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Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée
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Le 14 février 1692 naît Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée

à Paris où il est mort le 14 mars 1754 auteur dramatique français, créateur d'un genre théâtral : la comédie larmoyante. Le révérend père La Chaussée ne va cependant pas jusqu’à appliquer les stricts principes moraux qu'il met en scène dans ses pièces à sa vie privée : il fréquente des cercles libertins et compose également des ouvrages grivois. Reçu à l’Académie française en 1736, il s'opposera constamment à l'admission d'Alexis Piron, ainsi qu'à celle de Jean-Pierre de Bougainville, lequel finira toutefois par lui succéder.
La Chaussée a pavé la voie, avec sa comédie larmoyante qui ne visait plus le comique mais les larmes, au drame bourgeois. Brisant la séparation rigoureuse alors en vigueur entre la tragédie et la comédie, cette innovation s’inscrivait dans le fil des pièces de Marivaux et allait conduire tout naturellement au drame bourgeois de Diderot et de Sedaine.
Cette innovation conquit le public mais suscita de vives oppositions dans le monde des lettres. Voltaire, qui ne négligea pourtant pas le genre de la comédie larmoyante avec L'Enfant prodigue, affirma qu'il démontrait l'incapacité de l'auteur à produire soit des comédies, soit des tragédies, et écrira :


Sa vie

La Chaussée a près de quarante ans lorsqu’il débute dans les lettres par un petit poème, une Épître de Clio, publiée à Paris en 1731, et dans laquelle il prend le parti de La Faye dans la controverse opposant ce dernier à Houdar de La Motte, qui soutenait que les vers n’étaient pas indispensables à la tragédie.
Deux ans plus tard, il fait jouer sa première pièce, La Fausse Antipathie, en trois actes et en vers, représentée le 12 octobre 1733. Cette œuvre annonce le drame bourgeois, tout en conservant les règles canoniques de la comédie classique. C’est le premier essai d’un genre nouveau, qu’on appellera la comédie larmoyante ou comédie mixte, et qui n’est autre chose que le drame, mais bien modeste encore, respectant scrupuleusement les règles classiques des trois unités et la forme du vers.
Le public prend simplement La Fausse Antipathie pour une comédie dépourvue de comique et La Chaussée lui-même n’avait peut-être fait qu’entrevoir le genre qu’il allait développer avec succès, surtout dans les cinq pièces suivantes, toutes en cinq actes et en vers, données comme des comédies sans comique, où le but était d’intéresser par le spectacle des infortunes domestiques.
Le Préjugé à la mode 3 février 1735 tourne en ridicule l’idée reçue selon laquelle un homme de naissance ne peut manifester de l’amour pour sa femme.
Dans L'École des amis 26 février 1737, le personnage principal, affligé de malheurs imaginaires, est placé entre trois amis dont un seul mérite ce nom.
Mélanide 12 mai 1741 constitue le modèle de la comédie larmoyante. L'héroïne est séparée de l'époux de son choix par un arrêt du Parlement. Elle le retrouve longtemps après sur le point d’épouser la fille d’un ami, dont il dispute la main à son propre fils. Geoffroy l'appelait « Mélanide la dolente », parce qu’elle était constamment en larmes.
L'École des mères 24 avril 1744 met en relief le danger de la prédilection aveugle des parents pour l'un de leurs enfants. Cette pièce avait la préférence de La Harpe « parce qu’elle réunit à l'intérêt du drame des caractères, des mœurs et des situations de comédie ».
La Gouvernante 18 janvier 1747, enfin, prend pour base un fait réel arrivé à M. de La Faluère, premier président du parlement de Bretagne. Trompé par un secrétaire qui avait soustrait une pièce décisive, il fit rendre un arrêt injuste et ruina la personne qui perdait son procès. Instruit de son erreur, le magistrat remboursa sur sa propre fortune la somme perdue. Dans la pièce, le président, après avoir cherché la victime de son erreur, la retrouve dans une femme de qualité qui a changé de nom et qui est employée chez lui comme gouvernante.
Tirant ses principaux effets de la triste situation de personnages qui ne sont pas au-dessus de l'ordre commun, La Chaussée leur prête dans tous les moments où l'action n'est pas très vive, un entretien sérieux dont la langueur va facilement à l’insipidité. Comme il a en vue l'instruction morale plus directement que dans la comédie véritable, les préceptes et les sentences sont multipliées au point que quelques scènes ne sont que des traités de morale dialogués. Avec ses tendances et ses défauts, La Chaussée fait alors face aux attaques des envieux, des amis du sel comique et de ceux qui voient dans ses œuvres une sorte de profanation à la fois contre la comédie et contre la tragédie.

DRAME
Drame bourgeois

Le drame bourgeois naît au XVIIIe siècle du déclin de la tragédie classique. Il vise à la remplacer comme grand genre du théâtre sérieux. L'audience qu'obtiennent ces pièces est à mettre en relation avec l'évolution du public, elle-même liée à celle de la société. Chez les spectateurs, quelle que soit leur naissance, le goût s'embourgeoise. Le genre atteste les qualités de sérieux qui caractérisent l'amateur de théâtre au XVIIIe siècle : amour de la modernité, désir de réfléchir sur des problèmes réels, aspiration à la vertu – et un certain béotisme. Préparé, avant 1750, par les œuvres de Destouches et de La Chaussée, s'épanouissant dans la seconde moitié du siècle avec Diderot, Beaumarchais, Sedaine, Mercier, le drame, au siècle suivant, cesse de s'appeler« bourgeois », l'adjectif ayant pris une couleur par trop péjorative. Pourtant les prolongements se laissent facilement discerner chez Émile Augier, Dumas fils, Curel. À la fin du siècle, un renversement des valeurs se produit : la pièce à sujet bourgeois rencontre une chance nouvelle dans l'inspiration antibourgeoise, avec Henry Becque, Mirbeau, et jusqu'à nos jours.

L'invention des bons sentiments

• Les précurseurs

De 1710 à 1754, Destouches produit des comédies qui s'intitulent Le Curieux impénitent, L'Ingrat, La Force du naturel, son « chef-d'œuvre » étant Le Glorieux (1732). Diplomate, il répugne à l'enjouement. Non moins qu'à la poésie l'esprit mondain, au XVIIIe siècle, nuit au comique. Destouches aime les analyses morales, et glisse de la morale à la moralité. Son Glorieux, en face d'un hobereau vaniteux, déploie l'éventail des vertus bourgeoises, jusqu'à la conversion du coupable. Un peu à son insu, Destouches redécouvre une source d'intérêt que connaissait Térence : ni la terreur, ni la pitié, ni le rire, mais une sympathie compatissante.
Inventée par Nivelle de La Chaussée, la comédie larmoyante s'écarte davantage de la tradition classique. Cet homme d'argent et de plaisir a su voir dans une comédie de Voltaire le sujet moral que Voltaire n'avait pas vu. Il en tire son Préjugé à la mode (1735), l'un des grands succès du siècle, repris chaque année jusqu'à la Révolution. Le préjugé est celui que peindra Laclos : la gloire d'un homme se mesure au nombre de ses conquêtes ; quiconque aime sa femme se couvre de ridicule. Durval est donc honteux d'aimer son épouse qui l'aime. L'action se dénoue lorsque, bravant le préjugé, il a le courage de son sentiment. L'œuvre présente déjà deux caractères du drame bourgeois : elle est faiblement écrite ; elle oppose au libertinage aristocratique une pratique bourgeoise des vertus.

Diderot

Dès ses débuts, vers 1750, Diderot, chef de l'équipe encyclopédiste, prône, en même temps qu'une philosophie nouvelle, un art neuf. Contre la tragédie, ranimée par Voltaire mais définitivement morte après l'ultime succès de Tancrède (1760), il va créer un genre adapté à l'esprit moderne : le drame bourgeois. Il joint l'exemple au précepte. Avec Dorval et moi il publie les cinq actes en prose du Fils naturel (1757, joué en 1771 sans aucun succès) ; avec le Discours sur la poésie dramatique, il donne Le Père de famille (1758, joué avec un passable succès en 1761). Le plus intéressant en ces textes reste l'esthétique vériste. Diderot soutient que le drame du Fils naturel a été vécu. L'un des participants, Dorval, en tire une pièce jouée au salon par ceux-là mêmes qui furent mêlés à l'événement. Fiction étrange qui pose le problème de la transposition théâtrale. Une dramaturgie de la pantomime et du « tableau » est présentée comme plus vraie que celle des monologues, dialogues, coups de théâtre. Et l'œuvre, bien entendu, doit être écrite en prose.
Les pièces nouvelles auront l'âpre saveur du réel. On traitera de la vie familiale. On montrera un père dans les « drames » suscités par les amours de ses enfants. On peindra la profession. Il ne suffira plus de porter à la scène des hommes ayant un métier : le sujet sera tiré de l'activité professionnelle même. On reconnaît la philosophie qui fit de l'Encyclopédie un dictionnaire des métiers. L'émotion naîtra des épreuves endurées par les gens de bien. L'effet sera fort moral. « C'est toujours la vertu et les gens vertueux qu'il faut avoir en vue quand on écrit. »

Beaumarchais

Beaumarchais, dans son Essai sur le genre dramatique sérieux, préface d'Eugénie (1767), reprend l'essentiel de cette poétique. Intérêt « plus pressant », affirme-t-il, celui d'un « malheur domestique », puisqu'un tel événement semble « nous menacer de plus près ». « Que me font à moi, sujet paisible d'un État monarchique du XVIIIe siècle, les révolutions d'Athènes et de Rome ? » Bizarrement, l'auteur du Barbier de Séville préfère au rire l'« attendrissement » qu'inspire la vertu persécutée. « Je sors du spectacle meilleur que je n'y suis entré, par cela seul que j'ai été attendri. » Qu'un génie aussi vigoureusement comique ait toujours penché vers le drame bourgeois (Beaumarchais débute avec Eugénie, poursuit avec Les Deux Amis, 1770, conclut avec La Mère coupable, 1792, après avoir glissé quelques tirades « dramatiques » dans Le Mariage de Figaro), quelle meilleure preuve de la vitalité du genre dans les décennies précédant la Révolution ?

Le pathétique bourgeois

Le drame bourgeois porte sa date. Personnage d'époque que son héros, cet homme « sensible ». L'émotion, accompagnée d'une conscience de l'émotion, s'épanouit en un expressionnisme véhément, théâtral, qui devait rapidement se démoder. Au tableau final, le Père de famille de Diderot bénit les quatre jeunes gens agenouillés et profère : « Oh ! qu'il est cruel... qu'il est doux d'être père ! » Les auteurs comme le public aspirent à un pathétique violent. À l'époque des adaptations de Ducis, on attend un Shakespeare bourgeois. C'est à propos du genre nouveau que Diderot écrit la phrase souvent citée : « La poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage... » D'ordinaire, cependant, la vie de famille, l'activité professionnelle ne comportent rien de tel. Cette sorte de sujets demande à être traitée avec discrétion, ainsi que l'a su faire Sedaine, qui a laissé des œuvres justes et vraisemblables, comme son Philosophe sans le savoir (1765). Mais Diderot, Beaumarchais s'évertuent à créer du pathétique par des moyens artificiels : style emphatique, ficelles usées de l'intrigue (enfants perdus et reconnaissances, lettres interceptées, hasards malencontreux). Fait exception pourtant Est-il bon ? Est-il méchant ? « le seul ouvrage très dramatique de Diderot » (Baudelaire), le seul qui aujourd'hui puisse être joué.

Les valeurs bourgeoises

L'illusion de poésie procédait sans doute de la ferveur inspirée alors par les valeurs bourgeoises. Le drame célèbre les mérites d'une classe en expansion. Les Deux Amis (sous-titre : ou le Négociant de Lyon) illustrent la probité d'un marchand, placé, le jour de l'échéance, à la suite du décès inopiné d'un notaire, dans une situation cornélienne ; sifflée à Paris, la pièce fut goûtée dans les villes d'affaires. Le Père de famille traite de la mésalliance ; Saint-Albin, espoir d'une dynastie bourgeoise, épousera-t-il Sophie, l'ouvrière dont il est épris ? Oui, car Sophie retrouve, à point nommé, des parents fort sortables. Dans une époque où la bourgeoisie s'affirmait comme classe d'opposition, le drame arbitrait à son profit le conflit avec l'aristocratie. Le « philosophe sans le savoir » de Sedaine, M. Vanderk, né noble, s'est fait commerçant : il loue, à l'encontre de l'oisiveté nobiliaire, les vertus laborieuses. Pareillement, dans La Mère coupable, conclusion de la trilogie figaresque, Beaumarchais montre un Almaviva ayant abjuré son rang de grand d'Espagne, pour vivre bourgeoisement à Paris.
Le drame n'ignore pas les rapports du bourgeois avec ses inférieurs, domestiques ou salariés. Mais il n'y voit que matière à idylle. La Brouette du vinaigrier, de Louis Sébastien Mercier (1775), narre l'histoire du bon employé remettant ses économies à son patron ruiné. M. Delomer, négociant comme il se doit, a une fille, aimée sans espoir par le fils d'un vinaigrier, ancien domestique de la maison. Soudain Delomer perd toute sa fortune. Alors entre le vinaigrier, poussant sa brouette ; le petit baril qu'il roule contient non du vinaigre, mais des pièces d'or, amassées une à une. Le négociant, sauvé par ce pactole, donne sa fille au fils du bonhomme. Le rideau tombe sur une scène touchante : tout le monde s'embrasse. Le drame bourgeois ruisselle de bonne conscience. Son héros ne doute pas que l'avenir lui appartienne ainsi qu'à ses semblables.

Diffusion du genre au XVIIIe siècle

Si l'on veut apprécier le rayonnement du genre au siècle des Lumières, d'autres noms sont à citer. Marivaux fait intervenir une discrète sentimentalité bourgeoise dans une pièce comme Le Jeu de l'amour et du hasard (1730). Plus franchement, sa Mère confidente (1735) annonce le drame tel que le concevra Diderot. Voltaire, sensible aux ridicules du genre mais attentif à suivre le goût du public, s'y essaie avec L'Écossaise (1760). Parmi les auteurs de moindre importance, Fenouillot de Falbaire mérite une mention pour son Honnête Criminel (1767), drame d'un fils prenant aux galères la place de son père, protestant condamné pour cause de religion.
En Europe, l'Angleterre en ce domaine comme en d'autres a devancé le continent. En 1722, Steele donne The Conscious Lovers (Les Amants réservés), drame moralisant. En 1731, The London Merchant (Le Marchand de Londres) de Lillo, pathétique histoire d'un vertueux commis corrompu par une courtisane, remporte un succès inouï. Parmi les Italiens, Goldoni, rompant par son réalisme avec la commedia dell'arte, tend vers l'esthétique du drame bourgeois. Mais c'est en Allemagne que le genre est le mieux accueilli. Goethe en témoigne : « Le Père de famille de Diderot, L'Honnête Criminel, Le Vinaigrier, Le Philosophe sans le savoir, Eugénie se conformaient au respectable esprit bourgeois de la famille qui commençait à prévaloir de plus en plus » (Poésie et Vérité). Le théâtre allemand renaît par le drame bourgeois, avec Gellert, auteur de Die zärtlichen Schvestern (Les Tendres Sœurs, 1747), touchant portrait de deux jeunes personnes de la bourgeoisie saxonne. Il y eut un Père de famille allemand de Gemmingen (1780), lequel « donnait une vision sentimentale des mérites de la classe moyenne et ravissait le public ». Goethe, qui s'exprime ainsi, tira lui-même un drame bourgeois, Clavigo (1774), d'un épisode narré par Beaumarchais. Bientôt Schiller, dans Kabale und Liebe (Intrigue et Amour, 1784), porte au paroxysme révolutionnaire le conflit, en Allemagne, de la cour et de la ville, de l'aristocratie et de la bourgeoisie.

Consolidation et critique au XIXe siècle
Augier et Dumas fils

Au XIXe siècle, le substrat social du genre ne cessant de se consolider, maintes œuvres, sous d'autres étiquettes, continuent à répondre à la définition du drame bourgeois. De Hugo à Montherlant le théâtre à sujets historiques exprime une volonté de poésie. Parallèlement se perpétue une tradition de pièces à idées, sur des problèmes familiaux, professionnels, sociaux... Le Gendre de Monsieur Poirier, d' Émile Augier (1854), répète l'inévitable confrontation du roturier enrichi par son travail (dans le commerce, selon l'habitude) avec le gentilhomme oisif. Maître Guérin (1864), du même auteur, montre dans l'exercice de ses fonctions un notaire, mais un notaire véreux.
Dumas fils surtout obtint un long succès pour avoir porté à la scène les « problèmes » de son public. Il revient sur la question de la mésalliance, combinée avec le thème romantique de la courtisane rachetée par l'amour (La Dame aux camélias, 1852). Il traite La Question d'argent (1857) : puissance ou faiblesse de l'argent ? Ses personnages plaident les deux thèses. Pendant que Baudelaire proclame la séparation de l'art et de la morale, il affiche hautement ses intentions moralisantes : « Toute littérature qui n'a pas en vue la perfectibilité, la moralisation, l'idéal, l'utile en un mot, est une littérature rachitique et malsaine, née morte » ; cela dans la préface d'une pièce qui reprend un titre de Diderot, Le Fils naturel (1858). On discutait avec passion les argumentations de ses tirades bien enlevées, les paradoxes de ses mots à effet (« Les affaires, c'est l'argent des autres »). Seule échappe à l'oubli sa Dame aux camélias, transposée en mélodrame par le cinéma.

Curel

À la fin du XIXe siècle, le genre se ressent des critiques contre la société bourgeoise. Ce sont moins des valeurs que des intérêts que défend Le Repas du lion de François de Curel (1897). L'auteur, propriétaire d'un vaste domaine lorrain, apparenté à des maîtres de forges, ne simplifie pas un sujet qu'il connaît bien. Jean, rejeton d'une famille aristocratique qui désormais sur ses terres exploite une mine, veut réconcilier patrons et ouvriers grâce à la doctrine de l'Église. Situation fausse : Jean touche un fabuleux dividende (700 000 francs-or...). Et sa prédication inquiète son beau-frère, chef de l'entreprise. Invité par le syndicat à exposer ses idées, il développe non la doctrine d'Albert de Mun, mais un apologue : le repas du lion. Les ouvriers sont les chacals qui se nourrissent des restes du festin royal. Leur intérêt est de ne pas troubler le repas du fauve. Le chef syndicaliste réplique que les salariés ne ressemblent pas à des parasites ; ils sont ceux qui, par leur travail, créent la richesse du patron. Puis, le beau-frère ayant été assassiné, d'apôtre, Jean devient chef d'industrie. Il se trouve bientôt d'accord avec le ministre du Travail : la prospérité de la métallurgie permet d'octroyer de hauts salaires et de prévoir une participation aux bénéfices. Cette réflexion sur les rapports du capital et du travail intéresse encore, mais seulement dans la mesure où elle date. Les audaces de Curel paraissent timides.

Le drame antibourgeois

Bien avant la fin du siècle, un retournement s'était opéré, du drame bourgeois en drame antibourgeois. Après les pièces à thèse, volontiers non conformistes, de Dumas fils, le naturalisme accentue les tendances critiques du théâtre. La Parisienne d'Henry Becque (1885) est aussi cruelle qu'un conte de Maupassant. On préférera cependant Les Corbeaux (1882), œuvre de plus d'envergure. Becque y traite un drame socio-économique de son temps. Un industriel, à la tête d'une entreprise familiale, était peu à peu acculé à la faillite par la concentration capitaliste, lorsque subitement il meurt. Sa veuve, ses trois filles se débattent contre les hommes d'affaires qui profitent de leur ignorance. L'une d'elle se sacrifie ; elle épouse un « corbeau », vieil harpagon qui au moins protègera ces femmes. Pièce quelque peu désuète : le sujet suppose un état de la société où des femmes de la classe moyenne ne disposaient d'aucun moyen de gagner leur vie. Mais cette œuvre, d'un maître dramaturge, n'a rien perdu de son énergie qui fait penser à Balzac. Avec Les affaires sont les affaires d' Octave Mirbeau (1903), la critique sociale glisse au plan politique.
Dans une ambiance révolutionnaire, le drame antibourgeois devient normalement drame prolétarien. Une continuité s'établit du Père de famille de Diderot à l'adaptation théâtrale de La Mère de Gorki (et à celle de Poudovkine au cinéma, en 1926). Les émotions familiales, les vertus d'une classe d'avenir sont virées au crédit du prolétariat. Mais des héros positifs, qui ne pouvaient apparaître dans le monde tout bourgeois d'un Henry Becque, d'un Octave Mirbeau, orientent désormais la critique vers une espérance révolutionnaire.

Prolongements contemporains
Anouilh

D'autres prolongements sont discernables dans le théâtre du XXe siècle. Jean Anouilh fait défiler de grotesques figures dans la tradition du drame antibourgeois. Selon l'esprit du genre, la caricature fréquemment suggère ou dégage des idées. Le Voyageur sans bagages (1936) traite à ce niveau un sujet abordé sur un autre ton par Giraudoux (Siegfried, 1928) : l'amnésique de guerre à la recherche de son passé. Gaston, après dix-sept ans, retrouve la détestable famille bourgeoise qui fut la sienne. Il la repousse, se faisant accepter par un jeune Anglais qui, lui, a perdu tous ses parents. Illustration de « Familles ! je vous hais », à quoi aboutit, au siècle de la « mort du père », un genre dont la figure de proue avait été, à ses débuts, le « père de famille »...
La Sauvage (1934), du même auteur, allait plus loin. Thérèse joue dans le minable orchestre de café que tiennent ses parents. Souillée, mais restée pure, elle est aimée de Florent, le grand pianiste. Il veut, en l'épousant, faire d'elle un être neuf ; pour préparer la mutation, il la transfère dans le milieu cossu de sa famille. Mais elle, la sauvage, se révolte. Elle fuit, restant fidèle au meilleur d'elle-même qu'elle sent lié à la misère incarnée dans son grotesque père, dans sa mère répugnante, dans son amoureux, le pitoyable Gosta, musicien sans talent, sans jeunesse, sans courage. Anouilh trouve ici l'occasion d'une de ses meilleures satires de la bourgeoisie, marquée par l'esprit « front populaire » de l'époque. Mais, par-delà, la révolte de la sauvage est située sur un plan où se devine la vieille entité métaphysique du Mal. C'est le bonheur de ceux qui n'ont jamais connu la vie humiliée qu'abomine cette Antigone de café-concert. Ainsi l'œuvre s'élève à une certaine qualité de tragique – de ce tragique que paradoxalement Jean Anouilh déprécie dans son Antigone (1944), lorsqu'il redéfinit l'opposition des genres : « C'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir, qu'on est pris [...] Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. » Thérèse, qui sait qu'elle est « prise », devient une héroïne tragique d'un drame bourgeois.

Sartre

Les pièces de J.-P. Sartre élèvent leurs débats à une autre hauteur que le théâtre d'idées du XIXe siècle. Ce n'est pas cependant diminuer ces œuvres que de marquer leur filiation. Elles restent dans la ligne du théâtre bourgeois antibourgeois, par la volonté de traiter des problèmes actuels (qui assez vite risquent de dater), comme par l'attention prêtée aux rapports sociaux des personnages. Les Séquestrés d'Altona (1960), de même que jadis le drame de Curel, met en scène une dynastie de hobereaux industriels pris dans le mouvement de l'histoire moderne – histoire qui prend la figure d'un destin, réduisant ces grands bourgeois aux données premières de la condition humaine. La pensée de Sartre élargit les horizons. Frantz interjette appel auprès du tribunal des siècles. Ici encore un certain tragique, plus manifeste, est atteint lorsque le héros constate : « Le témoin de l'homme, c'est l'homme. L'accusé témoigne pour lui-même... cercle vicieux. »
L'histoire du drame bourgeois est dominée par la nostalgie de cette tragédie par rapport à laquelle il voulut, à l'origine, prendre ses distances. Genre des zones moyennes, il a laissé peu de grandes œuvres. Pour échapper aux lieux communs, il lui faut ou se renier ou se dépasser. Mais c'est là précisément ce qui fait sa valeur, et son importance historique. Il fut, et peut-être demeure-t-il encore, la matrice de tout un théâtre qui aspire à de plus exaltantes ambitions. René Pomeau
Ainsi, Collé donne à l’auteur de Mélanide le surnom de « Cotin dramatique », et Piron plaisante les « homélies du révérend père La Chaussée », composant à son sujet plusieurs épigrammes qui resteront fameuses, dont celle-ci :
« Connaissez-vous, sur l'Hélicon,
L'une et l'autre Thalie ?
L'une est chaussée et l'autre non,
Mais c'est la plus jolie.
L'une a le rire de Vénus,
L'autre est froide et pincée :
Salut à la belle aux pieds nus,
Nargue de la chaussée. »
(Alexis Piron, Épigrammes)

Postérité littéraire

« Souvent je bâille au tragique bourgeois,
Aux vains efforts d’un auteur amphibie,
Qui défigure et qui brave à la fois,
Dans son jargon, Melpomène et Thalie. »

Voltaire, Le Pauvre Diable

Au-delà de leur intérêt dans l’histoire de la littérature, les pièces de La Chaussée sont aujourd’hui difficiles à lire et le seraient plus encore à représenter. Les personnages y sont très nombreux et insuffisamment caractérisés. La morale y est omniprésente et s'épanche en longues et ennuyeuses tirades. Le style, facile, parfois bien trouvé, est le plus souvent relâché et négligé.

Å’uvres

Sablier a publié les Œuvres de Monsieur Nivelle de La Chaussée (Paris, Prault, 1762, 5 vol. in-12). Ont également été publiées des Œuvres choisies (Paris, 1813, 2 vol. in-18 ; 1825, in-18).
Épître de Clio à M. de B*** au sujet des opinions répandues depuis peu contre la poésie, 1731
La Fausse Antipathie, comédie en 3 actes, en vers, 12 octobre 1733
Le Préjugé à la mode, comédie en 5 actes, en vers, 3 février 1735
L'École des amis, comédie en 5 actes, en vers, 26 février 1737
Maximien, tragédie, Paris, Comédie-Française, 28 février 1738
Mélanide, comédie en 5 actes, en vers, Paris, Comédie-Française, 12 mai 1741
Amour pour amour, comédie en 3 actes, en vers, avec un prologue, Paris, Comédie-Française, janvier 1742
Paméla, comédie en 5 actes, 1743
L'École des mères, comédie en 5 actes, en vers, 27 avril 1744
Le Rival de lui-même, comédie nouvelle en 1 acte, en vers, précédée d’un prologue, avec des divertissements, Paris, Comédie-Française, 20 avril 1746
La Gouvernante, Paris, Comédie-Française, 18 janvier 1747
L'Amour castillan, comédie en 3 actes, en vers, avec un divertissement, Paris, Théâtre-Italien, 11 avril 1747
L'École de la jeunesse, comédie en 5 actes, 1749
Élise ou la Rancune officieuse, comédie en un acte, 1750
Le Retour imprévu, comédie en 3 actes, Paris, Théâtre-Italien, 1756
Le Vieillard amoureux, comédie en 3 actes, non représentée, du moins par un théâtre de Paris
L'Homme de fortune, comédie en 5 actes, non représentée
Les Tyrinthiens, comédie en 3 actes, non représentée
La Princesse de Sidon, tragi-comédie en 3 actes, non représentée
Le Rapatriage, comi-parade en 1 acte, Å“uvre grivoise
Contes en vers, Å“uvre grivoise



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Posté le : 13/02/2016 22:01

Edité par Loriane sur 14-02-2016 18:09:36
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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