Détective Trask – Épisode 7 – Le messager

Date 18-06-2012 21:20:00 | Catégorie : Nouvelles



Détective Trask – Épisode 7 – Le messager

Trask roulait à toute allure sur l’autoroute 15 direction nord. Même si cette voie était réputée d’être infestée de policiers à radar, il se devait d’être au repère de Mme Castonguay le plus vite possible. Deux fois, il avait essayé de contacter sa cliente. La première fois, il n’y avait eu aucune réponse, ce qui était déjà inhabituel de la part de la vieille dame. Mais la deuxième fois, on avait décroché sans que personne ne parle. Ça ne signifiait qu’une chose, elle était en danger. Il ne se préoccupait pas que cela soit un piège, il devait savoir ce qui se passait. L’Audi n’avait jamais atteint une telle vitesse. On pouvait entendre son moteur se plaindre de l’effort. Heureusement pour Trask, ce n’était pas encore l’heure de pointe. Il dut tout de même faire un slalom entre les voitures pour ne pas perdre sa lancée. Malgré sa vitesse, il trouva le trajet horriblement long. Il lui hâtait de voir la sortie vers la route de campagne.

Finalement, il put voir la pancarte routière qui annonçait l’arrivée de la sortie. Il dut inévitablement ralentir, car c’était un virage très serré. En ralentissant, il remarqua que ses poings étaient serrés fermement sur le volant, comme s’il leur avait mis de la supercolle. Il vit aussi que ses mâchoires subissaient le même traitement. Il devait se calmer. L’énervement fait naître la panique. La panique n’était jamais une bonne conseillère. Elle fait prendre des décisions que l’on regrette assurément. Peu importe dans quelle situation Mme Castonguay se trouvait, elle n’avait pas besoin d’un détective qui n’avait plus ses moyens. Trask entreprit donc de faire un peu de respirations contrôlées tout en gardant l’œil ouvert sur la route. Cela semblait fonctionner. Il arriva sur le fameux chemin cahoteux. Il décida de se garer à côté de la ferme en ruine, pour ne pas éveiller de soupçon d’un intrus qui pourrait s’y trouver.

Quand il entra dans le fameux boisé où se trouvait la cabane, Trask eut instantanément une impression d’être surveillé. Il fit un tour sur lui-même, mais ne vit personne. Il continua donc en direction du refuge. Son impression de départ se transforma en certitude, on le suivait. Il n’y avait pourtant aucun bruit, il ne voyait personne. Mais son sixième sens résonnait à tue-tête. Il pressentait la mort et le danger partout autour de lui. Ce qui était une forêt paisible et accueillante auparavant semblait maintenant lui vouloir du mal. Il vit une grande branche par terre. Il la ramassa pour avoir un certain sentiment qu’il était capable de se défendre. Mais avec ce qu'il avait vu ses derniers jours, il savait que cela ne serait probablement pas d’un grand secours.

Il approcha prudemment du site. Il eut alors un choc. Il voyait Mme Castonguay les bras pris dans la vitre cassée de la fenêtre. Dessous les bras, on pouvait voir le sang duquel elle s’était vidée. Trask sentit qu’il perdait toute sensation aux jambes. Il dut se mettre à genou, la force sembla vouloir s’enfuir elle aussi. Tout tournait autour de lui. Il aurait voulu pleurer, mais la scène semblait trop irréelle. Il se donna une gifle au visage et se dit : « Ressaisis-toi! Nous devons voir ce qui lui est arrivé. » Sans se préoccuper du fantôme qui le suivait, Trask toucha le dos de Mme Castonguay.

…
Mme Castonguay se lavait le visage dans l’eau du ruisseau. On la voyait se retourner au bruit d’un moteur de voiture. Elle s’exclama : « Déjà? Si tôt? » Elle se dirigeait donc vers la cabane. Elle reconnut aussitôt l’homme. Il correspondait à la description que Trask le lui avait fait. L’homme blond était devant elle, un sourire sournois au visage. Malgré sa nervosité, elle lui parla :

— Vous êtes venu me tuer n’est-ce pas?
— Accessoirement, oui.
— Que voulez-vous dire par « accessoirement »?
— Je suis surtout ici pour laisser un message à Trask.

La femme n’avait pas eu le temps de répondre quoique ce soit que l’homme prit une pierre et la lança vers la fenêtre. Elle se brisa, ne laissant que quelques morceaux coupants. La femme se mit à courir. Il prit son pendentif et commença son rituel macabre. La dame stoppa net. D’un pas de robot, elle se dirigeait sur ce qui restait de la fenêtre. Son visage grimaçait. On pouvait deviner que c'était dû à la terreur. Quand elle fut devant la fenêtre, elle stoppa de nouveau. Elle élança les bras vers la vitre brisée. On pouvait dès lors l’entendre hurler de douleur. Elle semblait vouloir retirer ses bras, mais une force invisible l’en empêchait. Elle devait résister très fortement, car de la sueur commençait à parler sur le front de l’homme blond qui se concentrait. Beaucoup de sang coulait. Probablement à cause de la grosseur des entailles et du stress qui faisait circuler le sang très vite. Après cinq minutes, elle tomba de faiblesses, elle était maintenant très blanche. Elle avait arrêté de crier. Après dix minutes, son corps en entier s’affaissa. Le téléphone sonna. L’homme blond semblait satisfait et remit son pendentif dans son chemisier. Il voulut prendre le téléphone, mais n'eu pas le temps de répondre. Mme Castonguay était maintenant vidée de tout son sang. Le téléphone sonna de nouveau. Le meurtrier décrocha le téléphone…

…
Trask perdit contact. Dès que Trask avait appelé, elle était morte. De la peur et de la peine, il passa à la colère. Il savait qu’il était encore là. Il le surveillait, guettait ses réactions. Trask s’imaginait que cela devait l’amuser. Trask ne perdit pas de temps :

— Lâche, sors de là qu’on se parle! C’est ce que tu veux, je me trompe?

Un brouillard transparent sembla se former devant lui. À mesure que les secondes avançaient, l’on pouvait voir la silhouette de l’homme blond apparaître. Il était maintenant solide quand il ouvrit la bouche :

— J’ai un cadeau pour toi.

L’homme sortit son pendentif et ferma les yeux. Trask qui craignait ce qui allait se passer essaya de lui frapper dessus avec son bâton. Ce fut peine perdue.

…
Une mère supérieure semblait attendre quelqu’un à son bureau. On pouvait lire sur une plaquette : « Sœur Rose-Marie D’Alphonse, directrice Orphelinat Sainte-Perpétue ». Finalement, quelqu’un cognait à la porte. Il s’agissait d’un homme très bien vêtu avec un « E » bleu gothique en tant qu’épinglette sur son veston. L’homme avait des cheveux et une barbe brune bien taillée. Il avait un bébé dans ses bras. Le bébé était petit. Probablement naissant. La nonne se leva et s’agenouilla devant l’homme comme si c’était Dieu lui-même. L’homme lui présenta sa main du mieux qu’il pouvait et la sœur lui donna un baiser sur celle-ci. Elle lui prit le bébé dans les mains. L’homme lui parla, il avait un accent français :

— Veuillez faire tel que l’on vous a commandé.
— Tout sera fait selon les commandements, maitre.
— Vous lui donnerez le nom d’Allan Trask.
— Très bien mon maitre.
…

Trask se réveilla au bruit d’une voiture qui décollait. Il savait que l’homme blond était parti, car il ne sentait plus sa présence. Ce qu’il ne comprenait pas, c’est qu’il n’avait vu aucune voiture sur le chemin. Était-il capable de cacher les objets avec son esprit? Plus rien ne lui semblait impossible maintenant. Trask avait maintenant de la difficulté à se situer émotionnellement. Il sentait qu’un amalgame d’émotions se battait pour la place dans son esprit. Tantôt de la peine pour Mme Castonguay, ensuite de la colère pour l’homme blond et ensuite de la surprise avec ce que l'homme venait de lui montrer. Il ne savait que penser de cette vision. Qui était le mystérieux homme qui avait été porter le bébé à la soeur? Qu’était-ce ce symbole sur son veston? Pourquoi la sœur l’avait-elle appelé « Maitre »? Mais c’était surtout que cette sœur, la mère supérieure, il la connaissait très bien! Il ne s’agissait pas d’une sœur qui était morte peu de temps après son arrivée, comme l’avaient dit les sœurs quand il avait posé des questions sur ses origines. Elle était encore bien vivante, et avait même pris des nouvelles d’elle il y a peu de temps. Car c’était une des rares personnes qui lui parlaient à l’orphelinat. Quand Trask se sentait triste, elle venait toujours lui remonter le moral. Même si elle restait distante, elle avait toujours affiché une sympathie envers lui. Le faisait-elle parce qu’elle l’avait promis à ce « maitre »? Ou bien était-ce que le meurtrier blond voulait bien lui faire croire? Il avait déjà essayé de sonder l’esprit de la Sœur Rose-Marie. Rien n’en avait résulté. Était-ce parce qu’elle était comme lui?

Toutes ces interrogations lui avaient presque fait oublier Mme Castonguay. L’homme blond l’avait utilisé pour donner un message à Trask. Ça ne devait pas être seulement pour la vision qu’il lui avait donnée. Sans quoi, il aurait été bien plus simple d’aller le voir directement. Trask croyait que le but du meurtre était certes pour l’attirer vers elle, mais aussi pour lancer un avertissement. « Continue et tu seras le prochain. » pensa Trask. Il aurait pu le tuer. Il ne l’avait pas fait. Pourquoi? Parce que quelqu’un l’en empêchait? Le Français de la vision? S’il pensait l’intimider, il se trompait. Même Mme Castonguay morte, il allait continuer l’enquête. Il devait savoir ce qui se passait. De plus, il lui semblait que cette histoire le concernait de plus en plus.

Trask dut se décider à appeler la police. Il ne croyait pas tellement que les policiers pouvaient faire quoi que ce soit, mais Mme Castonguay méritait le repos aux côtés de son mari. Il appela le 9-1-1. Il expliqua qu’il y avait un cadavre et donna sa position. Quinze minutes plus tard, des agents de la SQ arrivèrent. Un détective se présenta à Trask. Il se nommait Détective Charles Gendron. Trask reconnut tout de suite ce nom. C’était le même détective sur l’enquête de M. Castonguay. Après une bonne poignée de main, Trask vit que le policier avait déjà fait son idée. Il savait qu’il perdrait son temps avec lui.

— Vous travailliez en tant que détective privé pour Mme Castonguay.
— C’est exact.
— Triste affaire que voilà. Ça me désole toujours de voir des familles décimées par le malheur.
— Je n’en doute pas.
— Si vous commenciez à me conter ce qui s’est passé.

Trask fut surpris qu’il demande son témoignage, étant donné l’ancienne enquête.

— Et bien, j’appelais ma cliente pour donner un compte-rendu, on décrocha, mais personne ne parlait. J’ai donc décidé de venir ici le plus vite possible. C’est là que je l’ai trouvé ainsi.
— Nous permettez-vous de regarder le compte de vos appels?
— Oui bien sûr.
— Très bien. Y avait-il une raison qu’elle se trouve dans un tel lieu?
— Elle était venue ici pour se cacher. Elle se sentait en danger.
— Danger de quoi?
— C’est là-dessus que j’enquêtais.
— Qui connaissait l’existence de ce lieu?

La question lui fit réaliser quelque chose. Comment le meurtrier avait-il su qu’elle se trouvait là? La réponse lui vint en horreur. Il l’avait probablement suivi lorsqu’il avait rencontré Mme Castonguay. C’était de sa faute. Le policier qui remarqua le désarroi dans le visage de Trask lui demanda :

— Vous allez bien?
— Oui oui, je ne vois pas souvent de cadavre, pardonnez-moi.
— Donc qui connaissait l’existence de ce lieu?
— À ce que je sache, seulement elle et moi.
— Quand est la dernière fois que vous l’avez vu?
— Tôt, ce matin. Il devait être 7 h 30.
— On peut dire que vous étiez la dernière personne à l’avoir vu.
— Je ne pourrais dire. C’est fort possible.
— Quel était son état quand vous l’avez vu?
— Il était très bon. Ce lieu était son repère de jeunesse. Elle se sentait revivre ici.
— Vous me sembliez très proche de votre cliente.
— On avait créé un lien, c’est vrai.
— Quelle somme Mme Castonguay vous avait promise dans cette affaire?

Trask se ressaisit. Sans que l’agent lui parle, il savait très bien où il voulait en venir. Il cherchait un mobile. Il était en train de monter un dossier contre lui. Une autre menace des Hermétistes? Le policier se répéta :

— Et alors?
— Je ne vois pas bien ce que ça a voir. Mais elle m’avait donné 25 000 $ dollars comme acompte, 100 $ de l’heure par la suite, et m’a promis un autre 25 000 $ si l’enquête était un succès.
— Je ne demande qu’en tant que formalité. Votre affaire se déroulait bien?
— J’avais une piste.
— J’imagine que maintenant qu’elle est morte, vous allez arrêter vos investigations.

« Est-ce une question ou une demande? »Se demandait Trask.

— Peut-être, je dois y réfléchir. Peut-être que ses enfants voudront continuer l’enquête. Je vais leur laisser le temps de digérer ce qui se passe.
— Sage de votre part. Bon, je crois que c’est tout pour moi. J’aimerais avoir vos coordonnées si j’ai d’autres questions. Ne sortez pas de la région pour l’instant.
— Très bien, donc je peux partir?
— Allez-y.

L’inspecteur Gendron demanda à ses collègues de laisser passer Trask. Trask se dirigea d’un goût amer vers sa voiture. Il savait qui il devait aller voir. L’homme qui avait laissé une lettre chez lui.




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