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Alighieri Dante
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Le 14 septembre 1321 à Ravenne meurt Alighieri Durante degli Alighieri dit Dante

poète, écrivain et homme politique florentin né entre la mi-mai et la mi-juin 1265 à Florence.
Père de la langue italienne, il est, avec Pétrarque et Boccace, l'une des trois couronnes qui imposèrent le toscan comme langue littéraire. Ses Œuvres principales sont :
Comedia, De vulgari eloquentia, Convivio, De Monarchia, Vita Nuova

Le septième centenaire de la naissance de Dante a donné en 1965 la mesure de la diffusion de son œuvre dans le monde. En France seulement, trente-sept traductions totales ou partielles de La Divine Comédie ont été éditées ou rééditées depuis 1921. La question s'est une fois de plus posée de l'actualité véritable de Dante, de ce que son œuvre signifie pour les lecteurs de notre temps, de ce qu'elle leur propose et leur promet. Ce n'est pas affaire de distance chronologique : Dante a été beaucoup plus en faveur au XIXe siècle qu'au cours des trois siècles précédents. La première actualisation critique de la Comédie s'est faite dans le climat platonicien de la Florence du Quattrocento, la seconde dans le climat romantique de l'Europe libérale.
On hésite à affirmer, avec T. S. Eliot, que La Divine Comédie est le plus promptement offert de tous les grands poèmes, celui où il est le plus aisé d'entrer de prime abord. Mais disons que l'effort initial du lecteur, secondé dans la plupart des éditions par les notes indispensables, n'est pas plus considérable que pour d'autres grandes œuvres. On a tôt fait de découvrir que le grand poème de Dante n'est pas seulement un édifice médiéval, une cathédrale imposante et dûment classée : c'est un poème de l'imminence au regard du destin du monde, des chances de l'homme dans cette vie, et non seulement dans une autre, des anxiétés aussi que fait peser sur la conscience collective l'appréhension d'une fin des temps.

En bref

Le nom de Alighieri s'écrivait à l'origine Allighieri avec deux L . Le second L a été perdu pour des raisons sans doute liées à l'aisance typographique. L'orthographe ancienne de son nom a été respectée sur la sculpture du piédestal de sa statue du portique du Palais des Offices à Florence. La Divina Commedia dans la version italienne de Ugo Foscolo éditée par la Torino Tipografia Economica en 1852 est signée Dante Allighieri.
Fils de Alaghiero degli Alaghieri, la forme Alighieri, qui fait autorité depuis Boccace, est sans doute illégitime et de Bella fille de Durante degli Abati ?, Dante appartenait, économiquement, à la petite noblesse florentine, même si sa famille, d'antique tradition guelfe, descendait sans doute, par son trisaïeul Cacciaguida, de l'illustre famille des Elisei, que la légende faisait remonter aux Romains, mythiques fondateurs de Florence.
Durante, syncopé en Dante, degli Alighieri naît entre la mi-mai et la mi-juin 1265, dans la famille florentine des Alighieri, dont le nom, dans sa forme originale, est Alaghieri, favorable à la faction des guelfes favorables au Pape et qui aurait joué un rôle important dans la vie de la cité. Son père, Alighiero di Bellincione, était un guelfe blanc, mais il ne souffrit pas de la vengeance des gibelins, favorables à l'Empereur, après leur victoire à la bataille de Montaperti, et ce salut donna un certain prestige à la famille. La mère de Dante, Bella degli Abati, Bella est un diminutif de Gabriella, mais signifie aussi belle physiquement, mourut alors que Dante avait treize ans, en 1278, son père décéda quatre ans plus tard, en 1282. Alighiero emménagea peu de temps après avec une nouvelle compagne Lapa di Chiarissimo Cialuffi ; il n'est d'ailleurs pas certain qu'ils se soient mariés, et eut avec elle deux enfants, le demi-frère de Dante, Francesco, et sa demi-sœur, Tana Gaetana.
Quand Dante eut 12 ans, en 1277, son mariage fut négocié avec Gemma, fille de Messer Manetto Donati, qu'il épousa ensuite. Les mariages négociés à des âges précoces étaient alors fréquents et constituaient une cérémonie importante, qui exigeait des actes officiels signés devant notaire.
Peu de choses sont connues sur l'éducation de Dante ; on présume qu'il étudie à domicile. Il séjourne sans doute quelque temps à Bologne et reçoit à Florence les enseignements de l'école franciscaine de Santa Croce, de Rémi de Florence de l'école dominicaine de Santa Maria Novella et de Brunetto Latini. Il rencontre des poètes et noue une solide amitié avec Guido Cavalcanti. Il est quasi certain qu'il étudie la poésie toscane, au moment où l'école poétique sicilienne, un groupe culturel originaire de Sicile, a commencé à être connue en Toscane. Ses centres d'intérêts le portent à découvrir les ménestrels, les poètes provençaux et la culture latine. Évidente est sa dévotion pour Virgile Tu se' lo mio maestro e 'l mio autore; tu se' solo colui da cu' io tolsi lo bello stilo che m'ha fatto onore, écrit-il dans la Divine Comédie.
Au cours du Moyen Âge les régions d'Italie unifiées sous l'Empire romain se séparent progressivement, laissant une douzaine de petits états, de sorte que la Sicile est aussi éloignée culturellement et politiquement de la Toscane que celle-ci l'est de la Provence : les régions ne partagent ni la même langue, ni la même culture et les communications sont difficiles.
Dante a de nombreux enfants avec Gemma, il est probable que seuls Jacopo, Pietro et Antonia aient été ses enfants légitimes. Antonia entre dans les ordres sous le nom de sœur Béatrice. Un autre homme, Giovanni, se réclame de sa filiation et l'accompagne lors de son exil, mais aucune preuve n'existe que ses prétentions soient justifiées.

Sa Vie

Entre guelfes et gibelins Lorsque Dante y naquit, dans la seconde quinzaine du mois de mai 1265, Florence était en voie de devenir la plus puissante cité de l'Italie centrale et l'une des plus considérables de l'Occident chrétien. Dès 1250, un gouvernement communal, imposé par les forces associées de la bourgeoisie et de l'artisanat, avait mis fin à la suprématie des maisons nobles. Deux ans plus tard étaient frappés les premiers florins d'or, qui allaient devenir bientôt, et pour trois siècles, les dollars de l'Europe marchande. Les conflits entre les guelfes, acquis à l'autorité temporelle des papes, et les gibelins, défenseurs de la primauté politique des empereurs, tournaient de plus en plus à l'affrontement entre les bourgeois et les nobles ou aux guerres de prépondérance entre cités voisines et rivales. Dante vécut dans ce climat de luttes sociales et de guerres régionales, où l'empire et la papauté constituaient des pôles d'engagement ou des prétextes d'alliance plus que des causes embrassées pour elles-mêmes. Quand il naquit, sa ville était depuis cinq ans aux mains des gibelins, qui en avaient chassé les guelfes ; en 1266, Florence repassait aux mains de ces derniers, et les gibelins en étaient expulsés à leur tour, perdant à jamais la partie. Les guelfes allaient se diviser un peu plus tard en Noirs et Blancs, et c'est comme Blanc que Dante devait être un jour proscrit, lui aussi à jamais.

Sous le signe de l'amour

Issu d'une famille noble mais sans fortune, orphelin de mère à treize ans, orphelin de père dans les cinq années qui suivirent, sa première jeunesse ne peut être entrevue qu'à travers de très rares documents d'archives et la narration romancée de la Vita nova. Il y a tout lieu de penser que ce petit livre, comme Dante l'appelle lui-même, de La Vie nouvelle a été composé entre 1291 et 1293 ; il comprend 31 poésies 25 sonnets, 1 ballade et 5 chansons, écrites à partir de 1283 si l'on en croit un passage de la prose, tout ensemble explicative et narrative, qui forme autour des poèmes comme un tissu conjonctif. La Vie nouvelle, c'est la jeunesse de Dante illuminée par son amour pour Béatrice, la révélation primordiale que cet amour lui apporte au début de son existence. Il n'a pas neuf ans lorsqu'il s'éprend de celle qu'il aimera pour l'éternité et qui est alors une enfant de huit ans. Mais ce ne sera pas un amour sans troubles, sans alarmes, ni sans tentations adverses.

Un très doux salut

De la Vita nova et de quelques poésies laissées hors du recueil, mais appartenant, de façon manifeste ou probable, à la même période que les pièces du livre, il découle que cet amour passa d'abord par deux phases bien distinctes. Dante se dit âgé de dix-huit ans lorsqu'il reçoit de Béatrice un très doux salut qui lui fait voir les confins de la béatitude. À la suite de cette rencontre, il fait un songe mystérieux, décrit dans un sonnet de couleur surréaliste avant l'heure, et sa passion grandit au point d'émouvoir plusieurs de ses amis, mais aussi d'éveiller leur curiosité bavarde. Soucieux de cacher son amour aux indiscrets, Dante fait mine d'être successivement épris de deux autres femmes, appelées au rôle d'écrans, jusqu'au jour où Béatrice, elle-même abusée par ce simulacre, lui refuse son salut. Or il découvre, après un accès de douleur et de larmes, que, le salut de la gentilissima ne lui étant plus accordé, Amour a placé tout son bonheur dans ce qui ne peut lui être ôté, à savoir dans les paroles qu'il dit à la louange de sa dame . Aussi prend-il le parti de se vouer à cette louange et inaugure-t-il, par la première chanson incluse dans la Vita nova chap. XIX, ce doux style nouveau qu'il revendiquera un jour comme point de départ de la poésie lyrique de toute sa génération.

Béatrice et la Vita Nuova

C'est en 1274 que Dante aurait rencontré pour la première fois Béatrice. De son vrai nom Bice di Folco Portinari, elle épouse Simone de Bardi et meurt en 1290. On sait peu de chose d'un amour dont l'histoire est sublimée dans Vita Nuova ou Vita nova, composé entre 1292 et 1294 dans laquelle il décrit sa première rencontre avec Béatrice, âgée seulement de neuf ans, puis la deuxième, advenue neuf années plus tard, il expliquera plus tard le sens symbolique du neuf, chiffre de Béatrice. Dans la Vita Nuova, Dante décrit sa passion et son désespoir à la mort de Béatrice. Il raconte la crise profonde qui s'ensuit, son errance et son aventure avec une noble dame sans doute une allégorie pour désigner la philosophie, et enfin son repentir. Bien que Vita Nuova soit probablement inspirée par la vie personnelle de Dante, de nombreux critiques mettent en doute l'existence réelle de Béatrice, préférant voir en elle une figure allégorique certains considèrent encore aujourd'hui que dans la Divine Comédie, Virgile représente la raison naturelle, et Béatrice la théologie.
Un rêve fait par Dante, et qui accompagne le premier poème inséré dans le livre, nous éclaire : Dante voit apparaître le dieu Amour dans une nuée de feu, portant Béatrice nue dans un drap couleur de sang. Amour tient dans sa main le cœur enflammé de Dante et le donne à manger à Béatrice, puis s'élève vers le ciel avec elle. Ce rêve montre la richesse et la puissance évocatrice du poète dans la Vita Nuova, œuvre difficile à interpréter : la tradition mystique la nuée de feu par exemple croise la tradition courtoise, l'histoire du cœur mangé, les appels aux fidèles d'amour et les rassemblements de dames invitent à des lectures ésotériques, tandis que les visions et les rêves énigmatiques placent l'œuvre dans une dimension à la fois eschatologique la mort de Béatrice comme horizon et mystérieuse. En effet, si Béatrice a été souvent comparée à une sainte, par référence à l'hagiographie franciscaine notamment, et si une des meilleures façons de s'approcher de cette figure de femme souveraine est d'étudier les analogies marquées avec le Christ, la Vita Nuova, bien au-delà de la simple description des vertus ou la narration des miracles qui ponctuent la vie des saintes, semble envelopper les mystères de Béatrice. La dimension rituelle présente surtout dans la première partie du livre prend ici certainement tout son sens. Il est difficile de savoir si Dante envisageait véritablement un culte de Béatrice qui orienterait ainsi toute son œuvre, mais il est certain que sa conception de la cité est tributaire de la vie et de la mort de Béatrice : en effet, après la mort de la gentilissima la très noble, la très courtoise, Florence est veuve et Béatrice devient un nom commun Florence a perdu sa Béatrice écrit le poète.
La Vita Nuova, qui se distingue déjà du courant stilnoviste, se compose d'une trentaine de poèmes, des sonnets pour la plupart, qui brûlent d'une ardeur amoureuse et mystique à la fois. Quarante-deux chapitres en prose commentent les vers au fur et à mesure. Dante achève son œuvre par une annonce introduite après le dernier sonnet comme une vision paradisiaque. Il écrira quelque chose que jamais personne n'a écrit pour chanter la gloire de l'être-aimé. Peut-être pensait-il déjà à son chef-d'œuvre la Divine Comédie.

La dévotion amoureuse

Il ne s'agit pas d'un simple changement de style. Le passage de l'imploration insistante ou de la rhétorique impersonnelle du cœur à une poésie d'exaltation atteste la détermination de vivre un amour qui soit la preuve et le fruit d'une liberté vraie. La conversion à la louange ne marque pas seulement une nouvelle direction de nature thématique et stylistique : c'est l'indice d'une découverte psychologique qui seconde l'aspiration morale, et que celle-ci, à son tour, enrichit. Le sentiment intime de liberté, compris comme le refus d'une aliénation étroitement passionnelle et la justification de sa dignité intérieure, que Dante avait d'abord escompté de la « très noble vertu » émanant du salut de Béatrice, il l'attend désormais des paroles de gloire qu'il adresse à la gentilissima, c'est-à-dire de la célébration assidue des perfections que l'amour lui fait découvrir en elle ; là réside l'essentiel, qui fait que cet amour est son amour, et qui ne peut lui être ôté. C'est, longtemps avant Stendhal, la cristallisation mise au cœur de l'authenticité amoureuse ; c'est également l'esquisse d'un programme de libération hors des contingences qui avaient compromis le bonheur d'aimer dans l'affaire des femmes-écrans, après la réaction de Béatrice offensée par des rumeurs cancanières. Se plaindre de cette réaction signifierait pour Dante laisser son amour à la merci des malentendus, l'exposer à des faits ou des propos indépendants de son libre vouloir, au lieu que l'exaltante accumulation en sa conscience des innombrables sujets d'aimer Béatrice que son amour lui dicte est l'acte probant de sa liberté souveraine. Toute problématique du sentiment cessant, la dévotion amoureuse est perçue comme un bonheur achevé, effet d'une passion qui se rend heureuse et se voit justifiée en se délivrant de tout ce qui ne dépend pas d'elle. Il n'est plus besoin de réciprocité certaine ni d'acquiescement courtois. Du coup s'évanouit le langage amoureux traditionnel de la victoire ou de la défaite, de la conquête ou de l'abandon.
Le poète explorait cette terre nouvelle de l'amour quand Béatrice mourut, à l'âge de vingt-quatre ans. Sa douleur lui révéla que les perfections dont se nourrissait son amour, loin de se muer en abstractions invulnérables, n'avaient pas cessé d'être pour lui des qualités de la vie sensible de la gentilissima. De cette douleur va naître une pitié de soi, qui conduira Dante à trop se réjouir de voir une dame jeune et belle, émue de compassion pour lui ; mais une vision lui représentera bientôt Béatrice telle qu'elle lui était apparue dans son enfance, et il n'en faudra pas davantage, à en croire le récit de la Vita nova, pour le détourner de la tentation. Le petit livre prend fin sur un sonnet et un chapitre en prose, où il est permis de discerner la première idée de la grande œuvre où Dante dira un jour de Béatrice ce qui jamais ne fut dit d'aucune femme.

Un florentin engagé

Dante joue un rôle très actif dans la vie politique de Florence. Dans les troubles qui agitent alors l'Italie, Dante est un guelfe ardent : il se signale dans plusieurs expéditions contre les gibelins d'Arezzo, de Bologne et de Pise, et contribue beaucoup par sa valeur à la victoire de Campaldino 1289, remportée sur ceux d'Arezzo, ainsi qu'à la prise du château de Caprona, enlevé aux Pisans 1290.
Il remplit avec succès un grand nombre de missions politiques et est nommé prieur de Florence en 1300, c'est-à-dire qu'il devient un des magistrats suprêmes de l'exécutif. Mais les guelfes, qui dominent à Florence, se sont divisés en deux factions : les Noirs, favorables à la politique papale de Boniface VIII, et les Blancs, partisans d'une plus grande autonomie de la ville. En 1300, le pape Boniface VIII revendique le vicariat impérial sur les communes toscanes. À partir de ce moment-là, Dante s'engage de plus en plus fermement du côté des guelfes blancs, c'est-à-dire contre la politique d'ingérence du pape. En octobre 1301, membre du Conseil des cents, il se rend à Rome pour tenter une ultime démarche de conciliation. Pendant ce temps, Charles de Valois, représentant du pape, se rend à Florence et s'empare de la ville avec l'aide des guelfes noirs triomphants. Les procès commencent. Dante apprend sur le chemin du retour qu'il est condamné pour concussion, gains illicites et insoumission au pape et à Charles de Valois. Il refuse de se présenter en accusé. Un deuxième procès, instruit le 10 mars 1302 par le podestat Cante de' Gabrielli da Gubbio, le condamne au bûcher. Tous ses biens sont confisqués, il est exilé avec d'autres guelfes blancs et ne reviendra jamais à Florence. Le décret de bannissement de Dante de la ville de Florence ne sera d’ailleurs révoqué qu’en 2008.

Les consolations du savoir, et d'autres

Où cesse le témoignage de la Vita nova commence celui, encore moins documentaire, des Rime, c'est-à-dire de la somme, variable suivant les éditeurs, des poésies éparses qu'on peut attribuer à Dante, 54 certaines, de 20 à 27 d'attribution douteuse. C'est dans une part de ce corpus qu'on cherche volontiers les traces de l'égarement avoué plus tard au début de l'Enfer et à la fin du Purgatoire : un égarement qui aurait entraîné Dante aussi bien vers de fausses conceptions philosophiques que vers les sollicitations de l'amour charnel et des plaisirs vulgaires.
Le plus assuré est qu'entre la mort de Béatrice et les premières années de l'exil Dante s'adonna intensément à l'étude de la philosophie, terme qui désigne sous sa plume l'ensemble de la science profane ; qu'il composa des poésies d'amour d'où le style de la louange est bien absent, et le souvenir de Béatrice plus encore ; qu'il échangea des vers de nature diverse avec plusieurs poètes de son temps ; enfin qu'il se mêla activement, à partir de 1295 au moins, à la vie politique de sa cité.
Parmi les pièces lyriques qui semblent appartenir à cette période, les poésies de la pierre, rime petrose méritent une mention particulière. Le premier motif qui s'y déploie est celui d'une passion née au cœur de l'hiver, à contre-saison, quasiment contre la loi de nature, d'une ardeur inquiétante et comme exaspérée au milieu d'un monde assombri et glacé. Cet appétit d'amour sert de support à une suite de descriptions systématiques du paysage hivernal, souvent rendues plus insistantes par la répétition à la rime d'un nombre limité de mots : extension thématique et virtuosité prosodique s'y conjuguent comme les signes avant-coureurs d'une entreprise poétique autrement vaste et difficile, vers laquelle Dante paraît s'acheminer alors par plusieurs voies.
Une de ces voies est la fréquentation des « écoles des religieux et des disputes des philosophes, pour reprendre ses propres termes, accompagnée de la lecture de plusieurs auteurs latins que laisse déjà deviner dans ses derniers chapitres la prose de la Vita nova. Dans le traité du Convivio Le Banquet, commencé vraisemblablement en 1303-1304 et interrompu à la fin du IVe livre l'ouvrage devait en compter 15, Dante fera de ce noviciat philosophique un remède à la douleur où la mort de Béatrice l'avait plongé ; mais, à son témoignage même, il se prit bientôt pour la science scolastique et la poésie des Anciens d'une passion dont la vertu consolatrice n'était plus la seule raison. Cette passion du savoir, d'un savoir total, ne le quittera plus : elle se retrouve aussi bien dans les chansons doctrinales du Convivio et les longs commentaires qui y font suite que dans plusieurs poésies allégoriques des Rime, dans l'essai linguistique en latin De vulgari eloquentia, entrepris et laissé en suspens au cours des premières années de l'exil, dans le traité politique De monarchia, vraisemblablement écrit, en latin également, autour de 1311, pour soutenir la cause de l'empereur contre les prétentions temporelles de la papauté, dans les épîtres latines, elles aussi d'objet politique, dans la dissertation de physique du globe Quaestio de aqua et terra 1320, dans les églogues latines 1319-1320 et enfin, il va sans dire, dans le trésor de science offert par la Comédie.

L'exil

Une autre sorte de préparation, non moins passionnée et plus déchirante, à la grande œuvre allait lui venir d'où il ne l'attendait sans doute guère en 1293, l'année où des ordonnances de justice, promulguées à Florence, retiraient aux nobles le droit de participer aux affaires publiques. Ce droit ne fut restitué, deux ans plus tard, qu'à ceux qui renieraient pratiquement leur rang en s'inscrivant dans une corporation professionnelle. C'est ce que fit Dante, admis dans l'art des médecins et apothicaires, qui était aussi celui de la librairie, avec la mention de poète... De la fin de 1295 à l'automne de 1301, on suit sa trace dans des procès-verbaux de commissions et de magistratures communales. Cependant, la lutte fait rage entre Blancs et Noirs. Dante est en 1300 du nombre des six prieurs, chargés de l'autorité exécutive, qui tentent vainement d'apaiser le conflit en proscrivant les chefs des deux partis. Comme le pape Boniface VIII intrigue avec acharnement en faveur des Noirs, trois émissaires lui sont dépêchés en 1301 par les Blancs au pouvoir. Dante est l'un d'eux. Il n'a pas regagné Florence que les Noirs, qui viennent de s'en rendre maîtres, le bannissent, le 27 janvier 1302, du chef de prévarication ; six semaines plus tard, la condamnation est répétée et aggravée par une sentence qui le voue au bûcher s'il vient à être pris sur le territoire de la commune. Le sentiment d'avoir été indignement joué par Boniface VIII, qui l'avait retenu à Rome après avoir renvoyé les deux autres émissaires, ne l'abandonnera plus jusqu'à sa mort, survenue à Ravenne le 13 septembre 1321 : d'où la véhémence qu'il ne cessera de manifester dans la Comédie contre le pape lui-même et la curie pontificale tout entière.
Dans les premiers temps de l'exil, Dante songe à assiéger la ville, aux côtés d'autres exilés guelfes blancs ou gibelins. Mais il y renonce bientôt et se met à errer de ville en ville, luttant contre la misère, cherchant protection auprès des cours de l'Italie du nord : Forlì, Vérone, Sienne, Mulazzo ou encore Arezzo. En juillet 1306, il se trouve à Padoue et en octobre de la même année à Château-Neuf sur la Magra. Il vient passer quelque temps à Paris, où il fréquente l'université et s'arrête finalement à Ravenne chez le podestat Guido Novello da Polenta, où il meurt de la malaria dans la nuit du 13 au 14 septembre 1321, après avoir fait de vains efforts pour rentrer dans sa patrie.

La Divine Comédie

Nul ne met plus en doute que la Comédie à laquelle l'admiration de la postérité ajouta l'épithète divine, et dont le titre définit, suivant les catégories littéraires d'alors, un style moins noble et soutenu que celui de la tragédie, dont le modèle est l'Énéide de Virgile, ait été composée tout entière pendant l'exil de Dante. L'odyssée qu'elle conte est celle du poète lui-même, perdu au milieu du chemin de la vie dans la forêt obscure du péché, sauvé du péril par l'intercession de la bienheureuse Béatrice, et accomplissant un pèlerinage salvateur dans l'autre monde, sous la conduite de Virgile d'abord Enfer et Purgatoire, puis de Béatrice elle-même Paradis.
Commencée sous le trinôme dominant de la philosophie, personnifiée par Virgile, de l'amour, dont les limites contraires, successivement expérimentées par Dante au temps de la louange et à l'époque des poésies de la pierre, reparaissent, d'une part, avec l'intervention de Béatrice au chant II de l'Enfer et, d'autre part, avec le célèbre épisode de passion sans frein dont l'héroïne est, au chant V, Françoise de Rimini, enfin de l'ardeur politique en quête de justifications idéologiques et morales, la Comédie s'achève après l'intégration absolue du savoir philosophique dans la vérité de Dieu, l'élévation de l'amour, plus que jamais pierre de touche de la liberté, au rang de principe de tout bien et de tout mal, la résolution des problèmes politiques par la doctrine de la légitimité universelle et éternelle de l'Empire, assise à la fois sur les conclusions de la philosophie, les desseins révélés de Dieu et le terme que ces desseins laissent voir dans l'histoire du monde futur.
Cette structure démonstrative n'est pas la patiente application d'un programme arrêté d'avance point par point. La composition du poème, qui n'a pris fin que peu de temps avant la mort de Dante, s'est échelonnée sur quinze ans et plus. Sans vouloir réduire la Comédie à une œuvre en chronique, tributaire des événements survenus dans cet intervalle, il est clair, à de nombreux indices, que des circonstances biographiques et historiques toutes fraîches en ont alimenté l'inspiration. La netteté architecturale du poème ne doit pas donner le change : il ne s'agit pas d'un plan agrandi au pantographe, ni d'un édifice où tout est calculé au départ. La Comédie forme un récit vivant qui absorbe et renvoie à tout instant le dernier vécu, ne se refusant pas les feintes prophéties quand l'urgence polémique ou lyrique veut qu'il soit parlé de faits survenus depuis 1300, date fictive du voyage dans l'au-delà. Dante y est continuellement présent, non comme un auteur qui parcourrait par la mémoire une époque révolue de sa vie, mais comme un poète instructeur qui vit à la fois sa création et les raisons permanentes d'où elle naît, toujours rallumées et pressantes dans le monde qui vit mal.
Il est le sujet de son poème, il n'en est pas la matière. Cette matière, c'est, cas unique dans la littérature de tous les temps, l'univers saisi dans sa totalité, de l'infime à l'incommensurable, du naturel le plus commun, voire le plus trivial, au surnaturel le moins imaginable. Cette matière, en un mot, c'est le tout.
L'itinéraire que dessine le parcours peut n'être qu'une coupe verticale allant de la plus basse extrémité de l'univers à la plus haute, tout vient s'y rassembler. Entre le centre de la Terre, où Lucifer, dans sa ténébreuse prison de glace, occupe la pointe de l'immense excavation en cône renversé qui contient l'Enfer et l'Empyrée, où Dieu est perçu comme un océan de lumière, ce que Dante ne peut faire affluer sous son regard vient s'agréger massivement au récit directeur par l'inépuisable jeu du souvenir et de la métaphore. Où l'expérience fait défaut, l'imagination la plus prodigieuse prend la relève et crée tout à la juste mesure, dérisoire ou colossale, que requiert la dimension de l'épisode ou du décor. Où manque le mot, Dante le façonne, et il le léguera, pour longtemps parfois, à une langue dont il est à la fois le premier grand artiste et, pour une large part, le fondateur en fait d'expression littéraire.

Le monde du poème

Un ordre arithmétique
Donner une image, même schématique, du monde de la Comédie est ici chose impossible. À peine peut-on esquisser l'ordre qui préside à la description des trois royaumes de la damnation, de la pénitence et de la béatitude. Les damnés se distribuent d'abord suivant la nomenclature grégorienne des péchés capitaux, mais, signe peut-être d'une interruption suivie d'un changement de programme dans la composition du poème, les deux derniers péchés, à savoir l'envie et l'orgueil, cèdent la place à une répartition plus complexe qui occupe plus des deux tiers des chants de l'Enfer. Aux termes de ce classement, fondé sur la morale d'Aristote, les péchés passés précédemment en revue après le cercle des Limbes, la luxure, la gourmandise, l'avarice et la prodigalité, la colère et la paresse entrent dans la catégorie de l'incontinence, qui est la moins grave des trois dispositions vicieuses de l'âme, les deux autres étant la violence et la fraude. La violence est punie au 7e cercle, subdivisé en 3 zones renfermant 5 variétés, la fraude au 8e, subdivisé en 10 fosses dont certaines présentent également des distinctions ; la trahison, enfin, fournit un 9e cercle, subdivisé en 4 zones. Aux 9 cercles de l'Enfer correspondent, sur la montagne du Purgatoire, qui s'élève à l'antipode de Jérusalem, au milieu de la mer inconnue, 9 régions : l'Antipurgatoire, lieu d'attente où s'expie la négligence tant politique que religieuse, 7 terrasses réservées aux péchés capitaux et le Paradis terrestre au sommet. De même, le Paradis offre 9 sphères concentriques étagées autour de la Terre, les âmes des bienheureux apparaissant dans l'une ou l'autre à Dante et à Béatrice suivant le mérite principal qui leur a ouvert le chemin des cieux.
On relèverait bien d'autres homologies et symétries entre les trois sections de la Comédie et à l'intérieur de chacune d'elles. Mais ce parti d'ordre arithmétique et rationnel n'est jamais contraignant, en ce qu'il ne détermine nulle part les limites d'une scène, d'un exposé ou d'un épisode : il en est de quelques vers alors que tel d'entre eux tient trois chants entiers Paradis, XV à XVII, les uns s'achèvent avec le chant, d'autres se prolongent dans le suivant ou s'interrompent pour reprendre plus loin. Partout le mouvement inégal et inopiné de la vie se répand dans les harmonies d'une architecture aussi gigantesque que rigoureuse.

Un langage concret

Grandiose jusqu'à atteindre, surtout dans le Paradis, les extrêmes frontières, signifiées avec une extraordinaire force d'évidence poétique, de l'exprimable et du concevable, la vision de Dante se traduit dans un langage concret, intensément figuratif, par lequel le didactisme scientifique, moral, politique ou religieux se revêt d'un inoubliable relief. Cela n'est pas seulement vrai de l'Enfer, où défilent les épisodes, entre tous célèbres, de Françoise de Rimini V, de Farinata X, de Pierre des Vignes XIII, de Brunet Latin XV, des simoniaques XIX, des prévaricateurs et de leurs diables XXI-XXII, d'Ulysse XXVI, de Guido da Montefeltro XXVIII, de Bertrand de Born XXVIII, d'Hugolin XXXII ; ce l'est également, et le pouvoir d'émotion n'y est pas moindre, des grands moments du Purgatoire avec Caton d'Utique I, Manfred (III), les récits de mort violente du chant V, la grande invective politique du chant VI, la féroce description morale de la vallée de l'Arno XIV, le réquisitoire d'Hugues Capet contre la monarchie française XX, la réapparition de Béatrice au Paradis terrestre ; ce l'est, enfin, des principaux épisodes du Paradis, ceux de Justinien et de Romieu de Villeneuve VI, de Charles Martel VIII, de Cunizza da Romano et de Folquet de Marseille IX, suivis de l'éloge de saint François et de saint Dominique aboutissant à l'âpre dénonciation de leurs disciples dégénérés XI-XII, de la rencontre du poète avec son trisaïeul Cacciaguida XV-XVII, de la vision colossale de l'aigle céleste d'où part une accusation véhémente contre la corruption et le cynisme de la curie apostolique XVIII-XX, accusation que feront retentir à nouveau dans le Ciel saint Pierre Damien XXI, saint Benoît XXI et saint Pierre lui-même XXVII.
Ces passages illustres sont en majeure part engagés. Il en est peu qui soient dénués de rapport avec la réalité politique contemporaine, qu'il s'agisse de luttes communales, de conflits dynastiques, des faiblesses et compromissions de l'Église, dévoyée par ses ambitions temporelles, de l'infructueux essai de restauration du pouvoir impérial en Italie tenté par Henri VII de Luxembourg et soutenu par le poète avec la plus énergique ferveur. À mesure que la Comédie avance, l'horizon politique s'élargit de Florence à la Toscane, de la Toscane à l'Italie, de l'Italie à l'Europe, de l'Europe à la Terre entière.

La voie de l'universel

Même par cette amplification de la vision historiale, chargée de passion et d'espoir et poétiquement transcendée par son inscription dans l'éternel divin, le poème tend de plus en plus à faire coïncider sa matière avec l'universel, la somme de l'advenu, du connaissable et du possible. Mais Dante ne s'efface jamais derrière l'inépuisable flux de ce qu'il évoque ou enseigne. Non qu'il parle de lui avec l'intérêt d'un mémorialiste : bien que tout le poème soit écrit à la première personne, Dante ne livre nulle part le nom de sa famille, de son père, de sa mère, de ses enfants. Tout ce qu'on peut apprendre de sa lignée est repoussé dans un temps lointain, quasiment mythique, celui de son trisaïeul mort en combattant les Infidèles dans la milice d'un empereur. La vanité de l'autobiographie lui reste étrangère. Il ne fait compter son personnage que pour ce qu'il offre d'exemplaire dans le sens de l'erreur ou de la vérité, de la faiblesse ou de la force, du péché ou du salut de tous. Les traits conférés à sa personne sont ceux, et non d'autres, qui la rendent hautement représentative de l'humanité entière en quête de bonheur terrestre – car une des fins assignées à l'homme, lit-on dans Il Convivio, est d'être heureux dès cette vie – et de salut dans l'autre monde.
Il se fait maître et prophète dans l'acte de sa création poétique, au milieu des morts ranimés par son verbe comme des vivants qu'il appelle autour de lui, tout en se livrant lui-même comme sa première créature, un moment aveuglée par la débilité morale et l'ignorance. Là encore, une totalité se constitue, en ce que la leçon impartie aux autres est justement celle dont le poète a lui-même besoin pour se sauver. Dante reste ainsi, d'un bout à l'autre de son œuvre, l'image de la Chrétienté mise en péril mais rachetable : il est en somme, à tout instant, lui-même et chacun.
Le cours du grand poème, avec ses 100 chants et ses 14 229 vers, suit la conjonction de son destin personnel, élevé à un sens exemplaire qui le convertit en figure de la destinée de l'homme chrétien, et d'une représentation historiale qui intègre dans le sort présent de ce dernier le chemin précédemment accompli par toute la famille humaine, de sorte qu'une perspective diachronique, remontant de l'actualité la plus brûlante jusqu'aux origines des sociétés, s'ouvre auprès du témoignage synchronique de l'immuable vouloir divin. L'histoire du monde est celle d'une liberté graduellement conquise, comme Dieu l'a voulu, par l'effet de la sagesse des premiers législateurs ; par la connaissance rationnelle des lois morales dont l'honneur revient à la philosophie grecque ; par l'instauration d'un ordre politique universel fondé sur la justice et la charité dont la Terre est redevable aux Romains ; enfin par la Révélation chrétienne qui achève et rend manifeste le pouvoir – et le devoir – de liberté donné à l'homme par Dieu. Ainsi se conclut dans le poème, par des certitudes historiales, la quête inaugurée jadis à travers les impulsions du sentiment amoureux.

La poésie de Dante

Mais plus sensible que toutes est l'amplification résolue qui, après la force pathétique et l'intensité expressionniste de l'Enfer, s'accentue avec l'émotion plus élégiaque et plus pénétrante du Purgatoire et aboutit au miraculeux triomphe de l'imaginaire dans le Paradis. Des trois cantiques, c'est l'Enfer qui est le plus connu, le plus populaire peut-on dire : le goût du pittoresque, répandu par la critique romantique, y est pour beaucoup. Dante avait pourtant la conviction, maintes fois affirmée dans son poème, qu'en s'élevant d'un royaume à l'autre, il élevait chaque fois sa poésie par un dépassement de niveau qui la rendait digne d'une matière sans cesse plus haute. À six siècles et demi de distance, rien n'oblige, certes, à partager cette vue, si assurée qu'elle soit pour le poète. Quiconque, cependant, veut pénétrer dans le monde de la Comédie doit refuser l'échelle, éliminatoire dans ses conséquences de fait, qui met telle section au-dessus de l'autre ou ramène la Comédie à un chapelet d'épisodes plus ou moins beaux.
Ce monde apparaît peut-être comme un monde de jadis par son contenu historique et doctrinal, mais il s'avère étonnamment actuel par sa substance morale, son angoissante incertitude au bord du futur, porteur pour Dante d'une prochaine fin des temps, par la dimension planétaire où il se déploie, par le jaillissement d'un langage poétique de compréhension illimitée, dont l'exacte discipline, celle des tercets enchaînés, n'entrave jamais le pouvoir d'invention. Mais la Comédie n'est vraiment d'aujourd'hui et de toujours que prise dans son ensemble. Rien ne l'archaïse autant que la glane des épisodes pour morceaux choisis. On ne peut entrer que totalement dans le poème le plus total qui ait jamais été écrit. Ce n'est qu'en l'embrassant en son entier, par une lecture qui ne s'arrête pas aux moindres détails d'époque, qu'on peut y percevoir tout à fait la puissance et le prix de la poésie de l'ineffable auprès de celle du concret, saisi avec le plus violent réalisme, de la poésie aussi des désespoirs sans fin, des déchirements de l'âme, des attentes anxieuses, des grandes espérances, des allégresses surhumaines, de la poésie, enfin, qui se dégage d'une participation morale passionnée, fruit d'une bouleversante expérience vécue, et non simple estimation dogmatique des actes de la vie humaine.

C'est pourquoi le Paradis ne doit pas être considéré seulement comme la troisième section du poème, mais comme sa conclusion. Sans doute, les exposés théologiques ou scientifiques y sont fréquents, mais non au point d'en constituer la majeure part ou l'essentiel. Et la poésie n'y sombre pas, quoi qu'ait écrit Benedetto Croce, à moins qu'on ne refuse le titre de poésie à ce qui déserte l'évidence pour communiquer ce que nul autre moyen d'expression ne peut signifier pleinement. C'est où Dante affronte l'indicible qu'il atteint le sommet de son art, lorsque, se disant en présence de l'inexprimable, il convertit son aveu d'impuissance en un prodige de poésie, qui ouvre justement sur l'inexprimable les perspectives infinies que son imagination pressent. Et de tels aveux s'ordonnent eux-mêmes en une suite de dépassements multiplicateurs, de plongées de plus en plus profondes dans l'immensité des mystères célestes, jusqu'au moment où le don de vision et de langage du poète, si haut soit-il, s'abîme extatiquement en Dieu, au sein de cet amour qui mène le soleil et toutes les étoiles .
Depuis six siècles et plus que la Comédie est lue, commentée, explorée, exploitée comme une mine inépuisable de controverses, la somme des études qui forment la dantologie est proprement colossale. On ne saurait faire le compte de toutes les interprétations, thèses, discussions et disputes auxquelles Dante a donné lieu. De nos jours, abstraction faite des travaux de pure érudition et, bien entendu, des hypothèses de caractère ésotérique, deux lignes principales d'interprétation se dessinent : celle qui, considérant avant tout Dante comme un poète catholique, tend à expliquer son œuvre par la cohérence absolue de sa foi, et celle qui, faisant leur part à des influences culturelles et à des mouvements passionnels relativement indépendants de la vision catholique du monde et de la vie, préfère entendre cette œuvre comme le témoignage d'un siècle sollicité par des appels hétérogènes, parfois hétérodoxes, et la création d'une conscience qui ne fut pas insensible à tous ces appels. On trouve de part et d'autre des arguments historicistes et des raisons d'ordre idéologique ou poétique.

Son tombeau

Son tombeau, qui date de 1780, commandé par le cardinal légat Luigi Valenti Gonzaga, se trouve à Ravenne, via Dante Alighieri en bordure du couvent franciscain, au centre historique de la ville. Encore aujourd'hui, les Florentins voudraient bien récupérer son corps pour le placer dans un sarcophage prévu dans son cénotaphe qu'on peut voir, élevé par Luigi de Cambray Digny avec les statues de Stefano Ricci, dans la nef de la basilique Santa Croce de Florence, mais Ravenne refuse toujours de restituer à cette ville les restes d'un personnage qu'elle a banni.

Œuvres Les traités

De vulgari eloquenti
De vulgari eloquentia.
Les années de l'exil sont pour Dante une période d'intense activité intellectuelle. En 1303, il se penche sur la question de la langue vulgaire et il en fait l'objet d'un traité en latin : De vulgari eloquentia. Le thème central de l'œuvre est l'éloquence de la langue vulgaire: il tente de trouver un vulgaire illustre, digne d'assumer les caractères de langue littéraire.
Ce traité assume une grande importance comme traité de stylistique et de métrique. Selon le projet originaire, ce traité aurait dû être divisé en 4 livres, mais le travail de Dante s'achève au chapitre XIV du livre II. Le premier livre est consacré à l'origine des langues, puis à l'analyse des différents dialectes italiens. Dante arrive à la conclusion qu'aucune langue vulgaire n'est supérieure à une autre et donc susceptible de s'imposer. Il met donc son espoir dans la constitution d'une langue vulgaire unitaire qui pourrait être répandue dans toute la péninsule italienne. Dans le deuxième livre, Dante montre qu'une langue vulgaire mais soignée peut être utilisée pour les plus nobles sujets, et peut même s'appliquer au style tragique. Dante définit comme vulgaire la langue que l'enfant apprend de sa nourrice, pendant que la grammaire c'est-à-dire le latin est une langue immuable et artificielle. Pour cela, la langue vulgaire doit être considérée comme la plus noble.

Il Convivio

Il apparaît qu'en 1305 Dante cesse la rédaction du De vulgari eloquentia sans l'avoir achevé, puisqu'il n'a écrit que deux livres sur les quatre initialement prévus. Il semble qu'il mette alors en pratique ses idées puisqu'il se lance dans la rédaction d'une œuvre monumentale en toscan : le Convivio. Il y aborde les sujets habituellement traités en latin tels que : les hiérarchies angéliques, l'éloge de la philosophie et de la science comme voie de l'épanouissement de l'homme, l'exaltation de la noblesse comme valeur intellectuelle et morale conquise par l'individu. Il semble que Dante se donne pour mission d'ouvrir les portes de la culture et de la science antique et contemporaine au plus grand nombre. Cela dit, certains passages du Convivio visent à défendre l'auteur des accusations portées contre lui. Il dit son amertume d'avoir été rejeté par Florence, sa ville natale qui l'a élevé en son sein. Le Convivio devait initialement comporter quinze traités, mais seuls les quatre premiers seront achevés.

De Monarchia

Dante revient au latin pour exprimer ses opinions politiques dans son traité De Monarchia, rédigé entre 1313 et 1318. C'est peut-être le décès d'Henri VII en 1313 qui lui donnera l'idée de ce nouveau traité. En effet, avec la mort du monarque disparaissent tous les espoirs de Dante de voir un jour l'autorité impériale restaurée sur la péninsule, au détriment de celle du pape. Dans le premier livre du traité, Dante fait l'éloge de la monarchie universelle comme système politique idéal pour garantir la justice et la paix et, par conséquent, le bonheur des hommes. Le deuxième livre vise à montrer que c'est le peuple romain qui doit posséder l'autorité suprême, car il est héritier de l'Empire romain selon le droit, c'est-à-dire selon la volonté de Dieu, et non seulement selon la force. Enfin le troisième et dernier livre traite des rapports entre l'empereur et le pape, tous les deux tirent leur autorité de Dieu, mais chacun doit l'exercer dans son propre champ de souveraineté : le domaine spirituel pour le pape et le domaine temporel pour l'empereur. Le traité est jugé hérétique et sera par la suite mis à l'index jusqu'en 1881.
Dante est également l'auteur probable de Quaestio de aqua et terra, un court traité portant sur les positions respectives des sphères de l'eau et de la terre, qui vise à prouver que l'eau n'est nulle part plus haute que les terres émergées.
En dehors des traités, il nous est parvenu de lui deux églogues en latin construites à la manière de Virgile dont il est, depuis sa jeunesse, un fervent admirateur. Ces textes sont des réponses adressées à Giovanni del Virgilio qui enseigne alors la rhétorique à l'université de Bologne et qui reproche à Dante d'avoir écrit la Divine Comédie en toscan plutôt qu'en latin.

Une expérience poétique originale

Le recueil des Rimes qui réunit 54 pièces est un véritable lieu d'expérimentation poétique. Bien que le rassemblement et l'organisation de ces textes soit postérieur à Dante, il est probable qu'il soit l'auteur de la majeure partie des poésies. Parmi ces expérimentations, on peut retenir rime petrose qui regroupe deux chansons qui font le portrait d'une femme au cœur de pierre et qui ne sont pas sans rappeler la poésie des troubadours provençaux.

La Divine Comédie

Dante et Virgile en Enfer 1850, William Bouguereau, Musée d'Orsay, Paris.
Dante commence la rédaction de la Divine Comédie dès 1306 et la poursuivra vraisemblablement jusqu'à sa mort. L'œuvre initiale portait simplement le nom de « Comedia », mais par la suite les principaux commentateurs (en particulier Boccace) et les éditions modernes du texte lui ont adjoint le qualificatif de « divina ». L'œuvre raconte le voyage imaginaire du narrateur qui se retrouve brusquement plongé dans une forêt sombre. Là, il rencontre Virgile qui l'invite à pénétrer dans le monde de l'au-delà. Dante le suit et c'est par la visite de l'enfer que commence son périple, suivra le purgatoire et enfin le paradis. Il faudra à Dante toute la semaine sainte de l'année 1300 pour effectuer la totalité de ce voyage. Guidé par Virgile, il descend d'abord à travers les neuf cercles de l'enfer, gravit ensuite les sept gradins de la montagne du purgatoire jusqu'au paradis terrestre et enfin s'élève dans les neuf sphères concentriques du paradis. Virgile lui servira de guide jusqu'à la porte du paradis, mais il ne peut aller plus loin car étant né avant la venue du Christ, il n'a pas pu bénéficier du sacrifice du messie. C'est donc Beatrice Portinari, sa muse, qui prend le relais et qui va guider Dante dans l'Empyrée. Elle lui ouvrira la porte du salut, puis saint Bernard conduira le narrateur dans la Rose céleste jusqu'à la vision suprême.
Le récit, rédigé à la première personne, est un véritable voyage initiatique. Au cours de son périple, Dante va rencontrer une centaine de personnalités, depuis les grandes figures mythiques de l'antiquité comme les philosophes, jusqu'aux personnalités locales contemporaines de Dante. Cette œuvre monumentale offre ainsi de nombreuses lectures différentes ; elle est à la fois le récit du parcours personnel de Dante, un manuel théologique chrétien de description de l'au-delà, un roman à valeur éthique et morale ou encore une réflexion sur la recherche du salut éternel. Une partie du génie de Dante réside en ce savant mélange de lieux imaginaires et d'expériences concrètes. Bien que l'action se situe dans un univers métaphysique en un sens, Dante sait décrire les lieux avec force détails et leur donne beaucoup de réalisme en les peuplant de toutes ces figures célèbres ou anonymes.

Publications

La Divine Comédie (titre original Comedia : « Comédie » 1472, posthume, qui ne sera appelée Divina Commedia : « Divine Comédie », qu'à partir de l'édition de 1555) :
L'Enfer achevé en 1314
Le Purgatoire 1316
Le Paradis 1321
Des traités :
De vulgari eloquentia 1303-1304 inachevé
De la monarchie (De monarchia 1313-1318 ouvrage où il se montre favorable à l'empereur et qui fut condamné à Rome
Le Banquet Il Convivio 1304-1307
Des poésies lyriques
Un prosimètre mélange de prose et vers: la Vita nova 1293-1295. Ed. critique bilingue J.Ch. Vegliante, Garnier 2011.

Éditions italiennes

Les œuvres de Dante ont été réunies par Cristoforo Zapata de Cisneros, chez Antonio Zatta, Venise, 1757, 5 volumes in-4.

Traductions en français

Le premier auteur français à mentionner Dante est Philippe de Mézières, dans son œuvre allégorique le Songe du vieil pèlerin, rédigée en 1389. Voir dans le livre I, au chapitre 396.
De Monarchia, par Sébastien Rhéal 1855.
Œuvres complètes, traduites et commentées par André Pézard, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1965.
La Comédie (Enfer, Purgatoire, Paradis - et Postface), éd. bilingue par Jean-Charles Vegliante, Paris, Imprimerie Nationale, 1996-2007. Nouvelle éd. La Comédie - Poème sacré, Paris, Poésie/Gallimard, 2012 (poche bilingue, 2014 2).
Vita Nova, traduction de Georges Nicole, postface et notes de Joël Gayraud, éd. Mille et une nuits, Paris, 1995. Vie nouvelle, éd. critique bilingue de Jean-Charles Vegliante, Garnier classiques, 2011
Vingt poèmes, choix, traduction de l'italien et présentation par Armand Farrachi, Éditions de la Différence, coll. Orphée , Paris, 1994
Dante La divine comédie : Manuscrit du xve siècle de la Bibliothèque Marciana de Venise, commenté par Sergio Samek-Ludovici récits de Nino Ravenna, traduit par B Soulié;

Postérité littéraire

L'étude des écrits de Dante se nomme la Dantologie.
Dante a inspiré de nombreux écrivains, notamment Honoré de Balzac, qui lui rend hommage et qui cite son œuvre dans La Comédie humaine dont le titre est une référence à la Divine Comédie. Il le cite aussi dans de nombreux romans :
" Cette Béatrix déjà devenue dans sa pensée ce qu'était Béatrix pour Dante, une éternelle statue de marbre aux mains de laquelle il suspendrait ses fleurs et ses couronnes " ou encore :
"Le visage glacé de madame d'Aiglemont était une de ces poésies terribles, une de ces faces répandues par milliers dans la Divine Comédie de Dante Alighieri."
En 2010, Marc-Édouard Nabe publie son roman L'Homme qui arrêta d'écrire, transposition intégrale et particulièrement fidèle de la Divine Comédie dans le Paris des années 20009. Le roman arrive en finale pour le prix Renaudot.
Le pape Benoît XV lui consacre sa onzième encyclique, In Praeclara Summorum, publiée le 30 avril 1921 à l'occasion du sixième centenaire de sa mort.

Peinture

Le plus ancien portrait de Dante, attribué à Jacopo di Cione, palais de l'Art des Juges et Notaires, Florence
Portrait de Dante 1465, Domenico di Michelino, cathédrale Santa Maria del Fiore, Florence.
La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux enfers 1822, Eugène Delacroix, Musée du Louvre, Paris.

Cinéma

Outre les adaptations au cinéma de son œuvre littéraire (notamment la Divine Comédie), l'écrivain est représenté dans différents films :

1911 : L'Enfer, de Francesco Bertolini, Giuseppe De Liguoro et Adolfo Padovan, produit par Milano Film, joué par Salvatore Papa
1911 : L'Enfer, film italien de Giuseppe Berardi et Arturo Busnengo, produit par Helios Film
1913 : Dante et Béatrice (it), de Mario Caserini, joué par Oreste Grandi
1922 : Dante nella vita e nei tempi suoi (it), de Domenico Gaido, joué par Guido Maraffi
1924 : Dante's Inferno (it), de Henry Otto, joué par Lawson Butt

Jeux vidéo

1999 : Final Fantasy, développé par Square devenu depuis Square Enix : Dans Final Fantasy VIII, IX et X, l'attaque « Feu de l'enfer » de l'invocation Ifrit se nomme Divine Comédie en référence à son œuvre la Divine Comédie.
2001 : Devil May Cry, développé par Capcom Production Studio 4, édité par Capcom : Plusieurs personnages, lieux, armes et ennemies sont largement inspirés de la Divine Comédie.
2009 : Assassin's Creed II, développé par Ubisoft Montréal, et édité par Ubisoft : Il y sera présenté comme faisant partie de la confrérie des assassins dans le caveau Auditore.
2010 : Dante's Inferno, développé par Visceral Games, édité par Electronic Arts : Inspiré de son œuvre la Divine Comédie.

Numismatique

C'est le portrait de Dante par Raphaël qui a été retenu après un vote populaire pour figurer sur la face nationale italienne de la pièce de deux euros.

Liens

http://youtu.be/ZyQokV68moA La divine comédie par didier Ottaviani
http://www.ina.fr/video/CPC96007514/d ... divine-comedie-video.html I livre I jour
http://youtu.be/IWOeyPwH41w L'enfer de Dante
http://youtu.be/k1kbYmVzhAo La divine comédie


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Posté le : 13/09/2014 23:20
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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