Nuit d'ivresse (défi du 10/09)

Date 11-09-2016 16:27:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Mes tempes cognent comme si un monstre voulait sortir de mon cerveau. Je peine à ouvrir les yeux, mes paupières semblant peser une tonne. Mon regard se pose sur un mur gris empli de graffitis salaces. Mais où suis-je ? Je regarde autour de moi : je suis couchée sur un lit de fortune sans draps ni couvertures, dans une petit cellule dont la porte est une grille. Je dois sûrement cauchemarder. Il vaut peut-être mieux attendre mon vrai réveil. Mais mon estomac se met à se vriller. Juste le temps de me mettre sur le côté avant qu’un liquide verdâtre jaillisse de ma bouche par jets successifs, sur les chaussures cirées… d’un policier.

– C’est pas vrai ! Elle nous a tout salopé ! Va falloir encore que je nettoie. Allez, debout.

L’homme en uniforme me jette un regard dur, mélange de pitié et de dégoût. Il me tient par le bras pour me relever et m’amène jusqu’à un minuscule bureau. Ma démarche est chaloupée car mon talon gauche est cassé. Le soleil qui point derrière le store bancal me brûle les yeux. L’homme le remarque et ferme les volets. J’ai la bouche pâteuse et la vivacité d’une femme centenaire.

– La nuit a été bonne ?
– On est loin du quatre étoiles. Qu’est-ce que je fais ici ?
– Vous ne vous souvenez pas ?
– Je sais que j’étais avec mes amies d’enfance, Hélène et Charlotte. On fêtait mon enterrement de vie de jeune fille dans le bar de notre jeunesse, le « Donaldson ». C’était bourré d’ados boutonneux qui avaient la moitié de notre âge, mais on est restées. Le patron nous a proposé la spécialité de la maison nommée le Blackout, un mélange de scotch, rhum, schweppes avec du jus d’oranges. Un délice ! Après deux verres, je ne sais plus ce qui s’est passé.
– Il porte bien son nom ce cocktail ! Bon, vous êtes accusée de détournement de mineur, atteinte aux bonnes mœurs et insultes à agents.
– Rien que ça !? Vous devez vous trompez de personne. Je ne peux pas avoir fait tout cela. Et mes amies ? Où sont-elles ?
– Elles tiennent apparemment mieux l’alcool que vous. Elles ont tenté de vous raisonner mais sans succès.
– Elles n’ont peut-être pas assez insisté…
– Je vous lis les déclarations des témoins et victimes. Dans les toilettes du bar, vous avez embrassé un jeune mineur de dix-sept ans sans son consentement puis vous lui avez arraché le pantalon et le caleçon.
– Quoi ? C’est impossible ! Je suis super timide. C’est pour ça que je ne me marie que maintenant, la quarantaine bien sonnée.
– Vous auriez dû prendre une cuite plus jeune ! Je continue. Au milieu du bar, vous avez retiré votre petite culotte, l’avez faite tournoyer avant de la jeter sur l’assistance en criant « Je suis Madonna, donnez-moi un million de dollars. »
– Et on me les a donnés ? Ça paierait la caution…
– Comme vous n’étiez plus gérable, le patron nous a appelés. Lorsque je suis arrivé avec mon collègue, vous nous avez traités de Laurel et Hardy.
– Vous, vous devez être Laurel…
– Bref, est-ce que vous reconnaissez les faits ?
– Je n’en ai aucun souvenir. Qu’ont dit mes amies ?
– Elles ont tout confirmé.
– Bonjour le soutien ! Et dire que ce sont mes demoiselles d’honneur ! Au fait, il est quelle heure ?
– Huit heures trente.
– Je me marie dans une demi-heure ! Donnez vos papiers, je signe et on en parle plus !
– Vous serez convoquée au tribunal.
– Ah, tout de même…
– Bon mariage. Vous serez encore un peu grise en robe blanche. Tiens, voici justement votre futur époux.

Je m’approche de Pierre en boitillant. Il m’adresse un regard noir auquel je réponds par un air de chien battu en disant :

– Tu as prévenu le prêtre et le traiteur qu’on aurait un peu de retard…




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