Vingt-cinq lettres bientôt orphelines de leur première ?

Date 11-08-2015 22:16:37 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Il s'agit d'un exercice de style, consistant à ne pas utiliser la lettre "A".

Vingt-cinq lettres bientôt orphelines de leur première ?


Je suis outré, profondément, de tout mon être. Pourquoi ? Je me remets de mes émotions et vous réponds, sincèrement, honnêtement, du mieux possible.

Le monde tel que vous le vivez, celui des lettrés et des forts en thème, se termine dès minuit ce soir. Une décision vient de tomber, venue du sommet et déclinée en de multiples versions sur toutes les couches de notre société, du moins celle des pondeurs de textes et des fondus de l’écrit. Une tête de diode, du genre sous-ministre, préfet ou officier supérieur , ordonne que l’ensemble des professionnels formés et rémunérés pour écrire ou rédiger, cette élite censée depuis des siècles informer les hommes et les femmes, n’utilise plus le pilier de notre écriture, un symbole positionné en tête de liste des belles lettres européennes, et ce depuis des lustres.

Cette décision me choque tellement que je ne peux même plus citer cette lettre, devenue interdite pour des motifs purement économiques, sous le prétexte incongru que vingt-six signes coutent plus cher que vingt-cinq. Un comble ! L’économie prend le dessus sur l’esthétique, le profit prime sur le divin, les nombres décident de notre futur culturel.

Mon éditeur, un expert des petites histoires courtes, ne donne nul signe d’inquiétude, ce qui me consterne encore plus. Je le soupçonne de minimiser les conséquences d’une telle réforme, de croire qu’une simple bouture logicielle peut suffir pour virer du monde utopique des vingt-six lettres d’origine vers l’univers tronqué des vingt-cinq nouvellement orphelines. Cruelle méprise ! Combien de lettres encore vont subir les coupes injustes des premiers de l’école du chiffre ? Je prédis le pire, l’ubuesque, le guignol des juristes. Bientôt, sous prétexte d’une Grèce endettée et presque éjectée de l’Euro, un député populiste risque de jeter l’opprobre sur le « Y » et de voter pour son exclusion. Que dire de cette lettre « Q » considérée sulfureuse chez les grenouilles de bénitier et les mordus de scoutisme ? Je n’ose délirer plus, prédire un monde dénué du si discret « X » bêtement excommunié pour s’être montré trop proche du « Y » depuis le premier chromosome.

Et puis, une fois ces économies illusoires imposées, comment vont le prendre nos voisins ? Je conçois difficilement le président russe supporter son prénom défiguré pour une lettre interdite, encore moins son homologue gringo voir son nom devenir incompréhensible lors des conférences de presse. Notre mémé de Berlin, reine du coup de rigueur chez les moins riches qu’elle, peut se vexer et décréter toxique le vin de Moselle, symbole de nos vigoureux exports Outre-Rhin. Nous nous isolerons stupidement, tels de fiers Obélix retirés du réel et contents de boire des cervoises pour fêter une mesure économique digne du Prix Nobel.

Je suis prêt. Je résiste. Je ne peux me résigner, ouvrir nos frontières si longtemps préservées, creuser un sillon culturel pour les QWERTY et leurs frères SMS, sous le motif illusoire et mensonger de dépenser moins. Vous, fidèles lecteurs, prévenez mon éditeur, dites-lui combien cette mesure est inique, montrez-lui son rôle envers le monde des lettrés. Toi, éditeur, écoute les preux et les inconditionnels du verbe riche, fuis cette logique numérique où toute lettre est un signe codifié en zéros et en uns, où un texte se résume en une somme de symboles qu’interprètent des millions de cervelles disponibles. Ensemble, défilons contre une réforme infondée, revenons vers l’univers de nos vingt-six lettres, fruit de fusions entre les peuples de Rome, de Lutèce et des Celtes ou des Goths.




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