ». Elle hocha la tête et deux mèches brunâtres embrumèrent son regard bleuté ; demain soir, ça sera parfait, murmura-t-elle d’une voix enrouée.

Errance


Une fine bruine caressait mon visage, ma peau satinée éblouie par la lividité des néons, couleurs écarlates brisées sur le terne macadam. La rue semblait avoir été délavée, les tons criards arrachés, les teintes éclatantes sarclées, tout n’était que mines grisâtres et tracés de fusain, horizon métallique, gommé et estompé. Les voitures fusaient sur l’asphalte inondé, un orchestre éraillé ; les roues glissaient dans les flaques, l’eau jaillissait à mes pieds, les rus par centaines se faufilaient entre les impuretés du goudron, dansaient au fil des stries et des entailles, disparaissaient au gré des flaques, ou au détour d’un carrefour.
Je renfonçais mon bonnet, mes cheveux se plaquèrent sur ma nuque, des gouttes perlèrent dans la courbure de mon dos, entre mes omoplates, un frisson. N’aurais peut-être pas dû se contenter d’un débardeur troué, une petite veste n’aurait pas fait de mal. Les éclaboussures devinrent un crachin estival et un torrent dévala mes joues, rivière sans rive sur ma poitrine, le Danube sur mes allumettes. Mon corps chétif s’abrita sous la devanture d’un fleuriste et chercha dans les poches de son jean troué un reste de tabac à rouler. Ma langue glissa sur le papier et la lanière de mon épaule, je laissais tomber ma dernière clope et rattrapait mon saxophone ; le tabac gisait dans une flaque et de son œil brunâtre se moquait.
Les cloches d’une église résonnèrent sur l’acier, neuf coups, peut-être dix, la circulation avait couvert les tintements et je n’avais pu percevoir les derniers échos. Passage sur scène à onze heures, fallait peut-être que je me dépêche. Ai toujours aimé errer, traîner, me languir et me balader, me prélasser et musarder entre les ruelles vides, vides de gens, pleines de bruits, de couleurs et de senteurs, une ville animée, une foule endormie, dissimulée dans l’obscurité.

Mort


« Deux Chesterfield… non trois, et des chewing-gums à la framboise s’il vous plait. ». Je balançais mes pièces sous la grille et l’épicier y fit passer ma commande. Le papier rougeâtre se déchira, un morceau de gomme s’enfonça entre mes lèvres, sauvagement mastiqué, et de la salive acidulée, sucre chimique et parfum acrylique, glissa le long de ma gorge, embauma mes entrailles de ses effluves factices. Aucun goût pour sûr, juste la couleur, un truc psychologique, une connerie plus fade encore que le trottoir, une merde pleine de benzène et de kérosène, pétrochimie sur mon estomac enjoué. Accroc depuis trop longtemps à cette amère fadeur. La cigarette comme remède, poison pour guérir l’addict que je suis, toxique sur toxique. Me condamne à coup de poisons artificiels.

(re)Naissance

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