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François Mauriac
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Le 11 octobre 1885 à Bordeaux naît François Mauriac

écrivain français, mort le 1er septembre 1970 à Paris, à 84 ans. Lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1926, il est élu membre de l'Académie française au fauteuil no 22 en 1933. Il reçoit le prix Nobel de littérature. Romancier, dramaturge, critique, journaliste, poète. Il reçoit pour distinctions le grand prix du roman de l'Académie française 1926, le prix Nobel de littérature 1952. Ses Œuvres principales sont : Le Baiser au lépreux 1922, Le Désert de l'amour 1925, Thérèse Desqueyroux 1927, Le Nœud de vipères 1932, Mémoires intérieurs 1959. En 1952, le prix Nobel de littérature est non seulement une consécration, mais le point de départ d'une nouvelle carrière : Mauriac se voue désormais presque entièrement à une œuvre journalistique, souvent polémique et politique. Déjà, avant guerre, il avait écrit dans l'Écho de Paris, Sept et Temps présent. En 1953, la crise marocaine puis l'engagement aux côtés du général de Gaulle marquent le Bloc-notes 1958 et le Nouveau Bloc-Notes 1961 – qui reprennent des articles écrits entre 1950 et 1960 dans le Figaro et dans l'Express. Mauriac y soutient Mendès France, puis de Gaulle et la politique de décolonisation. Redoutable polémiste, il pourfend les médiocres de la vie politique.
Vers un catholicisme social

En bref

Mauriac est sans conteste l'un des plus importants romanciers français du XXe siècle. Son domaine est limité. Le décor, les personnages, les thèmes, les procédés rétrospection, monologue intérieur varient peu d'un livre à l'autre. Il est essentiellement le peintre de la province française, des combats entre la chair et l'esprit, entre la sensualité de tout jeunes hommes, ou de femmes mûres et insatisfaites, et l'attrait de la religion pour les cœurs inquiets et blessés. Il s'est posé dans divers ouvrages de critique et dans son Journal bien des problèmes qui tourmentent le romancier catholique, soucieux de ne rien dissimuler de la vérité et des séductions du péché. Ses livres sont remarquables par la création d'une atmosphère fiévreuse, par leur tension tragique et surtout par leur poésie.
Poète, il le demeura dans l'écrit politique qui, après 1945, devint progressivement sa préoccupation majeure et l'expression d'un engagement que la mort seule arrêta. Il possédait le don de capter l'événement pour le transposer de l'éphémère évanescent, qui est son milieu propre, dans l'éternel et situer le relatif dans le sillage de l'absolu. Il restitue l'actualité intégrée dans la durée du poème sous la double optique de la tendresse de l'homme et de l'espérance de Dieu, et l''adieu à l'adolescence
Né à Bordeaux, François Mauriac est resté attaché à cette ville, dont il a dépeint la bourgeoisie sans indulgence. La plupart de ses romans sont placés dans ce décor de province, étroit, oppressant, parmi des gens soupçonneux et férocement attachés à leurs possessions et à leurs traditions. Pour Mauriac comme pour Balzac, il n'y a qu'en province que l'on sache bien haïr, et peut-être aussi aimer. Il a d'ailleurs grossi, par l'imagination ou le souvenir, et les passions de ses personnages, et les angoisses de malheureuses femmes de la province négligées par leurs maris, et la sensualité qui se dégage des étés brûlants, des pins des Landes assoiffées, des tilleuls et des lilas odoriférants des jardins solitaires. Mais ses meilleurs romans doivent une partie de leur force de suggestion à ces vignettes poétiques par lesquelles la nature sans cesse influe sur les personnages.
Sa sensibilité très vive fut accrue par la perte de son père, mort comme celui de Gide avant qu'il eût atteint sa dixième année. La mère, laissée veuve avec cinq enfants le futur romancier était le dernier, dut les élever avec quelque sévérité ; elle était fort pieuse, et le tableau que le romancier a souvent tracé de son enfance est austère. Il a parlé de son éducation janséniste, sans qu'il ait aimé beaucoup le jansénisme plus tard. Il en connut surtout les Pensées de Pascal, mais y regretta un abus de rationalisme dans les choses de la foi. Il fut élevé d'abord par les Frères maristes, puis au lycée. Se sentant, en raison de sa sensibilité, qui le rendait très vulnérable, mal armé pour la vie active, il songeait surtout à étudier le passé il prépara à Paris l'École des chartes et à s'exprimer par la plume.
À Paris, il découvrit avec exaltation la liberté de la vie de l'esprit, mais aussi combien était grande, comme elle le sera chez ses personnages, la nostalgie de la petite patrie familiale et provinciale abandonnée. Chaque écrivain venu de sa province à Paris est une Emma Bovary évadée, s'écria-t-il. Il a, après sa cinquantième année, prodigué les confidences sur sa jeunesse, dans Commencements d'une vie 1932, Mémoires intérieurs 1959 et 1965, Le Jeune Homme 1926, La Province 1926, Bordeaux 1926. Mais c'est dans ses romans qu'avec la liberté procurée par la fiction, plus vraie que le vrai, il s'est le mieux révélé. Longtemps, l'adolescent gauche, rêveur, tourmenté à la fois par le besoin d'idéaliser l'amour et de le souiller, rebelle aux contraintes familiales et se croyant incompris, va réapparaître dans les romans de Mauriac.
Il écrivit d'abord des vers, tendres mais fiévreux, que quelques aînés, dont Barrès, remarquèrent : il est revenu à la poésie en vers, influencée par Maurice de Guérin, dans Le Sang d'Atys 1940. Mais pas plus que Chateaubriand ou Gide, il n'est devenu un maître de la forme poétique. Ses premiers romans, deux écrits juste avant la guerre de 1914, à laquelle il prit part, le troisième et le meilleur, au titre significatif, La Chair et le sang, en 1920, sont encore gauches, tendus, trop inclinés vers le lyrisme.

Sa vie

François Mauriac naît le 11 octobre 1885 dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux1, fils de Jean-Paul Mauriac 1850-1887, marchand de bois merrains et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, et Claire Mauriac née Coiffard, héritière d'une famille du négoce bordelais.
Dernier d'une fratrie composée d'une sœur aînée Germaine 1878-1974 et de trois frères Raymond 1880-1960, Jean 1881-1945 et Pierre 1882-1963, François Mauriac est orphelin de père à vingt mois, après la mort subite de celui-ci à la suite d'un abcès au cerveau le 11 juin 1887. Il vit toute son enfance très entourée par une mère très pratiquante, dont il est le fils préféré et celui qui gère toutes les affaires familiales, par sa grand-mère Irma Coiffard née Abribat et sous le tutorat de son oncle Louis Mauriac, magistrat seul frère cadet de son père.
François Mauriac fait à partir de 1892, ses études primaires puis secondaires chez les Marianistes de l'institution Sainte-Marie Grand-Lebrun à Caudéran, où il fera la rencontre d'un ami d'une vie, André Lacaze.
Outre les divers logements que la famille occupera à Bordeaux, son adolescence est marquée par plusieurs lieux girondins qui tous, marqueront profondément son œuvre : Gradignan où sa grand-mère Irma possède le Château-Lange, les Landes de Gascogne autour de Langon, Verdelais et surtout l'été à Saint-Symphorien, tous ces bourgs dominés par la bourgeoisie viticole ou ayant fait fortune dans l'exploitation forestière, aux climats lourds de secrets étouffés qu'il peindra dans la plupart de ses romans.
Après avoir écrit, dans son enfance, de petits textes et poèmes, il compose à treize ans sa première réelle œuvre, un mélodrame de jeunesse intitulé Va-t'en, dédié à sa sœur Germaine.
En 1902, la mort de sa grand-mère Irma est un profond choc pour l'adolescent qu'il est, constatant la profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de l'agonisante.
François Mauriac rate la seconde partie du baccalauréat de philosophie et doit redoubler, préférant refaire une année au lycée public de Bordeaux9. Dans cet établissement il a notamment pour professeur, Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes de Paul Claudel, Francis Jammes, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Colette et Gide (notamment L'Immoraliste et Les Nourritures terrestres qui le marqueront, tous proscrits dans sa famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel. Il découvre également à cette époque les textes et idées de Maurice Barrès qui marqueront sa jeunesse.
Après son baccalauréat obtenu en juillet 1904, il étudie la littérature à la faculté de Bordeaux, sous la direction de Fortunat Strowski. Il a alors pour condisciple Jean de la Ville de Mirmont et se lie d'amitié avec André Lafon.
À cette époque, il habite toujours avec l'ensemble de sa famille, dans divers appartements et immeubles de Bordeaux, dont le 15 rue Rolland de 1903 à 1907 et fréquente à partir de 1905 les cercles bordelais du Sillon de Marc Sangnier, mouvement catholique ouvriériste, dont il se sent proche mais qui le laisse insatisfait; et dont il s'écarte définitivement en juin 1907.
Ces milieux catholiques étaient proches du modernisme, tendance d'exégètes et de philosophes qui mettaient en cause l'identité historique du Christ, voire la foi chrétienne. Dans la préface à sa Vie de Jésus, Mauriac avoue qu'il fut durablement troublé par le modernisme, avant de se rendre compte de l'a priori contre le surnaturel de ce courant de pensée.
Si, dans le cas du Sillon, la rupture n'empêcha point que Mauriac ne prenne des attitudes politiques ce qui, pour lui, en prolongeaient l'esprit avec le modernisme; en revanche, la rupture fut complète et sans compromis, au point que la préface à la deuxième édition de la Vie de Jésus prenne violemment à partie la principale figure du modernisme Alfred Loisy.
Sa famille l'envoie avec une rente annuelle de 10 000 francs13 à Paris, où il s'installe le 16 septembre 1907 — tout d'abord dans une pension étudiante de frères maristes au no 104 de la rue de Vaugirard où il réside un an avant d'être exclu, puis quelques mois dans l'hôtel l'Espérance voisin, et enfin seul en 1909 au cinquième étage du no 45 de la rue Vaneau — pour préparer l'École des chartes qu'il intègre mais finit très rapidement par abandonner pour se consacrer entièrement à l'écriture en publiant des poèmes, à son compte, dans la Revue du temps présent.

Une vocation tardive d'écrivain

Son premier volume de poèmes, Les Mains jointes, est publié en 1909. Bien que retenant l'attention des milieux littéraires et notamment, depuis 1910, de Maurice Barrès, auquel il voue un véritable culte, Mauriac ne sera connu du grand public qu'une dizaine d'années plus tard. En 1913, il épouse Jeanne Lafon (893-1983, rencontrée chez leur amie commune Jeanne Alleman, auteur qui publie sous le pseudonyme masculin de Jean Balde, et elle lui donne un premier fils, Claude, en 1914, année de la publication de La Robe prétexte. Ses autres enfants, Claire, Luce, et Jean naîtront respectivement en 1917, 1919 et 1924
Sa carrière littéraire est interrompue par la Première Guerre mondiale, durant laquelle il s'engage un temps, bien que réformé et de santé précaire, dans un hôpital de la Croix-Rouge à Salonique. Après la victoire de 1918, il reprend ses activités et publie, en 1921, Préséances, qui le brouille pour longtemps avec la bonne société bordelaise, puis, en 1922, Le Baiser au lépreux.

Succès littéraire

Dans une vie d'abord marquée par les mondanités littéraires jeune, il fréquente les salons, notamment celui de Natalie Clifford Barney et surtout celui de la comtesse Anna de Noailles, puis par des engagements politiques guidés notamment par un idéal chrétien socialisant il suit un temps le Sillon de Marc Sangnier et s'oppose à l'Action française, Mauriac est avant tout occupé par la composition d'une œuvre romanesque, où il se révèle un remarquable analyste des passions de l'âme et un virulent pourfendeur de la bourgeoisie provinciale Genitrix, Le Désert de l'amour, Thérèse Desqueyroux, Le Nœud de vipères, Le Mystère Frontenac. La plupart de ses romans évoquent, avec une certaine intensité tragique, le conflit entre la foi et la chair et développent plusieurs images récurrentes comme le fameux désert spirituel que les personnages doivent traverser.
La qualité de ses romans et de sa poésie lui vaut d'être triomphalement élu à l'Académie française le 1er juin 1933 au premier tour contre Edmond Sée par 28 voix et 3 bulletins blancs sur 31 votants. Le 16 novembre 1933, lors de sa réception, il doit néanmoins endurer le discours peu flatteur d'André Chaumeix.

Le désert de l'amour

En 1922 et 1923, coup sur coup, parurent deux courts romans, condensés, linéaires, creusant l'analyse vivante de quelques âmes tourmentées et implacables dans leur peinture de la laideur morale et de l'égoïsme des familles : Le Baiser au lépreux (1922) et Génitrix (1923). Dans le premier, Jean Péloueyre, provincial riche, mais laid, affreusement timide, épouse, sur les conseils du curé et parce que sa richesse fait de lui « un bon parti », une fille robuste et simple, Noémi. Il sait vite qu'elle ne donne, à ce « lépreux » qu'il croit être, ses baisers que par devoir ou par pitié. En vain médite-t-il les écrits de Nietzsche pour apprendre à devenir un fort avec volonté de puissance. Il analyse incessamment sa faiblesse et meurt, se disant presque que sa jeune épouse sera enfin soulagée et libre. Génitrix trace l'image d'une mère, veuve, dominatrice, qui veut maintenir son fils unique en dehors du mariage, pour le conserver tout à elle, entouré de soins qui l'emprisonnent. Il se marie cependant. Et sa femme, malade, est en train de mourir, abandonnée, dans une chambre isolée de la maison, détestée par la belle-mère, car elle est l'intruse. Une fois disparue cependant, elle sera regrettée du fils bourrelé de remords, intérieurement révolté contre cet égoïsme paysan de sa mère qu'il sait porter aussi en lui.
D'autres œuvres bien connues allaient suivre : Le Désert de l'amour en 1925, peut-être la meilleure réussite technique de Mauriac. Il y use, comme il l'a souvent fait, de la technique de la rétrospection. Un incident rappelle soudain à Raymond Courrèges, habitué des boîtes de nuit à Paris, son passé d'adolescent bordelais, sa solitude au sein de sa famille où il se croyait incompris et, par timidité, ne savait se faire comprendre. Maladroitement et brutalement, il avait alors essayé de violer une femme de réputation douteuse, Maria Cross, que son père, médecin naïf et bon, idéalisait. Elle l'avait repoussé et vexé dans sa jeune fierté. Tout ce passé et la figure pathétique de son père revivent dans ce long récit. Mauriac, grand admirateur de Proust bien qu'il reproche à son œuvre d'avoir laissé béant le trou immense que devrait remplir Dieu, était passé maître dans l'art de remémorer le passé et de l'enchâsser dans le présent.
Deux autres romans de sa quarantaine sont de grandes œuvres : Thérèse Desqueyroux (1927) et Le Nœud de vipères (1932). Le premier, utilisant avec plus de virtuosité encore la technique de la rétrospection, est le dramatique monologue d'une épouse plus fine et plus intelligente que son mari, propriétaire campagnard plein de suffisance ; elle se laisse entraîner à tenter de l'empoisonner, est jugée et, par égard aux convenances familiales, acquittée. Mise au ban de la famille, contrainte d'abandonner sa petite fille, elle ne se repent point, mais va habiter seule à Paris. Elle y vit en névrosée malheureuse ; dans une nouvelle, « Thérèse chez le docteur », et un autre roman, La Fin de la nuit (1935), Mauriac est revenu à ce personnage maladif et attachant, l'un des rares protagonistes de ses romans qu'il s'est résigné à ne pas convertir in extremis. Le Nœud de vipères est celui d'une famille avare et haineuse, et plus encore le réseau de méchanceté, de dépit, d'endurcissement dans l'égoïsme et la poursuite des biens matériels d'un riche avocat, Louis. Il se meurt d'angine de poitrine, note dans un journal atroce de vérité le progrès de sa haine envers sa femme, ses enfants, la religion hypocrite et lui-même. Mais son « effrayante lucidité » ainsi que la quête d'un amour vrai ouvrent une voie à la grâce qui le mène à la conversion.

Controverses

Sept ou huit autres romans de Mauriac, tous reprenant un décor, une intrigue, un leitmotiv analogues, n'atteignent que par moments à la beauté de ces réussites. La Pharisienne 1941, atroce peinture d'une dévote rigide et privée de charité, que l'on prendrait pour une attaque contre la religion si Mauriac n'avait tant proclamé sa foi catholique, a quelques parties saisissantes. Sartre a, dans un célèbre article, pris à partie, non sans injustice, La Fin de la nuit, pour reprocher à l'auteur de priver ses personnages de toute liberté. Il est vrai que Mauriac a toujours été confronté au dilemme du romancier catholique : éviter le doucereux et la prédication des romanciers dits bien-pensants, peindre le mal et le vice dans leur noire vérité, ne pas fausser la vie, mais par là même risquer de rendre la chair, la passion et le mal pleins d'attraits pour le lecteur peu averti. Aussi l'orthodoxie de Mauriac a-t-elle été mise en doute par bien des catholiques, qu'il a effarouchés, même après qu'il eut été élu à l'Académie française 1933, décoré par les gouvernements successifs du pays, consacré par le prix Nobel 1952 et qu'il eut prodigué depuis 1945 ses éloges éperdus au général de Gaulle. Néanmoins, avec Bernanos et, par moments seulement, Julien Green, Mauriac représente, dans le roman de ce siècle, le sommet de la littérature catholique, hardie et jeune.
Un autre reproche a été adressé à Mauriac, dont il n'a eu nulle peine à se justifier : celui de monotonie. Car non seulement le décor, mais les thèmes, les personnages, la technique ne varient guère d'un roman à l'autre, pas plus qu'ils ne le font chez l'auteur qu'il met au-dessus de tout autre, Racine. Mauriac s'est expliqué sur son art dans divers écrits sur le roman, dans son Journal, dans ses Mémoires et dans de nombreux articles de journal et de revue : depuis 1951, sa veine de romancier s'étant tarie, le théâtre ne lui ayant qu'à demi réussi, il est devenu un journaliste et un moraliste, parfois bavard. Il a du moins réfléchi assidûment sur son art : il n'a pas caché que son premier souci avait été de rester fidèle à son monde intérieur, de dépeindre le monde qu'il connaissait le mieux et les obsessions ou souvenirs qui l'habitaient, et, acceptant ses limites, de renouveler son mode d'expression, mais non ses sujets.
Il est le plus grand en effet dans sa peinture des Mal-Aimés (c'est le titre d'une de ses pièces, 1945) et de l'amour où la chair lutte contre l'esprit, mais aussi où l'esprit, selon une formule de saint Paul, convoite contre la chair. L'amour, même quand il devrait être ennobli par le sacrement du mariage et par la progéniture, est présenté par le romancier sous un jour lugubrement féroce : femmes solitaires en vain amoureuses de jeunes hommes égoïstes, adolescents traînant dans la boue l'objet de leurs désirs, hommes mûrs endurant les tortures de la jalousie, démons de midi et du soir et démons plus avides encore de l'adolescence, « cherchant qui dévorer ». Cette insuffisance de l'amour humain préserve les personnages de Mauriac de la satisfaction dite bourgeoise : le sentiment de l'incomplet de leur existence leur fait enfin désirer le seul vrai amour, celui de Dieu.

La vertu d'engagement

« De sorte que bien loin qu'ils aient le droit de fuir les hommes en Dieu, il leur est enjoint de retrouver Dieu dans les hommes. Qu'ils le cherchent d'abord et qu'ils le trouvent dans ceux qui souffrent persécution pour la justice, chrétiens ou païens, communistes ou juifs, car de ceux-ci, la ressemblance avec le Christ est en raison directe des outrages qu'ils endurent : le crachat sur la face authentifie cette ressemblance. » Ce texte du Cahier noir – manifeste clandestin paru sous l'occupation allemande – détient la clé d'une bonne part de l'aventure mauriacienne : l'inflexion progressive du grand bourgeois vers la gauche comme celle de l'écrivain d'imagination vers le journalisme politique, jusqu'au pamphlet. La révolution espagnole de 1936 en fut le point de départ ; la guerre de 1940 détermina Mauriac à l'engagement qui prit de plus en plus le meilleur de son talent. D'abord dans son Journal, ensuite au fil du « Bloc-Notes » qui passa de l'Express au Figaro littéraire, il assuma les soucis majeurs de la France et du monde et y prit résolument parti avec autant de courage que de générosité.
Polémiste redouté, il ne s'est pas montré indulgent pour les jeunes romanciers dont les tentatives allaient à l'encontre de sa technique, paraissaient renoncer à toute action nouée, à toute exploration d'un caractère, à toute poésie dans l'art romanesque. Il n'était pas tendre non plus pour les politiciens de gauche, et moins encore pour ceux de droite, qui lui semblaient incapables de reconnaître, ou de proclamer, que la France recherchait une grandeur morale et l'avait trouvée en de Gaulle. Mais, si ses mots à l'emporte-pièce et ses jugements critiques ne manquaient pas de venin, ils savaient aussi faire place à la bonté et à la compassion.
Si Mauriac a ainsi dépeint un enfer plutôt qu'une antichambre du Paradis, il exerce, moins par la noirceur de ses sujets que par la nostalgie de pureté et de poésie qui est partout en son œuvre, une fascination sur ses lecteurs. Il a souvent répété que le roman de son époque – et il pensait sans doute au sien – ne se sauvait de la médiocrité que par la poésie qu'il exprimait. Cette poésie éclate dans le cadre d'une technique sobre et classique, et donne à la prose de Mauriac une vibration et une richesse qui le mettent, avec Malraux et Bernanos, aussitôt après Proust parmi les romanciers modernes de la France.
Au cours de sa vieillesse combative, courageusement acceptée, il sut retrouver également son inspiration romanesque d'antan. Son ultime roman, Un adolescent d'autrefois, publié en 1969, ne renouvelle ni le cadre ni les thèmes de son œuvre antérieure. Mais il est frémissant encore de vie et il constitue comme le testament d'un romancier qui, à plus de quatre-vingts ans, comprenait encore la passion, les remords et les conflits entre la chair et les aspirations de l'âme. Henri Peyre

Un écrivain engagé

Tout en poursuivant son œuvre littéraire La Fin de la nuit, première suite de Thérèse Desqueyroux, Les Anges noirs, il prend part à de nouveaux combats politiques, notamment au moment de la guerre d'Espagne, d'abord en faveur des Nationalistes avant de se ranger, dès le drame de Guernica connu, avec les chrétiens de gauche qui s'expriment dans les revues Esprit ou Sept, aux côtés des Républicains espagnols cf. ses articles dans Le Figaro et Temps présent. Cet engagement provoquera une première rupture avec sa famille politique. Robert Brasillach lui dédicacera son ouvrage sur la guerre d'Espagne : à F.M. égaré.
Sous l'Occupation, après quelques hésitations devant la Révolution nationale lancée par le maréchal Pétain, il publie en 1941 La Pharisienne, qui peut se lire en creux comme une critique du régime de Vichy et qui lui vaut d'être désigné comme agent de désagrégation de la conscience française par les thuriféraires de l'Ordre nouveau. Au sein de l'académie française, il fait partie avec Georges Duhamel qui devient secrétaire perpétuel provisoire en 1942, Louis Gillet et Paul Valéry du petit groupe tenant tête à la fraction pétainiste de l'institution17,18. Il adhère au Front national des écrivains et participe à l'œuvre de Résistance à travers la presse clandestine, Les Lettres françaises notamment. Il fait paraître en 1943, aux Éditions de Minuit, sous le pseudonyme de Forez, Le Cahier noir, qui est diffusé sous le manteau.
Au moment de l'épuration, il intervient en faveur de l'écrivain Henri Béraud, accusé de collaboration. Il signe la pétition des écrivains en faveur de la grâce de Robert Brasillach, qui est condamné à mort et qui sera malgré cela exécuté. Cet engagement lui vaut le surnom de « Saint-François-des-Assises »19. Il rompt peu après avec le Comité national des écrivains en raison de l'orientation communiste du comité et participe à la revue des Cahiers de La Table ronde, où de jeunes écrivains de droite, qu'on appellera plus tard les Hussards, feront leurs débuts. Entre 1946 et 1953, éditorialiste au Figaro, F. Mauriac s'illustre par la virulence de son anticommunisme dans le contexte de la Guerre froide. À la Libération, il fait l'objet de violentes attaques dans la revue d'extrême droite Écrits de Paris de la part de Jean Maze sous le pseudonyme Orion qui a cité F. Mauriac dans son Nouveau Dictionnaire des Girouettes, Écrits de Paris no 68, juin 1950, page 100.
Ferhat Abbas déclare, dans ses révélations sur la guerre d'Algérie, s'être réjoui de la visite dans le pays d'hommes politiques ou d'intellectuels, tels que Mauriac, qui ont défendu la vérité selon laquelle avant l'indépendance il y avait en Algérie 10 millions de musulmans qui n'étaient pas français.

Le prix Nobel

En 1952, l'année où paraît son roman Galigaï, François Mauriac reçoit le Prix Nobel de littérature pour la profonde imprégnation spirituelle et l'intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine. Polémiste vigoureux, d'abord absent du débat sur la guerre d'Indochine Vercors lui reprochera son silence), il prend ensuite position en faveur de l'indépendance du Maroc et de la Tunisie, puis de l'Algérie, et condamne l'usage de la torture par l'armée française L'Imitation des bourreaux de Jésus-Christ. Il préside aussi le Comité de soutien aux chrétiens d'URSS.
Il s'exprime notamment dans son fameux Bloc-notes, qui paraît d'abord dans la revue de La Table ronde, ensuite dans Le Figaro, puis dès 1955 dans L'Express, que viennent de créer Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, avant de reparaître à partir de 1961 et jusqu'à la fin dans Le Figaro.
Il soutient un temps Pierre Mendès France sous la IVe République, mais le putsch des généraux à Alger précipite son ralliement sans faille au général de Gaulle sous la Ve République. Au cours des années 1960, il donne une suite à ses Mémoires intérieurs 1959, avec les Nouveaux mémoires intérieurs 1965, et publie ses Mémoires politiques 1967, ainsi qu'une hagiographie du général, De Gaulle 1964, auquel il demeurera fidèle jusqu'au bout.
Son dernier roman, Un adolescent d'autrefois reçoit un accueil enthousiaste de la critique en 1969. Une suite, Maltaverne, demeure inachevée et sera publiée de manière posthume en 1972.
François Mauriac meurt à Paris le 1er septembre 1970 et est enterré au cimetière de Vémars Val-d'Oise. Ses œuvres complètes ont été publiées en douze volumes entre 1950 et 1956. Une édition complète de ses œuvres romanesques et théâtrales a été éditée dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade, en quatre volumes, parus entre 1978 et 1985 ; elle est suivie en 1990 d'une édition de ses œuvres autobiographiques.
Claude Mauriac et Jean Mauriac, ses fils, et Anne Wiazemsky, sa petite-fille, sont aussi écrivains. Luce Mauriac, sa fille, a publié un roman en 2008.
Le domaine de Malagar, à Saint-Maixant, qui fut le lieu de la fin de l'adolescence et que l'écrivain reçut en 1927 à la suite d'un partage familial, est aujourd'hui propriété du Conseil régional d'Aquitaine. Cette maison d'écrivain, transformée en centre culturel, est désormais ouverte à la visite.

Révélations sur l'homosexualité de Mauriac:

Lettre ouverte à Monsieur François Mauriac, membre de l'Académie française, prix Nobel.
S'appuyant sur des sources écrites, l'ouvrage biographique de Jean-Luc Barré s'attache au fait que François Mauriac aurait notamment brûlé de passion — dont la nature exacte n'est pas précisée — pour un jeune écrivain, diplomate suisse, Bernard Barbey. L'information selon laquelle Mauriac aurait vécu des passions
probablement platoniques pour des jeunes gens avait été donnée dans une interview de Daniel Guérin publiée dans le livre de Gilles Barbedette et Michel Carassou, Paris gay 1925 publié aux Presses de la Renaissance. Daniel Guérin est venu confirmer cette information, vérifiable dans la correspondance qu'il a reçue de Mauriac, conservée à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, en contradiction avec la volonté de l'écrivain de la récupérer et de la détruire.

Å’uvre

Romans, nouvelles, récits


1913 : L'Enfant chargé de chaînes
1914 : La Robe prétexte
1920 : La Chair et le Sang
1921 : Préséances
1921 : Dialogue d'un soir d'hiver nouvelle
1922 : Le Baiser au lépreux
1923 : Le Fleuve de feu
1923 : Genitrix
1924 : Le Mal
1925 : Le Désert de l'amour Grand prix du roman de l'Académie française, 1926
1927 : Thérèse Desqueyroux
1928 : Destins
1929 : Trois récits : Coups de couteau, 1926 ; Un homme de lettres, 1926 ; Le Démon de la connaissance, 1928
1930 : Ce qui était perdu
1932 : Le Nœud de vipères
1933 : Le Drôle conte pour enfant
1933 : Le Mystère Frontenac
1935 : La Fin de la nuit
1936 : Les Anges noirs
1938 : Plongées comprenant Thérèse chez le docteur, 1933 ; Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Le Rang ; Insomnie ; Conte de Noël
1939 : Les Chemins de la mer
1941 : La Pharisienne
1951 : Le Sagouin
1952 : Galigaï
1954 : L'Agneau
1969 : Un adolescent d'autrefois
1972 : Maltaverne posthume

Théâtre

1938 : Asmodée
1945 : Les Mal-aimés
1947 : Passage du malin
1950 : Le Feu sur la terre

Poèsie.

1909 : Les Mains jointes
1911 : L'Adieu à l'adolescence
1918 : Le Disparu
1925 : Orages
1940 : Le Sang d'Atys

Essais, recueils d'articles

1919 : De quelques cœurs inquiets Société littéraire de France
1926 : La Province Hachette ; réédition Arléa, 1988
1928 : Le Roman L'artisan du livre
1928 : La Vie de Jean Racine rééd. Paris, Perrin, 1999
1929 : Dieu et Mammon
1930 : Trois Grand Hommes devant Dieu, éd. du Capitole
1931 : Le Jeudi-Saint
1931 : Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline
1931 : Souffrances et bonheur du chrétien
1933 : Le Romancier et ses personnages
1936 : La Vie de Jésus rééd. Seuil, 1999
1945 : La Rencontre avec Barrès rééd. La Table ronde, 1994
1947 : Du côté de chez Proust, La Table ronde, 1947
1958 - 1971 : Bloc-notes, Seuil, 5 vol.
1958 : Le Fils de l'homme
1981 : Souvenirs retrouvés - Entretiens avec Jean Amrouche, éd. Fayard/INA
1996 : Mozart et autres écrits sur la musique, éd. Encre marine
2000 : La Paix des cimes : chroniques, 1948-1955, éd. Bartillat
2004 : D'un Bloc-notes à l'autre : 1952-1969, éd. Bartillat
2008 : Téléchroniques, 1959-1964, éd. Bartillat

Mémoires

1943 : Le Cahier noir
Publié sous le nom de Forez, qui était son pseudonyme, en clandestinité, par les éditions de Minuit
1948 : Journal d'un homme de trente ans extraits Editions Egloff
1959 : Mémoires intérieurs
1962 : Ce que je crois
1964 : Nouveaux mémoires intérieurs
1967 : Mémoires politiques

Autobiographie et correspondance

1925 : Bordeaux, version première des Commencements d'une vie L'Esprit du Temps, 2009
1932 : Commencements d'une vie
1953 : Écrits intimes
1981 : Lettres d'une vie, 1904-1969
1989 : Nouvelles lettres d'une vie, 1906-1970

Scénario

1955 : Le Pain vivant scénario et dialogue du film Le Pain vivant sorti en 1955

Œuvres complètes

Œuvres romanesques et théâtrales complètes, dirigées par Jacques Petit, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1978-1985, 4 vol.
Œuvres autobiographiques complètes, dirigées par François Durand, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1990.

Préfaces

1948 : La Puissance et la gloire de Graham Greene
1958 : La Nuit d'Elie Wiesel
1966 : D’autres et moi recueil de préfaces à des œuvres diverses, ainsi qu’aux œuvres complètes de l’auteur

Prix et distinctions

Grand prix du roman de l'Académie française 1926
Membre de l'Académie française 1933
Prix Nobel de littérature 1952
Grand-croix de la Légion d'honneur 1958

Hommages

En 1994, l'État et la ville de Paris rendent hommage à l'écrivain en baptisant de son nom le quai François-Mauriac, aux pieds de la Bibliothèque nationale de France, dont c'est l'adresse officielle, dans le 13e arrondissement.

Par ailleurs, deux prix littéraires portent son nom :

Le prix François-Mauriac de l'Académie française
Le prix François-Mauriac de la Région Aquitaine


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Posté le : 09/10/2015 22:08
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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