A vot' bon cœur m'sieurs dames !

Date 17-08-2015 10:20:00 | Catégorie : Poèmes


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Gaspare Traversi - Le vieux mendiant (1752)


A vot’ bon cœur m’sieurs dames !

A chaque aube nouvelle je gratifie le ciel d’avoir jadis mandé en son sein mes aïeux,
Occulté à ma mère un fils anéanti qui n’ait à s’accuser des larmes de ses yeux.
Elle aura rendu l’âme alors que de ma gloire chacun de mes amis jalouse la grandeur.
Oui messieurs ! C’est bien moi qui vous parle, ce bélître visqueux aviné, dans toute sa puanteur,
Ce déchet, ce rebut, que dis-je ! Cette immondice maculée d’excréments de bestioles qui grattent,
Qui n’assouvit sa soif d’amours imaginaires, de royales chimères, qu’en d’infâmes picrates.

- Respect, fier militaire ! Pour ta noble démarche, ton allure martiale de quatorze juillet !
J’ai perçu ton regard riche de compassion à la douceur forgée sous des tirs de mortiers.
Tu sais le prix du sang et l’effet du tonnerre en factices querelles à duper la camarde.
Je tombe sans panache sur le champ de bataille… N’as-tu pas du tabac pour l’ultime bouffarde ?

- Tu sembles bien soucieux dans ton bleu de travail ! Juste un coup d’œil sur moi et vois ton devenir !
Tes mains valent de l’or mais aux temps de l’ersatz et de la paperasse, s’effondre ton empire
De fougue créatrice, de muscles de métal d’éternel Héraclès et de la belle ouvrage.
Ta fin est programmée par trop de scribouillards qui vomissent ton art. Ami, bien du courage !

- Oh ma sœur ou ma mère… enfin ma belle nonne ! Porteuse de pitié, en vos yeux je vois Dieu !
Dans leur bleu triomphant des dorures vaticanes, je me plais à rêver de plaisirs incestueux.
Dément celui par qui vous prîtes la vêture qui allait vous damner en perpétuel crédo,
En de vaines prières qui ne savent pourvoir aux amères suppliques d’un vieux desperado.

- Tiens ! Manquait plus que toi ! T’es joli comme un cœur, propre comme un sou neuf au sortir de ta banque.
Sais-tu quel est ton maître, quels sont les méfaits du bras qui te nourrit et t’offre cette planque ?
Par des bouts de papier dont il gère la source, aliène des nations et asservit les hommes,
Il s’érige en idole et domine le monde. T’aurais pas une piécette ? Une petite somme ?

- A vot’ bon cœur les tempes grises ! Qu’il est doux de vous voir savourer en vous tenant la main,
Le velouté de votre automne d’une existence méritoire qui vous a maintenus gamins,
Malgré vos incessantes joutes à implorer la liberté, sous des brouillards lacrymogènes,
Témoins d’un siècle d’asthénie, d’une jeunesse avilie jusqu’à crouler dans la géhenne.

- Ah ! Gratouillard de papelard ! Déjà cinq heures ? On quitte le bureau tout comme chaque soir ?
Tu sais, j’t’aime bien au fond. J’envie ta bonhommie et ta sérénité dans ta tâche de couard
Qui d’un coup de crayon, d’une case cochée, sabote, assassine, sans la moindre vergogne,
Qui n’a pas répondu dans le délai prescrit, suppliciant d’un seul coup l’aveugle et le borgne.

- Un couple d’amoureux ! Le soleil dans la nuit ! Merci chienne de vie de vous avoir croisés !
Vous êtes force et renouveau, vous êtes espoir de meilleure destinée, il faut tout faire péter
De ce monde barbare qui égare la mémoire d’éternels génocides aux accents du clairon.
Oh, j’ai bien essayé, la Bête était féroce ! Me voici crucifié, j’espère en bon larron.

- Allez, v’là la bleusaille, les condés, les boueux de l’asphalte et des cours des miracles,
Suivis des blouses blanches, assistantes sociales, apôtres de la norme, maquilleurs de débâcle.
Je ne veux de votre aide, de vos rêches éponges ni de votre pitié, de vos froides chapelles ;
Ma fierté je l’avais, si vous n’aviez rien fait ! Simplement, laissez-moi, aujourd’hui j’en appelle…

A vot’ bon cœur m’sieurs dames !





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