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François. Pétraque 2 suite
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L’installation à Arqua

En 1367, Pétrarque quitta la Sérénissime République avec sa fille Francesca et son gendre Francescuolo da Brossano pour se rendre à l’invitation de Francesco de Carrare, seigneur de Padoue. Le poète acheta alors une maison à Arqua, dans les Monts Euganéens.
Là, il apprit l’entrée triomphale d’Urbain V dans Rome le 16 octobre 1367. Pétrarque afficha une joie sans retenue. Il en fit part à son ami Francisco Bruni : "Jamais mes paroles n’ont égalé ce que je pense de ce pontife. Je lui ai fait des reproches que je croyais justes, mais je ne l’ai pas loué comme je voulais. Mon style a été vaincu par ses mérites. Ce n’est point l’homme que je célèbre, c’est cette vertu que j’aime et que j’admire avec étonnement.
Le 30 mai 1368, Urbain V décréta Barnabò Visconti coupable de révolte contre l’Église et prêcha la croisade contre lui. Le pape désirait que Charles de Luxembourg en prenne la tête. Pétrarque quitta Arqua pour se rendre à Udine auprès de l’empereur et participer à la guerre contre les Visconti.
Deux ans plus tard, alors qu’il se rendait à Rome auprès d’Urbain V, une syncope frappa le poète. Le 4 avril 1370, il dut rédiger son testament.
Quand, en 1373, Grégoire XI annonça à son tour son intention de retourner à Rome, Pétrarque en fut comblé d’aise. Un an auparavant, désespéré, il avait rédigé son Apologia contra Gallum, où il réfutait la thèse favorable au maintien de la papauté en Avignon.
Cette année-là, le poète, fatigué par l’âge, accepta quand même de reprendre sa toge d’ambassadeur pour aider son ami Francesco de Carrare. Battu par les Vénitiens, ce dernier devait non seulement verser une forte rançon mais aussi livrer son fils en otage. Ce fut Pétrarque qui l’accompagna à Venise afin de le recommander au doge Andrea Contarini.
Pétrarque mourut à Arqua, le 19 juillet 1374, terrassé par une crise d’apoplexie. Sa fille le retrouva la tête reposant sur un livre. Francesca lui fit élever un mausolée et son gendre fut son exécuteur testamentaire.

Laure et la poésie Du Canzoniere...

Épouse de Hugues de Sade ou personnage anonyme idéalisé ? La représentation réaliste de Laure dans ses poèmes contraste avec les clichés des troubadours et de l'amour courtois. Sa présence lui causait une joie inexplicable mais son amour non partagé lui fit endurer un désir insoutenable. Plus que Laure, c'est le poète lui-même qui est le personnage central. Au fil de chaque poème, il déroule l'inquiétude de celui qui n'est plus très sûr des valeurs morales de son époque .
Partagé entre l'amour profane - il confesse son vil penchant pour les femmes - et la conception médiévale de l'amour - Laure, comme Béatrice, devant lui montrer la voie qui conduit au salut - Pétrarque se réfugie dans le rêve et magnifie dans ses vers ce qui pourrait être la réalité.
Marc Maynègre résume en deux phrases cette philosophie du poète : Cette mise en scène, cette contemplation de lui-même, vont devenir contemplation esthétique, œuvre d'art. La Beauté devient alors l'Idéal du Poète.
Maria Cecilia Bertolami constate : Dès le premier sonnet, le Canzoniere se présente comme l'histoire exemplaire d'un échec. L'amour pour Laure, tel qu'il est décrit dans le premier sonnet du recueil, est un giovenile errore qui a conduit le poète à osciller constamment fra le vane speranze e il van dolore .
Pétrarque a canalisé ses sentiments en poèmes d'amour exclamatifs plutôt que persuasifs et son œuvre montre son dédain envers les hommes qui harcelaient les femmes. À l'époque de la mort de Laura en 1348, le poète considérait son chagrin aussi difficile à vivre que l'était son précédent désespoir :
Dans mon jeune âge, j'ai lutté constamment contre une passion amoureuse débordante mais pure - mon seul amour, et j'aurais lutté encore si la mort prématurée, amère mais salutaire pour moi, n'avait éteint les flammes de la passion. J'aimerais certainement pouvoir dire que j'ai toujours été entièrement libre des désirs de la chair mais je mentirais en le disant.
Ève Dupperay, éminente pétrarquienne, commente : Pétrarque reprend le thème néoplatonicien de l'amour comme médiateur entre le profane et le sacré. La poésie de Pétrarque est essentiellement une anagogie car elle se veut à la fois l'expression de l'extériorité des sentiments et de l'intériorité de la conversion .
Et ce durant toute sa vie, c'est l'analyse que fait Pier Giorgio Ricci à partir du Canzioniere et des Triomphes, ses deux œuvres majeures en langue vulgaire : « Les désirs, les espérances, les angoisses, les tristesses de Pétrarque furent toujours les mêmes, à trente ans comme à soixante ans. C'est une remarque importante parce qu'elle révèle que le climat spirituel de Pétrarque n'eut point de développements quand bien même la disposition des poèmes du Canzioniere voudrait démontrer une ascension progressive de l'humain au divin, fait confirmé par les Triomphes qui manifestent également l'intention de considérer comme atteint ce port tranquille toujours convoité par le poète.

... au Triomphe de l'Amour

Si, dans le Canzionere, Laure n'existe qu'à travers les effets qu'elle provoque dans l'âme du poète, il en va tout autrement dans les Trionfi. Commencé en 1354, ce poème allégorique est un testament spirituel où triomphent, tour à tour, le Désir et la Chasteté, la Mort et la Gloire, le Temps et l'Éternité. Ève Dupperay commente ainsi cette œuvre : Ce poème en langue italienne, en tercets d'hendécasyllabes à la manière dantesque, participe à l'œuvre la plus expérimentale de Pétrarque. Il s'inscrit dans une structure emboîtante de six Triomphes distribués en douze chapitres selon le schéma combatif et homicide du vaincu-vainqueur-vaincu où les abstractions personnifiées terrestres Amour, Chasteté, Mort, Renommée et célestes Temps, Éternité s'affrontent et s'efforcent crescendo sous un pouvoir plus irréductible dans un mécanisme qui s'accélère en degrés ascendants avec une unique triomphatrice : Laure.
Dans cette épopée amoureuse, le poète adresse à sa muse provençale cette question qu'il avait laissée sans réponse dans le Canzoniere :
L'amour fit-il jamais naître dans votre esprit la pensée d'avoir pitié de mon long tourment ?
Quittant enfin sa froideur habituelle, Laure déclare son amour à Francesco :
Jamais loin de toi ne fut mon cœur, jamais ne le sera.
Et le poète lui fait préciser :
En nous l'ardeur amoureuse était égale, avec toi était mon cœur, mais je n'osai porter mes yeux sur toi.
Alors que le Canzoniere se clôt avec une invocation au nom de la Vierge Marie, les Triomphes se terminent sur celui de Laure, son éternel amour.
Une Laure qui renvoie à quelque chose de plus haut, à une splendeur qui n'est plus humaine mais qui, cependant, garde et exalte cette humanité, explique Maria Cecilia Bertolami. Ce que confirme Pierre Dubrunquez pour qui Pétrarque, toujours hésitant entre attrait et retrait du monde, développe dans son œuvre : Une sensibilité si neuve qu'elle ne sait pas encore ce qu'elle perçoit, et une conscience qui cherche dans son patrimoine spirituel une règle de conduite pour en user.
C'est ce que laisse entrevoir Pétrarque dans une lettre adressée à l'un de ses amis :
La part la plus considérable de la vie se passe à mal faire, une large part à ne rien faire, toute la vie à ne pas être à ce que l'on fait. Me citeras-tu un homme qui attribue une valeur réelle au temps, qui pèse le prix d'une journée, qui comprenne qu'il meurt un peu chaque jour ?
Sénèque, Lettre à Luciliu
Dans ce conflit entre l'humain et le divin, Pier Giorgio Ricci souligne que, dans chacune des œuvres du poète, il est possible de trouver des allusions au temps qui s'envole, à notre vie qui n'est qu'une course rapide vers la mort, au monde qui va, lui aussi, vers une fin inéluctable.

Modernité de Pétrarque

Pétrarque a occupé dans l'histoire de la poésie et de la culture de l'Europe chrétienne et moderne une place exceptionnelle : jamais peut-être écrivain n'exerça influence aussi décisive ni aussi prolongée ; cette influence ne se limite pas en effet au champ de la littérature, elle embrasse la vie morale et politique. Si cette présence a pu être à ce point efficace, c'est qu'elle n'a cessé de rayonner, par la parole comme par la plume, qu'elle s'est imposée par le truchement d'un enseignement rigoureux et éloquent, par une œuvre prodigieuse ainsi que par une inlassable activité d' inventeur des trésors de la science et de l'art antiques ; des textes que l'on croyait perdus ont été retrouvés par ses soins ; philologue rigoureux autant que délicat, il en a illuminé d'autres par une lecture pénétrante et originale.
Sa poésie sublime, ses Nugellae vulgares, bagatelles auxquelles il tenait, à preuve le zèle amoureux avec lequel il les a tout au long de sa carrière polies et repolies, ses profondes réflexions morales et spirituelles, sa connaissance à la fois analytique et synthétique de l'histoire, sa croisade passionnée en faveur des humanités, toute son œuvre gigantesque tend à un même but et l'atteint : apporter en le dépassant une solution au problème séculaire de la conciliation du monde antique et de la culture païenne avec le monde chrétien et la foi ; l'identité fondamentale des âmes humaines – découverte qu'il proclame avec force – lui est occasion constante à des retours au passé, à des rencontres, à des rapprochements, à des affirmations de vérités semblables, à des époques et sous des cieux divers. Les paroles de saint Augustin qui, au cours de l'ascension du mont Ventoux, flamboyèrent devant les yeux de son âme, Les hommes s'en vont admirer les cimes des montagnes, l'immensité de l'océan, les révolutions des astres et ils se détournent d'eux-mêmes pourraient servir de devise à sa vie et à son art.
Depuis les grands moralistes de l'Antiquité, depuis les Pères de l'Église, personne peut-être n'avait témoigné pareille connaissance de l'homme, de ses misères et de ses grandeurs, personne ne s'était montré un champion aussi ardent de sa dignité et de sa vérité, un interprète aussi pathétique et subtil de son éternelle inquiétude, hors du sein de Dieu. Je sens toujours quelque chose d'inassouvi en mon cœur, écrivait-il dans le Secretum, fidèle à la doctrine de saint Augustin. Aussi la figure de Pétrarque n'a-t-elle cessé de dominer de très haut cette école de pensée à qui l'homme a emprunté son nom, l'humanisme. C'est pourquoi également l'art qui exprime avec le plus de rigueur et de perfection les sentiments et les aspirations les plus constants et les plus élevés de l'homme passe nécessairement par Pétrarque, de Bembo à Michel-Ange et à Ronsard, de Góngora et Milton à Klopstock, de Shelley et Heine à Leopardi, Heredia et D'Annunzio.

La diffusion du pétrarquisme en France

Phénomène européen, le pétrarquisme fait montre en Italie, en France ou en Angleterre d'une même complexité. Il se caractérise d'un côté par un succès qui en fait une mode, et qui impose un renouvellement constant – le pétrarquisme assagi des Rime 1530 de Bembo différant par exemple des recherches sophistiquées des quattrocentistes –, et d'un autre côté par des crises d'antipétrarquisme, dont témoignent les parodies italiennes de Berni, le poème de Du Bellay Contre les pétrarquistes, ou les réticences de Jodelle.
En France, la fortune de Pétrarque n'attend pas la Pléiade, comme l'attestent les adaptations de certains sonnets : six chez Marot, douze dans les Œuvres poétiques de Peletier du Mans 1547, et surtout la version de 196 sonnets du Canzoniere publiée en 1548 par Vasquin Philieul. Mais lorsqu'ils imitent, les prédécesseurs de Ronsard préfèrent la subtilité mignarde des pétrarquistes du Quattrocento. D'Antonio Tebaldeo proviennent des épigrammes de Marot sur l'incendie d'amour ou sur les effets du feu et de la neige. Serafino dall'Anquila inspire à Jean Lemaire de Belges le premier Conte de Cupido et d'Atropos, et dicte à Maurice Scève des variations sur le feu et les pleurs, le miroir et le regard. L'apport de la Pléiade est de puiser aussi dans le texte même de Pétrarque, ou chez ses imitateurs moins infidèles, Bembo et ses disciples, que nos poètes connaissent grâce aux Rime di diversi publiées à Ferrare 1545-1547. Elle aura également le mérite de composer des cycles d'une certaine ampleur, qui se succèdent à partir de 1549, date du premier canzoniere français, l'Olive de Du Bellay, et des Erreurs amoureuses de Pontus de Tyard. L'année 1552 voit paraître les Amours de Ronsard et les Amours de Méline de Jean-Antoine de Baïf, l'année 1553 les Amours d'Olivier de Magny, et la suite ininterrompue des recueils va répondre à l'engouement du public. Enfin la Pléiade a fixé les formes genres et mètre de cette imitation. Après la diversité des premiers essais, Ronsard impose sa prédilection pour le sonnet dit marotique, dont les tercets sont construits sur trois rimes, CCDEED à la façon de Marot, et non pas sur deux à la mode italienne. Les sonnets de la Pléiade sont d'abord en décasyllabes, mais l'alexandrin domine à partir de 1555. La Pléiade intronise d'autres genres pétrarquistes : la chanson, cette suite de strophes passée de Provence en Italie, la sextine, six strophes de six vers, introduite par Tyard, ou le madrigal. Compositions musicales, qui montrent bien que le pétrarquisme contribue à l'essor d'une poésie lyrique.
L'évolution postérieure correspond à une recréation incessante. À partir de 1570, le néo-pétrarquisme d'un Philippe Desportes, Premières Œuvres, 1573 est un jeu littéraire, dont les inventions galantes et les codes sont déterminés par le milieu fermé des salons aristocratiques, par exemple l'hôtel de Dampierre. Ronsard lui-même doit suivre ces goûts, et dans les Sonnets pour Hélène en 1578 il traite parfois de menus sujets, envoi de fleurs ou premier jour du Carême. Mais dans le même temps apparaît un pétrarquisme noir, au décor funèbre et aux visions sanglantes, dans le Printemps d'Agrippa d'Aubigné ou dans les poèmes d'Hesteau de Nuysement. Il préfigure le pétrarquisme baroque des années 1585-1600. Jean de Sponde ou S. G. de La Roque sont soumis au flux des métamorphoses, des apparences ou des songes, et les procédés stylistiques s'exaspèrent dans ce vertige de la mouvance.
Ces poètes n'ont cessé de réinventer le pétrarquisme, parce que Pétrarque lui-même les y invitait en valorisant l'acte de l'écriture. Certes le pétrarquisme est d'abord une façon de vivre l'amour, du coup de foudre aux serments de fidélité. Passion impossible pour un être idéal, qui a hérité par l'intermédiaire de Laure des vertus et de la courtoisie chantées par la lyrique provençale, et pour une inhumaine, aussi insensible qu'un rocher ou que Méduse : la froide Hélène en est aux yeux de Ronsard l'irritante incarnation. Le poète est dépossédé de son moi, dissocié par le jeu des contraires, entre l'espoir et la douleur, au fil d'une durée perturbée. Cette tension proche de la folie est rendue par le cliquetis des antithèses et par les images de violence et de mort, que renforce le contexte de la guerre de Troie dans les Amours de Ronsard. Mais cet échec est indispensable pour que l'expérience devienne poésie. C'est pourquoi Pétrarque et ses imitateurs français ont juxtaposé au cycle de l'amour des poèmes sur la mort de la dame : Ronsard compose en 1578 un « Tombeau » de Marie. La mort achève de dérober l'amie, qui est d'ailleurs stylisée au point qu'on ignore son individualité physique et mentale. Ainsi Pétrarque apprend aux poètes de la Renaissance à chanter l'amour en le centrant sur le personnage et sur la parole du poète, dont la Pléiade affirme le pouvoir. C'est par la contemplation poétique que l'amant possède la beauté de la dame. Lyrisme au-delà de la sincérité, puisqu'il compense précisément les manques du vécu.

Cette transposition littéraire explique que le pétrarquisme soit d'abord un système d'écriture, une grille d'images où l'amour est poison, feu, flèche, et un réseau de synecdoques, le tout étant désigné par la partie, le corps par la main ou par le regard. L'hyperbole et la périphrase dépassent le réel, jusqu'à la pointe finale, qui dégage l'essence de la beauté ou nous projette dans l'étrange. Car ces recherches aboutissent souvent à la surprise ou même au bizarre, une tentation commune au courant littéraire du pétrarquisme et à l'esthétique maniériste, qui cultivent l'un et l'autre les contrastes inattendus et l'expression indirecte. Cette écriture est difficile, au point que la Délie de Scève frôle l'hermétisme, et que les Amours de Ronsard nécessitent dès 1553 un commentaire.
Poésie d'imitation, comme le lui reproche du Bellay. Moins qu'il ne semble à première lecture, car ce système d'écriture est remodelé par la manière individuelle, imagination et travail stylistique. Ainsi la voix de Desportes est unique, qui chante l'inconstance, et l'inconsistance du monde extérieur. L'évolution de Ronsard n'est pas moins significative. Dès les Amours de 1552, inspirés par Cassandre, un tempérament voluptueux transforme les thèmes pétrarquistes : le combat allégorique devient combat amoureux, la métamorphose exprime le désir. Cette sensualité s'affirme à partir de 1555 dans la Continuation des Amours, où l'amant frustré dit sa révolte avec cynisme, mais se révèle un esthète heureux, comblé par les aubes et les printemps de l'Anjou, dans les paysages du fantasme. Parallèlement, il opte pour un style un peu plus simple. D'autres poètes au contraire ont préféré un pétrarquisme plus abstrait, en particulier les écrivains de l'école lyonnaise, Scève et Tyard. Les Erreurs amoureuses sont parsemées de termes platoniciens, idée ou exemplaire. D'autres enfin transposent les thèmes et les procédés pétrarquistes dans un registre grave, la méditation philosophique dans les Antiquités de Du Bellay, ou les visions apocalyptiques dans Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné. Ainsi le pétrarquisme est le détour nécessaire – détour stylistique et passage par un autre texte – pour que chacun devienne soi-même, et pour que le poète se crée un langage à part, selon le dessein de la Pléiade.

Les sonnets

Le sonnet de Pétrarque, dit sonnet italien, comprend un huitain suivi d’un sizain. Le huitain est composé de deux quatrains, le sizain de deux tercets. Il comporte une volta qui consiste en un changement majeur du sujet entre le huitain et le sixain. Le poète, dans la première moitié du poème, rime sur un thème, la seconde lui permettant de présenter, grâce à la ‘’volta’’, une réflexion personnelle à propos de ce même sujet.

Å’uvres

Avec son premier gros ouvrage, Africa - une épopée en latin qui fait le récit de la seconde guerre punique - Pétrarque devint une célébrité européenne. En effet, c'est cet ouvrage qui lui valut la couronne de lauriers des poètes et la reconnaissance de ses pairs.
Cependant, si ses œuvres en latin ont consacré sa célébrité de son vivant, c'est surtout son Canzoniere, rédigé en toscan, qui passa à la postérité. À partir du xvie et jusqu'au XVIIIe siècle, nombreux furent les imitateurs de son style pur et harmonieux. Ses imitations furent si nombreuses qu'elles ont donné naissance à un courant : le pétrarquisme. Il est caractérisé par les dialogues avec les modèles antiques, le recours aux antithèses, aux symétries et aux images.

Sa mort en 1374 empêcha Pétrarque d'achever ce qui aurait dû constituer sa troisième œuvre majeure : les Trionfi. Corrado Belluomo Anello, dans le catalogue de l'exposition Le Triomphe de l'Amour : Éros en guerre, souligne que le Carros de Raimbaut de Vacqueyras est parmi les sources possibles des Triomphes du poèteN 48. Le troubadour provençal l'a inspiré au même titre que la Divine Comédie de Dante et l'Amoroso Visione de Boccace, la Bible ou les auteurs latins, Virgile, Ovide, Properce.
En dehors de l'Africa, du Canzoniere et des Trionfi, Pétrarque a laissé un très grand nombre de textes en latin : églogues invectives, biographies héroïques, récits exemplaires et plusieurs traités. Il faut ajouter à cela un Epistolario riche de plus de six-cents lettres adressées à ses parents, amis et même à certains grands penseurs de l'antiquité.
Parmi les œuvres latines de Pétrarque, on trouve De Viris Illustribus, le dialogue Secretum dans lequel il fait le récit de ses pensées et de ses combats intérieurs et qui n'était pas destiné à la publication, un débat avec saint Augustin, un Rerum Memorandarum Libri, un traité incomplet sur les vertus cardinales, De Remediis Utriusque Fortunae, son œuvre en prose latine la plus populaire, Itinerarium, un guide sur la Terre promise et De Sui Ipsius Et Multorum Ignorantia, contre les Aristotéliciens. Il a écrit ses œuvres culturelles et son épopée poétique en latin, ses sonnets et chants en toscan, idiome qui allait dès lors fixer la langue littéraire italienne.

Un texte apocryphe de Pétrarque

La Cronica delle vite de Pontefici et Imperatori Romani est généralement attribuée sans preuve à PétrarqueN 49. Ce texte, qui fut pour la première fois imprimé à Florence en 1478 puis à Venise en 1534, est surtout célèbre car il élève la papesse Jeanne au rang de personnage historique.
En Italie, une tradition vivace voulait qu’une femme d'origine anglaise, mais née à Mayence, se fût travestie en homme pour poursuivre des études avec son amant. Ils se rendirent à Athènes puis à Rome. Anna ou Agnès, tel aurait été son prénom, dissimulant toujours son sexe, fut reçue dans les milieux ecclésiastiques et en particulier par la Curie. Son savoir et son charisme furent tels que le conclave l’éleva sur le trône de saint Pierre. Mais ce qui devait arriver arriva : la papesse se retrouva enceinte. Au cours d'une procession qui se déroulait entre Saint-Pierre du Vatican et Saint-Jean de Latran, elle fut prise de contractions et fut contrainte d’accoucher publiquement, ce qui lui valut d’être condamnée à mort.

Manuscrits et incunables

Dès le XIVe siècle commence la diffusion des œuvres du poète par des traductions.
En France, ce fut en 1378 que Jean Daudin rédigea De Remediis en français pour le Dauphin à la demande du roi Charles V.
Il fut suivi par Philippe de Mézières qui, entre 1384 et 1389, traduisit Griseldi .
À la Bibliothèque Inguembertine de Carpentras se trouve l’un des plus anciens manuscrits du Canzoniere milieu XVe siècle avec, sur deux médaillons, les portraits de Pétrarque et de Laure de Sade. Ce recueil des sonnets à la louange de Madonna Laura débute ainsi :In comincia la cantilena di Messer Francesco Petrarco famossimo poeta fiorentina chiamato il canzioneri... .
Le Canzoniere et les Trionfi figure dans le manuscrit vénitien du cardinal Mazarin dont les enluminures furent réalisées par Cristoforo Cortese en 1420. Ce manuscrit se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris
Un manuscrit des Trionfi, calligraphié à Florence par Besse Ardinghelli en 1442 et illustré par Apollonio di Giovanni, fait partie des collections de la Bibliothèque Laurentienne. Un autre manuscrit florentin des Trionfi, provenant du studio de Francesco d'Antonio del Ghierico et réalisé vers 1456-1457, est déposé à la Bibliothèque nationale.
La bibliothèque de l'Université de Manchester possède seize éditions incunables des Rime de Pétrarque, depuis l'édition princeps de 1470, imprimée à Venise par Vindelinus de Spira, jusqu'à l'édition de 1486 avec sa typographie à la mode différenciant les vers imprimés en gros caractères et les commentaires en petits caractères.
Une attention toute particulière doit être portée à la merveilleuse et rarissime édition Lauer de 1471 ainsi qu'à trois éditions vénitiennes différentes de 1473.
En 1476, la ville de Florence offrit à Charles VIII, roi de France, un manuscrit des Triomphes somptueusement illustré. Quant à celui de la Walter Art Gallery de Baltimore, il a été composé à la fin des années 1480 par Sanvito.
Deux manuscrits vénitiens des Trionfi, datés de la fin du XVe siècle se trouvent l'un au Musée Jacquemart-André et son jumeau à la Bibliothèque Apostolique du Vatican . Au cours de la même période, à Paris, fut enluminé un livre des Triomphes de l'Amour par un artiste inconnu dénommé le Maître des Triomphes de Pétrarque.
Manchester détient également deux éditions des Rime qui ne se trouvent pas dans l'incomparable Willard Fiske Collection de la bibliothèque de l'université Cornell : l'édition napolitaine de 1477 par Arnold de Bruxelles et une édition vénitienne de 1480 due à un imprimeur inconnu. Elle possède en outre quatre-vingt des approximativement cent-cinquante éditions publiées au cours du XVI siècle, dont la totalité des éditions Aldine, les fameuses éditions lyonnaises contrefaites, ainsi que deux des dix exemplaires sur vélin de l'édition de 1501.
Enfin, la Bibliothèque nationale, le Musée Condé à Chantilly et le British Museum possèdent les éditions du Laure d'Avignon : au nom et adveu de la Royne Catharine de Médicis, Royne de France, extraict du poete florentin François Petrarque ; mis en françois par Vaisquin Philieul à Carpentras. La première fut imprimée à Paris en 1548, la seconde à Avignon.

Éditions des œuvres Pétrarquisme et anti-pétrarquisme

Italie

Une Accademia degli Umidi fut fondée par un groupe de jeunes marchands florentins en novembre 1540. Son but était d'offrir une seconde chance à ces marchands qui n’ont pas eu accès à la culture classique. Elle était consacrée à la poésie, à la philosophie puis aux sciences. Ses principaux fondateurs furent Niccolò Martelli, Luigi Tansillo, Annibal Caro et le Bronzino. Réunis autour de Giovanni Mazzuoli da Strada par une même admiration pour Dante et Pétrarque, une commune passion pour les lettres, leur but était de défendre l'utilisation de la langue florentine.
Placée au départ sous le simple patronage de Cosme Ier, elle passa sous sa coupe. Le grand-duc imposa statuts et membres, lieux de réunions et productions littéraires3. Le 23 février 1541, elle changea son nom en Accademia Fiorentina o Società di Eloquenza38, mais elle fut le plus souvent désignée sous celui de l'Accademia Fiorentina. Son premier secrétaire fut Anton Francesco Doni.

France

À la suite d'une rencontre entre Jacques Peletier du Mans et Joachim du Bellay puis avec Pierre de Ronsard, l'idée d'un renouveau littéraire germa et prit tout d'abord le nom de La Brigade. Il allait donner naissance à la Pléiade, réunissant sept poètes très influencés par Pétrarque qui allaient se retrouver dans une même démarche celle de La Défense et Illustration de la Langue Française.

Au même moment, dans tous les pays de langue d'oc, une renaissance littéraire se fit aussi sous l'influence du pétrarquisme avec le gascon Pey de Garros (1525-1583), le provençal Bellaud de la Bellaudière (1543-1588) et le languedocien Auger Galhard (1540-1593)40. Il faut également compter parmi les adeptes du pétrarquisme le lyonnais Maurice Scève (1501-1564), à qui l'on a attribué de son temps la découverte du Tombeau de Laure41.

Jugements sur Pétrarque et sur son œuvre

Vittore Branco, dans sa biographie consacrée au poète, affirme que :"Pétrarque a occupé dans l'histoire de la poésie et de la culture de l'Europe chrétienne et moderne une place exceptionnelle : jamais, peut-être, un écrivain n'eut une influence aussi décisive ni aussi prolongée".

Au XIVe siècle

Quand il apprit la mort de Pétrarque, Grégoire XI salua en lui une lumière éclatante de la sagesse morale et demanda à Philippe de Cabassolle, son Vicaire en Italie de lui procurer ou de lui faire copier, De Africa, ses Invectives et De Vita Solitaria.

Au XVe siècle

"Au grand Pétrarque, nous sommes redevables en premier lieu d'avoir fait surgir du caveau des Goths les lettres depuis longtemps ensevelies."
Jean Pic de la Mirandole 1463-1494

Au XVIe siècle

"J'allèguerai Pétrarque, duquel j'ose bien dire que, si Homère et Virgile avaient entrepris de le traduire, ils ne pourraient le rendre avec la même grâce et naïveté." Joachim du Bellay 1522-1560

Au XVIIe siècle

La reine Christine de Suède 1626-1686 qui lui portait une admiration sans borne eut ce mot à son sujet : Grandissimo filosofo, grandissimo innamorato, grandissimo poeta ! .
Madeleine de Scudéry, qui tenait le poète vauclusien en grande estime, lui rend hommage dans Clélie puis dans Mathilde où elle narre le récit de ses amours avec Laure. Dans cette dernière nouvelle, la Grande Précieuse fait quatorze fois référence à des sonnets du Canzionere.

Au XVIIIe siècle

Le poète vauclusien a perdu toute son aura et est même dénigré. C'est ce que fait Voltaire en 1764 :
"Pétrarque, après tout, n'a peut-être d'autre mérite que d'avoir écrit des bagatelles sans génie dans un temps où ces amusements étaient fort estimés parce qu'ils étaient rares. "
Seul l'Abbé de Sade 1705-1778 s'intéressa au poète auquel il consacra trois tomes intitulés Mémoires pour la vie de François Pétrarque, tirés de ses œuvres et des auteurs contemporains avec les notes ou dissertations et les pièces justificatives.

Au XIXe siècle

Chateaubriand et Victor Hugo, les deux géants de la littérature française, lui rendirent hommage en des termes tout à fait différents :
" Siècle fécond, jeune, sensible, dont l'admiration remuait les entrailles ; siècle qui obéissait à la lyre d'un grand poète, comme à la loi d'un législateur. C'est à Pétrarque que nous devons le retour du souverain pontife au Vatican ; c'est sa voix qui a fait naître Raphaël et sortir de terre le dôme de Michel-Ange "

— François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, partie 2, livre 14, chapitre 2 Voyage dans le midi de la France, 1802
"Pétrarque est une lumière dans son temps, et c’est une belle chose qu’une lumière qui vient de l’amour. Il aima une femme et il charma le monde. Pétrarque est une sorte de Platon de la poésie ; il a ce qu'on pourrait appeler la subtilité du cœur, et en même temps la profondeur de l’esprit ; cet amant est un penseur, ce poète est un philosophe. Pétrarque en somme est une âme éclatante. Pétrarque est un des rares exemples du poète heureux. Il fut compris de son vivant, privilège que n’eurent ni Homère, ni Eschyle, ni Shakespeare. Il n'a été ni calomnié, ni hué, ni lapidé. Pétrarque a eu sur cette terre toutes les splendeurs, le respect des papes, l’enthousiasme des peuples, les pluies de fleurs sur son passage dans les rues, le laurier d'or au front comme un empereur, le Capitole comme un dieu.

Verlaine a écrit un sonnet intitulé :

À la louange de Laure et de Pétrarque

Chose italienne où Shakspeare a passé
Mais que Ronsard fit superbement française,
Fine basilique au large diocèse,
Saint-Pierre-des-Vers, immense et condensé,

Elle, ta marraine, et Lui qui t’a pensé,
Dogme entier toujours debout sous l’exégèse
Même edmondschéresque ou francisquesarceyse,
Sonnet, force acquise et trésor amassé,

Ceux-là sont très bons et toujours vénérables,
Ayant procuré leur luxe aux misérables
Et l’or fou qui sied aux pauvres glorieux,

Aux poètes fiers comme les gueux d’Espagne,
Aux vierges qu’exalte un rythme exact, aux yeux
Épris d’ordre, aux cœurs qu’un vœu chaste accompagne.
Paul Verlaine Jadis et naguère

Au XXe siècle

Pierre de Nolhac 1869-1936, qui fut conservateur du musée de Versailles et l'un des meilleurs spécialistes de Pétrarque et de son école, écrivit :
" Pétrarque est donc du petit nombre des esprits auxquels, sans le savoir, nous devons tous quelque chose de notre vie intellectuelle. Il faut juger sa grandeur à celle des idées qu'il a fait revivre et dont l'Europe n'a pas encore, après des siècles, cessé de nourrir sa pensée. "
En 1947, Aragon et Picasso unirent leurs talents pour faire éditer à 110 exemplaires Cinq sonnets de Pétrarque. Aragon, pour cet hommage, a finement pétrarquisé en plaçant en exergue They said Laura was somebody else , jeu de mot bien dans la veine du poète vauclusien où le texte anglais qui affirme : Ils disent que Laure était une autre, laisse à entendre et à lire le nom d'Elsa.

Héritage

En novembre 2003, des anatomistes ont annoncé vouloir exhumer le corps de Pétrarque à Arquà Petrarca dans le but de vérifier les rapports établis au XIXe siècle indiquant qu'il avait une taille de 1,83 m, ce qui l'aurait rendu très grand pour cette période. Le groupe de scientifiques souhaitait aussi reconstruire son crâne pour obtenir une image numérisée de ses caractéristiques faciales. Malheureusement, les tests d'ADN effectués en 2004 ont révélé que le crâne trouvé dans son cercueil n'était pas le sien, ce qui entraîna l'annulation de toute l'opération.


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Posté le : 19/07/2014 18:56

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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