| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Mme De La Fayette [Les Forums - Histoire de la Littérature]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





Mme De La Fayette
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9501
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3167 / 56506
Hors Ligne
Le 25 mai 1693, à 59 ans, à Paris Royaume de France, meurt

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de La Fayette


ou Lafayette, femme de lettres française, auteur de romans, nouvelle de style du mouvement "classicisme", ses Œuvres principales sont : La Princesse de Montpensier en 1662, La Princesse de Clèves en 1678, elle est née le 18 mars 1634 à Paris
Ne pas confondre avec Adrienne de la Fayette épouse du marquis de La Fayette.


"Mme de La Fayette a eu raison pendant sa vie. Elle a eu raison après sa mort. "Mme de Sévigné croyait-elle si bien dire et comme prophétiser. Depuis trois siècles, en effet, ce nom a fait éclore un mythe. Qu'importe qu'elle soit auteur plus qu'écrivain si sa postérité littéraire en est encore à s'enrichir de cette sorte de cascade qui hommage, influence, tentative concertée", en ordre ou dans le désordre, en passant par Constant, Stendhal ou Gobineau, Fromentin ou Radiguet, a nourri l'art du roman.
Est-ce une langueur mélancolique qui la fit surnommer le brouillard par les familiers de l'hôtel de Nevers, tandis que d'aucuns vantaient sa divine raison ? Nul doute qu'elle ait eu son mystère, cette grande dame française, un peu fragile, qui se disant baignée de paresse n'en menait pas moins ses affaires avec ardeur, qui, prude, dévote, jeune et non veuve, laissa La Rochefoucauld ne la presque pas quitter, qui, ne détestant pas l'intrigue, ne s'aliéna nulle amitié, et, sensible aux succès mondains, empêcha, néanmoins, qu'aucune de ses œuvres fût publiée sous son nom.
L'époque était de celles où une fortune trop petite, une érudition trop grande et une noblesse médiocre gênaient l'établissement d'une fille. Or, tout homme de goût qu'il fût, son père, Marc Pioche de La Vergne, n'était que simple écuyer. Sans doute Marie-Madeleine, qui naquit à Paris, eût-elle passé son existence parmi nombre d'honnêtes gens plus cultivés que courtisans, si sa mère, Isabelle Pena, n'eût été assez habile pour la pousser dans le monde. Elle lui donne pour parrain Urbain de Maillé, marquis, maréchal de France et beau-frère de Richelieu ; pour marraine, Marie-Madeleine de Vignerol du Plessis, nièce du même Richelieu et future duchesse d'Aiguillon. Retz, le coadjuteur, fréquente la maison, ainsi que Renaud de Sévigné oncle de la marquise qu'Isabelle Pena épousera en secondes noces. Les activités frondeuses de ce beau-père turbulent, et qui lui vaudront peut-être son goût pour la politique, n'empêcheront pas Marie-Madeleine d'être, en 1651, demoiselle d'honneur de la reine, et, en 1654, de se lier avec Henriette d'Angleterre, dont elle écrira une vie, et qui séjourne en le couvent de Chaillot. En 1655, elle épousera le frère de la supérieure de ce couvent, Jean François de La Fayette, de vingt ans son aîné ; mais un nom, et certaine fortune.
De cette chose incommode que lui paraît être l'amour, elle ne souffrira guère. Laissant en ses terres d'Auvergne un mari fort peu gênant, Mme de La Fayette ne quittera plus Paris jusqu'à sa mort. Le mariage d'Henriette d'Angleterre avec Monsieur, duc d'Orléans, lui ouvrira les portes de la Cour. Son sens pratique et son esprit feront le reste : elle saura mener la carrière de ses fils et devenir une personne considérable
Admise à la Cour, témoin de ses plus belles intrigues, est-ce son adresse à doter d'une investiture d'histoire un fait divers qui valut à Mme de La Fayette l'admiration de ses contemporains ? Mais le roman plus ou moins historique préexistait ! Est-ce l'audace de composer un roman avec ce qui passait pour un sujet de nouvelle ? Est-ce son goût pour l'analyse ? Mais une certaine analyse n'était absente ni de L'Astrée ni des récits sans fin de Mlle de Scudéry ! Est-ce son obsession des ravages de l'amour ?
Disposition personnelle ou influence des jansénistes, les errements de la passion lui furent son sujet d'étude : l'amour monstre de la nature, peste du genre humain, perturbateur du repos public. La Comtesse de Tende posthume, 1724, c'est la dureté de l'amour. Le Triomphe de l'indifférence, ce sont ses mortelles douceurs et ses longues amertumes. La Princesse de Montpensier 1662, c'est, peinte de façon exemplaire, l'incommodité d'un penchant, Zaïde 1669, roman à la mode espagnole, c'est l'effrayante vision de la jalousie on songe à l'Albertine de Proust. Enfin, la boucle est bouclée avec la Princesse de Clèves 1678 : d'un engagement éternel naît la perte de l'amour. Tel engagement, qui le tiendrait ? Il est pourtant indispensable à l'existence d'un amour... À partir de cette gageure l'analyse va se tisser.
De l'analyse qui, chez les précieux n'était qu'ornement, prétexte à propos mondains et obstacle à l'action, Mme de La Fayette fait le support unique de l'intrigue dans La Princesse de Clèves. Le regard sur le vécu et le point sans cesse fait s'inscrivent dans la ligne d'action. L'analyse devient substance d'un récit tout du long courbé vers l'avant. Durée, ressort, mouvement intérieur, elle va les prendre en charge. C'est la première solution apportée au délicat problème du temps romanesque. En ce temps fait champ clos, en cette lice des tourments du cœur que l'esprit jamais ne déserte, en cette qualité, en définitive, d'investigation psychologique, réside la véritable originalité de Mme de La Fayette.
Que Boileau l'ait tenue pour la femme de France qui écrivait le mieux ne nous fera pas pour autant trouver sa phrase parfaite. Mais est-ce la perfection d'un langage qui tisse certain ton ? Outre un faste baroque perdu, certains déploreront des impropriétés, des redites, un abus du relatif, un vocabulaire pauvre. Mais l'habileté des faiseurs, qu'at-elle à voir avec le génie ? Un pointage de gaucheries n'empêche pas que nous enchantent un climat quasi unique, tout de rigueur et de mesure, et même une distance prise, et jusqu'à la monotonie créée par un refus du trait individuel, fondé qu'est cet art classique sur une croyance en l'identité de l'homme.

Si Mme de La Fayette n'a pas gagé d'être parfaite, elle n'en demeure pas moins l'auteur du premier en date des romans modernes, et ce roman en est toujours à compter parmi les plus grands.

Sa vie

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne est née dans une famille aisée de petite noblesse, qui gravite dans l’entourage du cardinal de Richelieu.
Sa mère, fille d’un médecin du roi, est au service de la duchesse Rose-Madeleine d'Aiguillon. Son père, Marc Pioche de la Vergne, écuyer du roi, meurt d'une balle dans le torse alors qu’elle n’a que quinze ans. L’année suivante, en 1650, elle devient dame d'honneur de la reine Anne d'Autriche et commence à acquérir une éducation littéraire auprès du grammairien Ménage qui lui enseigne l’italien et le latin. Ce dernier l’introduit alors dans les salons littéraires en vogue de Catherine de Rambouillet, de la Marquise du Plessis-Bellière et de Madeleine de Scudéry.
En 1650, sa mère se remarie avec Renaud de Sévigné, un oncle du mari de la marquise de Sévigné ; les deux femmes , qui ont huit ans de différence , deviendront pour toujours les plus chères amies du monde.

En 1655, Madeleine épouse, à l’âge de 21 ans, un Auvergnat de dix-huit ans son aîné, François Motier, comte de La Fayette dont elle aura deux fils. Ce veuf, frère de la célèbre Louise de La Fayette, qui mène une existence retirée dans son château, lui apporte la fortune et un nom.
Elle l’accompagne dans ses domaines familiaux en Auvergne et dans le Bourbonnais bien qu’elle retourne fréquemment à Paris où elle commence à s’introduire dans la haute société de la Cour et à ouvrir avec succès son propre salon. Leur bonheur conjugal semble avoir sombré après quelques années de mariage, après la naissance de leurs fils, date à partir de laquelle François de La Fayette se fait tellement discret qu'il semble avoir littéralement disparu ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle qu'un document trouvé dans les archives de la Trémoille indique que ce mari silencieux avait vécu jusqu'au 26 juin 1683.
La Bruyère a résumé ainsi cette étrange situation :
" Nous trouvons à présent une femme qui a tellement éclipsé son mari, que nous ne savons pas s’il est mort ou en vie… "

On compte, parmi les connaissances de Marie-Madeleine de La Fayette, Henriette d'Angleterre, future duchesse d’Orléans, qui lui a demandé d’être sa biographe ; le Grand Arnauld et Huet dont le Traité de l'origine des romans sera publié en préface de son Zaïde. Au tout début de la Fronde, elle a également été proche du cardinal de Retz.
Établie de façon définitive à Paris en 1659, elle fait paraître anonymement La Princesse de Montpensier en 1662.
De 1655 à 1680, elle sera étroitement liée avec La Rochefoucauld l’auteur des Maximes, dont elle dira :
"M. de La Rochefoucauld m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur."
La Rochefoucauld présente Marie-Madeleine de La Fayette à beaucoup de grands esprits littéraires du temps, y compris Racine et Boileau. 1669 voit la publication du premier tome de Zaïde, un roman hispano-mauresque édité sous la signature de Segrais mais presque certainement dû à Madame de La Fayette. Le deuxième volume paraît en 1671. Zaïde fut l’objet de rééditions et de traductions, notamment grâce à la préface de Huet.
L'œuvre la plus célèbre de Marie-Madeleine de La Fayette est La Princesse de Clèves, d’abord éditée par un de ses amis en mars 1678. Cette œuvre, dont le succès fut immense, passe souvent pour être un prototype du roman d'analyse psychologique.

Son œuvre romanesque rompt avec l'imagination tout extérieure et mécanique des romans chevaleresques. Dédaigneuse de la mode, hostile à l'artifice et à la convention, soucieuse de ne jamais ennuyer et de ne jamais se répéter, elle met au point la véritable illusion romanesque, celle qui fait fi de l'illusion. La Princesse de Montpensier 1662, nouvelle historique et sentimentale, est d'une grande unité de ton et met en jeu un argument simple.
La mort de La Rochefoucauld en 1680 puis du comte de La Fayette en 1683 la conduit à mener une vie sociale moins active dans ses dernières années. Elle s'est clairement retirée de la vie mondaine, afin de se préparer à la mort.
Trois de ses ouvrages ont été édités à titre posthume : La Comtesse de Tende en 1723, Histoire d’Henriette d’Angleterre en 1720 et Mémoires de la Cour de France en 1731.

Elle meurt à Paris le 25 Mai 1693

Le jugement de ses pairs

"Mme de La Fayette est la femme qui écrit le mieux et qui a le plus d'esprit. " Boileau
« "Sa Princesse de Clèves et sa Zaïde furent les premiers romans où l’on vit les mœurs des honnêtes gens, et des aventures naturelles décrites avec grâce. Avant elle, on écrivait d’un style ampoulé des choses peu vraisemblables." Voltaire, Le Siècle de Louis XIV 1751.
" Sa simplicité réelle est dans sa conception de l’amour ; pour Mme de La Fayette, l’amour est un péril. C’est son postulat. Et ce qu’on sent dans tout son livre, la Princesse de Clèves comme d’ailleurs dans la Princesse de Montpensier, ou la comtesse de Tende, a une constante méfiance envers l’amour, ce qui est le contraire de l’indifférence ". Albert Camus, Carnets 1964.
" Tout en elle nous attire, la rare distinction de son esprit, la ferme droiture de ses sentiments, et surtout, peut-être, ce que nous devinons au plus profond de son cœur : une souffrance cachée qui a été la source de son génie." Morillot, Le Roman du XVIIe siècle.

Å’uvres

Page de titre de l’édition de 1678 de La Princesse de Clèves.
Page de titre de l’édition de 1670 de Zaïde, histoire espagnole.
La Princesse de Montpensier, 1662, puis 1674 et 1675.
Zaïde, histoire espagnole, tome 1, tome 2, Paris, Claude Barbin, 1671.
La Princesse de Clèves, À Paris, chez Claude Barbin, 16 mai 1678 . traduit en anglais en 1689 à Londres.
Romans et Nouvelles, Paris, Classiques Garnier, 1989, ISSN 0750-2176
La Comtesse de Tende 1718, posthume
Histoire de madame Henriette d'Angleterre, première femme de Philippe de France, Duc d'Orléans, Amsterdam, M.-C. Le Cène, 1720.
Mémoires de la cour de France pour les années 1688 et 1689, Paris, Foucault, 1828.

Bibliographie

Madame de La Fayette : La Princesse de Montpensier, 1662, La Princesse de Clèves, 1678, Paris, Magnard, 1989.
Henry Pierre Blottier, Catherine Vandel-Isaakidis, La Princesse de Clèves , Paris, Bordas, 1991.
Mercédès Boixareu, Du Savoir d'amour au dire d'amour : fonction de la narration et du dialogue dans La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, Paris, Lettres modernes, 1989.
Centre d'étude du vocabulaire français, Index des mots : La Princesse de Clèves , Besançon, Université de Besançon, 1966.
Jean-Antoine de Charnes, Conversations sur la critique de La Princesse de Clèves , Tours, Université de Tours, 1973.
Jean-Michel Delacomptée, Passions, La Princesse de Clèves, Paris, Arléa, 2012.
Roger Duchêne, Pierre Ronzeaud, Madame de La Fayette, la Princesse de Montpellier, La Princesse de Clèves : journée d'étude organisée par le Centre Méridional de Rencontres sur le 17e siècle C.M.R. 17 à Marseille, 18 novembre 1989, Paris, Aux amateurs de livres, 1990.
Myriam Dufour-Maître, Jacqueline Milhit, La Princesse de Clèves 1678 Marie-Madeleine de La Fayette, Paris, Hatier, 2004.
Jean Fabre, L'Art de l'analyse dans La Princesse de Clèves, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1989.
Maurice Favergeat, La Princesse de Clèves, extraits et notices, col. Classique Larousse, Paris, 1934 et suiv.
Roger Gaillard, Approche de La Princesse de Clèves, Dijon, Éditions de l'Aleï, 1983.
Jean Garapon, La Princesse de Clèves, Madame de la Fayette : analyse critique, Paris, Hatier, 1988.
Jean Garapon, La Princesse de Clèves, Madame de la Fayette : résumé, personnages, thèmes, Paris, Hatier, 1994.
François Gébelin, Observations critiques sur le texte de « La Princesse de Clèves., Paris, Les Bibliophiles du Palais, 1930.
Sung Kim, Les récits dans La Princesse de Clèves : tentative d'analyse structurale, Saint-Genouph, Nizet, 1997.
Ludovic Lalanne, Brantôme et La Princesse de Clèves de Mme. de La Fayette, Paris, 1891.
Gérard Letexier, Madame de Villedieu 1640-1683 : une chroniqueuse aux origines de La Princesse de Clèves, Paris, Lettres modernes Minard, 2002.
Pierre Malandain, Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves, Paris, Presses universitaires de France, 1985 ; 1989.
Alain Niderst, La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, Paris, Nizet, 1977.
Alain Niderst, La Princesse de Clèves : le roman paradoxal, Paris, Larousse, 1973.
Valentine Poizat, La Véritable Princesse de Clèves, Paris, Renaissance du livre, 1920.
René Pommier, Études sur La Princesse de Clèves, Saint-Pierre-du-Mont, Eurédit, 2000.
Isabelle Rambaud, La Princesse de Clèves et son château, Étrépilly, Presses du Village, 2006.
Jean Baptiste Henri du Trousset de Valincour, Lettres à Madame la Marquise sur le sujet de la Princesse de Clèves , Paris, Flammarion, 2001.
Jean-Baptiste-Henri du Trousset de Valincour, Valincour : Lettres à Madame la marquise sur le sujet de la Princesse de Clèves, Éd. Jacques Chupeau, Tours, Université de Tours, 1972.
Denise Werlen, Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, Rosny, Bréal, 1998.
Madame de La Fayette, La Princesse de Montpellier, présentée et établie par Daniel Aris, Éditions de La Table Ronde, Paris, 1993.
Madame de La Fayette, Œuvres complètes, édition établie par Camille Esmein-Sarrazin, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2014, 1664 pages.

Mme de La Fayette 1634-1693 en dates

1634 Naissance à Paris, le 18 mars 1634, de Marie-Madeleine Pioche de La Vergne qui deviendra Madame de La Fayette. Son père est de petite noblesse (écuyer). Sa mère, fille d'un médecin du roi est au service de Mme de Combalet, nièce du cardinal de Richelieu.
1635 La famille de Marie-Madeleine s'installe à Paris, rue de Vaugirard.
1638-1640 La famille de Marie-Madeleine réside à Pontoise, puis au Havre, ville que commande M. de La Vergne au nom du marquis de Brézé.
1640 La jeune Marie-Madeleine revient à Paris, son père ayant acheté une résidence rue Férou, proche du Luxembourg.
1649 Mort de son père
1650 Remariage de sa mère avec le chevalier Renaud de Sévigné, qui fut frondeur, et entraîna le départ de la famille en Anjou (1652). Le chevalier de Sévigné est l'oncle de la Marquise de Sévigné. Celle-ci devient l'amie intime de Marie-Madeleine . Elles resteront amies toute leur vie.
Jeune, riche et cultivée, Marie-Madeleine fréquente les salons de Mlle de Scudéry et l'hôtel de Rambouillet. Elle devient demoiselle d'honneur de la régente Anne d'Autriche. Elle se retrouve ainsi au cœur des intrigues de la Cour.
1652 Renaud de Sévigné, partisan du cardinal de Retz est contraint de s'exiler
1655 Marie-Madeleine a 21 ans. Elle épouse à Paris, le comte François de La Fayette, officier en retraite de 38 ans, et qui est veuf . Le comte François de La Fayette est d'une grande noblesse, mais il est sans argent. Ce mariage de raison, arrangé par sa mère, vaut à Marie-Madeleine une vie sans passion mais sans tragédie. Les époux adopteront un mode de vie les satisfaisant tous les deux : elle fréquentera les salons parisiens, tandis que le comte restera sur ses terres d'Auvergne.
1658 Naissance, en Auvergne, de Louis, fils de Marie-Madeleine de La Fayette.
1659 Mort de la mère de Mme de La Fayette
Naissance à Paris, d'Armand, le second fils de Marie-Madeleine de La Fayette
Mme de La Fayette connaît une certaine renommée dans les milieux mondains. Elle se lie d'amitié avec Henriette d'Angleterre, la future duchesse d'Orléans. Elle côtoie Segrais, un poète qui entrera à l'Académie française en 1662
1660 Par l'intermédiaire de Mme de Sablé, Mme de La Fayette rencontre le Grand Arnauld et La Rochefoucauld. Elle fréquente à l'Hôtel de Nevers, un cercle janséniste.
1661 Mariage de son amie Henriette d'Angleterre avec Philippe d'Orléans ( Monsieur, frère du roi). Elle accède ainsi au cercle des intimes du Palais Royal . Cette situation privilégiée lui permet d'observer les galanteries de la cour . Elle les transposera ensuite dans ses écrits.
1662 Publication de La Princesse de Montpensier, sous le nom de Segrais
1665 Mme de La Fayette noue une relation d'amitié avec La Rochefoucauld. Leur amitié durera jusqu'à la mort de La Rochefoucauld en 1680. Grâce à La Rochefoucauld , Mme de la Fayette qui aimait les livres et qui avait beaucoup lu rencontre Racine, le vieux Corneille, Boileau et beaucoup d'autres auteurs.
1670 Publication de Zaïde qu'elle a rédigé en collaboration avec La Rochefoucauld et Segrais. Cette histoire espagnole est signée Segrais
1678 Publication de la Princesse de Clèves
1680 Mort de La Rochefoucauld
1683 Mort de son mari
1689 Madame de La Fayette compose la Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689. Cet ouvrage sera publié après sa mort
1693 Malade, Madame de La Fayette meurt le 26 mai " avec une piété admirable" comme l'écrit Racine.
1720 Publication posthume de Henriette d'Angleterre
1724 Publication posthume de la Comtesse du Tende, courte nouvelle
1731 Publication posthume de la Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689




"L'amour, une chose incommode" ou La Princesse de Montpensier

de Bertrand Tavernier.

Cliquez pour afficher l


François de Chabannes instruisant Marie de Montpensier.

C’est au contact d’Henriette d’Angleterre, Madame, dont elle fut la confidente, que Marie-Madeleine Pioche de Lavergne, comtesse de La Fayette, se découvre la tentation d’écrire. Sur les conseils du grammairien Ménage, abbé et homme de lettres, à qui elle doit son apprentissage en écriture, elle entreprend la rédaction d’une nouvelle, qui suit celle de La Comtesse de Tende, et dont le dessein était simple : « Montrer les ravages que peut faire l'amour dans l’existence d’une femme, quel danger il constitue pour son bonheur ». Avec La Princesse deClèves, ces trois textes aborderont une thématique commune, celle de la faute commise par une femme mariée.
Publiée anonymement en 1662, la nouvelle, intitulée La Princesse de Monpensier(orthographe de l’époque), recueillit un vif succès. En effet, sous l’identité de la princesse de Montpensier, les contemporains découvrirent sans peine, non son homonyme la Grande Mademoiselle, mais bien plutôt la malheureuse Henriette d’Angleterre elle-même. L’on sait en effet que sous les costumes du XVI° siècle, c’est la noblesse du Grand Siècle qui revit par la plume incisive de celle qu’on surnommait « le Brouillard ».
A l’heure où les romans-fleuves de Mademoiselle de Scudéry sont en train de passer de mode, Madame de La Fayette met en scène le thème de la fatalité de l’amour condamné par la société ou non partagé, dans le cadre de la cour des Valois, toute faite de raffinement et de vilenie. « Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d’en causer beaucoup dans son empire. »
On connaît le propos que reprend Bertrand Tavernier dans le film éponyme : Marie de Mézières (Mélanie Thierry), « héritière très considérable » est promise au jeune duc du Maine (Mayenne dans le film, César Dombroy), cadet d’Henri de Lorraine, duc de Guise (Gaspard Ulliel), dit « le balafré ». C’est pourtant de ce dernier dont elle est éprise. Les Bourbon, jaloux de la puissance des Guise et que cette alliance renforcerait, rompent leur engagement et arrangent un mariage avec Philippe de Bourbon, prince de Montpensier (Grégoire Leprince-Ringuet). Marie, qui craint de côtoyer celui qu’elle aime en épousant son frère, se résout, non sans rébellion, à cette décision.
Cliquez pour afficher l


Marie de Mézières et son mari Philippe de Montpensier.

Retenu à la guerre, le jeune marié confie pendant un an sa jeune épousée au comte François de Chabannes (Lambert Wilson) qui fut son précepteur. Loin de la cour, sur les hauteurs du sévère château de Champigny, l'ancien soldat lui apprend à écrire, lui donne le goût de la poésie, lui enseigne la marche des étoiles. « Il la rendit en peu de temps une des personnes du monde la plus achevée. » Alors qu’elle lui livre son amour secret pour Henri de Guise, il lui avoue qu’il s’est épris d’elle. Puis le hasard fera que le duc d’Anjou, Henri de France, futur Henri III (Raphaël Personnaz), tombera amoureux de la princesse esseulée, tandis que se rallume la flamme de cette dernière pour Henri de Guise. Chabannes, malheureux et déçu, se fera le complice de leurs amours, allant jusqu’à sacrifier son honneur en sauvant celui d’Henri de Guise. Il sera massacré au cours de la Saint-Barthélémy. Quant à Marie de Montpensier, elle sera délaissée par l’inconstant Guise. Dans la nouvelle, elle en tombe malade et meurt. Dans le film, elle se retire du monde : « Elle ne put résister à la douleur d’avoir perdu l’estime de son mari, le cœur de son amant, et le plus parfait ami qui fut jamais. »

Cliquez pour afficher l

Dans la cour du château de Blois,
Henri de Guise, le duc d'Anjou, Marie et Philippe de Montpensier.

Pour son vingt-sixième long-métrage, le cinéphile et cinéaste, passionné d’Histoire, qu’est Bertrand Tavernier a relevé le défi d’adapter dans un film de 140 minutes ce texte d’une vingtaine de feuillets, rédigé dans sa grande majorité au style indirect. Dans une interview à Ciné Lycée, il explique qu’il préfère le terme de « lecture » à celui d’ « adaptation », d’autant plus que la majorité du film est constitué de scènes totalement originales. Avec Jean Cosmos, il a repris, par le biais d’un scénario écrit par François-Olivier Rousseau, un projet déjà existant.
Dans ce récit qui se déroule entre 1567 et 1571, pendant les guerres de religion et le règne de Charles IX, Bertrand Tavernier a été sensible à des échos très contemporains, comme l’aspiration d’une jeune fille à vivre son propre destin, ou encore le fanatisme religieux. Il a donc été saisi par « la métamorphose » de cette jeune fille noble, « non préparé[e] aux événements qui vont s’imposer à elle […] tout comme par la répercussion de ce changement sur son entourage ». Et d’une manière subtile, il parvient à expliquer l’attitude du comte de Chabannes qui, étant passé des huguenots aux catholiques, finit par abandonner le métier de la guerre. Soucieux de retrouver au plus près l’esprit de l’époque, le cinéaste cherche à comprendre ce que fut ce temps et à en « absorber » l’essence même. En revenant sans cesse aux particularités de cette langue du dix-septième, il s’est ainsi efforcé d’en percer les mystères pour en donner à l’image le ton le plus juste.
Le regard de Madame de La Fayette débusque en effet les noirceurs de l’âme humaine et la violence de ces sociétés apparemment si policées et Bertrand Tavernier ne les occulte nullement. Ainsi le film commence par une scène terrible où l’on voit le comte de Chabannes tuer une femme enceinte, dont la maison abrite des huguenots, cet acte étant considéré à l’époque comme gravissime, tout comme la destruction d’un four à pain ou d’une charrue. En même temps que la famille et la maisonnée, le spectateur assiste aussi à la mise en scène de la nuit de noces de Marie de Mézières et de Philippe
de Montpensier. Tandis que les deux pères, le marquis de Mézières et le duc de Montpensier (Philippe Magnan et Michel Vuillermoz), jouent aux échecs, une suivante vient leur présenter le drap taché de sang, preuve que le mariage a été consommé. Telle est la peinture de cette société rigide qui se méfie de la passion, aliène la femme et ne sert que l’homme.

Cliquez pour afficher l

Marie de Montpensier partant pour le château de Champigny, résidence de son époux.


Le film est par ailleurs mené à bride abattue par un metteur en scène amateur de scènes équestres et celles-ci sont particulièrement réussies. Pour les passages où l'on guerroie, Bertrand Tavernier s’est attaché à repérer des terrains accidentés, les plus à mêmes de suggérer l’effort. Il s'en explique ainsi : « J’ai appris que la mise en scène de cinéma, c’était la dramatisation du rapport entre le temps et l’espace. » « Quand on voit Gaspard Ulliel (Henri de Guise) affronter deux ou trois adversaires successifs dans le même plan, cela nous donne une idée de l’effort qu’il doit fournir », poursuit-il. Les scènes de batailles ont été réalisées « à l’ancienne », dans l’espace de deux jours, sans effets spéciaux, en utilisant le brouillard, les mouvements du terrain, la fumée. Bertrand Tavernier s’est contenté d’une rivière, de beaucoup d’arbustes, et d’un terrain vallonné, qui encombraient le cadre et le dispensaient de disposer d’un trop grand nombre de figurants.
Il a encore souhaité, dit-il, retrouver « les séquences des vieux westerns », dans lesquelles les cavaliers bavardent de concert. Il a donc utilisé le Steadicamer sur une moto ou une petite voiture électrique, obtenant ainsi des plans-séquences où les personnages évoluent librement dans le cadre. Le choix des acteurs a d’ailleurs été conditionné par le fait de savoir monter à cheval. C’était le cas de Lambert Wilson et de Raphaël Personnaz ; tous les autres en ont fait le difficile apprentissage ! Quant à Mélanie Thierry, toute vêtue de vert, elle est impériale en amazone, lorsqu’elle galope sans désemparer jusqu’au château de Champigny, au moment où son mari l’éloigne de la cour.
Cliquez pour afficher l

Marie de Montpensier chevauchant vers le château de Champigny quand son mari l'éloigne de la cour.

Le choix du Cinémascope a contraint le metteur en scène à se rapprocher des acteurs, à créer plus d’intimité et à mettre en valeur les décors imaginés par Guy-Claude François, les couleurs, les matières et les somptueux costumes créés par Caroline de Vivaise. On admirera le tuffeau des châteaux du Plessis-Bourré et de Blois et les infinis paysages vallonnés d’Auvergne, remarquablement éclairés par le directeur de la photographie Bruno de Keyzer. Mais en même temps, le film ne sent pas la reconstitution historique à tout prix. Ainsi, nul n’y porte la fameuse fraise, présente pourtant sur de nombreux portraits des grands de l’époque. Tavernier a fait le choix du naturel et du mouvement, qui conviennent particulièrement bien à l’extrême jeunesse de ses personnages, et que soutient une très belle musique de Philippe Sarde.
Cliquez pour afficher l

Henri de France, duc d'Anjou, et futur Henri III.

C’est l'enthousiasme de ces jeunes acteurs que le cinéaste a privilégié dans le film. Lors du tournage du duel à Blois entre Philippe de Montpensier et Henri de Guise, le cadreur Chris Squires a suivi au plus près les duellistes : « Il n’y a pas de marque au sol, rien de figé, je privilégie ainsi le mouvement, les pulsions des acteurs », commente le cinéaste. Et si La princesse de Montpensier peut être qualifiée par certains de « film de cape et d’épée », cela n’ a rien à voir avec Le Bossu et autre Capitan, films qui n’avaient jamais véritablement comblé le jeune spectateur passionné qu’était Bertrand Tavernier.
Dans ce long-métrage, le cinéaste filme donc avec flamme l’ardeur et le désir. Si Mélanie Thierry joue un peu trop souvent de ses moues boudeuses, elle n’en est pas moins crédible dans ce personnage de jeune femme écartelée entre devoir vertueux et passion, esquisse en quelque sorte de ce que sera la princesse de Clèves. Gaspard Ulliel campe un « balafré » plein de fougue, dont l’ambition cherche à se placer d’abord auprès de Marguerite de Valois, soeur du roi, puis auprès de Marie de Clèves qu’il épousera. Mais c’est surtout Raphaël Personnaz qui emporte l’adhésion, en jouant un futur Henri III aux yeux charbonneux, qui ne supporte pas de se voir supplanté par un rival dans le cœur de Marie de Montpensier. Il confère ici beaucoup d’épaisseur à un personnage historique tropsouvent caricaturé en mignon. Seul parmi cette nouvelle génération, Grégoire Leprince-Ringuet ne parvient pas à donner sa force tragique au mari mal-aimé, qu’il interprète sans guère d'âme ni de conviction. Dans le même rôle ingrat, Jean Marais (dans La Princesse de Clèves de Jean Delannoy) était plus convaincant et parvenait à toucher .

"Je suis si persusadée que l'amour est une chose incommode,
que j'ai de la joie que votre père et moi-même en ayons été exempts",
confie la marquise de Mézières à sa fille en lui conseillant de se marier.

En ce qui concerne les comédiens confirmés, l’acteur du Français qu’est Michel Vuillermoz ne déçoit pas en duc de Montpensier alors que Philippe Magnan, dans le rôle du marquis de Mézières, frôle le ridicule, surtout dans la scène où il somme sa fille d’épouser Philippe de Montpensier en lui faisant violence. (Dans cette même scène, on sera sensible au fait que la marquise de Mézières (Florence Thomassin) donne à sa fille une définition de ses relations avec son mari que Madame de La Fayette elle-même avait faite sienne : « Je suis si persuadées que l’amour est une chose incommode, que j’ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts », disait l’écrivain de sa relation avec la Rochefoucauld.) On regrettera encore le choix d’une Catherine de Médicis grasse et vulgaire, dont le jeu force le trait.
Cliquez pour afficher l

Marie de Montpensier et François de Chabannes.

Mais celui qui remporte la palme, c’est bien évidemment Lambert Wilson qui, après son rôle « habité » du frère Christian de Chergé dans Des hommes et des dieux, endosse de nouveau un rôle à la mesure de son immense talent. Tout en retenue, il interprète avec sobriété et émotion le rôle du comte de Chabannes, fin lettré et homme de science, image d’une tolérance impossible en ces temps de guerres de religion, et que l’amour vient foudroyer alors qu’il croyait que son âge l'en avait délivré. La lettre, adressée par lui à Marie de Montpensier et que Philippe de Montpensier trouve sur son cadavre au lendemain de la Saint-Barthélémy, ne peut que faire penser à la lettre que lit Cyrano à Roxane au moment où il va mourir. Et le film s’achève sur le recueillement silencieux de Marie sur la dalle de sa sépulture dans une petite église d’Auvergne. Et si le personnage-clé de ce film, c’était lui…
Cliquez pour afficher l

Marie de Montpensier avec à la main la lettre tachée du sang de François de Chabannes.

Selon moi, il est peut-être le porte-parole le plus fidèle du dessein littéraire de Madame de Lafayette, cette pionnière de l'écriture féminine et féministe, qui aspirait à ce que « sous la pudeur aristocratique, s’exprime le désir de se faire le juste écho d’une société d’honnêtes gens occupés avec passion à ne pas être dupes des apparences ».



Mme de La Fayette, « La Princesse de Clèves », 1678 – Corpus : Le roman, miroir de son temps
Cliquez pour afficher l

Posté dans Classicisme, Corpus, Roman par cotentinghislaine à 5:00 | Commentaires fermés
« La rencontre »
Le roman de Mme de La Fayette, publié anonymement en 1678, connaît immédiatement un vif succès : il étonne, surprend, provoque, dans les salons mondains, des débats passionnés autour de la peinture des sentiments amoureux.
Son auteur a, en effet, été influencée par deux courants d’idées. D’une part, on reconnaît, dans les réactions des personnages qui parcourent le roman, la Préciosité, mouvement initié par des femmes, qui revendique le droit au respect et prône le raffinement du langage et des manières. D’autre part, amie de La Rochefoucauld, dont la participation à l’écriture du roman est probable, Mme de La Fayette est marquée, comme lui, par la pensée janséniste : par ses fondements religieux celle-ci préconise des valeurs morales strictes, allant jusqu’au sacrifice de soi.
Mme de La Fayette, « La Princesse de Clèves », extrait L’extrait se situe dans la première partie du roman. Après avoir présenté les conditions historiques qui ont conduit au règne d’Henri II, et au moment même du récit, les années 1558-1559, le roman introduit l’héroïne, Mademoiselle de Chartres, en exposant l’éducation qu’elle reçoit de sa mère. Puis, quand la jeune fille est en âge de se marier, elle vient à la Cour, accompagnée de sa mère, pour y être officiellement présentée. A Paris, elle rencontre, à l’occasion d’un passage dans une joaillerie, le Prince de Clèves.
Comment cette rencontre fait-elle naître l’amour dans le coeur du Prince ?
L’IMAGE DE LA SOCIETE
Le cadre de cette rencontre correspond au mode de vie de la noblesse, empreint de ce luxe importé d’Italie à la Cour de France d’abord par François Ier, puis par Catherine de Médicis, épouse d’Henri II. Celle-ci a implanté les goûts de la Renaissance italienne à Paris : de nombreux marchands italiens s’y sont installés à sa suite, par exemple dans les rues environnant le Louvre, et ils y gagnent une opulence considérable : « Sa maison paraissait plutôt celle d’un grand seigneur que d’un marchand ».
Les personnages, appartenant à la noblesse, vivent dans cette atmosphère de luxe. Ainsi Mlle de Chartres est venue dans cette joaillerie « pour assortir des pierreries », et le prince identifie son statut social par le luxe qui l’entoure : « Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu’elle devait être d’une grande qualité ».
===
Cliquez pour afficher l
Au fil des ans, la noblesse s’est habituée à ce luxe : les lecteurs du temps de Mme de La Fayette pouvaient donc parfaitement se reconnaître dans les personnages.
A la même époque, sous François Ier, s’impose à la Cour ce que l’on nommera l’étiquette, code qui régit les rapports entre le souverain et ses sujets. Cette codification des comportements s’accompagne de la notion de « bienséance », c’est-à-dire des formes de « civilité », de politesse qui régissent, de façon plus générale, les rapports humains.
La Préciosité, qui naît vers le milieu du XVII° siècle, s’inscrit dans cette évolution des moeurs en définissant avec précision les bonnes manières qui doivent être de mise entre hommes et femmes. Or, même si l’intrigue du roman se déroule bien avant l’avènement de ce mouvement, Mme de La Fayette s’en inspire certainement en présentant, dans cet extrait, une intéressante opposition entre les deux personnages.
Le prince de Clèves ne respecte pas les bienséances, notamment en laissant paraître trop visiblement sa réaction face à Mlle de Chartres : « Il fut tellement surpris de sa beauté qu’il ne put cacher sa surprise ». Un homme du monde ne doit pas montrer ainsi ses sentiments, et surtout pas à une jeune femme ! Il aggrave cet irrespect en la regardant trop fixement et trop longtemps : il « la regardait avec admiration », il la regardait toujours avec étonnement ». Par opposition, les réactions de Mlle de Chartres traduisent un total respect des règles de bienséance, qui veulent, par exemple, qu’une jeune fille manifeste de la pudeur face aux regards masculins, ce que révèle son embarras, en gradation : elle « ne put s’empêcher de rougir », « ses regards l’embarrassaient », « elle avait de l’impatience de s’en aller ». Cependant elle ne déroge pas à la dignité que lui impose cette même bienséance : « sans témoigner d’autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu’il paraissait ».
==
[img width=300]http://cotentinghislaine.unblog.fr/files/2010/12/marinavlady2.vignette.jpg[/img
]= Cette rencontre se déroule donc, du point de vue de l’héroïne, dans le strict cadre de la morale, tandis que le prince, lui, en enfreint déjà les bornes assignées par les codes sociaux. N’est-ce pas déjà là le présage d’un amour qui se révélera excessif ?
LA NAISSANCE DE L’AMOUR
Mlle de Chartres exerce une évidente fascination sur le prince de Clèves. Cela vient, en premier lieu, de « sa beauté », terme repris ensuite trois fois dans le passage. Dans ce monde où l’individu est sans cesse mis en scène, où, donc, le regard d’autrui fait accéder à l’existence, l’apparence ne peut que jouer le premier rôle dans la naissance de l’amour. Vient ensuite le mystère qui entoure la jeune fille, exceptionnel puisque, dans ce milieu restreint de la noblesse, chacun se connaît. C’est ce mystère qui accentue la fascination du prince : « il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu’il ne connaissait point », « il fut bien surpris quand il sut qu’on ne la connaissait point ». Enfin son comportement la rend exceptionnelle, différente des autres jeunes filles : « contre l’ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l’effet de leur beauté », « si touché de sa beauté et de l’air modeste qu’il avait remarqué dans ses actions ».
==
=Cliquez pour afficher l
Si le prince est séduit par cette ravissante jeune fille, on notera cependant qu’aucune réciprocité n’est, à aucun moment, suggérée.
Ce premier constat se trouve renforcé par la façon dont Mme de La Fayette joue une double focalisation, interne et omnisciente.
D’une part, toute la scène est vue par le regard du prince, et c’est aussi son interprétation que l’auteur nous présente. Ainsi sa surprise s’exprime à travers ses réflexions, par exemple son hypothèse aux lignes 10 et 11 : « Il voyait bien [...] qu’elle devait être d’une grande qualité ». De même nous découvrons ses hésitations dans les phrases suivantes, jusqu’à la conclusion : « il ne savait que penser ». Enfin il se livre à une supposition que le récit viendra justifier : « Il lui parut même qu’il était cause qu’elle avait de l’impatience de s’en aller, et en effet elle asortit assez promptement ». Ce choix de focalisation finiti par donner l’impression que l’intérêt du prince reste à sens unique.
D’autre part, le point de vue ominiscient intervient dans deux passages essentiels de l’extrait. La focalisation zéro ouvre le texte, en plaçant parallèlement les réactions du prince d’abord, puis de l’héroïne, reliées étroitement par le point-virgule et le connecteur « et » : « Il fut tellement surpris de sa beauté qu’il ne put cacher sa surprise », « et Mlle de Chartres ne put s’empêcher de rougir ». Dans les deux cas se produit un trouble qui se traduit physiquement, indépendamment de toute la maîtrise de soi que l’éducation et le statut social ont inculquée aux deux personnages. Cette même focalisation se retrouve à la fin du texte, alors même que l’héroïne s’efface pour ne plus laisser en scène que le prince. La narratrice prend alors le relais, au moyen du pronom indéfini « on » qui en fait comme un témoin caché de la scène, nous imposant son propre jugement : « on peut dire qu’il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires ». Mais le lexique alors choisi est très révélateur. Déjà l’adjectif « extraordinaires » pose par avance l’idée d’une intrigue amoureuse future qui sortira des normes sociales, rappelant ainsi le merveilleux dans lequel le genre romanesque s’est inscrit à l’origine. Quant aux termes « passion » et « estime », ils relèvent du vocabulaire propre à la Préciosité pour décrire les formes de l’amour. Mais l’ordre même est significatif, si l’on pense qu’à l’époque où écrit Mme de La Fayette, sous l’influence de son ami La Rochefoucauld, dont on pense qu’il a pu participer à l’élaboration du roman, le jansénisme a renforcé l’idée que les passions sont de dangereux excès : elles aliènent la raison, la volonté, le libre-arbitre. L’individu n’est plus alors que le jiouet de ses désirs.
===
Cliquez pour afficher l
Ce commentaire final n’ouvre-t-il pas une perspective inquiétante sur les excès auxquels son amour pourrait porter le prince de Clèves ?
CONCLUSION
Ce texte, qui marque fortement la tradition romanesque, traduit bien l’alliance des deux composantes de ce genre littéraire, alors encore neuf : sa dimension intérieure, c’est-à-dire une fine analyse psychologique des moindres mouvements du coeur, et le contexte social, classes et valeurs admises, dans lequel se peuvent les personnages. Dans ce domaine l’intérêt particulier de ce roman est d’unir, en raison du décalage d’un siècle entre le temps du récit et celui de l’écriture, les normes du règne de Henri II, avec sa morale aristocratique rigide, et les codes du XVII° siècle finissant, traversé de courants qui accordent plus de place à l’individu et à ses aspirations. Ainsi se trouvent accentués les déchirements de l’âme.
De plus, ce texte inscrit dans la littérature ce que l’on nomme un « topos », c’est-à-dire une scène que les écrivains se plairont à renouveler, en l’occurrence celle de « la rencontre amoureuse ». Dans ce même roman, interviendra une autre scène de rencontre, celle, dans un bal donné à la Cour, de la princesse avec le duc de Nemours, qui, lui aussi, en tombera éperdument amoureux, amour cette fois partagé, mais qui s’avérera fatal… On y retrouvera les mêmes composantes du « coup de foudre », notamment le rôle que peuvent y jouer les regards et l’effet de surprise. Et tant d’auteurs s’inscriront dans cette succession, depuis Rousseau, racontant sa rencontre avec Mme de Warens dans les Confessions jusqu’aux versions modernes de Boris Vian dans L’Ecume des jours ou de Marguerite Duras dans L’Amant, en passant par les échanges troublants de regards entre Julien Sorel et Mme de Rênal dans Le Rouge et le Noir de Stendhal ou la fascination qu’exerce Mme Arnoux sur le jeune Frédéric Moreau dans l’Education sentimentalede Flaubert, Yvonne de Galais sur Augustin Maulnes chez Alain-Fournier, auteur du Grand Meaulnes.

Liens
http://youtu.be/5RQzWY31Aoo La princesse de Clèves
http://youtu.be/b9oYbtplsWg La princesse de Clèves 2
http://youtu.be/6PuNasrCmV8 La princesse de Clèves 3
http://youtu.be/eyvvIjoabjI La princesse de Clèves 4
http://youtu.be/LMHENaxQ4Mk La princesse de Clèves 5

http://youtu.be/1rXr54HO-yk La princesse de Montpensier de Tavernier

http://www.youtube.com/watch?v=BpG2AI ... 8dZfJaJuLyvidsMAdOP3pF_4B Boesset Mme de La Fayette airs de cours



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRNTZwrWVXBPoY-LRiVbAcsCzLLllJrrMGzHM8feq1GWOy9G9e6DQfqLPstug[/img]

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Posté le : 17/05/2014 22:26

Edité par Loriane sur 20-05-2014 21:33:59
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
73 Personne(s) en ligne (48 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 73

Plus ...