Concours de cuisine

Date 13-07-2015 11:32:19 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Réponse tardive au défi de Kjtiti :

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C’est le grand jour et je suis prêt à en découdre avec les autres cuisiniers. Je me suis inscrit à ce concours régional le mois dernier et, depuis, je m’exerce d’arrache-pied à améliorer ma recette. Après avoir décliné mon identité à un petit moustachu blond, on m’attribue un stand comprenant une cuisinière avec four et taques au gaz ainsi que quelques ustensiles indispensables. Nous devions juste ramener notre matière première, les ingrédients. Je déballe donc ma jolie poularde à la peau rosée que j’avais prénommée Caroline, élevée avec amour dans le poulailler familial, mes pleurotes fraîchement cueillies dans le bois de ma commune, mes bouteilles de bière locale et les pommes de terre primeur de mon potager.

Au top départ, j’empoigne mon couteau et les mouvements s’enchaînent sans hésitation. Peu à peu, de mon stand s’échappent de délicieuses effluves chargées d’épices, de terroir et de la promesse d’un festin, donnant l’eau à la bouche et surpassant les odeurs fades des autres préparations. Mon enthousiasme est à son paroxysme. Je découpe, arrose, flambe, mélange, goûte, mixe avec l’impression que les dieux de la cuisine me regardent et m’encouragent de leurs grosses pognes. La victoire m’est assurée. Je jette des coups d’œil furtifs vers mes concurrents qui suent sang et eau au-dessus de leurs fourneaux dont s’échappent des odeurs de brulé, de mauvais gras et de médiocrité. Quelques minutes avant le gong final, je dresse mon assiette et pose la cloche en argent, signe du travail terminé.

Un à un, nous défilons face au jury composé de trois personnes ; une femme d’une quarantaine d’années et deux hommes bedonnants. Lorsque j’arrive devant eux, je retire fièrement ma cloche. Ma poitrine se gonfle et un sourire conquérant naît sur mes lèvres. Je dépose l’assiette sur la table et observe leurs réactions. Je peux lire de l’étonnement, de la perplexité et un certain amusement dans leurs yeux. La dame me demande :

– Comment se nomme votre plat, Monsieur ?
– Poularde Caroline aux pleurotes gambadantes dans une rivière de Chimay Bleue et son écrasée de Charlotte potagères aux œufs frais du poulailler.
– Waouw ! Cette dénomination demande une carte de restaurant à elle seule. Mais je reste perplexe face à votre assiette. Elle est quasi vide…
– Non ! Ma poularde en sauce est représentée par les gouttes brunes et la purée par les gouttes jaunes. Voici une pipette qui vous permettra de récupérer le tout pour la dégustation. Bon appétit !

Chaque juré aspire le contenu des points que j’ai savamment posés sur mon assiette, lui donnant l’aspect d’un tableau de Van Gogh. Ils goutent longuement avant de me libérer d’un mouvement de tête.

Voici arrivé le moment de l’annonce des gagnants. Je me prépare à recevoir le premier prix… ah non… le deuxième alors… non plus… et le troisième me passe sous le nez. Le jury m’octroie tout de même celui de l’originalité en me traitant de « magicien » qui fait disparaître une poularde d’un kilo en la liquéfiant. Je tente de faire bonne figure mais je fulmine intérieurement. Ces incultes ne comprennent rien à la nouvelle gastronomie ces péquenaud, ces ploucs, ces culs-terreux qui ne sont jamais sortis de leur cuisine de grand-mère. Tous les grands artistes étaient des incompris au début de leur carrière. Je vais monter à Bruxelles pour faire goûter mes œuvres aux meilleurs. Que Paul Bocuse et Pierre Gagnaire tremblent, Gustave Dikkenek* arrive !


*belgicisme signifiant "gros cou"




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