The MD project (Chapitre 1)

Date 08-05-2015 14:00:00 | Catégorie : Nouvelles


J’essaye d’ouvrir grand les yeux, et pourtant je ne discerne absolument rien, pas une once de lumière. Suis-je morte ? Cette idée est terrifiante. Avancer, voilà l’unique option qui me vient, et n’ayant pas de plan B je me mets à parcourir aveuglement les alentours, constatant bien vite qu’aucun obstacle ne se dresse sur ma route. En un sens, c’est un certain avantage. J’ai toujours aimé avoir un contrôle sur chaque instant de ma vie, savoir exactement ce que je dois faire, l’instant où je compte le faire, et surtout toujours avoir une seconde option, dans le cas d’une éventuelle «situation de replis». C’est comme ça que Jade et moi l’avions appelée, cette situation où rien ne se passe comme prévu et où l'on se sent rapidement dépassée par les événements.

Je me souviens parfaitement du jour où nous nous sommes rencontrées, Jade et moi. C’était un matin d’automne, durant ma seconde année de collège, il faisait particulièrement froid et j’enfouissais mon visage dans mon snood, à la recherche du peu de chaleur qu’il renfermait. Assise sur un petit banc de pierre faisant dos au grand gymnase, les jambes croisées, je fixais la terre gelée des champs encadrant ce petit collège de campagne : un entassement de bâtiments carrés, aux murs noircis, aux vitres alignées. Je restais toujours seule pendant les pauses car c’était pour moi le seul moyen de vraiment me reposer. Jade était arrivée vers moi, sa chevelure brune emmêlée par les rafales de vent dont je devinais la présence, avec un sourire discret qui ne quitte presque jamais son visage. Elle m’avait demandé, le ton mi-amusé mi-sérieux, quel était le plus agréable : entendre le vent dans les branches, ou écouter le silence saisonnier ? J’avais souris, n’ayant jamais entendu une question aussi bête, et surtout malvenue ; Je n’avais pas répondu ce jour-là. A présent nous avons pris l’habitude d’écouter le silence de l’automne dont le froid accompagne l’entrain. Jade dit toujours que le silence est l’une des plus jolies mélodies qui soit, et aussi l’une des plus dures à apprécier. C’est selon elle la difficulté d’appréciation qui donne de la valeur aux choses. Elle a toujours un avis assuré, bien que parfois étrange, et j’admire cette confiance qu’elle arbore, qui se manifeste plus que jamais quand elle saisit son archet de crin, ferme les yeux, et se met à jouer du Scott Joplin au violon. J’avais parfois tant envié cette confiance toujours entrevue à travers ses yeux bleus. Qu’étaient dès lors devenus Jade, Lukas, et tous les autres ?

Avancer, donc, sans relâche. J’ai l’impression de marcher en vain, un peu comme si je me trouvais sur un tapis de course. C’est comme si j’avais partiellement perdu le contrôle de mon corps. Des milliers de questions fusent en moi mais je n’ai pas le cœur à chercher des réponses, du moins, pas présentement... Je ne discerne aucune notion d’espace dans cet endroit, pas une couleur, pas un reflet, pas un bruit ni même un souffle. Après un temps... Ah... Si !



Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=6328