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Re: Défi du 11 juin 2016
Plume d'Or
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Cher Jacques,

Tu m'as donné soif avec ta cave. Je vais devoir creuser pour m'en construire une. Merde, j'oubliais, j'ai un voisin en dessous. Tant pis, je range ma pelle.

L'inspiration va venir, je le sens.

Bye,

Donald

Posté le : 11/06/2016 18:55
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Défi du 11 juin 2016
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Oyez oyez, gentes dames et habiles messieurs,

Le défi de cette semaine, quand le Dieu Soleil décide enfin de montrer ses rayons, va traiter d’un terme ô combien usité ces derniers jours, celui de l’inondation. Il ne s’agit pas uniquement d’eau ; nous pouvons être inondés par nos sentiments, les remarques d’une belle-mère omniprésente, les factures de fournisseurs entêtés, les impôts d’un Président à tête de fromage, ou tout simplement des fourmis venues d’Egypte.

Freud n’est pas inscrit sur ce site, alors lâchez-vous !

Donald

PS : J’ai volontairement omis les inondations de spiritueux, qu’ils soient tourangeaux ou bourguignons, pour ne pas encourager les âmes sensibles à trouver l’inspiration dans des paradis artificiels que je dénonce dans chacun de mes écrits.

Posté le : 11/06/2016 02:07
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Re: Défi du 4 juin 2016
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Une fois de plus, je me suis tenté à la poésie, l'influence du vin tourangeau ou du nectar bourguignon, je présume.

De Charleroi à New York

Tintin et son toutou, en pourfendeurs du crime,
Décidèrent sur le coup de libérer l’Indien,
Coincé dans les réserves du frère américain,
Par des super-héros inventés pour la frime.

Le rouquin à houppette obtint l’aide de Gaston,
Un gars peu réveillé, du genre pas très lucide,
Numéro un des gaffes, de l’humour par le vide,
Cauchemar des comptables, champion du roupillon.

Les compères partirent, direction la Grosse Pomme,
Sur le bateau à voiles d’un bon vieux capitaine,
Délivré de bobonne, dégagé de sa peine,
Et prêt à en découdre autour d’un verre de rhum.

Après la traversée un tantinet épique,
Entre la ligne claire et le style Charleroi,
Bourrée de phylactères écrits en police trois,
Les loquaces Wallons mouillèrent en Amérique.

Tintin leva le bras, invitant à la paix
Des gars en pyjama, protecteurs de Wall Street,
Le genre avec des muscles et pas de cellulite,
Prompts à dégainer vite sans attendre le oui mais.

Tempête sous des crânes, bannière étoilée,
Ogives nucléaires, cigare de l’Oncle Sam,
S’affichèrent en prémices de la montée en drame,
Au scénario Marvel de bandes dessinées.

Le professeur Xavier, un chauve réaliste,
Rentra dans toutes les têtes, même les basses du front,
Gomma les différences, les carrés et les ronds,
Puis souffla aux oreilles un chant idéaliste.

De cette belle épopée, loin du Grand Manitou,
Il reste peu de choses, un petit bout d’histoire,
Un conte pour Indiens à siffloter le soir,
La fable baptisée Tintin et son toutou.

Posté le : 08/06/2016 19:40
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Re: Défi du 4 juin 2016
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De sacrés ingrats, ces Yankees, je l'ai toujours dit. On allait les sauver de la malbouffe, pourtant, ce fléau qui remplace les protides, énergie du cerveau, par les lipides, carburant des affalés du bulbe. Dans quelques générations, ils rappelleront Jean-Paul Kuffe, lui demanderont sa recette, et déclareront Bruxelles capitale de la gastronomie.

Posté le : 05/06/2016 12:02
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Re: Défi du 28 05 2016
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Chère Delphine,

J'ai beaucoup aimé cette révolte des mots, le rappel de leur rôle primordial dans notre civilisation. La fin de cette histoire est particulièrement savoureuse, autant par le "monument aux mots" que par la journée commémorative.

Bravo, ce fut bref mais intense.

Bises,

Donald

Posté le : 30/05/2016 17:17
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Re: Défi du 28 05 2016
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Eh, professeur iti-tjk, je suis un canard de Paris, pas du Doubs.

Posté le : 30/05/2016 13:39
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Re: Défi du 28 05 2016
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J'ai tenté la poésie, avec comme seule arme ma bonne volonté.

La nuit tombe sur Paris

Le rose bat le pavé, le rouge lance des cailloux,
En plein boulevard Voltaire, un triste décorum.
Le bleu aiguise ses armes, le gris compte les coups,
Pour habiller les peurs de totaux et de sommes.

Peu à peu elles s’effacent, les lettres de papier,
Et laissent la curée s’emparer de la foule.
Le feu passe à l’orange, il brule le quartier
Dans la fureur orale, à l’ombre des cagoules.

Sur une mare pavée de sang et de fureur.
Le gris lance le bleu, le rouge balaie le rose
A coups d’armes verbales maquillées en rumeur,
Dont les lettres usées ratent l’apothéose.

Le soir au sein du clan, le rouge conte ses exploits
A des oreilles rondes prêtes à en découdre.
Le rose tente de parler, dans le chaud et le froid,
De gris et puis de bleu, loin du sang et la poudre.

Profitant du papier en manque d’imprimeur,
Les paroles prennent le pas sur des lettres inutiles,
Les ondes magnétiques chantent les années bonheur,
En rêves électriques pleins de nouvelles futiles.

Le gris harangue les masses, effraie les boutiquiers,
Montre les bâtons rouges, dénigre les affiches,
Canalise le bleu, prépare les boucliers,
Ferme les bouches roses et rassure les riches.

La nuit tombe sur Paris, pourpre et froide à la fois,
Une scène de drame, un théâtre extrémiste.
Tout rappelle l’époque, celle des fous et des rois,
La cour des miracles et des idéalistes.

Des têtes vont tomber, de toutes les couleurs,
Dans le noir absolu, loin de toute écriture,
Sans témoin objectif, juste quelques menteurs,
Une histoire prémâchée en guise de sépulture.

Posté le : 29/05/2016 20:00
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Re: Défi du 28 05 2016
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Sacré professeur iti-tjk,

Je t'ai certes précédé d'une courte tête, mais ton poème bien tranché a failli me faire perdre la mienne. Je vois que nous avons tous les deux la même considération pour ce chef syndicaliste qui n'a de gauche que la posture tellement il nous fait penser à Staline, en version petit père des pleutres.

Mon grand-père, bien au chaud sur son nuage, me dirait que de CGT il ne faut rien attendre. Il les a bien vécu, lui le syndicaliste CFDT, quand il s'agissait de résoudre des problèmes qu'ils multipliaient par mille.

Heureusement, j'ai un antivirus qui évite les grèves intempestives de mon clavier, empêche les caractères cyrilliques de remplacer mes accents, transforme en belle rose les vilaines faucilles rouges.

J'ai adoré ton poème, que je me verrai bien clouer sur le dos d'un de ces affaiblis du bulbe, quand ils défilent bêtement au lieu de négocier avec intelligence.

Hasta sempre la revolucion,

El Donaldo

Posté le : 29/05/2016 13:00
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Re: Défi du 28 05 2016
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Régression


Quand dla-nod, explorateur de classe 7, rentra dans le laboratoire du professeur iti-tjk, ce dernier, un archéologue de renommée galactique, était plongé sur un spécimen de poulpe momifié d’Aldebaran, une merveille de l’art ancien, quand les civilisations dominantes ne maitrisaient pas encore la technologie du bond multidimensionnel.
— Alors, professeur, ces recherches, ça avance ?
— Vous voulez parler des restes que vous m’avez ramenés de HTRAE-003, je présume.
— C’est exactement ça.
— J’avoue que mes conclusions m’étonnent encore. Je les ai soumises à mes collègues des Douze Planètes.
— Et ?
— Rien d’anormal. Ma méthode suit les principes fondamentaux de l’archéologie, avec une extrême précision et des contrôles en cascade.
— Tant mieux. Je dois soumettre vos résultats au Grand Conseil.

Le professeur iti-tjk soupira. La procédure l’obligeait à expliquer aux explorateurs de classe 7 le sens historique de leurs découvertes, avant de présenter avec eux des conclusions au Grand Conseil. Ce dernier, une instance essentielle pour les chercheurs de son rang, décidait des financements, des plannings et des moyens pour d’autres phases d’exploration, celle des milliards de monde inconnus de la galaxie. Si le professeur voulait obtenir des crédits suffisants pour son programme, il devait respecter le règlement, permettre à un être aussi frustre que dla-nod de comprendre les résultats des analyses scientifiques.

Le savant sortit les reproductions des vestiges ramenés par l’explorateur de classe 7. Il les posa sur la table puis commença la leçon.
— D’abord, vous devez savoir que cette civilisation s’est éteinte il y a des centaines de cycles.
— Je m’en doutais, vu l’état des bâtiments.
— Ensuite, je dois vous avertir que cette civilisation est progressivement entrée en régression.
— La maladie ?
— Non. Visiblement, c’était inscrit dans son schéma.
— Elle n’a pas été remplacée par une autre. C’est ce qu’on apprend pourtant à l’école, quand on parle de l’évolution des espèces.
— En théorie, oui, elle aurait dû. Malheureusement, il semble qu’elle avait aussi pillé sa planète, ruiné son écosystème, dévasté les ressources biologiques. Même des êtres unicellulaires n’auraient pas survécu à un tel gaspillage.
— Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Et dans quel ordre ?
— C’est là mon problème. La conclusion logique est tellement absurde, énorme, incompréhensible de la part d’une espèce aussi évoluée, que je me pose encore des questions.

Le professeur iti-tjk raconta une histoire invraisemblable. La civilisation dominante sur HTRAE-003 avait commencé à voyager dans l’espace, maîtrisé la fusion des atomes, développé de réelles capacités en génétique et instauré une sorte d’ordre planétaire basé sur la propriété et la valeur ajoutée. L’étape suivante semblait inévitable. Elle aurait pu utiliser l’énergie de son système solaire, puiser dans les ressources presque illimitées des astres environnants, bâtir des zones d’habitation sur les autres planètes et gérer ainsi sa démographie. Ensuite, elle aurait découvert la technologie du bond, s’affranchissant ainsi des énormes distances entre les zones stellaires. Cette civilisation serait probablement devenue un membre éminent des Douze Planètes. Seulement, elle avait changé de chemin, s’était fourvoyée dans des voies sans issue, avait oublié que le nombre ne suffisait pas pour décider.

L’explorateur de classe 7 dla-nod écouta sagement, sans poser de questions. A la fin de l’exposé, il eut l’impression de ne rien comprendre, comme si une telle issue, et pour des raisons aussi triviales, relevait de l’impossible.
— Vous me faites marcher, professeur.
— Non. L’humour ne fait pas partie de mes qualités premières.
— Alors cette espèce est passée de maître de son monde à une sorte d’animal sauvage, régi par l’appât du gain, le sexe et la nourriture facile ?
— C’est ça.
— Tout ça parce qu’elle s’est appauvrie culturellement ?
— En substance.
— Pourtant, elle maîtrisait l’écriture, la déclinait sous des formes diverses, allant de l’information brute aux œuvres artistiques.
— Correct.
— Mais elle a arrêté de lire.

Le professeur iti-tjk reconnut l’esprit pragmatique des explorateurs de classe 7. Quand un caillou tombait sur le sol, les pairs de dla-nod ne voyaient que la chute, sans se préoccuper de la gravité, de l’environnement ou des circonstances historiques. Ils regardaient alors le cratère d’impact, en mesuraient la circonférence et la profondeur puis consignaient tous les éléments physiques dans un rapport précis. Les conjectures, les hypothèses et autres projections ne les intéressaient pas. Pour cette raison, ils étaient parfaits pour aller recueillir des indices, débusquer des fossiles, et les ramener intacts aux scientifiques. Ils ne polluaient jamais le théâtre archéologique, n’essayaient pas de chercher d’improbables explications, ne dénaturaient pas la science au nom d’une quelconque croyance ou intuition.
— C’est plus compliqué.
— Dans ce cas, vous devez me l’expliquer. C’est la procédure. Personnellement, je m’en fiche, seule l’exploration, le voyage galactique et les dangers du bond m’intéressent. Le reste, je vous le laisserais volontiers, si j’avais rédigé le manuel.
— Je sais.
— Parfait. Pourquoi ont-ils arrêté de lire ?
— C’est un enchainement d’événements. D’abord, un groupe de pression a déclaré qu’il fallait arrêter de travailler.
— Pourquoi ? Le travail fait partie de l’effort collectif.
— Un autre groupe de pression profitait de cet effort collectif pour s’enrichir sans partage.
— Il y a des instances pour empêcher ça.
— Oui. En général, on appelle ça le dialogue.
— C’est ce qu’on apprend à l’école, dès le plus jeune âge.

Le professeur iti-tjk décida de schématiser son discours, de le rendre compréhensible par le profane. L’espèce disparue était en conflit avec elle-même depuis des dizaines de cycles. Elle n’avait pas d’ennemi extérieur à combattre, pas de prédateur connu. Pour une raison encore mystérieuse, il lui fallait se battre, à n’importe quel prix, pour exister. Cette propension à la guerre l’éloignait du consensus, de l’intérêt commun, de la vie en collectivité. Les groupes de pression s’affrontaient sur tous les terrains possibles, parfois pour un bout de jardin, d’autres fois pour le principe, souvent pour des raisons obscures et oubliées depuis des générations.

L’élève n’interrompit pas le maître. Il comprenait mieux la situation vécue par une espèce en bout de course, condamnée à évoluer ou disparaitre.
— Est-ce plus clair, explorateur dla-nod ?
— Je crois.
— Qu’avez vous retenu ? C’est important pour notre prochaine présentation au Grand Conseil.
— Quand le groupe de pression a déclaré l’interruption du travail, son adversaire a durci le ton, progressivement. Les travailleurs se sont retrouvés entre les deux parties. D’un côté, ils étaient d’accord pour arrêter de travailler, parce qu’ils se sentaient exploitées par une minorité abusive. D’un autre, ils commençaient à manquer de ressources puisque les usines ne produisaient plus d’énergie, de nourriture, de fournitures.
— Exactement.
— La situation s’est envenimée quand les journaux ont cessé de sortir et les médias de fonctionner. Au début, les travailleurs se sont sentis soutenus, plus forts, tandis que les exploiteurs ont décidé de se retrancher derrière leurs privilèges. Ensuite, lire est devenu inutile puisque l’écriture n’était plus relayée. L’oral primait désormais sur l’écrit. L’information se diffusait de proche en proche, sans capacité de critique constructive. Les histoires devenaient une forme de réalité diminuée.
— Il était pourtant possible de revenir en arrière, non ?
— Pas pour eux. L’abrutissement des travailleurs arrangeait les exploiteurs, toujours persuadés qu’ils reviendraient à la raison. Il permettait aussi au groupe de pression, celui qui avait décidé l’arrêt du travail, de conforter sa position de force, en manipulant le grand nombre. La civilisation s’est atomisée, devenant une addition d’individus régis par la peur ou la gourmandise, parfois les deux.
— Il y aurait dû avoir une guerre.
— Pas forcément, juste des escarmouches, une guérilla larvée.
— Comment cela a-t-il fini ?
— Logiquement. Ils sont devenus débiles, ont oublié pourquoi ils étaient les maîtres du monde, et ont fini par piller leur planète. Leur évolution est devenue une régression. La civilisation a laissé place à l’animalité.
— Et ils se sont éteints.
— C’est ça. Comme de stupides être monocellulaires privés du liquide nourricier pendant une saison sèche.
— Je crois que vous êtes prêt pour le Grand Conseil, explorateur dla-nod.

Posté le : 28/05/2016 20:28
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Re: Défi du 21 mai 2016
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Le mythe de Pierre


L’homme dansait au milieu du bureau, sur une musique imaginaire, sous le regard d’un autre homme, assis en face de lui. Le spectacle dura une minute entière.
— Ainsi, Pierre, vous êtes parti loin d’ici. Je n’arrive pas à savoir où.
— En Espagne, professeur Royer.
— Et quelle musique vous inspire ?
— Le concerto d’Aranjuez, évidemment !
— Qui êtes-vous cette fois-ci ?
— Pedro d’Aranjuez, le plus grand toréador de Madrid. Les femmes se pâment à la seule évocation de mon nom, les taureaux me craignent de génération en génération. Je suis l’Espagne éternelle, le sang et la religion, l’amour et la peur, la mort et la rédemption.
— Racontez-moi votre histoire.

Pedro d’Aranjuez se lança dans un théâtre imagé où l’été madrilène enflammait les arènes, quand le Roi lui-même se déplaçait pour assister au spectacle de l’épée et des cornes. Le bureau du professeur Royer devint à son tour espagnol, rythmé au son des talons, des claquements de mains et de la corrida. Le professeur Royer essuya ses lunettes, les ajusta sur son nez puis concentra ses pensées sur le personnage principal, le patient connu sous le nom de Pierre Martin à l’état civil et la sécurité sociale. Il en avait vu des mythomanes dans sa longue vie de praticien mais celui-ci battait des records de réalisme. Chacune des consultations devenait une épopée, une chanson de gestes. Une fois, il avait assisté au sacre du printemps, avec le danseur Piotr Minouchkine dans le rôle du dieu russe. Il s’était surpris à entendre la musique d’Igor Stravinsky alors qu’aucun dispositif acoustique n’existait dans son bureau. Le seul pouvoir de la suggestion, l’envie de croire à l’histoire racontée dans un spectacle dansé et mimé, l’avaient conduit à devenir le public d’un théâtre imaginaire.

Le professeur Royer se rappela de la première fois. Pierre Martin lui avait été envoyé par l’un de ses collègues, un médecin de Neuilly, qui ne savait plus comment gérer son patient.
— Vous allez voir, Royer, Pierre Martin est simplement ahurissant.
— Il est seulement mythomane ou souffre d’autres maux ?
— Si vous pensez à des troubles bipolaires ou de la schizophrénie, je vous arrête tout de suite. C’est bien plus complexe. Il faut le voir. Ne jugez pas trop vite.

Pierre Martin était alors venu en consultation. D’apparence anodine, ni trop grand ni trop petit, poli et volontaire, il ne ressemblait pas aux conteurs d’histoires à dormir debout, aux pauvres gars qui s’inventaient une autre vie pour oublier leur quotidien, aux gardiens d’un temple faits d’hallucinations et de mensonges.
— Savez-vous pourquoi vous êtes ici, Pierre ?
— Oui, professeur Royer. Parce que mon médecin ne sait plus comment faire.
— Pourquoi, d’après vous ?
— Il ne sait pas voyager.
— Racontez-moi un voyage, alors.
— Un voyage ne se raconte pas, professeur Royer. Il se vit. Si vous ne rentrez pas dedans, il n’y a pas de voyage, aucune musique à entendre, nulle histoire à revivre, même pas de personnages à imaginer. C’est ce que mon médecin n’a pas réussi à comprendre.

Ce jour-là, Pierre Martin avait été Pierre Tristan, un jeune condamné à mourir par amour. Il s’était construit son théâtre, ses personnages, son drame. Pour la première fois, le professeur Royer était rentré dans le monde imaginaire d’un patient. Il avait entendu les flutes et les hautbois chanter le thème mélodique de Claude Debussy. Il avait vu la belle Yseult souffrir de son mari jaloux. Il avait voyagé, sans résister.

Pierre Martin était devenu le patient du professeur Royer. Ses personnages avaient éclairé le bureau terne, la vie monotone d’un praticien abonné jusque-là à la folie ordinaire, aux dépressions nerveuses et aux grincheux chroniques. Il y avait eu la période « Paix et Amour » avec Peter Hendrix, un sorcier vaudou plongé dans un monde de beautés aux longs cheveux, au son de la guitare acoustique de la chanteuse Joan Baez. Cette ère s’était prolongée vers la lune, avec un magnifique personnage appelé le Pierrot Lunaire, dans une sorte d’ode dissonante à la décadence et l’addiction. Le professeur Royer n’avait pas toujours tout compris, cela d’autant plus qu’enregistrer ces scènes ne donnait rien une fois évanouie la magie du moment. Il ne pouvait rien en tirer, à l’instar de Pierre Martin avec ses dons de conteur qui le faisaient passer pour fou alors qu’il méritait sa statue au panthéon des auteurs.

Pedro d’Aranjuez termina le spectacle par une mise à mort, celle d’un taureau tueur de toréadors, un champion toutes catégories. Il enthousiasma la foule, passa de la danse au drame puis du drame au frisson, pour enfin terminer dans le rouge. Les mouchoirs de grandes dames de Madrid se mouillèrent de larmes, la poussière vola dans l’arène, l’ocre devint la couleur dominante, avant de se transformer en sang. Le professeur Royer oublia Pierre Martin, les analyses sur la mythomanie, la médecine et ses certitudes, pour applaudir à son tour le courage de Pedro d’Aranjuez devant une bête sauvage, un diable à quatre pattes et deux cornes. Le bien transperça le cœur du mal, sous le soleil madrilène et les cris du public.

Posté le : 25/05/2016 20:24
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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