Comment j’ai transformé ma demeure en maison hantée — Partie 1

Date 04-03-2016 18:20:00 | Catégorie : Nouvelles


Comment j’ai transformé ma demeure en maison hantée —Partie 1

Voici un récit auto-fictif, c'est-à-dire qu'il y a des éléments autobiographiques et d'autres plus fictifs. Bonne lecture!

Je pianotais sur mon Commodore 64. Je voyageais sur les différents BBS, puisque l’internet n’existait pas encore. Mon ordinateur se trouvait au sous-sol. L’endroit était revêtu de ciment, les fenêtres, petites, donnaient peu de luminosité extérieure d’autant plus que c’était le début de la nuit. Je ne me rendais pas compte de ce fait, car lorsque je m’amusais devant mon écran, mon esprit siégeait dans un état second. Le monde réel n’avait plus d’importance. Ma mère m’y ramena abruptement, elle me rappelait du haut de l’escalier que c’était l’heure d’aller dormir. Je rouspétais. Autant je n’aimais pas me lever le matin, autant je haïssais me coucher. Pour moi, la vie se passait quand le soleil avait disparu.

Mais voilà, j’étais un adolescent, et je me devais d’obtenir suffisamment d’heures de sommeil pour subir l’école le lendemain. À reculons, je montai donc vers ma chambre qui était située au deuxième étage de la maison. Lorsque j’atteignis le dernier palier, ma mère s’était recouchée. Toutes les chambres se trouvaient au même niveau. Celle de ma mère (mes parents étaient divorcés) était la première après l’escalier. À la gauche, il y avait une salle de bains plutôt petite. À la droite, un étroit passage amenait vers les deux pièces secondaires, soit celle de mon frère cadet et à l’arrière la mienne. Ce dernier dormait. J’arrivais à mon refuge, de géométrie rectangulaire. Au fond à gauche il y avait un lit à une place avec les couvertures déjà défaites. Au pied du matelas, mon chat était, comme à son habitude, étendu de tout son long. Il s’appelait Idéfix. Sa masse corporelle repoussait les limites du possible et il était tigré comme un chat sauvage. Il battait des records mondiaux d’oisiveté, il passait la plus grande partie de sa vie à somnoler. C’était l’animal le plus calme que j’avais jamais vu.

Le reste de la chambre représentait bien un garçon de mon âge, des posters de pin-up et de Star Wars, une télé en face de mon lit. Seuls un bureau et une petite bibliothèque trahissaient mon côté plus intellectuel. Les stores de la fenêtre, qui se trouvait sur le mur du fond, étaient ouverts. Je décidai donc de les fermer avant d’aller me coucher. Il n’était pas question de me faire réveiller trop tôt par le soleil.

Je me mis enfin sous les draps. C’est alors que j’entendis mon chat grogné. « Qu’est-ce qu’il y a, minou ? », que je lui demande. J’observai qu’il regarda intensément le plafond. Il n’y avait rien. J’essayai de le flatter, il se remit à cracher de nouveau et ses poils se hérissèrent. Il n’avait jamais réagi de cette façon. C’est là qu’il devint extrêmement nerveux. Sa tête tourna comme si quelqu’un l’agaçait avec une ficelle. Son changement de tempérament aurait dû m’inciter à sortir.

Mais j’étais trop intrigué par ce qui se passait. J’ai commencé à sentir une vibration comme si un autobus roulait près de ma chambre, mais on était situé au deuxième étage ! Tout s’est déroulé ensuite très vite. La vibration s’est transformée en mouvement. Progressivement, ce mouvement évolua vers le tremblement. Le matelas s’est mis à bouger frénétiquement comme si deux personnes le prenaient de chaque côté et s’amusaient à me faire balancer dessus. Mon chat en a eu assez et est parti en courant. J’aurais dû l’imiter, mais j’étais figé. J’avais l’impression que si je quittais mon lit, un malheur allait tomber sur moi. Au plus fort de la vague, j’ai réussi à crier. Je gueulais tellement que ma mère et mon frère se sont précipités dans ma chambre. Au moment où ils sont apparus, tout s’était arrêté. Je pleurais comme un poupon. Maman tentait de comprendre à travers les larmes, mais c’était difficile. J’ai fini par lui expliquer ce qui s’était passé. Personne ne fut surpris. Parce que ce n’était qu’un cas parmi tant d’autres.

Comment était-on arrivé là ? Ces événements n’étaient pas survenus sans raison. La faute n’incombait pas à la maison. Celle-ci était paisible lorsqu’on avait emménagé. J’avais 9 ans le jour où on déménagea pour ce qu’on espérait être la dernière fois. Car la malchance nous pourchassait. Au départ, on habitait dans un logement sur la rue Albert à Saint-Eustache. J’aimais beaucoup ce quartier parce qu’il y avait beaucoup d’enfants et qu’il y avait un immense parc juste à côté. Mais est venu le jour où mon frère est né. L’espace devenait trop petit pour la famille qui s’agrandissait. Mes parents ne roulaient pas sur l’or, alors ils recherchèrent une alternative peu coûteuse. Ils avaient trouvé un grand appartement dans un village au nord de Saint-Eustache.

Sainte-Scholastique était une bourgade de cent habitants. On s’y emmerdait ferme. La population
était surtout constituée de personnes âgées. Il n’y avait rien : pas de magasins, pas de centre communautaire, seulement un dépanneur. Ma mère s’ennuyait à mourir. D’autant plus qu’elle ne pouvait pas prendre l’auto, la seule qu’on avait était utilisée par mon père pour se rendre à son travail.

Pour empêcher que maman tombe dépressive, on redéménagea à Saint-Eustache. Mes parents louèrent un bas de duplex. Mais qui dit bas de duplex dit subir le bruit de ceux d’en haut. Or, c’était des rockers avec tout ce que ça impliquait. Tapage autant nocturne que diurne. Usage de drogues et abus d’alcool. Partys sans fin. Nos nerfs n’en pouvaient plus. Évidemment, on avait beau essayer d’appeler la police pour les calmer, la paix ne durait jamais bien longtemps. On n’a pas perdu de temps pour tout quitter de nouveau.

C’est à ce moment-là qu’on prit possession du lieu où j’allais passer la plus grande partie de mon enfance et de mon adolescence… et où des événements étranges allaient survenir.

Comme je le disais, cela n’avait pas toujours été ainsi. Jusqu’à l’âge de 16 ans, il ne s’était rien passé d’extraordinaire. En fait, la seule occurrence paranormale ne s’était pas produite dans cette maison. Et j’hésite à affirmer si c’était vraiment surnaturel. À l’époque, j’étais jeune, impressionnable et j’avais beaucoup d’imagination. Cela s’était déroulé après la mort de ma grand-mère maternelle Marie Bilodeau. J’avais environ 8 ans lorsqu’elle était décédée. C’était la première fois que je voyais une personne morte dans son cercueil. Cela m’avait impressionné au plus haut point. Quelqu’un que j’avais connu plein de vie était dorénavant totalement éteint devant moi. Dans ma chambre au moment de dormir, j’apercevais ma grand-maman étendue à côté de mon lit sur le plancher comme si elle avait quitté le cimetière pour venir vivre sa mort près de moi. J’étais terrifié. Même si elle était une des dames les plus gentilles au monde de son vivant, ça m’effrayait tout de même. Je me couchais alors souvent avec mes parents. Ça avait fini par cesser, mais j’avais gardé la crainte du noir.

Donc, tout allait pour le mieux jusqu’au jour où mon frère et moi avions eu l’idée d’expérimenter avec le spiritisme.

Mon frangin et moi avions une relation qui aurait paru curieuse pour beaucoup, car nous possédions des caractères opposés, en particulier adolescents. Malgré ce contraste, nous restions très proches. Une courte différence d’âge nous séparait après tout. Deux ans. Mais cela n’expliquait pas tout.

Mon frère, qui se nomme Sébastien, était un vrai bum. Je crois qu’il prenait très mal le divorce de nos parents. Mon père avait quitté le domicile familial nous laissant seuls avec notre mère. La pauvre avait beau essayer de le ramener vers le droit chemin, rien n’y faisait. Il manquait les cours. Il expérimentait toutes les drogues et ce sans modération et souvent même à la polyvalente.
Il découchait. Il faisait le party et se tenait avec des jeunes peu recommandables. Son idole était Jim Morrison, un musicien réputé pour bouffer de l’acide au petit déjeuner jusqu’à ce qu’il en meure. Il l’idéalisait à un point qu’il s’était mis en tête de lui ressembler en se faisant pousser les cheveux et en adoptant ses tenues vestimentaires. Il avait également tenté d’apprendre la guitare.

Moi, j’étais trop sage. Un parent pourrait se réjouir de voir son fils bien réussir à l’école et de prendre ses études au sérieux, mais le problème c’est que les autres abusaient de moi et je ne cherchais jamais à me défendre. J’étais un timide maladif. Je n’arrivais pas à garder des amis. Ceux que j’avais ne demeuraient jamais bien longtemps pour éviter de contracter la réputation qui me restait coller sur le dos. D’autant plus qu’ils n’y gagnaient rien, je ne m’exprimais jamais tellement j’étais gêné. En plus, j’avais un physique ingrat. Petit et maigre. Ma forte myopie me forçait à porter des lunettes à verres épaisses. Rien pour m’aider. Ma mère avait donc un mal de tête différent avec moi. Elle se sentait impuissante devant mon désespoir. Et le pire là-dedans, c’est qu’elle devait subir mes attaques verbales, car je me défoulais sur elle.

Si la timidité m’envahissait, elle disparaissait avec mon frère. Dans cette période funeste, il avait été mon seul véritable ami. Il tentait souvent de m’inclure dans sa bande de copains avec plus ou moins de succès. J’aurais pu être entraîné par tous ses déboires, mais je me laissais dominer par la peur donc je ne risquais jamais rien. Ce ne fut que beaucoup plus tard lors de ma vie adulte que je me suis mis à expérimenter.

Pourquoi fut-ce différent pour le spiritisme ? Parce que j’avais une attirance contradictoire envers ce domaine. Autant je craignais les fantômes, autant ce sujet me fascinait. Peut-être à cause de mon expérience avec ma grand-mère. Ou peut-être que c’était dans nos gènes…

Mon frère et moi apprîmes que mon père et mes oncles avaient joué avec l’occultisme. De ce qu’on a su pour certains, ça n’avait pas été très loin. Lors d’une des séances, la tablette de Ouija s’est mise à voler vers mon oncle Jean-Paul. Il fut si effrayé qu’il n’y toucha plus jamais. Ils avaient hérité cette tangente occulte de leur paternel, mon grand-père Paul. Papa me raconta qu’une nuit, celui-ci avait tellement réussi que mon père fût réveillé par le bruit des portes des armoires frappant sur leurs châssis. Ma grand-mère, qui en avait eu assez, avait brûlé son manuel le jour d’après, ce qui avait rendu furieux son mari.

Ce fut mon père qui nous avait initiés au Ouija. Il venait d’emménager dans son nouvel appartement et l’avait trouvé dans ses affaires. Quand on la remarqua, on insista beaucoup pour qu’il nous montre comment ça marche. Après maintes hésitations, il accepta. Avant de commencer, il déploya énormément d’efforts pour nous faire rentrer dans la tête que ce n’était pas un jeu :

– Il y a des règles très importantes à respecter lorsqu’on manipule le Ouija. Premièrement : Ne jamais pratiquer seul. Deuxièmement : Ne jamais l’employer sous l’influence d’alcool ou de la drogue. Troisièmement : Restez toujours respectueux. Quatrièmement : Ne pas oublier d’ordonner à l’entité de quitter la maison à la fin de la conversation. Avez-vous bien compris ?

– Oui, Raymond! réplique-t-on en chœur.

À l’époque, on appelait souvent nos parents par leurs prénoms. C’était une façon de leur enlever leur autorité parentale. La logique des adolescents…

On s’installa autour de la table de la cuisine. On déposa tous nos doigts sur la planchette de plastique noire. Papa prononça ces mots : « Esprits bienveillants, si vous êtes là, venez discuter avec nous. ». Au départ, la goutte ne traçait que des cercles. C’est lorsque mon frère et moi allions perdre patience que celle-ci nous épela « Allo ». Je regardais Sébastien et il exprima le même état que moi : l’étonnement. C’est alors que mon père lui demanda :

– Qui es-tu ?

– Paul, dicta la planche.

Ce fut au tour de mon père d’avoir un air ahuri. Car, on n’avait aucun doute sur l’identité de la personne : c’était mon grand-père. L’instrument forma des ronds à nouveau comme pour montrer qu’elle attendait. Papa se ressaisit :

– As-tu quelque chose à me dire ?

La planchette alla sur le « Oui » et elle déclara :

– Je m’excuse.

Seb et moi ne comprîmes pas ce qui se passait. Ce ne fut pas le cas de mon père. Je voyais bien qu’il avait envie de pleurer. « On arrête tout », qu’il nous dit. Et il ordonna à l’esprit de quitter les lieux. Évidemment pour nous, ce n’était pas suffisant. On en voulait plus. On lui demanda si on pouvait amener la planche. Hésitant, il accepta à la condition qu’on reste prudents. On promit. Malheureusement, il allait apprendre que la parole d’un ado ne vaut pas grand-chose.



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