Gorrotoa – La statuette maudite — Le nouveau gardien

Date 05-05-2016 03:09:41 | Catégorie : Nouvelles


Voici le dernier épisode de la série.

Il fait froid. Je marche depuis des jours. Je marche vers ma destinée, NOTRE destinée. À moi et à lui. Bientôt, ce sera la fin.

Cela se passa après que j’ai pris en compte le témoignage de Christopher Larose. Je travaillais à mon bureau à l’université. Je corrigeai des copies d’étudiants. On m’apporta mon courrier. Il y avait un paquet dans le lot. Je l’ouvris. C’était elle. La statuette. Elle avait l’air plus petite que sur les photos. La peur n’en fut pas moins immense. La panique me fit quitter la pièce.

Depuis le temps que je la cherchai, je l’avais maintenant devant moi. Toutes ces victimes… Saurai-je résister à l’emprise de Gorrotoa ? Je me dis que pour affronter un tel danger, il faut être préparé. Je n’y retournai pas immédiatement. J’avais fait des rêves. Des rêves qui m’avaient donné des indices. C’était à cet endroit que je devais poser les questions.

Je décidai de ne pas souper. Valait mieux rester à jeun. Je fis une prière et je me couchai en espérant trouver les réponses.

Des réponses, j’en ai eu… Mais pas ce que je m’attendais.

Ça avait commencé de la même façon qu’auparavant. Des gens en toge étaient en cercle, ils répétaient une litanie en Azéri. Plus le temps avançait, plus leur chant était fort. Et puis, une voix se mêla au gargarisme ambiant. Un fantôme s’éleva du lot. Il avait la statuette dans les mains. Il rabâcha mon nom inlassablement. Ça a continué ainsi jusque je n’en puisse plus et que je lui dise : « Mais Bon Dieu, que vous me voulez-vous ? »

La scène changea. On était dans une grande salle entourée de barreaux de fer. L’homme était enchaîné et portait toujours la statuette avec lui. Il la tenait comme si elle était le bien le plus précieux du monde.

Il ouvrit la bouche et une voix d’outre-tombe en sortit :

- Il est temps. Il est temps que tu remplisses ta destinée.
- Quelle est-elle ?
- La mienne. Tu es né pour me remplacer. Tu es le nouveau gardien.

Je me réveillai en sursaut. Le lit était devenu une éponge de sueur. Mon cœur battait des records de battements la minute. J’ai décidé d’aller prendre un verre d’eau pour me calmer. Que me disait ce songe ? Et puis le lieu où j’étais me rappelait quelque chose, mais quoi ? Je m’assis et je me mis à réfléchir au dernier mois. À toutes mes recherches sur Gorrotoa. Et puis, ça m’est revenu. La prison… C’était la même que Dr Macintosh avait trouvée lors de la découverte de la statuette. Celle-ci était dans les mains d’un squelette enchaîné, comme dans mon rêve… Est-ce possible que l’être enfermé n’était pas un prisonnier, mais un gardien ?

Si je suis le nouveau gardien, qu’est-ce que cela signifiait ? Que devais-je faire ? Et surtout, pourquoi moi ? Quel est le point commun entre moi et la statuette ? Notre origine. Nous sommes tous les deux d’origine iranienne. Et si je faisais des recherches approfondies sur l’histoire de l’Iran. Le Dr Macintosh ne trouva pas grand-chose si ce n’est qu’il savait que Gorrotoa était probablement un Djinn.

Je me rendis à la bibliothèque nationale. J’y fus toute la journée, encore une fois je ne pris pas le temps de manger, je devais rester concentré. L’histoire de l’Iran est riche, ce ne fut pas de tout repos, mais j’ai découvert un récit intéressant. L’Iran se situait en plein territoire mésopotamien. D’après les premières croyances, au départ, il n’y avait pas de mondes que des Dieux. Un jour, ceux-ci s’ennuyaient fermement et décidèrent de créer chacun leur univers. Tout fut merveilleux jusqu’à ce qu’un Dieu, qui était incapable de créer quoi que ce soit, devint jaloux. Cela l’a rendu fou. Il détruisit tout sur son passage.

Les Dieux voulurent remédier vite à la situation. Ils ne pouvaient pas tuer un autre Dieu, alors ils durent l’emprisonner. Ils envoyèrent donc une météorite vers la terre et demandèrent aux prêtres de sculpter une prison avec celle-ci. Grâce à un rituel bien établi, ils purent l’enfermer dans celle-ci. La description du rite me faisait drôlement penser à mon rêve. C’est tout ce que j’avais, il n’y avait pas de suite. Était-ce Gorrotoa ? Est-ce que la prison était la statuette elle-même ? J’avais toujours beaucoup de questions.

Le mot « gardien » me revint à l’esprit. Et si la prison ne suffisait pas ? S’il fallait un gardien ? Était-ce mon rôle ? Comment devais-je l’accomplir ?

La méditation. Je devais encore méditer. Je n’étais pas très pratiquant, mais s’il y avait des Dieux d’impliqués c’était la seule solution. J’empruntai à la bibliothèque un livre sur les anciens rites mésopotamiens. Je reproduisais le processus du mieux que je le pouvais.

Je pris de la myrrhe et de l’encens. Je fis fumer les deux dans mon salon. Il fallait jeûner 2 jours. Or, cela tombait bien, je n’avais rien mangé depuis ce laps de temps. Je récitai sans arrêt la litanie de mon rêve en Azéri qui voulait dire grosso modo en français : « Êtres suprêmes, parlez-nous. ». J’ai dû le répéter au moins 500 fois. J’ai ressenti un fort étourdissement. Et puis, j’étais au milieu des prêtres de mes rêves. Il répétait les mêmes paroles. Quand j’apparus devant eux, ils s’arrêtèrent et ouvrirent leurs yeux. Leurs iris étaient blanchâtres. Ça donnait froid dans le dos. Ils parlaient tous à l’unisson :

– Ali, tu dois partir au Nord, t’enfermez avec la statuette, loin de l’humanité.
–Et pour faire quoi ?
–Tu es le nouveau gardien. Tu dois empêcher Gorrotoa de toucher l’humanité. Va vers le désert blanc, nourris-toi de la force de Gorrotoa pour vivre le plus longtemps possible jusqu’au jour où il remportera la partie à nouveau contre toi. Dès lors, un nouveau gardien naîtra.

*

Je repris connaissance. Je n’avais plus de questions. Je savais quoi faire. Je devais aller chercher Gorrotoa.

Quand j’étais entré dans mon bureau, on aurait dit que ça faisait une éternité que je n’y ai pas été. La statuette était au même endroit que je l’avais laissé. Avant de venir, j’avais réservé un billet aller seulement pour le Grand Nord canadien. Je n’apportais pas de bagage avec moi, je n’en aurais pas besoin. Lorsque je pris la statuette dans les mains, une autre vision m’est apparue. Il était tel que Christopher l’avait représenté : grandiose et séduisant.

Sa voix était douce, comme si elle me berçait :

- Tu es en train de faire une terrible erreur. Tu t’apprêtes à aller à un sort pire que la mort.

Je ne me laissai pas tromper. Je savais à qui j’avais affaire.

- C’est ce que tu souhaites ? Vivre des milliers d’années à te faire torturer ? dit-il sans s’arrêter. Je peux t’aider. J’ai de grands projets pour l’humanité. Ne te laisse pas aveugler par ce que tu crois. Je t’offre aussi une longévité, mais celle-ci remplie d’opulences et de félicité. Laisse-moi juste prendre le contrôle et tout sera terminé.

Je ne l’écoutai pas. Les Dieux m’avaient donné la force de l’ignorer. Je pris mon vol. Gorrotoa n’avait pas l’intention de se laisser faire. Le pilote eut un malaise et l’avion s’écrasa. J’utilisai la puissance de Gorrotoa pour me protéger. J’eus à peine une égratignure, malheureusement je ne pouvais en dire autant du pauvre pilote. J’étais suffisamment au nord pour continuer. Je marchai le plus loin possible.

*

Il fait froid. Je marche depuis des jours. Je marche vers ma destinée, NOTRE destinée. À moi et à lui. Bientôt, ce sera la fin.

Il nous faut une crevasse. Je la vois déjà dans ma tête, elle sera mon refuge pour ce qui sera presque une éternité. La statuette est la prison. Je m’assurerai que Gorrotoa y reste le plus longtemps possible. En attendant, je me nourrirais de lui pour vivre des millénaires. Gorrotoa avait raison, ce sera un sort pire que la mort. L’isolation me rendra probablement fou. Mais c’est le sacrifice que je dois faire. Pour l’humanité.



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