Vision

Date 19-05-2012 21:50:00 | Catégorie : Poèmes confirmés



Vision

Sous le cèdre, dans la loggia de verre
Une étole de soie ambre
Glisse mollement du banc de fer
Elle distille un parfum de septembre
Et exhale un troublant mystère
Sur les peintures de la Verrière.

Derrière la marquise
Ouvrage d'art coupe-brise
Qui filtre la tendre lumière
Les vitraux de gemmail
Protègent l'ambiance de serre.
Baignée d'un soleil jaune corail
Peint sur le verre, ors, et siennes mordorés
Tressent sous un nuage de glycine
Un fort et noueux pampre natté,
Qui élève son ombre satine
Et porte une vaporeuse chevelure.
Mousse ceinte de fines dorures.
Nuage de mille fleurs violet mauve
Création sucrée de tendre guimauve
Que des éclats solaires capturent
Élégante et gracieuse guipure
Que la douce beauté suave sauve.

Dans la grande véranda
La lumière rasante vient jouer,
Elle illumine, de face, la longue paroi
Qui porte sur le verre gravé
Du malicieux maitre Alfonse Mucha
La troublante "Dame au camélia".
Précieuses sur la patine satinée
Des losanges de parquet ciré,
Délicat séjour des brodeuses,
Une conversation, une boudeuse,
Sont ça et là, disposées,
Couvertes de toiles anciennes,
Là, une élégante méridienne.
Tissu broché et riches bayadères.
Qui resplendit telle une lumière.
Au centre un gracieux Récamier,
Tendu de rouge velours panné,
A l'abri d'un paravent trois feuilles,
Délice de fleurs de nacre et d'ivoire incrustés.
Sur une laque brillante noire, comme le deuil.

Au mur adossée une crédence
Porte fière les plats d'argent,
Un sublime bronze de Paons Immenses
Entourés, De biscuits de talent.
Un haut chandelier fige sur ses branches
De longs pleurs de bougie, larmes molles
Une coulée blanche, fragile avalanche
Explosée en nuée de gouttes sur le sol.
Des soleils de dahlias, de pervenches
Partout sur des guéridons et des consoles
Offrent dans de charmants vases
Des rondes de fleurs folles.
Des boules bleues d'hortensia
Mariées aux faïences bleutées de Delf.
Piquées de perles, de rubans, de poinsettias.
Le gracieux compotier de cristal
Décoré de grassouillets petits elfes
Expose l'exotique ananas royal.
Et sur la marqueterie de la table
Le bouchon gravé, le carafon extra
Cristal de Murano ou Baccarat
Et un flacon de précieux vin de sable.
Ici et là, vibrent, fantaisie de grâce
Une subtile foison de lampes colorées
Doux flamboiement parsemées dans l'espace
Tulipes d'esthète en pâte de verre doré.,
Témoin d'art nouveau, audace, fontaine Wallace,
Et lumineux champignons signés Emile Gallé.


Vers le fond de ce jardin d'hiver
Une fontaine chante, un roucoulis craché
Sur un profond évier de pierre
Qui se reflète dans la haute psyché.
Un chèvrefeuille s'enroule
Sur une gloriette de fer forgé
Un écritoire chef d'œuvre de Boulle
Et un bonheur du jour au tiroirs secrets,
Exhalent l'eau de rose et l'entêtante violette,
Le musc, l'Ilang, le jasmin, le muguet suranné,
Les effluves de pétales de fleurs sur des assiettes
Et l'odeur entêtante des lianes de rosier.
Sur la chaise longue en rocaille
Se balance la crinoline abandonnée,
Les longs gants, la capeline de paille,
Deux souliers de satin, un éventail moiré
La longue robe de shantung de soie
Brillant bleu camaïeu de lune levée
Couleur de la douce nuit sur le toit.


L'ombre s'étale dans le jardin,
La porte vitrée s'ouvre avec lenteur
Quatre griffes du divin félin
Poussent et entre dans la lueur,
En quête de son douillet coussin
Paisible symbole du bonheur.
Lent, il rampe danse, avance
Précieux habitant de douceur
En silence, yeux en observance
Le Persan est un empereur
Le doux souffle d'air entre avec lui
Fait voleter les pétales, la charmille
Et voici d'un coup son pelage fleuri
Les éclats de lune scintillent
Et maquillent de bijoux, doux Mistigri.
Fauve aimé au parfum de vanille,
Qui agile, d'un seul bond précis
Se soulève, éclair souple, ombre qui brille
Ses muscles habiles jamais ne vacillent
Et s'élèvent sans que le parquet ne crie.
Dans l'ombre légère de lapis-Lazuli
S'étire, baille, indolent, sensuel et tranquille,
Se couche, se toilette, enfin s'assoupit,
Ferme ses yeux d'or aux fascinantes pupilles,
Dans le parfum d'une calme et tiède nuit.

Loriane Lydia Maleville
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