Le pourquoi du comment

Date 16-01-2015 15:06:59 | Catégorie : Essais confirmés


Avec ce petit texte, je vais tenter de répondre succinctement à la question qu'une personne que je connais depuis un certain temps ici m'a posé - hier soir certainement -, et que j'ai lu ce matin dans mes messages en ouvrant mon ordinateur : "cette part d'ombre que je porte en moi et qui se reflète souvent dans mes textes, est t'elle le prix à payer pour mon inspiration ?".

C'est un vaste sujet que j'essaye de creuser dans la plupart des textes que je publie ici. Je retourne ces interrogations en permanence dans mon esprit à chaque fois que mes doigts pianotent sur le clavier de mon ordinateur. J'essaye de montrer ce qui me touche, ce qui m'atteint, ce qui me blesse, ce qui me fait peur. Parce que c'est dans ces émotions exacerbées depuis que je suis enfant que je puise ma capacité à écrire.

Par contre, mon imagination n'est pas rattachée à celles-ci. C'est grâce aux innombrables livres que j'ai lu depuis que j'ai commencé à savoir lire - environ l'age de six ans il me semble - que je m'inspire. Que ce soit des romans, des textes scientifiques, historiques, philosophiques, religieux, des traités sur les mythologies du monde entier, sur les légendes issues des Ages passés ou actuels, sur les mystères et les énigmes de l'Histoire, de la Nature, de l'Univers, etc., tous m'ont apporté quelque chose. Que ce soit également des émissions télévisées comme Capital, Zone Interdite, Envoyé Spécial, Cash investigation, j'en passe, celles-ci m'ouvrent à chaque fois des portes sur de nouveaux horizons de réflexion et d'inspiration. Ils m'ont montré que le Savoir est la chose la plus importante afin de ne pas sombrer dans l'ignorance, la bêtise, l'intolérance ou la barbarie ; comme l'actualité nous l'a encore démontré ces derniers jours.

D'un autre coté, c'est parce que je me suis investi depuis toujours dans ce choix de vie que beaucoup de gens qui m'entouraient - enfants, adolescents, adultes, jeunes femmes que j'ai aimé - se sont détourné de moi. Pendant longtemps, je dois l'avouer - et même encore aujourd'hui parfois -, j'ai été la proie d'une timidité maladive, incontrôlable. Elle a fait naître en moi une peur irraisonnée exacerbée par des émotions que je ne sais pas libérer. Ces personnes, dès mon plus jeune age, m'ont mis à l'écart parce que je ne m’intéressais pas aux mêmes préoccupations qu'elles. Ces dernières me parlaient de leur travail, de leur famille, d'aller faire les courses, du linge, des factures à payer, etc. Bien sur, adulte, j'étais également confronté à tout ceci, c'est une évidence. Mais mon esprit était davantage concentré sur les récits mythologiques sumériens, incas, égyptiens. Adolescent, à la récréation, plutôt que d'aller jouer au football avec mes camarades, je me mettais dans un coin avec des ouvrages expliquant les mystères de l'univers ou de la Terre. Enfant, souvent hospitalisé à cause de mon handicap beaucoup plus prononcé qu'actuellement, je m'abreuvais de livres fantastiques, de romans historiques. Et je ne parle pas des trois ans que j'ai passé à la Bibliothèque Nationale où mes journées étaient rythmées au nombre d'ouvrages que je décortiquais. Prenant des notes, réfléchissant sur les textes qu'ils me livraient, les liant a d'autres ouvrages, à d'autres mythologies, à d'autres énigmes que j'avais déjà étudiées auparavant, j'en lisais jusqu’à trois par jour.

Mais, de tous temps, d'aussi loin que je me souvienne, autour de moi, tout cet investissement personnel, cette quête effrénée de la Connaissance et de la compréhension du monde et de l'univers qui m'entourait - qui m'entoure - n'a été que sujet de moqueries et de dénigrement. Combien de fois s'est t'on ri de moi lorsque j'essayais d'entamer la conversation sur la notion de Dieu rattachée au Big Bang ? Combien de fois mon intérêt pour les nouvelles technologies telles que l'informatique, la robotique, etc, ont t'elles été muselées parce ces thèmes ne correspondaient pas aux sujets que l'on traitait habituellement dans mon entourage. Combien de fois, lorsque exceptionnellement j'avais le droit à la parole pour donner mon avis sur tel ou tel sujet d'actualité m'a t'on regardé comme un extraterrestre parce que ce que j'essayais vainement de partager était hors de portée. Mes parents, mes amis, mes camarades me fixaient comme si je venais d'une autre planète, juste parce que mes propos n'étaient pas simplistes, que je les analysais en profondeur et les mettais en perspective avec des éléments plus riches et plus complets.

Je ne me suis jamais contenté de suivre les idées simplistes qu'on a trop souvent tendance à accepter afin de ne pas se poser de questions ; ou destinées à nous faire passer à coté des véritables questions. On me l'a donc souvent reproché et obligé à me taire pour ne pas déranger la pensée établie, pour ne pas bousculer les certitudes de mes interlocuteurs. Et ce, depuis mon enfance. Combien de fois ai-je senti un malaise autour de moi lorsque j'ouvrais la bouche pour exposer mon point de vue sur de nombreux sujets de société qui me tenaient particulièrement à cœur ? Progressivement, j'ai vécu cela comme une profonde injustice, comme une profonde blessure qui m'a meurtri et m'a obligé à me replier sur moi même. Car, systématiquement, dès que j'ouvrais la bouche, on se moquait de moi - camarades de classe - ou on me faisait vite taire - famille - parce que mon opinion n'était pas acceptée ou prise en compte. Je pouvais dire quoi que ce soit, on rabaissait aussitôt mes propos, on les caricaturait, on les déformait, ou, tout simplement, on ne les écoutait pas.

La seule issue qui a été la mienne a donc été de me réfugier dans ce monde intérieur qui n'appartenait qu'à moi et ou nul mal, ou nulle moquerie, nul rejet, ne pouvait m'atteindre.Quand j'étais enfant, j'ai commencé à faire travailler mon imagination grâce aux jeux d'enfant qui étaient à ma disposition : lego, playmobil, etc. Mais mes proches n'ont jamais été fiers de mes réalisations. A une époque de mon adolescence, j'ai beaucoup dessiné ; j'ai dessiné des cartes de mondes imaginaires - déjà - dont je me suis ensuite inspiré pour mes premiers écrits de cette époque. Mais, que ce soient mes constructions en lego, mes réalisations de playmobil, mes dessins, mes écrits, mes proches ont plutôt considéré tout cela comme un encombrement, un envahissement de leur espace dans la maison. Par exemple, un jour, grâce a tous mes legos accumulés depuis des années, j'ai construit un vaisseau spatial de plus de deux mètres de long et large d'un mètre. Avec sa cabine de pilotage, ses moteurs, ses coursives, ses ailes, etc. J'ai mis près d'un mois de vacances scolaires pour l'élaborer. Au final, la seule chose que ma mère m'a dit, c'est que cela gênait le passage. Pareil pour la carte de ce monde imaginaire que j'ai dessiné, le seul propos que j'en ai reçu, c'est que cela encombrait la table de la salle à manger.

J'ai donc progressivement réalisé que le monde extérieur serait toujours hostile a ce que mon imaginaire, ce que mes connaissances diverses et variées pouvaient créer. Un autre exemple encore : Quand j'ai commencé à écrire des scénarios de jeux de rôles, que je m'y suis grandement investi, la seule réaction de mes proches a été de me dire : "Au lieu de rester enfermé toute la journée, tu devrais sortir un peu, t'aérer, faire du sport, de la marche, etc.". J'ai toujours rêvé que mes parents soient fiers de mes réalisations, qu'ils s’intéressent a mes centres d’intérêts. Même mon père, qui aimait lui aussi l'histoire - sujet sur lequel nous aurions pu nous rapprocher -, me répétait régulièrement quand il prenait le temps de lire un ou deux paragraphes : "ce serait mieux comme ceci, moi j'aurai fait comme cela, tu ne t'y prends pas de la bonne manière, tu as fait des fautes a cet endroit, etc.". Toujours cette façon de me rabaisser et de m'humilier devant les autres. Ce qui m'a, au fil des années, incité de plus en plus a me retrancher dans mon antre.

J'ai compris, au fil des années, que ni mon intelligence, ni ma culture, ni mes connaissances, étaient des choses dont mes proches, mes amis, etc., étaient fiers. Que ma sœur réussisse avec son club hippique, vive de sa passion, cela était honorable. Que je m'investisse dans le monde du livre et de l'imaginaire, que j'accumule savoirs et réflexions philosophiques, que cette non reconnaissance entraîne chez moi des crises existentielles, des souffrances émotionnelles ou psychologiques, étaient incompréhensibles et impardonnables. Que j'écrive, que je désire partager ce que je sais, ce que j'aime, que je désire porter fièrement ces connaissances, que je veuille en parler, et aussitôt, on me repousse dans l'ombre pour discuter entre soi de sujets plus "acceptables", plus simples, plus abordables ou chacun se sentait à l'aise.

C'est ce poids qui pèse sur mes épaules depuis que je suis enfant. C'est cette part d'ombre qui gangrène mon âme et mon cœur. Il m'étouffe et me rend malheureux, alors que j'aime tellement ma famille, mes proches quels qu'ils soient. Mais je suis condamné à me taire, enchaîné à des préceptes ou on ne me laisse pas la place de m'exprimer. Alors, c'est ici, par mes écrits, par mes courts textes, que je me lamente, que j'essaie de me libérer de cette frustration. C'est une douleur quotidienne, un fardeau dont je ne parviens pas à me débarrasser ; régulièrement, on me rappelle quelle est ma place ; que je dois me soumettre. Que cette richesse que je porte en moi est indigne d’intérêt. Et, hélas pour moi, au cours de mon existence, je n'ai rencontré que très peu de personnes qui ont cru en mes capacités, en mes possibilités, en cette richesse, cette intelligence, ce savoir que je porte en moi. Et j'ai appris que je n'aurais aucune reconnaissance, que cette fierté de l'homme que je suis, qui a surmonté tant d'épreuves - handicap, mort de mon petit frère, moqueries, rejets, humiliations, maladies, ambitions pour avoir un emploi "comme tout le monde" détruites, etc. - ne pouvaient déboucher que sur honte, malaises, angoisses, peurs, blessures, régulièrement. Que, comme un flot récurent, celles-ci revenaient à la charge pour me déstabiliser et me faire du mal.

Alors oui, pour répondre à la question du début de ce texte, ma part d'ombre envahit mon existence, ne me permet pas de m'épanouir pleinement afin de donner la pleine mesure de mes possibilités, de mes capacités littéraires et imaginatives. Et tant que j'en serai prisonnier, je ne sais pas si je pourrais montrer à tous et à toutes ce que "le Manoir des Ombres' et les quelques textes aboutis que j'ai déja partagé laissent entrevoir de moi...



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