Les jeunes polyglottes

Date 10-06-2012 14:10:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


C'est en rêvassant dans mon fauteuil que je me suis fait l'étonnante réflexion que, dans ma jeunesse, les enfants de mon époque, en Normandie, avaient eu une étrange obligation. Celle d'avoir été, arrivés à sept ans, forcés d'apprendre trois langues différentes ! sans que personne ne réalise l'énorme effort cérébrale que cela leur avait coûté.
Prenons le cas du petit Normand moyen, élevé à la campagne:
D'abord, il devait bien évidemment commencer à apprendre à parler. C'était le rôle de sa mère qui lui enseignait, mot après l'autre, le langage. Ce .sera le 'langage-manman', qui fera l'objet de ma réflexion.
Quand le bambin avait bien assimilé ce langage, il se trouvait devant un nouveau problème: comprendre ses parents, lorsqu'ils parlaient entre eux. En patois Normand ou en argot régional. Là encore, l'enfant devait apprendre ce nouveau langage, bien que sa mère, elle, continuait à s'adresser à lui dans le langage maternel.
Ce n'était qu'à l'âge de fréquenter l'école communale qu'il affrontait le véritable parler Français.
A partir de cette pèriode, sa mère, instinctivement, jugeant que son initiation était terminée, se mettait à lui parler à peu près normalement. A peu près, car ses élans de tendresse lui faisait reprendre parfois les expressions dont elle s'était tant servi.

Je vais faire un effort de mémoire pour me souvenir de ce langage maternel.

Tout d'abord, il y a eu les 'guili-guili ' et ' gouzou-gouzou ' rituels que tout le monde a connu. ça fait rêver, hein?
C'est alors que le langage de maman est intervenu.
Quand bébé avait 'mémeil', elle le mettait dans son dodo pour qu'il ferme ses 'yeuyeux'. Dès son réveil, il venait 'à bras manman', parce que si elle le mettait debout, il aurait pu se faire 'bobo' en faisant 'bas-bas'.
Pour manger sa soupe, bien calé à sa place, près du buffet, il faisait ' sissi à côté du bubu pour faire mam-mam à poupoupe ou faire glou-glou à lolo '. s'il avait bien tout mangé, il avait droit à une bonne 'nanane'.
Ensuite, manman le faisait beau, lui mettait ses 'yéyés' et son 'papeau' pour aller voir les 'bébêtes' à la campagne: les 'meuh-meuh' les 'dadas, les 'hihans',les 'biquettes'. En principe, le 'petit bézot à sa mè' ', il revenait content-content.
Bien entendu, quand il était 'colère-colère', manman lui faisait 'panpan cucul'. Pu d'nanane, pu d'bec su'l'museau !

C'était pas un langage à lui tout seul, ça, le 'parler manman ? '

Mais il y avait encore un barrage supplémentaire, dès l'enseignement des rudiments de la langue française !
Qui se souvient encore que notre premier alphabet nous a été enseigné ainsi :
a - be - ce - de - eu - feu - geu- ect... pour nous faciliter, paraît-il la compréhension de la construction des syllabes.

Alors, quand je vous disais qu'à sept ans, un gamin en était à l'étude de sa troisième langue, je n'exagérais pas beaucoup.







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