| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Michel Leiris [Les Forums - Histoire de la Littérature]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





Michel Leiris
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9499
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 56968
Hors Ligne
Le 20 avril 1901 à Paris 16e naît Michel Leiris de son vrai nom

Julien Michel Leiris
,


écrivain, poète, ethnologue et critique d'art français, il meurt le 30 septembre 1990, à Saint-Hilaire dans l'Essonne

Comment rendre nécessaire le désordre d'une vie ? Comment doter de sens ce qui est le fruit du hasard ? Ces questions marquent le dilemme de l'entreprise autobiographique, et singulièrement de celle conduite par Michel Leiris. En effet, là où l'œuvre d'art vise à l'accomplissement et à la justification suprême qu'énonce Proust dans Le Temps retrouvé, le sujet autobiographique se sait voué à l'inachèvement et à la déception : il n'en finit jamais de renouer les fils de sa propre vie. Toute l'œuvre de Michel Leiris témoigne du savoir paradoxal qui naît de ce défaut de maîtrise.
En réaction à l'image de l'individu que proposaient les sociétés occidentales, l'un comme l'autre tendaient à redécouvrir une expérience du sacré qui situait l'homme face au monde dans une relation qui n'était plus de contingence mais de nécessité. Désireux d'approfondir son premier contact avec l'Afrique, Michel Leiris suit les cours de Marcel Mauss et devient ethnographe. Il partagera désormais son temps entre ses travaux scientifiques, sur la possession et les parlers rituels notamment et la littérature. Il effectue en 1945 un deuxième voyage en Afrique noire, puis deux séjours dans les Antilles il s'est également rendu en Chine populaire en 1955 et à Cuba en 1967 et 1968.
Michel Leiris s'est toujours attaché à discerner à travers rites et cultures des éléments primordiaux susceptibles d'étayer l'approche autobiographique qu'il allait tenter. Cette curiosité, il l'a également montrée pour des peintres et des écrivains auxquels il doit une plus juste évaluation de ses capacités artistiques. Ainsi en va-t-il de Raymond Roussel, dont la conception de la littérature comme procédé l'influença profondément, de Max Jacob qui fut son initiateur en poésie, de Georges Bataille avec qui il collabora lors de la fondation, en 1936, du Collège de sociologie et à qui est dédié L'Âge d'homme, de Robert Desnos et de Georges Limbour, également. Soulignons enfin les affinités, exprimées dans maints textes avec des peintres comme Masson, Miró, Picasso, Giacometti, Bacon.
À considérer l'œuvre, une chose frappe d'entrée : la pluralité des genres. Qu'il s'agisse de la poésie, Simulacre, 1925, Haut Mal, 1943, du roman, Aurora, des essais artistiques ou ethnographiques, Miroir de la tauromachie, 1938, on note une diversité extrême de l'écriture. Comme si les genres littéraires contraignaient l'auteur à ne se présenter que scindé, et débouchaient naturellement sur l'autobiographie, qui oblige celui qui s'y soumet à réinventer ce genre même au fur et à mesure que se crée l'autoportrait. Ainsi, c'est bien à partir du moment où, à la suite de Montaigne et de Rousseau, Michel Leiris a tenté d'explorer les virtualités de son moi que l'autobiographie est devenue pour lui un espace d'écriture autonome, avec ses contraintes et ses méthodes : notamment le lent travail de maturation et de filtrage, qui fait transiter le texte de la fiche,celle-ci parfois précédée d'une rédaction préliminaire dans son Journal au manuscrit et à la version dactylographiée.
Première tentative autobiographique avouée, L'Âge d'homme fut publié en 1939, l'essentiel de sa rédaction remonte cependant aux années 1934-1935. Leiris compare ce livre à un photomontage, soit à une œuvre en apparence composée à partir des éléments les plus hétéroclites, mais dont la simple juxtaposition finit par mettre au jour des indices essentiels. Privilégiant les souvenirs d'enfance ainsi que la description d'un érotisme où l'être désiré tend à se transformer en objet sacré, mixte de répulsion et de fascination, il s'attache à construire un livre qui serait la plus fidèle réplique possible de lui-même, ou du moins d'un fragment privilégié de sa durée intime. Simultanément, le souci d'exactitude se double d'un aveu d'ignorance – contradiction qui fait l'unité de l'ouvrage : Michel Leiris n'écrit qu'autant qu'il ne se connaît pas et cherche à atteindre une image de soi tellement dissimulée qu'il se voit contraint, par le recours au langage, à la recréer. Cette incertitude majeure explique le rôle ambigu que joue ici la mémoire : mémoire qui, à chaque instant, doit servir de fil conducteur et dont pourtant il faut se détacher, dans la mesure où le souvenir dans toute sa véracité n'apparaît qu'au terme de l'entreprise de restitution permise par l'écriture.
La structure parcellaire de L'Âge d'homme, en même temps qu'ordonnée selon une certaine rigueur chronologique, est un peu celle qui permet de voir se relier l'une à l'autre les pièces exposées dans un musée, en un mouvement d'intensification qui s'accroît à chaque étape. Un tel enrichissement du sens tient au choix fait par l'auteur de traiter les faits racontés non sous le simple jour du récit d'enfance, mais bien comme une véritable mythologie, avec ses événements rares ou funestes. D'où le rapport étroit qui se noue entre l'anecdote et des formes artistiques comme l'opéra ou la peinture. Ainsi la double figure de Judith et de Lucrèce peintes par Cranach est-elle l'axe principal à partir duquel s'ordonne et se déploie l'univers érotique de l'auteur. En effet, dans son désir de parvenir aux couches les plus profondes du moi, Michel Leiris n'a pu qu'aborder « le continent noir de la sexualité », avec ses fantasmes et ses peurs, approche qui contribue à faire de L'Âge d'homme une œuvre décisive.

Sa vie

Michel Leiris est né au sein d'une famille bourgeoise cultivée habitant au 41 rue d'Auteuil dans le 16e arrondissement de Paris. Sa famille le pousse contre son gré à faire des études de chimie alors qu'il est attiré par l'art et l'écriture. Il fréquente les milieux artistiques après 1918, notamment les surréalistes jusqu'en 1929. Il se lie d'amitié avec Max Jacob, André Masson, Picasso, etc. Son œuvre a marqué les recherches ethnographiques et ethnologiques.

En 1935, dans L'Âge d'homme, voici comme il se décrit :

" Je viens d’avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J’ai des cheveux châtains coupés court afin d’éviter qu’ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique si l'on en croit les astrologues des personnes nées sous le signe du Taureau ; un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. ... Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante .... "
— Je viens d'avoir trente-quatre ans, in Michel Leiris, L'Âge d'homme, Gallimard, 1939.

Milieu familial

Son grand-père paternel, Jacques Eugène Leiris né en 1819 mort en 1893, employé de commerce, a pris part aux journées de juin 1848.
Sa mère, Marie-Madeleine née Caubet 1865-1956 une catholique fervente, a fréquenté la Sorbonne, elle parlait couramment l’anglais, mais n’exerça aucune fonction rémunérée, comme presque toutes les femmes de cette époque et de ce milieu, son père, Eugène Leiris 1855-1921, travaille dès l’âge de quatorze ans. Il est agent de change d’Eugène Roussel 1833-1894 puis de son successeur Jacques Sargenton, caissier des titres de ce dernier, puis son fondé de pouvoirs. Établi à son compte, il est alors l’homme d’affaires de Raymond Roussel fils d’Eugène Roussel et écrivain à qui Leiris voue une immense admiration.
Eugène Leiris décède, le 16 novembre 1921, des suites d’une opération de la prostate. Max Jacob, retiré, fin juin 1921, au couvent des bénédictins de Saint-Benoît-sur-Loire, adresse, le 18 novembre 1921, ses condoléances à Michel Leiris qui vient de perdre son père. C'est la première des lettres qu’il lui adresse deux par mois au cours des deux années qui suivent. Les soixante-six lettres, dont cinquante-deux de novembre 1921 à décembre 1923, conservées par Leiris ont été publiées.
Eugène et Marie Leiris qui ont perdu une fille, Madeleine, élèvent quatre enfants : trois fils, Jacques, Pierre dont les deux fils, François et Henri, décèdent au combat en novembre 1944, Michel et leur nièce Juliette, marraine de Michel.
Elle est, pour lui, une sœur aînée, une seconde mère mais aussi, grâce à son excellente mémoire, celle qui lui permet de vérifier l’exactitude de ses souvenirs d’enfance. Juliette épouse, le 2 juin 1910, Gustave Jannet 1883-1935. Le couple vient habiter Paris, près de chez les Leiris, Michel peut ainsi continuer à voir sa sœur tous les jours.
Il épouse en 1926 Louise Godon surnommée Zette, fille naturelle de Lucie Godon qui a trois sœurs plus jeunes. Michel Leiris devient ainsi le beau-fils de Daniel-Henry Kahnweiler, le puissant marchand de tableaux, s'occupant de Picasso notamment, ami de Max Jacob, Georges Braque, Juan Gris, et théoricien du cubisme. Chez les Kahnweiler, on rencontre régulièrement André Masson et ses amis, le critique d’art Maurice Raynal 1884-1954, Élie Lascaux et son épouse Berthe sœur de Lucie Godon, Suzanne Roger et son mari André Beaudin, le sculpteur Jacques Lipchitz, le musicien Erik Satie, le dramaturge Armand Salacrou et sa femme Lucienne, des écrivains et poètes Antonin Artaud, Charles-Albert Cingria 1883-1954, André Malraux et sa femme Clara.

Études

Les parents de Michel Leiris s’installent, en 1904, au 8 rue Michel-Ange dans un quartier d’Auteuil. De 1906 à 1909, Michel fréquente, jusqu’à la classe de neuvième incluse, l’école privée mixte de la rue Michel-Ange.
Au mois d’ocobre 1909, il entre au cours Kayser-Charavay, avenue Montespan, pour une année scolaire. En octobre 1910, il est en classe de septième, et l’année suivante en sixième, au cours Daguesseau, dirigée par l’abbé Llobet, rue Boileau.
Puis, en octobre 1912, il intègre le lycée Janson-de-Sailly pour y suivre les cours de cinquième. En juillet 1914, Michel termine sa quatrième avec le deuxième prix de français et le premier prix de récitation. En juillet 1916, il obtient, à la fin de sa classe de seconde, les premiers prix de composition française et d’exercices latins, mais, pour raison disciplinaire, il doit quitter le lycée Janson-de-Sailly. Sa famille le protège des nouvelles concernant la Première Guerre mondiale.
Au mois d’octobre 1916, il entre à l’école Vidal de la rue de Passy, pour y suivre la classe de première. Michel obtient en juillet 1917, la première partie du baccalauréat latin-langues, avec l’indulgence du jury. Il retourne, en octobre 1917, au cours Kayser-Charavay, pour suivre sa classe de philosophie. Il échoue, en juillet 1918, à la deuxième partie du baccalauréat. L’été 1918, les Leiris s’installent au 2 rue Mignet dans le seizième arrondissement de Paris. Michel suit des cours de philosophie dans une école privée, l'école Descartes. Il repasse, le 28 octobre 1918, la deuxième partie du baccalauréat philosophie qu’il obtient tant bien que mal d'après ses dires. Il découvre le jazz, le whisky, les boîtes de Montmartre et des chanteuses noires américaines, comme Bricktop, venues s'installer à Paris après la guerre.

De 1919 à la Seconde Guerre mondiale

Dès 1919, Michel Leiris fait quelques tentatives pour avoir un emploi stable. Après deux tentatives comme employé de commerce aux magasins Peter Robinson et chez le commissionnaire Max Rosambert, Leiris abandonne très rapidement.
Durant l’automne 1920, il prépare l’examen d’entrée à l’Institut de chimie. Le 15 décembre 1921, Michel Leiris commence un service militaire, au fort d'Aubervilliers, puis à l’Institut Pasteur, où il termine ses deux ans de conscription.
Il habite encore chez sa mère rue Mignet, et prépare, seulement pour la forme, un certificat de chimie. Le 15 décembre 1923, libéré du service militaire, il met fin à ses études de chimie. Il dira lui-même : " J’obéis à ma vocation — et renonçant aux vagues études que j’avais poursuivies jusqu’alors — je quittai le laboratoire où j’avais fini mon service …, décidé à consacrer toute mon activité à la littérature. "
Au mois d’octobre 1926, Michel Leiris est représentant en librairie, métier qui l’ennuie, mais lui laisse le temps d’écrire. Il adhère au syndicat CGT des V.R.P. voyageurs représentants placiers. Marxiste, il est sensible aux critiques de Souvarine à l'endroit du Parti Communiste Soviétique.
Il entre à Documents, revue fondée en 1929, par Georges Bataille, Georges Henri Rivière, Carl Einstein et financée par le marchand d’art Georges Wildenstein, le 3 juin 1929, comme secrétaire de rédaction, succédant à un poète et romancier, Georges Limbour, et précédant un ethnologue, Marcel Griaule, à son retour d’Éthiopie. Une rencontre décisive pour sa carrière d’ethnographe. À vingt-huit ans, c'est son premier emploi stable.
De 1929 à 1935, il suit une psychanalyse sous la conduite d'Adrien Borel.
Il ressent le besoin, pour la parachever, ou en constater l'échec, d'écrire une autobiographie : L'Âge d'Homme. Cette première œuvre est ensuite prolongée par les quatre tomes de La Règle du Jeu, rédigés de 1948 à 1976.
Avec l’appui de Georges Henri Rivière, sous-directeur du Musée d’ethnographie du Trocadéro depuis 1929, Leiris est officiellement recruté, en janvier 1931, par Marcel Griaule en tant qu’homme de lettres et étudiant en ethnologie faisant fonction de secrétaire archiviste de la Mission ethnographique, la Mission Dakar-Djibouti.
Bien qu'il n'ait pas de formation d'ethnologue, l'intérêt qu'il a montré au cours de sa collaboration à la revue Documents pour les relations entre les sciences sociales et le marxisme lui vaut d'avoir été choisi pour cette expédition, une place dans celle-ci, que Luis Buñuel a dédaignée, restant disponible. Michel Leiris tient le journal de bord de cette mission, publié sous le titre de L'Afrique fantôme, dont la tonalité est de plus en plus personnelle et intime.

La mission comprend, en 1931, six personnes : Marcel Griaule, chef de la mission, Marcel Larget, un naturaliste, chargé de l’intendance et second de la mission, Leiris, Éric Lutten enquêtes sur les technologies et prises de vue cinématographiques, Jean Mouchet études linguistiques et Jean Moufle enquêtes ethnographiques. Plus tard, André Schaeffner musicologue, Abel Faivre géographe et naturaliste, Deborah Lifchitz 1907-1943, linguiste, et Gaston-Louis Roux, recruté sur la recommandation de Leiris comme peintre officiel de la Mission chargé d’étudier et collecter des peintures éthiopiennes anciennes et d’en exécuter des copies.
À ces personnes, il est essentiel d'ajouter Abba Jérôme Gabra Mussié, un grand lettré éthiopien qui sera à la fois l'interprète et l'informateur principal de Leiris à Gondar.
De retour à Paris, il a du mal à se réadapter à la vie parisienne. Il habite encore — avec sa femme — chez sa mère, rue Wilhem.

Il se met à étudier l'ethnologie en suivant les cours de Marcel Mauss à l'Institut d'ethnologie, puis prend la responsabilité du Département d'Afrique noire du Musée d'ethnographie du Trocadéro ancêtre du Musée de l'Homme.
Il fait un trait, comme Paul Nizan dans Aden Arabie, sur le voyage comme mode d'évasion, en signant L'Afrique fantôme : monumental journal de voyage dans lequel il détourne les techniques d'enquête et de retranscription ethnographiques pour les appliquer à la description du quotidien et des conditions de travail de l'équipe de chercheurs.
La publication de ce texte dans la collection Les documents bleus chez Gallimard en 1934 provoque la rupture avec Marcel Griaule qui craint que la révélation des méthodes brutales utilisées pour la collecte de certains objets sacrés ne porte atteinte à la réputation des ethnographes6.
Il se donne comme mission d'obtenir les diplômes qui légitimeront ses activités. Son mémoire sur la langue secrète des Dogons présenté à l’École pratique des hautes études EPHE est ajourné par Louis Massignon 1883-1962 qui lui reproche de procéder par explosions successives de pensée et non par enchaînements discursifs.
Il le présente en juin 1938. Entre temps, en janvier 1935, il commence à suivre les cours sur les religions primitives de Maurice Leenhardt à l’EPHE et, à partir du mois de novembre, une licence de lettres à la Sorbonne.
En 1936, il obtient son certificat d’histoire des religions, option religions primitives, mention bien, et le 21 novembre de la même année un certificat de sociologie. En juin 1937, il décroche son certificat d’ethnologie options linguistique et Afrique Noire, mention bien, et le 21 d’octobre le diplôme d’amharique de l’École nationale des langues orientales vivantes, mention bien. De 1937 à 1939, il participe aux travaux du Collège de Sociologie, fondé par Georges Bataille et Roger Caillois, qui, entre autres, s'emploie à appliquer les thèses sur le sacré de Marcel Mauss et de Robert Hertz aux faits sociaux et politiques contemporains.
Au printemps de l’année 1938, désormais licencié ès lettres, Leiris est nommé directeur de service au Laboratoire d’ethnologie du Muséum national d'histoire naturelle, puis il entre comme chercheur au Centre national de la recherche scientifique CNRS tout en demeurant affecté au musée de L'Homme.
Il en reste salarié jusqu’à sa retraite, en 1971.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale

Au mois d’août 1940, le linguiste Boris Vildé 1908-1942, l’anthropologue Anatole Lewitsky 1901-1942 et la bibliothécaire Yvonne Oddon 1902-1982 créent le secteur Vildé du réseau de résistance dit Groupe du musée de l'Homme.
Leiris entretient des rapports cordiaux avec le groupe, sans en faire partie, notamment pour préserver la sécurité et les intérêts de Kahnweiler – qui, comme juif, a dû quitter Paris et se réfugier dans le sud-ouest de la France – et de la galerie Simon devenue galerie Louise Leiris en 1941, mais Michel Leiris et son épouse abritent, sans aucune réserve, Deborah Lifchitz, juive d’origine polonaise, dans leur appartement de la rue Eugène-Poubelle.
Cette collaboratrice de la Mission Dakar-Djibouti, amie et collègue de Denise Paulme au musée de L'Homme, meurt à Auschwitz après son arrestation par la police française, le 21 février 1942. Leiris dédiera à sa mémoire La Langue secrète des Dogons de Sanga au moment de sa publication en 1948.
Durant la fin de la guerre, il organisera également dans son appartement le 19 mars 1944 la lecture de la première pièce de théâtre de Picasso, Le Désir attrapé par la queue, regroupant une importante partie de l'intelligensia parisienne Sartre, Beauvoir, Lacan, Reverdy... sous la direction d'Albert Camus
C'est au cours de ces années de guerre que prend forme La Règle du jeu, une vaste et méticuleuse entreprise autobiographique. Considéré comme l'un des plus grands prosateurs du XXe siècle Claude Lévi-Strauss, Leiris renouvelle totalement ce genre littéraire, le dégageant de la chronologie, disloquant celle-ci, et procédant par associations d'images, de mots et d'idées, et par analepses. En même temps qu'un travail de et sur la mémoire, c'est à une mise en abîme de l'écriture qu'il se livre alors : s'écrire, se décrire, se vivre en écrivant. De 1948 à 1976, quatre tomes sont publiés : Biffures, Fourbis, Fibrilles, Frêle Bruit où, à l'image des longues phrases à périodes et parenthèses qui les parsèment, se lit une sorte de mise en boucle de soi - de soi et de son rapport au monde, aux autres, au langage – qui n'est pas sans évoquer les Essais de Montaigne.

Après guerre

En octobre 1942, Leiris rencontre Sartre au Havre. Les deux écrivains se sont auparavant mutuellement lus et appréciés, Leiris ayant été subjugué par La Nausée et L'âge d'homme ayant fait forte impression sur Sartre.
Cette rencontre sera décisive pour la pensée et l'écriture de Leiris, au point qu'il réalisera une longue préface à L'Âge d'homme De la littérature considérée comme une tauromachie, marquée par la thématique sartrienne de la littérature engagée Après la Libération, il devient membre de l'équipe fondatrice de la revue Les Temps modernes dirigée par Sartre.
Il participe également, avec Alioune Diop, Aimé Césaire, dont il devient l'ami, et Georges Balandier, à la fondation de la revue Présence africaine en 1945. Il écrit également des nouvelles et de nombreux poèmes.
Parallèlement, il embrasse la profession d'ethnologue et, à partir de 1943, devenu chercheur du CNRS au Musée de l'Homme, il exercera une grande influence sur une nouvelle génération d'ethnologues comme Georges Condominas, Georges Balandier, Paul Mercier ou Gilbert Rouget
Il est nommé Satrape du Collège de 'Pataphysique en 1957, et publie de nombreux textes dans la revue du Collège.
D'un tempérament mélancolique et angoissé, atteignant une profonde dépression, il tente en 1957 de se suicider, et reste quatre jours dans le coma ce qu'il relatera dans le troisième tome de La Règle du jeu, Fibrilles.

À partir des années 1960

En 1960, Michel Leiris participe à la fondation et à la direction des Cahiers d’études africaines publiés par l’École pratique des hautes études (VIe section).
En juillet de la même année, prenant position contre le colonialisme, il est notamment un des premiers signataires du Manifeste des 121 - Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, et également membre du Mouvement de la paix, publié en septembre dans différents périodiques, qui furent saisis ; vingt-neuf des signataires, dont Leiris, furent inculpés de provocation à l’insoumission et à la désertion.
Le 25 octobre 1960, année de l’accession à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique noire et de Madagascar, une commission paritaire du CNRS se réunit en conseil de discipline pour examiner le cas des chercheurs signataires du « Manifeste des 121 ». Tentant de se défendre, Leiris affirme que sa vocation d’ethnologue le pousse à défendre les peuples qu’il étudie et dont il est l’avocat désigné, celui qui plus que quiconque doit s’attacher à faire admettre leurs droits, sans excepter le droit de lutter à leur tour pour se constituer en nation. Le 7 décembre, un blâme lui est infligé.
En janvier 1961, quelques mois après la sanction concernant la signature du Manifeste des 121, il est promu maître de recherche au CNRS
Jean Rouch conseille à Leiris en 1967 de postuler au grade de directeur de recherche au CNRS ce qui lui prolonge de trois ans sa carrière. Il est nommé directeur de recherche en janvier 1968.
Il préside avec Simone de Beauvoir, l’association des amis du journal maoïste La Cause du peuple. Il s’associe au mouvement de mai 1968.
En 1968, il rejoint André du Bouchet, Yves Bonnefoy, Paul Celan, Jacques Dupin et Louis-René Des Forêts au comité de rédaction de la revue L'Éphémère, jusqu'au dernier numéro en 1972.
Avec Robert Jaulin et Jean Malaurie, il assure durant l'année 1969 la critique des théories d’ethnologie dans le cadre de l’enseignement critique et polémique donné à la Sorbonne, parallèlement aux cours officiels d’ethnologie.
Il laisse, en plus de son œuvre autobiographique, d'importantes études de critique esthétique et d'ethnologie. Il a notamment travaillé sur la croyance en la possession - le culte des génies zar - dans le nord de l'Éthiopie, l'analysant dans une perspective proche du thème sartrien de la mauvaise foi existentielle et des travaux d'Alfred Métraux, dont il était un ami proche, sur le culte vaudou en Haïti.
En matière de critique d'art, Leiris est l’un des observateurs les plus aigus de son temps, et il s'est principalement intéressé à la peinture moderne figurative, consacrant des articles et des essais aux grands peintres "réalistes" du 20e siècle : Pablo Picasso, Wifredo Lam, André Masson, Alberto Giacometti ou Francis Bacon (dont on peut considérer qu’il fut le découvreur, avec qui il partagera une amitié dès 1966.

En 1980, Leiris refuse le Grand prix national des lettres.

Dernières années

Son bureau au Musée de l’Homme lui est supprimé, au mois d’août 1984, une mesure rapportée fin septembre par l’assemblée des professeurs du Muséum national d'histoire naturelle, après les protestations et pétitions du personnel du musée. Au mois de janvier de l’année suivante Leiris fait don, au Musée de l’Homme, de ses archives relatives à l’ethnologie et à sa carrière d’ethnographe, archives aujourd'hui conservées et numérisées par la bibliothèque du Laboratoire d'anthropologie du Collège de France.
Avec Jean Jamin, Leiris a fondé en 1986 au musée de l'Homme la revue d'anthropologie Gradhiva, aujourd'hui publiée par le Musée du quai Branly, ainsi que la collection “Les cahiers de Gradhiva” publiée aux éditions Jean-Michel Place.

Hospitalisé à l’Hôpital américain de Neuilly du 7 au 20 novembre 1989 à la suite d'une crise cardiaque,
il décède le dimanche 30 septembre 1990, à 9 h 15 du matin, dans sa maison de Saint-Hilaire Essonne.

Incinéré au crématorium du Père-Lachaise, ses cendres furent placées dans le caveau où reposent Lucie 1882-1945 et son mari Daniel-Henry Kahnweiler 1884-1979, Jeanne Godon et Zette Louise Alexandrine Leiris née Godon le 22 janvier 1902 à Paris.
Leiris a légué ses biens à Amnesty International, à la Fondation des Droits de l’Homme, au Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples MRAP. Sa bibliothèque, ses manuscrits littéraires et sa correspondance sont donnés à la Bibliothèque Jacques Doucet, tandis que ses travaux et archives ethnographiques sont déposés au Laboratoire d'anthropologie sociale. Jean Jamin en est l'héritier littéraire.

Œuvres

1925 - Simulacre, Le Point cardinal
1934 - L'Afrique fantôme
1938 - Miroir de la tauromachie essai
1939 - L'Âge d'homme
1943 - Haut Mal poèmes
1946 - Aurora roman
1948 - Biffures La Règle du jeu - I
1948 - La Langue secrète des Dogons de Sanga deuxième édition : 1992
1951 - Race et Civilisation
1955 - Fourbis La Règle du jeu - II
1955 - Contacts de civilisation en Martinique et en Guadeloupe
1958 - La Possession et ses aspects théâtraux chez les Éthiopiens de Gondar
1961 - Nuits sans nuit et quelques jours sans jour
1964 - Grande fuite de neige
1966 - Fibrilles La Règle du Jeu - III
1966 - Brisées recueil d'articles
1967 - Afrique noire : la création plastique en collaboration avec Jacqueline Delange
1969 - Cinq études d'ethnologie
1969 - Mots sans Mémoire recueil de textes poétiques
1969 - Fissures
1971 - André Masson, "Massacres" et autres dessins
1974 - Francis Bacon ou la vérité criante
1976 - Frêle Bruit La Règle du Jeu - IV
1978 - Alberto Giacometti
1980 - Au verso des images
1981 - Le Ruban au cou d'Olympia
1985 - Langage tangage
1987 - Francis Bacon
1987 - Roussel l'ingénu
1988 - À cor et à cri
1989 - Bacon le hors-la-loi
1991 - La Course de taureau scénario
1992 - Zébrage recueil d'articles
1992 - Journal 1922-1989
1992 - Operratiques
1992 - Un génie sans piédestal recueil de textes sur Picasso
1992 - C'est-à-dire édition posthume d'entretiens réalisés en 1986 et 1987 avec Jean Jamin et Sally Price
1992 - L'Évasion souterraine
1994 - Journal de Chine
1994 - L'Homme sans honneur. Notes pour le sacré dans la vie quotidienne
1995 - Francis Bacon ou la brutalité du fait
1996 - Miroir de l'Afrique collection Quarto, Gallimard – recueil posthume illustré comprenant ses principaux écrits d'ethnologie africaine
1997 - Wifredo Lam
1998 - Roussel & Co.
2000 - Le Merveilleux
2000 - Correspondance Leiris-Paulhan, 1926-1962
2002 - Ondes, suivi de Images de marque
2002 - Correspondance André Castel-Michel Leiris, 1938-1958
2003 - La Règle du jeu Bibliothèque de la Pléiade
2004 - Échanges et correspondances, Bataille-Leiris
2004 - Francis Bacon, face et profil
2011 – Écrits sur l'art Paris, CNRS Éditions, recueil posthume de tous ses textes sur la peinture et la sculpture
2013 - Correspondance Jacques Baron-Michel Leiris, 1925-1973
2014 - Glossaire j'y serre mes gloses, suivi de Bagatelles végétales
Bon nombre de ces œuvres ont été traduites en allemand, anglais, italien, espagnol, portugais, polonais, roumain, japonais. L'Âge d'homme a figuré au programme de l'agrégation de lettres en 2005. Plusieurs périodiques français ou étrangers (Europe, Littérature, Critique, Il Verri, L'ire des vents, Le Magazine littéraire, Sub-stance, Sulfur, Modern Literay Notes, Konteksty) ont consacré des numéros spéciaux à Michel Leiris.

Une revue consacrée à Michel Leiris a été fondée en 2007. Éditée par les Éditions Les Cahiers, les Cahiers Leiris consacrent chacune de leurs livraisons à la publication d'articles critiques et de documents inédits
La publication dans la Bibliothèque de la Pléiade du deuxième volume des œuvres de Michel Leiris L'Afrique fantôme, L'Âge d'homme, Miroir de la tauromachie, sous la direction de Denis Hollier, est prévue pour la fin novembre 2014.

Une grande exposition Leiris : L'âge d'homme, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Marie-Laure Bernadac et Denis Hollier, est programmée au Centre Beaubourg-Metz; elle aura lieu de mars à octobre 2015.

Anecdote

Max Jacob prévient Leiris en février 1923 qu’il avait utilisé ses lettres pour le caractère d’un personnage d’un roman en cours paru en mars 1924 L’Homme de chair et l’homme reflet , où l’on peut lire : " Maxime Lelong croyait de son devoir d’être ingénieur-chimiste .... Il se détestait, se regardait aux glaces pour se détester davantage, rageait contre ses vêtements pauvres .... Il souffrait de tout sans se l’avouer ou en le criant trop pour qu’on le prît au sérieux ".

Liens
http://youtu.be/gNkjK0NnUkk Un jour un livre
http://youtu.be/JCQIiAc8pi8 Un jour un livre
http://youtu.be/92iBWwFFX-E Portrait de Michel Leiris
http://youtu.be/T4aYBrGBWYY Miroir de L'Afrique
http://youtu.be/1jN8VRUdC-w Michel Leiris chez les Dogons
http://youtu.be/vjWyM3KYDss Objet usuel dogon



Attacher un fichier:



jpg  Michel_Leiris.JJ.1984.jpg (616.06 KB)
3_5353e07786d58.jpg 1676X1104 px

jpg  6a00d8341ce44553ef00e552b639d08834-500pi.jpg (40.71 KB)
3_5353e08287331.jpg 500X364 px

jpg  arton267.jpg (13.26 KB)
3_5353e08c0f758.jpg 180X276 px

jpg  505803264.jpg (5.72 KB)
3_5353e096c72b5.jpg 150X181 px

jpg  portrait.jpg (41.55 KB)
3_5353e0a3d9168.jpg 389X480 px

jpg  8o5l43sc.jpg (41.09 KB)
3_5353e0b122516.jpg 500X500 px

jpg  leiris3.jpg (27.76 KB)
3_5353e0c1a4fc0.jpg 300X291 px

gif  36004102.gif (32.38 KB)
3_5353e0cd158a9.gif 285X475 px

jpg  pe102_griaule.jpg (53.85 KB)
3_5353e0df76fbe.jpg 512X500 px

jpg  portrait-leiris.jpg (100.23 KB)
3_5353e10630f4c.jpg 500X514 px

jpg  miroir_afrique.jpg (32.13 KB)
3_5353e11660c1e.jpg 162X236 px

jpg  710_1_1a_MICHEL_LEIRIS_L_Afrique_fantome_1934.jpg (54.87 KB)
3_5353e124e0e1d.jpg 710X558 px

jpg  lage-dhomme-de-michel-leiris.jpg (205.47 KB)
3_5353e137dc7eb.jpg 397X636 px

jpg  l-afrique-fantome-de-dakar-a-djibouti-1931-1933-illustre-de-32-planches-photographiques-troisieme-edition-de-michel-leiris-910122431_ML.jpg (11.33 KB)
3_5353e1492b4af.jpg 270X270 px

jpg  Leiris-Michel-Et-Delange-Jacqueline-Afrique-Noire-La-Creation-Plastique-Livre-498982049_ML.jpg (16.67 KB)
3_5353e1560cdee.jpg 270X270 px

jpg  photo-41190-55279-p1710667.JPG (35.61 KB)
3_5353e167ac94d.jpg 600X450 px

jpg  231240449.jpg (47.81 KB)
3_5353e17767102.jpg 300X389 px

jpg  1084_85.jpg (12.94 KB)
3_5353e19569e3b.jpg 300X263 px

jpg  study_of_isabel_b.jpg (37.63 KB)
3_5353e1a1e73be.jpg 500X581 px

Posté le : 19/04/2014 21:03

Edité par Loriane sur 20-04-2014 17:03:05
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
41 Personne(s) en ligne (24 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 41

Plus ...