Décryptage du clip : « My love » de Justin Timberlake (ou comment prendre des couleurs R&B lorsqu'on a le profil du gendre idéal...)

Date 08-05-2015 17:50:00 | Catégorie : Textes


« My love » fait partie de l'album « futuresex/lovesounds », deuxième album solo du chanteur Justin Timberlake sorti en 2006.


« Deuxième album solo » car précédemment, le chanteur faisait partie d'un boys band qui rencontrait d'ailleurs un certain succès outre-Atlantique. Encore quelques années avant, il avait débuté sa carrière médiatique et artistique dans le « Mickey Mouse club », programme pour enfants et adolescents américains où il avait rencontré Britney Spears, sa petite amie de l'époque.


A vrai dire, au début des années 2000, Justin Timberlake souffrait du même syndrome que Britney Spears : portée par un public enfant et adolescent, la star âgée d'une vingtaine d'année cherchait le moyen de renouveler sa popularité et d'évoluer vers un public plus adulte. Cette phase de transition, sorte de crise et de chrysalide de l'artiste, est fatale à bon nombre d'enfants stars. Passer d'une image de petite fille sage gentillette à celle d’adulte sulfureuse fut plus que préjudiciable à notre chère Britney.

En 2002, Justin Timberlake sort son premier album solo où il met en scène sa rupture avec Britney Spears dans la chanson « Cry me a river », prenant ainsi clairement ses distances avec son adolescence et marquant son indépendance artistique. L'album est complimenté par la critique et se vend très bien, mais ce n'est pas encore la consécration.

Afin de poursuivre sur cette bonne lancée, l'artiste multiplie les collaborations artistiques. En 2004, il présente un show avec Janet Jackson au super bowl. Malheureusement dans la chorégraphie, Justin Timberlake déchire le costume de Janet Jackson découvrant un sein (que l'on ne saurait voir). Du point de vue des européens, il n’y avait pas vraiment de quoi fouetter un chat : star vieillissante, Janet Jackson inspire d’avantage le respect aux anciens que la sensualité exacerbée, à l’heure où les médias débordent d’images pornographiques… Cela choqua cependant l'Amérique puritaine (pour qui le super bowl est une religion). Justin Timberlake présenta des excuses publiques et tira les leçons de cette erreur. La voie du succès n'emprunte visiblement pas ce chemin là... Il se mit quelques temps en retrait pour mieux revenir sur le devant de la scène.

En 2006, c'est l'explosion avec son album « futuresex/lovesounds » : la tonalité est déjà annoncée dans le titre de l'album, il est question de chansons sensuelles, de désir charnel. Fini le chanteur à minettes, on joue désormais dans la cour des grands !

L'album contient des merveilles de clips qui sont des pépites créatives telles que lovestoned où le chanteur devient carrément vibration musicale et se déplace à l'écran telle une onde :
https://www.youtube.com/watch?v=QUuKvHHt8Sk
(Le clip de lovestoned sera d’ailleurs copié dans le générique du magazine de France 5 : « Médias le magazine »).


Cependant, c'est le clip de la chanson « my love » qui est – à mes yeux – emblématique de l'atmosphère de l'album : lascif, mais classieux.
https://www.youtube.com/watch?v=xjpe7EGyiw8

Le décodage du clip permet de mettre en évidence les deux intentions du chanteur :
1 / plaire à un public adulte sans perdre son public adolescent
2 / élargir sa popularité vers un public R&B (séduire la communauté noire) sans perdre son public « pop » (pour ne pas dire Wasp !).


1 / Le clip s'adresse clairement à un public adulte, il met en scène Justin Timberlake qui danse tour à tour avec deux jeunes femmes très courtes vêtues, l'une d'elle est quasiment dénudée et le chanteur lui arrache les collants vers le milieu du clip.
Ces danseuses ont un physique de vraies femmes et non d'adolescentes, ce qui fait que le chanteur a presque l'air plus jeune qu'elles... L'univers du clip est minimaliste afin de ne se raccrocher à aucun univers, il ne s'agit pas d'imager une histoire ou de développer une narration mais bien de mettre en valeur le chanteur et ses danseurs.

Les vêtements du chanteur sont soignés (costume cravate) ainsi que ceux des rappeurs associés apparaissant dans le clip (le producteur Timbaland, au démarrage du clip et le rappeur T.I., dans la deuxième partie du clip). Par certains aspects, ce clip préfigure celui de Robin Thicke sorti quelques années plus tard (et mettant en scène le même T.I., éternel faire valoir...). https://www.youtube.com/watch?v=yyDUC1LUXSU

Jeunes hommes en costumes « beaux gosses » et jeunes femmes dénudées : sorte de divertissements entre gentlemen. La recette du succès est décidément toujours la même...


Néanmoins, le clip comporte également quelques éléments permettant de rassurer le jeune public en leur donnant à penser que l'artiste est toujours leur star à eux : le chanteur tombe la veste, débraille sa chemise, une cravate en guise de ceinture et porte des chaussures sportwears afin de danser de façon plus décontractée. La chorégraphie est très soignée mettant en scène des jeunes gens en vêtements sportifs. Ils sautillent à la façon d'un jeu dans une cour de récrée. A certains moments, le chanteur rejoint sa troupe et danse à la façon d'un boys band.



2 / La deuxième intention du clip est de plaire à un public multiculturel à la fois pop et R&B.
Tout d'abord, le chanteur s'entoure de faire valoir de poids : le producteur Timbaland (qui lança entre autres les Pussycat Doll). Le producteur donne, de par sa présence dans la longue introduction du clip, une ambiance « cool » et décontractée. Il lance pour ainsi dire la rythmique dont la tonalité est clairement R&B. La présence du rappeur T.I. à la fin du clip qui entame un couplet rap encerclé par une superbe jeune femme, participe du même effet.

C'est également l'esthétique Black and White du clip qui participe de cette atmosphère R&B. Cette ambiance monochrome mettant en scène un chanteur blanc et une jeune femme de couleur, ne peut que faire penser au clip « in the closet » de Michael Jackson, véritable jeu d'ombres et de lumières.
https://www.youtube.com/watch?v=zbl_ctRj8C8&list=RDzbl_ctRj8C8#t=9

Qui mieux que le roi de la pop aurait pu inspirer Justin Timberlake ? De nombreux chanteurs actuels se revendiquent de cette filiation artistique, véritable réservoir à idées que l'on recycle à l'infini...
La voix de Justin Timberlake est d'ailleurs très comparable à celle de Michael Jackson : voix claire et haut perchée, sensuelle mais non agressive. S'il s'est converti au R&B, le chanteur n'a donc pas rompu avec la pop musique qui demeure son fonds de commerce. Justin Timberlake, né au début des années 80 a toujours baigné dans la musique de Michael Jackson, et a d'ailleurs à plusieurs reprises, exprimé le regret de n'avoir pu faire avec lui une chanson. Il lui a rendu hommage par le duo virtuel « Love never felt so good ».
https://www.youtube.com/watch?v=oG08ukJPtR8


Michael Jackson : chanteur dès l'enfance, ayant réussi sa transition artistique adulte, séduisant un public autant féminin que masculin et aussi bien noir que blanc …


Hormis la fin tragique et la vie privée catastrophique, comment ne pas vouloir un semblable destin ?




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