Nouvelles : Le dernier contact (Ou Hommage à Raymond Ross)

Date 27-07-2012 15:00:00 | Catégorie : Nouvelles


PS. Je suis en rechute d'anxiété cette semaine, donc je n'écrirais pas vu que je ne suis pas d'humeur. Je vous rassure ces épisodes sont toujours temporaires. A l'attendant la suite de mes histoires, voici un témoignage que j'ai écrit sur la mort de mon père il y a de ça 2 ans. Je ne l'avais jamais posté ici. J'ai choisi ce passage, car mon père était mon « coach » de la vie, surtout dans les temps où c'était plus dur.

« À Raymond Ross, au père, à l'artiste et surtout à l'homme qui m'a inspiré dans tout ce que je suis aujourd'hui » — Christian Ross

Je me dirige d'un pas précipité aux soins intensifs. Quand j'y pense, tout a été si vite.

Cela avait commencé par un simple mal de dos et puis des maux de ventre. On n'en avait pas fait de cas à l'époque. On ne meurt pas de ce genre de maux habituellement. Et un jour, j'étais au travail. On m'appelle sur mon cellulaire, c'était Francine, sa compagne, visiblement troublée. Elle me demande d'aller dans un coin où je pourrais être à l'écart. Je me dirige à l'extérieur près de mon auto. Il faisait encore chaud malgré l'automne. La nouvelle m'avait frappé de plein fouet. J'ai dû m'asseoir sur le banc de ma voiture tellement ça m'avait affaibli. Une masse qui prenait la moitié de son pancréas et qui continuait de grandir était la cause de tous ses maux. Les médecins restaient avares de détails comme s'ils craignaient de se tromper. Mais, de ce que je comprenais, l'espoir était mince. J'ai pleuré comme un véritable enfant. Je ne me préoccupais plus que mes clients me vissent ou non, plus rien d'autre n'importait.

J'étais maintenant à deux pas des soins intensifs.

Après l'annonce de la tumeur, tout avait déboulé rapidement. Un mois était passé, et il était rendu l'ombre de lui-même. Cela avait commencé par de simples tests à l'hôpital, pour finalement décider qu'ils devaient le garder. Des métastases ont commencé à se répandre partout dans son corps, lui rendant la vie de plus en plus difficile. Mais une chose ressortait. Il ne lâchait jamais. Il gardait toujours espoir qu'il s'en sortirait, et continuait de discuter des différents aspects de la vie avec nous : de la politique, du hockey, de la science, de l'art et nous lançait ses blagues bien à lui de temps en temps.

J'étais à la porte des soins intensifs, je vois mon frère, atterré, qui me dit : « Rien ne peut nous préparer à cela. » Malgré ce qu'il me dit, j'essaie de rester fort pour être le soutien moral dont mon père aura besoin.

C'est avec appréhension que j'ouvre la porte. On est dans une grande salle ronde, sans intimité. On peut voir chaque malade en un seul coup d'œil. Au milieu, le centre de commandement, avec des infirmières et des médecins qui sortent et passent le temps d'un instant. Une infirmière me voit arriver et me demande qui je viens voir ainsi que mon lien de parenté. En lui répondant, elle me sort froidement : « Vous avez 15 minutes. » Et me pointe la direction où il se trouverait. Je l'aurais bien remercié, mais elle est partie trop vite pour cela.

J'ouvre le rideau. Le contrôle, je ne l'ai pas eu. Personne ne devrait voir son père entubé de partout, connecté dans un respirateur artificiel, amaigri comme s'il n'avait rien mangé depuis des jours. J'ai pleuré de toutes mes forces, non pas comme un enfant, mais comme un bébé cette fois. M'entendant pleurer, mon père se réveille. J'essaie tant bien que mal de me calmer. Mon père me regarde et me prend la main et me sourit.
Il ne pouvait pas me parler, mais son regard me communiqua quelque chose. J'ai eu des flashs, comme s'il me parlait télépathiquement.

*Je me voyais petit sur le balcon de notre premier appartement, il me contait des histoires comiques. Je riais comme si c'était l'homme le plus drôle au monde.

*Plus grand, on était en camping, en famille, on mangeait des guimauves, il nous chantait des chansons comme il savait si bien le faire.

*Il était devant la télé, il reculait et avançait une vidéo pour regarder le défilé de la Saint-Jean Baptiste où l'on voyait tous ces drapeaux fleurdelisés sur la rue. Il le faisait frénétiquement, car il voulait en faire une peinture. Le voir si passionné m'avait fasciné. Je considère cette peinture comme son chef-d'œuvre encore aujourd'hui.

*Je le voyais pleuré, lui et mon frère, parce que le Canadien avait perdu la coupe. Pour moi, le non-sportif, c'était une forme de fascination et d'admiration de voir un homme pleuré pour quelque chose que je voyais d'aussi futile que le hockey.

*Je me vois dans une manifestation pour la loi 101. Voir mon père et tous ces gens s'assembler pour une cause qu'ils croyaient m'avait beaucoup marqué et fait comprendre que pour changer les choses, il faut agir.

*Mon frère, lui et moi étions tous étendus sur le plancher en attendant la sortie de notre mère des toilettes. Nous faisions semblant d'être sans connaissance. Il aimait jouer des tours.

*Je vois le jour où il nous annonça qu'il quitterait notre mère. Je lui dis que malgré cela, je l'aimerais toujours. Il m'écrit un poème plus tard sur ce sujet, que j'ai encore aujourd'hui.

*Je nous vois, en train de débattre juste pour le plaisir de débattre même en prenant des opinions qui n'était pas les nôtres.

*Je nous vois dans un restaurant rapide, lui, mangeant son hotdog, moi, n'ayant aucun appétit. Je lui avoue que je veux mourir. Mon père me dit : « Christian, ne lâche pas, parce que je ne te lâcherais jamais! » Et il a tenu promesse. Pendant des semaines, il m'a pris en charge et m'a redonné vie. Ils m'ont donné naissance lui et ma mère, une deuxième fois.

*J'étais à l'hôpital avec mon bébé naissant dans les mains. Il me filmait, fier et ému.

Après tous ces flashes passés, il s'est rendormi. L'infirmière vient me voir pour me dire que mon quinze minutes est passé. En oubliant de la remercier, je sors. Je décide de m'en retourner chez moi, c'était la seule chose à faire.

Le lendemain, je reçois un appel. C'était une infirmière, une autre, qui me dit de me diriger immédiatement à l'hôpital. Ma conjointe, sachant l'appel que j'ai eu, est inquiète. Ne pouvant m'accompagner vu qu'on a une jeune enfant et qu'on n'a personne pour la garder, je décide d'y aller seul. Je conduis l'auto en toute vitesse. Mon esprit était en état d'arrêt, je n'osais pas réfléchir. Plutôt étonnant venant de moi.

J'arrive en courant au couloir. Je vois mon frère à genou et une infirmière qui a la main sur son dos. Elle me voit et se lève. Elle me regarde et me demande : « Vous êtes son frère n'est-ce pas? » Muet, je fais un signe positif de la tête. Elle parle d'un air calme : « Votre père se sentait mieux cet après-midi. Il a voulu se promener à l'extérieur avec sa conjointe. Le médecin le lui avait permis. Malheureusement, pendant que sa conjointe le mettait dans son fauteuil roulant, il est mort dans ses bras d'un arrêt cardiaque. »

J'aurais du être triste. Mais je ne l'étais pas comme j'aurais voulu. J'étais bien sûr triste qu'il ne soit pas là pour voir grandir ma fille, voir mon futur enfant et me voir continuer à évoluer. Mais je n'étais pas triste qu'il soit mort. Pendant quelques instants, je me suis demandé si j'étais un fils indigne, jusqu'à ce que je comprenne le sens du dernier contact que j'ai eu avec lui.

Il m'avait montré qu'il avait eu une belle vie. Et que celle-ci, elle s'est passée avec moi, avec mon frère et avec les gens qu'il aime. Il a fait tout ce qu'il a eu envie de faire.

Avec ce contact, j'ai compris que c'était à mon tour maintenant. Il est mort comme il a vécu, aimant la vie, et dans les bras de quelqu'un qu'il aime. Il m'a passé le flambeau, à moi de célébrer la vie.



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