Invité mystère (défi du 24/12)

Date 25-12-2016 14:59:10 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Louise referme la porte derrière Marguerite, toujours la dernière à partir. L’aiguille de l’horloge du salon affiche trois heures trente. C’est une belle heure pour clôturer un réveillon de Noël ! La jeune femme commence à débarrasser la table. Elle reprend l’assiette vide, le couteau et la fourchette encore propres car ils n’ont pas servi. Chaque année, elle ajoute un couvert pour un invité surprise, c’est une tradition. Mais personne ne s’est présenté à sa porte. C’est alors que la sonnette de l’entrée résonne. Un petit coup sec, sûrement Sophie qui a oublié quelque chose, comme à son habitude. Louise ouvre la porte et se retrouve face à un être mesurant moins d’un mètre, coiffé d’un bonnet vert à pompon qui laisse apparaître deux oreilles pointues. Il la regarde de ses petits yeux globuleux en disant :

– Veuillez m’excuser mais je suis tombé du traîneau. Pourriez-vous m’aider ?

Effrayée, Louise claque la porte en poussant un cri d’effroi. Elle se pince les joues pour être sûre de ne pas être en train de rêver. Le rosé était peut-être plus fort qu’elle ne l’eut cru. Mais elle ne peut décemment pas laisser un être en détresse la nuit de Noël. Elle ouvre à nouveau la porte. L’être étrange est toujours là, l’air triste.

– Pardon ! Je ne m’attendais pas… Entrez, je vous en prie.

Son petit visage poupon s’illumine d’un large sourire.

– Vous êtes bien aimable… finalement.

Elle l’invite à s’asseoir dans le salon en lui proposant un verre de vin.

– Désolé, pas pendant le service !
– Racontez-moi ce qui vous est arrivé.
– Je suis un lutin du Père Noël, vous l’aurez deviné.
– Et vous habitez vraiment au Pôle Nord ?
– Bien sûr. On y est bien tranquilles. Mais avec la fonte des glaces, on risque de devoir déménager.

À ce moment, un grondement sourd, semblable à celui d’un ours qui se réveille d’une longue hibernation, résonne dans la pièce.

– Quel est ce bruit ?
– Désolé, j’ai un peu faim. La distribution des cadeaux, ça creuse.
– Ce n’est pas le boulot du Père Noël ?
– Comment voulez-vous qu’un homme obèse perclus de rhumatismes passe par des cheminées parfois minuscules ? En fait, il conduit le traîneau et nous, les lutins, nous déposons les cadeaux au pied du sapin. Pendant le trajet du retour, il y a eu un trou d’air. Comme j’étais sur le bord du traîneau, j’ai basculé.
– Quelle horreur ! Vous n’êtes pas blessé ?
– Ne vous inquiétez pas, nous sommes immortels.
– Et comment allez-vous retourner chez vous ?
– Il faut que j’appelle le Père Noël au Pôle. Si vous voulez bien me permettre d’utiliser votre téléphone.
– Il a le téléphone ?
– Bien sûr ! On n’est plus à l’âge de pierre.
– Et pourquoi vous n’avez pas chacun un portable ?
– Restriction budgétaire. En fait, je vais vous confier un secret : le vieux est du genre radin.
– Excusez-moi mais j’ai l’impression de vous avoir déjà vu !
– Mais oui ! Lorsque vous étiez enfant, vous êtes descendue en pleine nuit de Noël et vous m’avez surpris en train de déposer votre cadeau sous le sapin. J’ai filé en vitesse.
– Je me souviens ! Ensuite, j’ai raconté cela à tout le monde et on me répondait que c’était le Père Noël qui déposait les présents et non ses lutins. J’ai fini par croire que j’avais rêvé !
– Hé non ! Dites, vous auriez un truc à grignoter ?
– Venez avec moi dans la cuisine, je vais vous préparer une assiette.

Face au frigo grand ouvert, Louise fait l’inventaire.

– Il me reste des huîtres.
– Je ne mange pas d’animaux encore vivants !
– Du foie gras ?
– Pauvre canard !
– De la dinde farcie…
– Je pense toujours à cette petite bête qui voit arriver le mois de décembre avec appréhension : se faire égorger et puis farcir, ce n’est pas très joyeux. Pensez-y la prochaine fois.
– C’est juste. Bon, j’ai des restes de fromage…
– Parfait !
– J’ai encore un morceau de bûche.
– Une vraie buche avec de la crème ?
– Bien sûr ! Il n’y en a pas d’autres.
– Le barbu nous fait chaque année la même blague. Il prend une bûche de bois, la recouvre d’agile et de boue puis la fait passer pour du gâteau. Ça ne fait rire que lui !

Pendant que Louise met le couvert et dépose les divers restes, le lutin passe son coup de fil.

– Il arrive dans trente minutes, le temps de faire le plein des rennes.

Le lutin dévore tout ce que Louise lui a préparé. Il finit son verre de lait et éructe bruyamment.

– C’était le meilleur repas de toute mon éternité.
– J’en suis très heureuse, monsieur le lutin.
– Appelez-moi Cfrgtbl.
– Pardon ? C’est votre prénom ?
– Oui, on donne au lutin comme prénom le bruit que fait le premier flocon de neige qui fond sur sa tête.
– Original mais compliqué à prononcer.

Un léger bruit de grelots se fait entendre sur le toit.

– Il est là ! Je vous laisse. Encore un grand merci, Louise.
– Mais ce fut avec plaisir. Comment connaissez-vous mon prénom ?
– Qui apprend par cœur les listes des enfants sages vous pensez ?

Il lui adresse un clin d’œil et saute dans la cheminée qui semble l’aspirer. Louise se précipite dehors et a juste le temps de voir une étoile scintiller dans le ciel avant de disparaître.
Depuis lors, le menu de réveillon chez Louise se compose d’huîtres gratinées, de pâté en croûte et de poisson, en souvenir des leçons du lutin. Elle a noté dans un carnet le numéro du Pôle Nord qui était resté dans la mémoire de son téléphone. Dans l’année, elle a appelé en masquant son numéro, demandant à son célèbre interlocuteur d’offrir à ses lutins une vraie bûche de Noël et un téléphone portable.




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