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Gotthold Ephraim Lessing
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Le 15 février 1781, à 52 ans meurt Gotthold Ephraim Lessing

dans la capitale de la principauté de Brunswick, né le 22 janvier 1729 à Kamenz en Saxe, écrivain, critique et dramaturge allemand. Critique et polémiste, théoricien des arts et de la littérature, auteur dramatique éminent, il est à la fois le plus grand écrivain de l'Aufklärung et l'initiateur du classicisme allemand. Fils de pasteur, il s'installa après ses études comme journaliste à Berlin et prit part à la guerre de Sept Ans. Il devint le critique attitré du Théâtre national à Hambourg 1767-1770, puis bibliothécaire du duc de Brunswick à Wolfenbüttel.

En bref

Lessing, premier grand critique littéraire et fondateur de la critique théâtrale en Allemagne, fut le « libérateur » de la scène allemande à laquelle il a donné quelques pièces demeurées classiques. Au temps de Diderot et de Voltaire, il se révéla comme la meilleure plume de son pays au service de la philosophie des Lumières. Historien des arts, des religions, polémiste et quelquefois théologien, il a été un représentant éminent de l'Europe des Lumières, bourgeoise et cosmopolite.
La famille Lessing était établie à Kamenz, en Lusace Saxe : c'est là que naquit Gotthold Ephraim Lessing. Son père, pasteur luthérien, lui fit donner une excellente formation grecque, latine et française avant de l'envoyer étudier la théologie à Leipzig. Un an plus tard, après un violent conflit avec lui, Lessing abandonnait les études de théologie, passait pour peu de mois à la médecine et, finalement, décidait de se consacrer au théâtre. Un des premiers en Allemagne, il allait tenter de vivre de sa plume. Jusque-là, les poètes avaient toujours plus ou moins dépendu de la faveur des princes ; Lessing, sa vie durant, vécut des revues auxquelles il collabora et de ses pièces : en fin de compte, de la faveur du public. Le premier en Allemagne, il s'est appuyé sur la bourgeoisie des villes, sur un public de femmes et d'hommes éclairés qu'il appelait à fonder et soutenir une culture allemande moderne, rationaliste, en même temps fidèle aux traditions nationales et ouverte à l'Europe. Il a vivement combattu le théâtre classique français, mais il était proche de Diderot et son action a souvent ressemblé à celle des Encyclopédistes.
Ses premières pièces de théâtre, intitulées Le Libre Penseur Der Freigeist et Les Juifs Die Juden, sont oubliées mais montrent une verve qui lui avait valu à Leipzig, dès ses jeunes années, le renom d'être un Molière allemand. Leurs sujets ne manquaient pas de hardiesse, en particulier quand il raille les préjugés et l'hostilité systématique envers les juifs. En 1765, il donnait, avec Miss Sarah Sampson, un drame bourgeois, inspiré du théâtre anglais, sur un sujet contemporain, dans le simple cadre d'une auberge. Cette œuvre était destinée à illustrer une idée que Lessing opposait aux admirateurs allemands du théâtre classique français : Il est certain que si l'Allemand voulait, au théâtre, suivre son penchant naturel, notre scène ressemblerait plus à l'anglaise qu'à la française. Corneille et Molière allaient bientôt être chassés de la scène allemande par Shakespeare.
En marge de ses polémiques, menées en particulier à Berlin dans les Lettres sur la littérature, Literaturbriefe, 1759-1765, Lessing publiait en 1766 un ouvrage classique sur la théorie des arts : Laokoon ou les Limites entre peinture et poésie, Laokoon oder über die Grenzen der Malerei und der Poesie. Cette question des différences entre peinture et poésie a été beaucoup débattue dans un siècle où on parlait encore de la peinture comme d'une poésie muette. L'analyse très serrée de Lessing a eu le mérite d'établir que poésie et peinture diffèrent aussi fondamentalement que le temps et l'espace, les actions et les objets.
Lessing traduisit le théâtre bourgeois de Diderot et, en 1767, donna lui aussi une comédie sérieuse : Minna von Barnhelm, dont la parution marque une des grandes dates de l'histoire du théâtre allemand. Pour la première fois on voyait à la scène la réalité contemporaine ; au jugement de Goethe, « cette pièce est le produit le plus vrai de la guerre de Sept Ans ; elle est d'un contenu national parfaitement représentatif de l'Allemagne du Nord ; elle est la première œuvre théâtrale tirée de la vie, d'un événement important, spécifiquement de son temps ; son effet fut incalculable Poésie et Vérité, chap. VII.
La même année, Lessing, attaché pour deux ans au théâtre national de Hambourg, commençait à publier les feuilletons dramatiques, réunis ensuite sous le titre de Dramaturgie de Hambourg Hamburgische Dramaturgie, où il a développé sa campagne de libération du théâtre allemand. Pour lui, ce ne sont pas les Français, c'est Shakespeare qui peut aider les Allemands à se donner un grand théâtre tragique ; lui seul est vrai, son génie créateur multiforme fait apparaître tous les aspects de l'homme moderne, avec une force digne de l'antique ; comparées à ses créations, celles des Français paraissent faibles et artificielles.
La tragédie publiée par Lessing en 1772, Emilia Galotti, ne peut guère être appelée shakespearienne, mais c'est une pièce d'une grande noblesse, tragédie de la vertu et de l'honneur dans le cadre d'une principauté despotique. Son dernier ouvrage dramatique, Nathan le Sage, Nathan der Weise, publié en 1779, dut attendre vingt ans avant d'être créé. C'est une pièce philosophique sur l'idée de la tolérance, symbolisée dans la parabole des trois anneaux. La pièce demeure au répertoire ; elle vaut par la belle figure de Nathan, marchand philosophe, habile et généreux, qui s'applique à faire coexister, au temps des croisades, juifs, musulmans et chrétiens à Jérusalem.
Deux ans avant sa mort, Lessing donnait là le dernier mot de sa philosophie morale et religieuse ; trente ans durant, il s'était passionné pour l'histoire des religions et avait polémiqué contre nombre de théologiens. S'il avait refusé de se faire pasteur, c'est parce qu'il avait tôt perdu la foi dans l'orthodoxie luthérienne ; il était à la recherche d'une foi fondée en raison, d'une révélation qui pût soutenir l'examen critique de l'historien. Dès ses premiers opuscules sur Le Christianisme de la raison, Das Christentum der Vernunft, 1753, ou bien Sur les frères de Herrnhut, Über die Herrnhuter, 1755, se manifestent deux convictions pour lui cardinales : Dieu échappe à toute théologie, mais la polémique peut servir, dans le combat des opinions, à faire apparaître quelques fragments de vérité ; ensuite, et peut-être surtout, ce sont les œuvres qui comptent : plus que les disputes sur le dogme, c'est la pratique du bien qui fera le bon chrétien.
La philosophie religieuse de Lessing devait beaucoup à Spinoza, comme il apparaît dans le traité Sur la réalité des choses en dehors de Dieu, Über die Wirklichkeit der Dinge ausser Gott, et comme il le déclare à Jacobi peu avant de mourir. S'appuyant sur les ouvrages d'exégèse de H. S. Reimarus, qu'il avait connu à Hambourg, il a mené à partir de 1770, depuis Wolfenbüttel où il était bibliothécaire, une série de publications et de polémiques, en particulier contre le pasteur Goeze.
Sa propre philosophie des religions se trouve exprimée, après les Dialogues maçonniques, Gespräche für Freimaurer, dans L'Éducation du genre humain, Die Erziehung des Menschengeschlechts, 1780. Ce fut le dernier de ses ouvrages, auquel il a donné la forme très concise d'une suite de propositions, comme dans une profession de foi ; elle se termine toutefois par une interrogation. Il y considère la marche de l'humanité, de révélation en révélation, depuis le polythéisme des premiers temps. Après le monothéisme mosaïque, la religion du Christ a ouvert un second état moral de l'humanité ; demain pourra apparaître le début d'un troisième âge, celui où les hommes, devenus pleinement conscients de ce qu'ils peuvent, feraient le bien pour lui-même.
Lessing était trop rationaliste pour oser prophétiser ; mais l'élargissement qu'il a su donner à la philosophie des Lumières, reçue d'Angleterre et de France, annonce les grands idéalistes de l'Allemagne classique.

Sa vie

Né à Kamenz, petite ville de Lusace où son père était pasteur et théologien réputé de Lusace, Lessing est l’aîné de dix garçons. Il reçoit, à l'école saxonne de Meissen, une très bonne éducation classique. Son père, qui veut faire de lui un pasteur, l'envoie ensuite étudier la théologie à Leipzig, en 1746. Mais le jeune Lessing préfère la poésie et le théâtre. Dès 1748, il fait jouer une comédie contre les précieux, le Jeune Savant Der junge Gelehrte, qui lui vaut d'être comparé par une gazette à un nouveau Molière, mais qui est aussi le signal de la rupture avec le pasteur, son père, comme de l'abandon de ses études théologiques.
Déjà lecteur assidu à douze ans, il entre dans la célèbre Fürstenschule, école du Prince de Saint Afra de Meissen où il acquiert une bonne connaissance du grec, du latin et de l’hébreu. À cette époque, son admiration pour Plaute et Térence lui donne envie d’écrire des comédies. À l’automne 1746, il entre à l’université de Leipzig pour y étudier en théologie, mais ses vrais centres d’intérêt sont la littérature, la philosophie et l’art. Il se livre aux exercices qui développent la force et la souplesse du corps, fréquente le théâtre et se lie avec les comédiens. Après avoir étudié quelque temps la médecine et les mathématiques, il s’installe, en 1747 chez son cousin l’écrivain Mylius, un auteur comique avec qui il débute au théâtre.
Devenu l’ami des écrivains Mylius et Weiße, dont les opinions peu orthodoxes eurent sur lui de l’influence, son père, affligé de cette direction d’esprit, le rappela subitement auprès de lui. Après avoir reconnu que son fils avait acquis des connaissances solides et variées, il voulut lui faire reprendre ses études théologiques. Lessing retourna donc à Leipzig, puis passa à Berlin, où il resta trois ans, et à Wittemberg, où il étudie la philologie. En 1752, il obtient une maîtrise de lettres, ce qui lui permet de vivre de sa plume et devient précepteur. Cette petite ville lui étant devenue insupportable, il retourne à Berlin en 1753 où il se lie étroitement avec Ramler, Nicolai, von Kleist, Sulzer et surtout Mendelssohn, etc. De 1756 à 1758, il voyage en Angleterre.
Lessing fit ensuite à Leipzig un séjour de trois années, qui comptent parmi les plus actives et les plus fécondes de sa vie. En 1760, il accompagna, en qualité de secrétaire, le général de Tauenzien à Breslau, revint de nouveau à Berlin en 1765, et alla, deux ans plus tard, fonder à Hambourg un théâtre national, qu’il ne put soutenir deux ans, mais qui, malgré son insuccès, accrut sa réputation littéraire. Il essaya aussitôt, mais non moins infructueusement, de fonder une librairie savante à Hambourg. En 1769, il devient membre de l'Académie royale des sciences et des lettres de Berlin. Enfin, en 1770, il devint bibliothécaire et conseiller à Wolfenbüttel, où le prince héréditaire de Brunswick, Ferdinand, l’établit libéralement, en disant qu’il ne mettait pas Lessing au service de la bibliothèque, mais la bibliothèque au service de Lessing.
Il visita l’Italie vers cette époque. Ses dernières années furent remplies par des controverses théologiques, dans lesquelles il prit contre Goetze le parti de la tolérance. En 1776, Lessing avait épousé une veuve, Eva König, avec qui il était lié depuis plusieurs années, et qui mourut en 1778 en mettant au monde un enfant qui ne put vivre. À partir de ce moment, il devient dépressif et s’éteindra le 15 février 1781.

Les thématiques

Lessing a surtout marqué sa trace dans la littérature allemande par ses travaux de critique et ses écrits didactiques ou de controverse où éclata son originalité comme écrivain. Là, sa langue est un modèle de clarté, de vivacité, d’agrément et souvent de force. Il a au plus haut point le sentiment de l’art et de ses rapports avec la nature et la vie. Ayant subi l’influence des critiques français de l’école encyclopédique, Lessing était, dans l’art, réaliste par tendance autant que par système, et en philosophie, proche du scepticisme de Bayle et de Voltaire. La vue de la stérilité produite en Allemagne par l’imitation servile de la littérature française lui faisant préférer les auteurs anglais, il professa pour Shakespeare la même admiration que Klopstock pour Milton. Germaine de Staël l’a parfaitement caractérisé lorsqu’elle a écrit que Lessing écrivit en prose avec une netteté et une précision tout à fait nouvelles. La profondeur des pensées embarrasse souvent le style des écrivains de la nouvelle école ; Lessing, non moins profond, avait quelque chose d’âpre dans le caractère qui lui faisait trouver les paroles les plus précises et les plus mordantes. Il était toujours animé dans ses écrits par un mouvement hostile contre les opinions qu’il attaquait, et l’humeur donne du relief aux idées. Il s’occupa tour à tour du théâtre, de la philosophie, des antiquités, de la théologie, poursuivant partout la vérité, comme un chasseur qui trouve encore plus de plaisir dans la course que dans le but. Son style a quelque rapport avec la concision vive et brillante des Français ; il tendait à rendre l’allemand classique... C’est un esprit neuf et hardi, et qui reste néanmoins à la portée du commun des hommes ; sa manière de voir est allemande, sa manière de s’exprimer européenne. Dialecticien spirituel et serré dans ses arguments, l’enthousiasme pour le beau remplissait pourtant le fond de son âme ; il avait une ardeur sans flamme, une véhémence philosophique toujours active, et qui produisait, par des coups redoublés, des effets durables.

L'esthétique et les lois du beau

Les principes de critique littéraire et d’esthétique de Lessing sont exposés dans de nombreux ouvrages. Le plus célèbre est son Laokoon Laocoon, 1766, qui a pour objet propre la détermination des limites respectives des arts plastiques et de la poésie. Dans cette suite de dissertations ingénieuses et savantes intéressant à la fois le critique, l’artiste et l’archéologue, Lessing enseigne que la première loi de l’art est la beauté et que le caractère particulier de la poésie est l’action. L’art qui s’adresse aux yeux ne doit traduire, de l’action développée par le poème, que les détails qui, offerts à la vue, ne détruisent pas la beauté. Témoin le précieux groupe de Laocoon découvert à Rome en 1506, qui est loin d'être une traduction fidèle de la magnifique scène décrite au deuxième livre de l'Énéide. Aucun exemple ne marque mieux les différences qu’entraîne, entre les règles de l’art plastique et de la poésie, la distinction de leurs conditions essentielles : Le poète, selon Lessing, travaille pour l’imagination, et le sculpteur pour l’œil. Celui-ci ne peut imiter toute la réalité qu’en blessant les lois du beau ; il ne reproduit qu’une situation, qu’un instant, tandis que le poète développe l’action tout entière. Le Laocoon a été traduit en français par Vanderbourg 1802.
On trouve la théorie de Lessing sur l’art dramatique allemand et sur le théâtre en général dans la Hamburgische Dramaturgie Dramaturgie de Hambourg ; 1767-1768 qui est, à proprement parler, le journal du théâtre dont Lessing était directeur. L'objet de ce journal était de rendre compte des pièces représentées, d’en juger la valeur, d’en constater et d’en expliquer le succès ou la chute. Lessing y combat de toutes ses forces l’imitation de la tragédie française comme le principal obstacle de l’établissement d’un art national allemand. Il y dénonce la règle des trois unités et démontre que c’est par erreur qu’on l’a attribuée à Aristote. Il rejette les modèles français pour chercher à constituer un type de drame tragique, en combinant la poétique d’Aristote avec l’exemple des maîtres grecs, de Shakespeare et de Calderón et les idées de Diderot. La Hamburgische Dramaturgie a été traduite en français par Mercier et Juncker en 1785.
On citera, parmi les autres ouvrages de critique de Lessing, les Antiquarische Briefe Lettres archéologiques ; 1768-1769, destinées à défendre les idées du Laocoon contre les objections du professeur Klotz, de Halle ; Abhandlungen über die Fabel Dissertations sur la fable ; 1759, où il s’occupe surtout de la moralité de ce genre littéraire ; Anmerkungen über das Epigramm Réflexions sur l’épigramme ; 1771 ; Beiträge zur Historie und Aufnahme des Theaters Mélanges d’histoire dramatique ; 1750, avec Mvlius ; Theatralische Bibliothek Bibliothèque théâtrale ; 1754 ; Wie die Alten den Tod gebildet De la Peinture de la mort chez les anciens ; 1769; des Literaturbriefe Lettres littéraires, traitant de Shakespeare et de la formation d’un théâtre allemand.

Dans l'ordre de la critique littéraire, les contributions de Lessing aux Lettres sur la littérature récente, Briefe die neueste Literatur betreffend, publiées à Berlin de 1759 à 1765, offrent un bel exemple de méthode rationaliste appliquée à la connaissance des œuvres. Lessing se soucie peu de la personne d'un auteur, non plus que des conditions dans lesquelles les œuvres ont été écrites : tout, pour lui, est dans la logique des structures, dans l'efficacité qui en découle, dans le profit que peut en attendre le lecteur pour découvrir la nature humaine, pour se former et avancer sur le chemin de la vérité des êtres et des choses. Lessing n'est pas exempt de passions, et l'admiration l'inspire mieux que le dédain, car il lui arrive alors d'être spécieux et de se laisser prendre à sa propre vivacité verbale. Son vocabulaire n'est ni très riche ni imagé, mais sa prose est rigoureuse ; elle a gardé quelque chose de la concision latine.
La clarté d'analyse distingue aussi le Laokoon : oder über die Grenzen der Malerei und Poesie, 1766, son principal traité d'esthétique. Il y réfléchit sur la différence entre la poésie et la peinture, sujet ancien, où ses prédécesseurs immédiats ont été le Français J. B. Dubos, 1670-1742 et l'Anglais A. Shaftesbury 1671-1713. Le succès des études de J. J. Winckelmann 1717-1768 sur les arts plastiques de l'Antiquité, sa théorie de l'imitation contribuaient aussi à répandre les formules suivant lesquelles la peinture serait comme une poésie muette, et plus encore la fameuse comparaison d'Horace : ut pictura poesis.
Pour Lessing, toute poésie se déroule dans le temps, dans l'ordre de l'avant et de l'après. La peinture, elle, sert à représenter des objets qui existent ensemble au même instant, des attitudes non pas successives mais concomitantes. Certes, le peintre peut suggérer, par une nuance, ce qui a précédé ou ce qui va suivre, mais ce qu'il représente est présence, donc instantanéité. De la même façon, le poète a le droit de décrire, mais en liant les couleurs et les formes à des actes ; la bonne description est celle d'un changement, du passage d'un état à un autre.
Selon la classification des Anciens, la poésie peut être épique, dramatique ou lyrique. C'est la poésie dramatique qui est, selon le Laokoon, la plus sûrement et purement poétique : Que la poésie dramatique soit la plus haute, qu'elle soit même la seule, Aristote l'a dit et il n'accordait le second rang à l'épopée que dans la mesure où elle était ou bien pouvait être, en grande partie, dramatique. Le vrai poète, selon Lessing, est un génie dramatique : son élément est l'enchaînement des intentions et des actes, des causes et des effets ; il se meut dans le temps, comme l'historien, mais il est plus libre et sans doute plus vrai, car il va au-delà de l'apparence.

L'Éducation du genre humain

Dès ses premiers écrits apparaît, chez Lessing, le besoin de se faire, en dehors de l'orthodoxie, une foi qui soit justifiable en raison. Cette exigence mène à un examen critique des Écritures et il reste alors à sortir du doute, qui est la suite obligée de toute exégèse critique. Aussi Lessing s'est-il intéressé aux hérétiques et a-t-il entrepris la réhabilitation de plusieurs d'entre eux ; ses plaidoyers laissent vite apparaître sa propre conviction : un homme qui cherche sincèrement le vrai ne mérite pas d'être condamné ; de plus, il peut approcher quelques aspects de la vérité. Prétendre connaître toute la vérité est un péché contre l'esprit. Dans une parabole imitée de l'Évangile, Lessing dit que, si Dieu lui avait offert de lui montrer la vérité, il aurait refusé, préférant garder la part qui est proprement de l'homme : l'aspiration au vrai et la volonté de découvrir. Ailleurs, sous une forme imagée, il a ramassé la vérité psychologique de ce qui était pour lui conviction métaphysique et règle de travail : On a plus de plaisir à chasser qu'à posséder sa proie.
Une pareille philosophie permettait à Lessing d'éluder les formulations qui l'auraient gêné ; il a souvent refusé la métaphysique et plus encore la théologie, au nom de cette impossibilité de formuler les vérités dernières. Aussi a-t-on pu se poser des questions sur les convictions de Lessing lui-même, surtout en ce qui concerne les rapports de Dieu et du monde. En 1785, après la mort de Lessing, F. H. Jacobi 1743-1819, dans un ouvrage sur Spinoza, écrivit que Lessing lui avait déclaré qu'il n'y avait point d'autre philosophie que celle de Spinoza.
Lessing a, cependant, mis ses dernières pensées dans deux ouvrages de caractère plus doctrinal, les Dialogues maçonniques, Ernst und Falk, Gespräche für Freimaurer, 1778-1780 et l'Éducation du genre humain, Die Erziehung des Menschengeschlechts, 1780.
Les francs-maçons des Dialogues sont des élèves de Nathan, comme lui tolérants, généreux, cosmopolites, confiants dans l'avenir ; capables de travailler en secret, de ne dire que ce qu'il est utile et fécond de dire, soumis à la volonté divine, mais décidés aussi à instaurer, au-delà des nationalités et des confessions, la fraternité des meilleurs. D'abord en secret, un jour publiquement.
L'Éducation du genre humain résume en une suite de paragraphes concis les révélations successives qui ont été données aux hommes. Ils ont été l'objet d'une véritable éducation, au cours de laquelle leur ont été dévoilées, graduellement, selon le développement de leur esprit, les vérités de leur destinée et de celle du monde. Dieu, bon pédagogue, a mesuré ses révélations aux capacités de ses élèves. Ainsi, on a pu passer du polythéisme des premiers âges au monothéisme de Moïse, puis à la doctrine chrétienne de l'immortalité de l'âme. Chaque fois, un progrès moral accompagnait la révélation : Moïse menaçait de la vengeance divine, mais le Christ exhorte à faire le bien pour lui-même. Ainsi, l'humanité poursuit une immense et lente marche, souvent retardée ou détournée, vers un avenir qu'elle ne connaît pas, mais dans lequel elle garde confiance parce qu'en fin de compte c'est la raison qui l'emportera. Mouvement si ample et si lent que l'homme impatient désespère et que l'utopiste crie à l'absurde, alors que l'homme de foi et de raison prend patience, car il sait que le temps viendra.

Son Å“uvre

Indépendamment des éditions particulières des divers ouvrages ou séries d’ouvrages de Lessing, il a été donné plusieurs éditions de ses Œuvres complètes Berlin, 1771-1794, 30 vol. ; 1825-1828, 32 vol. ; 1838-1840, 13 vol., édition. Lachmann, très estimée.
Lessing avait un frère plus jeune, Charles-Gotthelf, né en 1740, mort en 1812, directeur de la Monnaie à Breslau et auteur de quelques comédies, qui a publié les ouvrages posthumes de son frère.

Théâtre

Les ouvrages originaux où Lessing applique lui-même ses principes appartiennent surtout au théâtre. Il suffit de rappeler ses drames de jeunesse : Damon, ou la Véritable amitié 1740 ; le Jeune savant 1747, satire contre l’érudition stérile et pédante ; le Misogyne 1748 ; la Vieille fille 1749 ; les Juifs 1749, où sont combattus les préjugés contre cette religion ; der Freigeist l’Esprit fort ; 1749, dirigé contre l’athéisme ; les femmes sont des femmes Weiber sind Weiber ; 1749. Les drames suivants sont des œuvres de transition : Miss Sara Sampson 1755, tragédie bourgeoise en cinq actes, dont le sujet, tiré de Clarissa Harlowe, est traité dans le goût de la sentimentalité allemande ; Philotas 1759, tableau larmoyant du dévouement à la patrie.
On met à part, comme les meilleures œuvres de Lessing et comme marquant enfin l’avènement du drame national, les trois compositions de Minna de Barnheim, en cinq actes 1763, considérée comme la première comédie vraiment allemande, et où respire l’esprit guerrier qui animait l’armée du grand Frédéric à la fin de la guerre de Sept Ans ; Emilia Galotti, le chef-d’œuvre de l’auteur dans le genre tragique et dont le sujet est l’histoire de Virginie, transportée à Venise, Lessing ayant choisi un fait de l’histoire étrangère pour mieux laisser passer ses idées sur les intérêts et la situation politique de son pays ; Nathan le Sage 1779, dont le sujet, emprunté au conte des Trois Anneaux de Boccace, a pour morale que tous les hommes honnêtes méritent la même estime sans acception de foi religieuse : plus faite pour la lecture que pour la scène, cette pièce, qui manque d’action, compte parmi les productions les plus pures et les plus élevées de Lessing et de son temps. Ces trois dernières œuvres ont été traduites dans le recueil des Chefs-d’œuvre des théâtres étrangers de Barante. Les mêmes pièces et quelques autres, l’Esprit fort, le Misogyne, Sara Sampson, Philotas, etc., ont été aussi traduites par Juncker et Liébault, dans leur Théâtre allemand, par Kriedel et Bonneville, par Cacault, etc. Nathan l’a encore été par Herm. Hirsch Paris, 1863, in-18. Minna a été imitée par Rochon de Chabannes, dans ses Amants généreux, et Nathan par Chénier et Cubières.
Dans les Souffrances du jeune Werther, Emilia Galotti est le livre que Werther laisse ouvert à l’attention de Charlotte le jour où il se suicide par amour pour elle :« Du vin il n’avait bu qu’un verre. Emilia Galotti était ouvert sur son pupitre.

Fables

Un des livres de Lessing les plus connus, hors d’Allemagne, est son recueil de Fables, en prose (1759), acceptées comme le modèle d’un genre dont il donnait en même temps la théorie : envisageant sous un jour étroit le but moral qu’il visait, il tendait à ramener le récit à la simplicité d’Ésope, sans chercher à réformer les mœurs en les peignant. Ces Fables, qui figurèrent dans tous les recueils de lectures allemandes, ont été plusieurs fois traduites en français Paris, 1764, 1770, 1811.

Philosophie

Comme écrits plus spécialement philosophiques de Lessing, où l’on trouve toutes les qualités ordinaires de l’auteur, les cinq entretiens intitulés : Ernst et Falk 1778-1780, et surtout die Erziehung des Menschengeschlechts Éducation de l’humanité ; 1780, ouvrage qui ouvre les voies à toute l’école philosophique de Herder. Il ne faut pas oublier enfin quelques publications théologiques : Berengarius turonensis, oder Ankündigung Bérenger de Tours, ou Découverte d’une œuvre importante de cet auteur, etc.; 1770, qui fut l’occasion de violentes attaques de la part des théologiens allemands, surtout de celles de Goetze, pasteur à Hambourg ; l’Anti-Goetze, pamphlet spirituel qui fit retirer à l’auteur l’autorisation de se faire imprimer à Wolfenbüttel ; das Testament Johannis l’Évangile de Jean ; 1777 ; Über den Beweis des Geistes und der Kraft l’Esprit et la force ; 1778, etc.
En septembre 1785 Friedrich Heinrich Jacobi fit paraître Lettres à Moses Mendelssohn sur la philosophie de Spinoza. Il révélait qu'au cours d'une conversation de juillet ? 1780 avec Lessing, celui-ci lui avait déclaré : "Έν καì Πãν [Hen kai pân : Un et Tout : je ne sais rien d'autre. ... Il n’y a pas d’autre philosophie que la philosophie de Spinoza." Jacobi, lui, s'opposait au spinozisme, qui tient la liberté pour une illusion, et qui, surtout, selon lui, aboutit à l'athéisme, comme, d'ailleurs, le rationalisme. Les positions étaient prises : Aufklärung la Philosophie des Lumières, rationaliste, représentée jusqu'alors par Lessing contre Schwärmerei irrationalisme, illuminisme attribués prestement à Jacobi. Ainsi naissait la querelle du panthéisme, qui dura de 1785 à 1815 au moins. Moses Mendelssohn découvrait que Lessing, son maître et ami, figure des Lumières, adhérait au spinozisme, donc, potentiellement au panthéisme, et, de là, à l'athéisme.

Å’uvres

Théâtre

Les Juifs 1749.
Miss Sara Sampson 1755.
Faust vers 1759. "Demeuré à l'état de fragment. Drame réaliste bourgeois substituant à Méphistophélès un mauvais conseiller".
Minna von Barnhelm 1767, trad. fr. Paris, José Corti, 1997. "Comédie sérieuse".
Emilia Galotti 1772, trad. fr. P. Sucher, Paris, Aubier-Montaigne, 1940. "Tragédie de la vertu et de l'honneur" P. Grappin
Nathan le Sage 1779, trad.fr., Paris, Aubier, 1993.
Théâtre complet de Lessing, trad. fr. Félix Salle, 1870, 3 tomes.

Essais

Traités sur la fable 1759, trad. fr. Paris, Vrin, 2008.
Lettres sur la littérature moderne, 1759-1765.
Sur la réalité des choses en dehors de Dieu Über die Wirklichkeit der Dinge ausser Gott, 1763. Trad. fr. in Herder, Dieu. Quelques entretiens, Paris, PUF, 1998, p. 127-160. "Philosophie religieuse de Lessing qui devait beaucoup à Spinoza" P. Grappin.
Laocoon ou Des limites respectives de la poésie et de la peinture 1766-1768, trad. fr. Paris, Hermann, 1990.
La Dramaturgie de Hambourg 1767-1769, trad.fr., Bruxelles, Klincksieck, 2009.
Comment les Anciens représentaient la Mort 1769, trad. fr. Paris, Hermann, 1968 avec Laocoon.
Sur la preuve de la force et de l'Esprit 1777.
Ernst et Falk. Dialogues maçonniques 1778-1780, trad. fr. Lionel Duvoy, Paris, Dervy, édition du texte intégral établie par Lionel Duvoy.
L'Éducation du genre humain 1780, trad. fr. P. Grappin, Paris, Aubier, 1946 suivi de : Dialogues maçonniques.

Sources

Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1238-40
Michel Henri Kowalewicz, Lessing et la culture du Moyen Âge, Weidmann, 2009 coll. Spolia Berolinensia
Michel Henri Kowalewicz, Gotthold Ephraim Lessing et la pensée médiévale Tome I Tome II




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Posté le : 14/02/2015 14:21
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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