Partie chercher du pain

Date 27-01-2015 06:54:59 | Catégorie : Nouvelles confirmées


…voilà le petit mot que j’avais laissé sur la table de la cuisine pour ne pas que Michel s’inquiète de ne pas me trouver à son réveil. Arrivée dans la boulangerie vide de clients, un jeune homme sortit de l’atelier, les mains encore blanches de f arine et du chocolat sur son tablier maculé d’autres taches. Dès que nos regards se furent croisés, je ne vis plus que son sourire enjôleur. Son « Que puis-je vous servir Mademoiselle ? » sonna dans mon esprit comme une déclaration d’amour. Je rougis, sans lui répondre. Nous restâmes de longues minutes à boire le regard de l’autre. Comme nous étions en tête-à-tête, nous engageâmes la conversation. J’appris qu’il s’appelait Gauthier et qu’il était intérimaire. Il prestait ses dernières heures en tant qu’assistant en boulangerie et partait le soir-même pour aller vendanger en Bourgogne. Et moi qui avais toujours rêvé d’une vie de bohême, sans attache, d’un quotidien toujours renouvelé, d’un décor mouvant au rythme des saisons. Je ne suis pas une sédentaire dans l’âme et j’aurais aimé naître berbère. J’étais déjà lassée de ma vie trop carrée avec Michel ; tous les jours les mêmes gestes posés, les mêmes problèmes et les mêmes discussions qui aboutissaient aux mêmes frustrations. Gauthier faisait figure de porte de sortie, de clé des champs, d’opportunité d’une autre vie, de passeport pour la liberté. Je ne pouvais laisser passer cette chance. Ma décision fut rapidement prise. Je rentrai prépa rer une valise minimale. Mon petit mot était toujours sur la table et Michel dormait encore. J’ajoutai juste : « et je ne reviendrai plus. » en laissant un croissant.
Me voilà dans les vignes bordelaises, penchée sur les ceps chargés de fruits, occupée à remplir mon panier de grappes généreuses et brillantes. En me relevant afin de m’essuyer le front, j’aime en profiter pour jeter un regard complice à Gauthier. Ce jour-là, je suis partie chercher du pain et j’ai trouvé une nouvelle vie. Ici, je contribue à la préparation du vin. Et, qui sait, le mois prochain, je serais peut-être chargée de la traite des vaches normandes pour la confection de fromage frais. « Du pain, du vin… du Boursin, je vais bien ! »

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