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Re: Nouveau défi du 31/5/2014
Plume d'Or
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L'Oublié



L’étrange maladie de François ne l’affligeait pas directement, elle n’affectait que la perception qu’on avait de lui. Elle ne s’attaquait pas à sa mémoire mais au souvenir qu’il laissait dans celle des autres. Après qu’on eut fait la connaissance de cet homme, en apparence, normal, il suffisait qu’on lui tournât le dos pour que plus rien ne subsistât, en soi, de cette expérience : François était oublié. Le rencontrer de nouveau c’était, de nouveau, le rencontrer pour la première fois.
François avait cinq ans lorsque sa curieuse affection cérébrale fit que sa mère l’oublia dans la rue. Il marchait à ses côtés quand soudain, sans la prévenir, le bambin s’arrêta devant la vitrine d’un magasin de jouets. La pauvre femme continua son chemin, abandonnant son fils. En perdant de vue son enfant, elle en avait perdu le souvenir et ne le recouvra jamais.
Après ce tragique abandon involontaire, la maladie de François entra dans une phase rémittente. Durant cette période, il avait été recueilli par l’Assistance Publique puis, envoyé à l’orphelinat où il y passa de longues années à espérer que sa mère vint l’y chercher. Enfin, las d’attendre celle qui n’arrivait jamais, il décida de s’enfuir.
Un jour qu’il était en promenade avec sa classe, il ralentit le pas de façon à se retrouver à la traîne. C’était le moment qu’il avait choisi pour fausser compagnie à ses camarades et à son instituteur Monsieur Delarvet. Une bonne distance séparait François du reste du groupe lorsque le garçon repéra un buisson sur le bas-côté du chemin. Étant prêt à bondir, ses jambes se détendirent mais, hélas, au même instant, Monsieur Delarvet se retourna!… François, surpris entre la route et le buisson, devint la cible facile des yeux entraînés de l’instituteur et fut instantanément capturé par le regard sévère de ce dernier… La tentative avait échoué. Anticipant l’ordre de son maître, le malheureux fuyard, tête basse, s’avançait déjà vers lui, lorsque soudain, il se sentit frappé de stupeur. Monsieur Delarvet lui avait lancé :

« Que veux-tu donc, petit vagabond?
- Mais… M’sieur… hésita François.
- Tu n’as pas le droit de suivre ma classe! Je ne suis pas responsable de toi! Sauve-toi vite! »
Bien que ce fût justement cela que François désirât et qu’il avait tout risqué pour le chemin de la liberté, il ne lui plaisait guère de s’y voir poussé contre son gré.
« Mais M’sieur Delarvet, protesta-t-il, c’est ma classe!
- Et tu connais aussi mon nom, jeune pendard! Tu nous a donc suivi longtemps! Et moi qui n’ai rien vu! »
La scène avait évidemment attiré l’attention des autres gamins qui se bousculaient autour du petit « inconnu » avec une espiègle curiosité.
« J’connais votre nom parce que j’suis dans vot’ classe! se défendit François. Demandez-le donc à mes camarades si vous n’me croyez pas!… »
Monsieur Delarvet lui rétorqua que son impertinence ne pouvait qu’aggraver son cas. Sa cause, d’ailleurs, était absurde; comment pouvait-il appartenir à sa classe puis qu’il ne l’avait jamais vu? Pourtant, comme c’était un homme juste, il consentit à demander aux élèves s’ils connaissaient cet enfant qui se réclamait d’eux.
Tous en choeur crièrent que non!
François, écrasé par cette coalition inattendue, battit en retraite sous une salve de fous rires.
Une fois seul, il s’interrogea sur sa condition avec anxiété. Était-il vraiment possible que Monsieur Delarvet et les autres enfants ne l’eussent pas reconnu? Que lui était-il arrivé? Son apparence avait-elle changé d’un coup? S’était-il subitement transformé en un monstre méconnaissable? Il plongea la main dans la poche de son pantalon pour y saisir un canif qu’il ouvrit avec précipitation, et, dans la lame miroitante du petit couteau y étudia sa réflexion… Aucun doute, c’était bien lui! Comment pouvaient-ils tous l’avoir oublié? En dépit de son jeune âge, François ne se laissa pas abattre par ce mystérieux incident. Quelque chose d’incompréhensible avait certainement dû se produire, et, si cela était, Monsieur Delarvet avait lui-même expliqué en classe que « l’incompréhensible ne se comprenait pas ». Alors à quoi bon se faire du souci? L’essentiel, c’était qu’il fût libre.
François marcha droit devant lui jusqu’à ce que la fatigue le fît se diriger vers un petit village qu’il avait aperçu au loin. Sitôt arrivé sur la place centrale, son estomac vide le guida vers une boulangerie. La boulangère était debout devant les rayons où se trouvait, savoureusement disposée, la première fournée du matin. En le voyant, la brave femme l’accueillit avec quelques mots gentils mais François n’écoutait que l’appel troublant et croustillant des pains fumants. Réalisant que son pouvoir d’achat ne lui permettait même pas de s’en offrir une miette, son esprit se débattait entre l’idée d’en mendier un morceau à la marchande et celle de « vider ces lieux » où Tantale avait dû mourir de faim, lorsque subitement, il repéra sur le comptoir un pain dodu qui, par miracle, se trouvait-là, à la porté de sa main. L’odeur du bâtard lui fit perdre la tête. Sur un ton innocent, il indiqua à la boulangère qu’il désirait une miche qu’il lui montra timidement du doigt, et, lorsque la commerçante crédule lui tourna le dos, il détala, emportant avec lui le bâtard.
Il n’alla pas très loin. Par un malencontreux hasard, un client qui était entré, lui mit la main au collet.
« Ce voyou vient de vous voler un pain! cria-t-il à la boulangère. »
François, pris en flagrant délit, ne se débattait pas et son beau pain doré lui apparaissait maintenant bien noir. Il n’eut cependant pas le temps de se lamenter sur son sort car, à son ahurissement total, il entendit la boulangère s’exclamer :
« Ah! mais vous devez vous tromper. Ce gosse n’a rien pu me prendre, il n’était pas chez moi.
- Mais comment! Je l’ai vu de mes yeux!. Je viens de l’arrêter ici-même, devant votre porte! »
Une discussion s’en suivit qui ne laissa pas d’étonner François et durant laquelle l’honnête femme maintint qu’elle n’avait jamais vu le garçon. A bout d’arguments et las de ne pouvoir la convaincre, le client relâcha le gamin, le laissant partir avec son butin. Quant à François, après cet incident, certain qu’il devait y avoir en lui quelque chose qui faisait que les gens n’arrivaient pas à conserver en eux le souvenir de son image, il décida d’en faire la preuve sans délai. En quittant la boulangerie, il se dirigea d’un pas résolu vers le premier établissement qu’il rencontra. C’était une charcuterie. S’adressant au patron, il commanda une « tranche de jambon bien épaisse », ensuite, il réclama « un de ces saucissons qui pendaient-là », dans le fond de la boutique. Le charcutier s’en fut le lui chercher mais cette fois-ci, François n’en profita pas pour décamper. Quand le pauvre homme s’en revint, il parut tout confus et s’écria :
« Mais… que fais-je donc avec ce saucisson! Je dois commencer à vieillir. Bon! Eh bien, bonjour jeune homme! Vous désirez? »
François sortit sans dire un mot. Il ne s’était pas trompé! Il était bien un être prodigieux que les gens voyaient un instant et oubliaient l’instant suivant. Une seule pensée désormais occupait son esprit : il était libre!…

Les années passèrent… L’étrange maladie de François l’avait guéri de la faim. Le jeune homme s’emparait de tout selon son envie sans que personne ne le reconnût. Le mal dont il jouissait l’avait doté d’un pouvoir extraordinaire. Pourtant, ce maudit avantage, pour l’avoir placé au dessus de la société, l’en avait puni sévèrement. François n’avait pas d’ami et les demoiselles qu’il avait rencontrées l’avaient oublié. Peu à peu, ce qui lui avait paru être un don du ciel commençait à prendre l’aspect d’une malédiction infernale. Il vivait seul et en souffrait. Il avait besoin d’une âme soeur qui ne le quittât pas, qui ne s’évanouît pas comme un fantôme dès qu’il tournait la tête. Il ne ressentait plus qu’un seul désir : se réveiller le matin aux côtés d’une douce et fidèle compagne. Que devait-il faire pour cela? Toutes les jeunes filles qu’il avait aimées lui avaient juré qu’elles ne l’oublieraient jamais mais elles l’avaient, toutes, oublié. Il avait tenté de les suivre, de les poursuivre, de leur rendre cette mémoire qu’il ne pouvait s’empêcher de leur dérober après qu’elles lui eurent ravi le coeur, mais ses efforts s’étaient avérés lamentablement inutiles.
N’en pouvant plus de solitude, François s’en fut consulter un médecin, puis plusieurs autres. Tous étaient d’accord : cette maladie n’existait pas. Le plus spécialisé d’entre eux n’avait pu que spéculer. François souffrait sûrement d’une forme virulente d’amnésie encore inconnue qu’on aurait pu classifier sous le nom d’« amnésie-miroir ». En effet, d’après ce qu’on pouvait en entrevoir, ce mal semblait être une amnésie virtuelle, l’image-miroir d’une amnésie réelle et collective. Si cette observation défiait les lois de la médecine, la théorie qui l’expliquait bafouait la raison. Probablement dû à une mutation génétique, les neurones du cerveau de François, pour communiquer entre eux, devaient engendrer des quantités d’électricité plusieurs millions de fois plus importantes que celles émises par des cellules normales. Il résultait de cet excès d’énergie accumulé au niveau du cuir chevelus, un énorme dépôt de charges électro-statiques. Ces charges créaient ainsi un champ « électro-amnésique » de courte portée mais de très haute énergie. L’effet de ce champ « électro-amnésique » sur le cerveau d’un sujet normal était une polarisation des charges électriques échangées par les neurones de ce cerveau, rompant ainsi le processus d’enregistrement de l’information reçue, entraînant irrémédiablement l’amnésie du sujet.
« …de sorte que, lui avait expliqué le savant, si ce que j’avance est exact, moi-même, en cet instant précis, suis soumis à votre « champ électro-amnésique » et ma mémoire se trouve en ce moment neutralisée. Elle ne conservera plus aucune trace de cet entretien dès que vous aurez franchi la porte de ce cabinet.
-Si votre théorie concernant cette incroyable maladie était correcte, lui avait alors demandé François, sauriez-vous m’en délivrer?
- Vous guérir serait possible; ce qui est, hélas, impossible, serait de se souvenir de vous guérir. »
Maintenant convaincu que, ni la médecine, ni la science, n’était capable de le secourir, François en conclut que seul l’oubli pourrait vaincre l’oubli et que seule sa tombe conserverait gravé sur elle un souvenir de lui.

Il contempla les flots de la Seine et, pensant à Monsieur Delarvet, il prononça :« Je vais enfin comprendre l’incompréhensible. »
Il franchit en courant la distance qui le séparait de la berge et plongea sans hésiter dans le fleuve. Son corps s’enfonça dans l’eau glauque comme une lourde pierre et disparut.
Le lendemain on le repêcha, vivant! Au fond des abysses, la Mort l’avait oublié.



FIN

Posté le : 03/06/2014 19:30
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Re: Nouveau défi du 31/5/2014
Plume d'Or
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Un peu tard, étant resté longtemps penché sur ma page blanche, recevez enfin ma modeste contribution.
En espérant qu'elle ne se perdra pas en route.


Tout fut dit, écrit, médité.
Larmes amères furent versées.
Fut avouée la vérité
Qui hier avait été mensonge
Pour bercer le front de mes songes
Dans cette longue traversée.

Les fleurs sont maintenant fanées.
Il y a déjà tant d'années !
La lettre postée dans la nuit
Y faisant naître l'agonie
De mon âme depuis, lassée,
A jauni dans mon âme, froissée.

Il ne reste plus rien. Plus rien.
Du moins, plus rien qui ne soit mien.
Tout fut dit, écrit… Mais il me reste un mot à dire:
La lettre dans son coin, froissée,
Et que je t’avais addressée
Tu ne l’as jamais pu lire,
Elle m’est revenue ce matin
Sans timbre, c’est pas malin !

Posté le : 03/06/2014 05:26
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Re: Nouveau défi du 31/5/2014
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Histoire déchirante de letter déchirée qui m'a ému. Alexis tu écris bien. Bravo. Merci.

Posté le : 02/06/2014 02:30
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Re: Les Pensées Stupides de EXEM
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Chère Loriane, bien qu'à mon avis, la sodomie soit un sujet comme un autre, je ne l'ai pas traité ici. Dans ce forum, je n'écris que des mots d'humour sur tous les sujets. Mais désormais, je ferai plus attention. Excuse-moi. Il y a du vrai dans ce que tu dis.

Posté le : 31/05/2014 20:57
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Re: Les Pensées Stupides de EXEM
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Sodomie
« Qu'est-ce que tu me fais ? Qu'est-ce que tu me fais !! »

Posté le : 31/05/2014 03:02
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Re: Les Pensées Stupides de EXEM
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Les femmes légères

Les femmes légères pèsent souvent lourd.

Posté le : 31/05/2014 03:01
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Re: Défi Nouveau.
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Alexis, tu as raison. Couscous pour accélérer, je mets encore une suite.

GAGZDEN (La Suite)

- Mais quels seraient ces éléments ?
- Pour cela, vous n'avez qu'à consulter le Tableau de Mendeleiev.
- Je le connais par cœur.
- Parfait.
- A représente l'Argon…
- Oui… et ?
- M n'existe pas !
- Vous vous trompez ! M existe, non seulement une, mais deux fois : M existe dans Mg, le Magnésium et Mn, le Manganèse.
- Pardieu! Vous avez raison. O est l'Oxygène…
- Bien.
- U, l'Uranium. Quant à R, en utilisant votre raisonnement, il se retrouve dans : Ra, le Radium, Rn, le Radon, Re, le Rhenium, Rh, le Rhodium, Rb, le Rubidium et enfin Ru, le Ruthenium.
- Magnifique! »
Ce que j'avais appris m'avait plongé dans un état d'euphorie qui ne dura, hélas, pas. Mon moment d'excitation passé, je ne voyais plus où tout ce que je venais d'apprendre pouvait nous mener. Si cette combinaison de symboles chimiques avait un certain déterminisme, je me demandai en quelle manière la Nature pouvait les utiliser. Était-ce cela le secret que Gagzden possédait ?
« Il y est lié, me dit-il, comme s'il avait lu mes pensées. J'ai, en effet, construit, en utilisant ces éléments, un modèle théorique de l'amour qui m'a permis d'en expliquer les mystères. Grâce à ce modèle, j'ai pu démontrer que l'amour peut, littéralement, éclater en ses différents composants, à des niveaux d'énergie dépendant, comme vous l'avez vous-même souligné, des cœurs en présence, mais, surtout ! des proportions des éléments chimiques qui entrent dans M et R. »
Cette fois-ci, je le regardais avec des yeux tellement écarquillés que je les sentais me tirer les tempes. J'osais à peine respirer. Mon cœur battait à se rompre. Je sentais en moi le souffle humide et lourd, précurseur des grandes aventures. Gagzden, devant mon excitation, s'enflamma et continua de me stupéfier en disant :
« Vous parliez aussi de disséquer l'amour, eh bien vous aviez raison ! L'amour est dissécable et même sécable ! La seule raison pour laquelle personne ne l'a encore observé séparé en ses différents composants, c'est que, jusqu'à présent, personne n'a pensé la chose possible.
- Comment cela pourrait-il être possible !? m'écriai-je.
- Grâce au Modèle.
- Comment un modèle peut-il vous aider ?
- Grâce à l'important principe qui existe en science…
- Voulez-vous parler du principe de la conservation de l'énergie ?
- Exactement ! Vous comprendrez que…
Je commençais, en effet, à comprendre… Si ce monsieur Gagzden avait véritablement mis au point un modèle de l'amour, il pouvait prévoir mathématiquement toutes les réactions amoureuses, depuis les enlacements les plus tendres jusqu'aux étreintes les plus passionnées. De plus, si grâce à son modèle il réussissait à se figurer comment les éléments A, M, O, U, R entraient en jeu pour réagir et créer d'autres éléments plus lourds ou plus légers qui se cristallisaient ou se sublimaient, et, s'il avait pu prouver théoriquement qu'à un certain moment, quand le feu de la passion diminue, les éléments libres se synthétisaient en obéissant au principe de la conservation de l'énergie, pour se retrouver dans un état lié, il avait ainsi, non seulement prévu théoriquement que l'amour était observable dans deux états mais il était aussi en mesure d'indiquer les expériences pouvant confirmer définitivement l'existence et la stabilité de ces deux états.
Je réprimai un frisson. J'avais sous les yeux le secret que j'avais tant convoité mais voilà que j'étais si nerveux qu'il m'était impossible de l'identifier. Après qu'il eut occupé tout mon être, maintenant sur le bout de la langue, ce secret me rendait muet. Gagzden dut se rendre compte de mon agitation. Abandonnant ses pensées pour suivre les miennes, il me mit, comme on dit : les points sur les i.
« Le secret de l'amour est rattaché au principe de la conservation de l'énergie. Puisque l'énergie totale de ses éléments est la même dans l'état lié que dans l'état libre, il suffit au moment précis où les éléments se séparent, de les recueillir et de les préserver séparément, pour les conserver indéfiniment.
- Voici donc le secret de l'amour ! m'écriai-je. C'est la conservation de l'amour !
- Vous avez deviné. »
J'étais sur le point de féliciter ce remarquable conservateur de l'université d'U. pour l'ampleur de sa découverte, lorsque me vint à l'esprit, une idée qui pouvait faire chavirer toute sa théorie. Je dus pâlir car Gagzden me demanda :
« Êtes-vous souffrant, mon ami ?
- Non, mais je souffre de ce que je viens de penser à quelque chose qui risque de faire s'écrouler votre théorie.
- Ah oui, me dit-il simplement.
- Oui.
- Eh bien je vous écoute.
- Étymologiquement, fis-je, sans précaution oratoire, « amour » vient du latin « amor ».
- Oui. Eh bien ?
- Ne voyez-vous pas ?
- Mais si.
- Dans ce cas, comment expliquez-vous que l'élément U n'apparaisse pas dans le mot latin, pas plus d'ailleurs, que dans d'autres langues étrangères. Ou, si je puis vous poser le problème de la façon suivante : comment plusieurs structures peuvent-elles représenter le même modèle ? »
Gagzden éclata d'un rire aigu. Nous n'étions plus que deux ombres dans la pièce vide. Il se frappait les flancs en roulant des yeux. Il ressemblait à une chouette qui bat des ailes. Je me demandai un instant, si je n'avais pas un dément en face de moi. Je devais vite changer d'avis. Quand il redevint sérieux, il me fit une démonstration qui devait me convaincre de son génie.
« Votre question vous honore, me dit-il. Je puis vous avouer que je me la suis, moi-même, posée quand je conçus ma théorie. J'étais, comme vous l'êtes aujourd'hui, incapable de concilier les différentes écritures avec l'unicité de mon modèle. Cependant, après de nombreuses expériences que je fis à l'université d'U., j'arrivai à la conclusion que, seul, le mot français n'a de valeur. Cette conclusion est difficile à démontrer. Y penser n'est pas impossible : si le français n'a pas inventé le mot, il lui en a, toutefois, donné sa gloire et sa puissance. Pourtant, nous autres, savants, nous ne pouvons pas nous contenter de la philosophie pour affirmer nos résultats. Il nous faut un modèle théorique et unique qui puisse représenter les deux états à la fois. Nous voulons, grâce à ce modèle, pouvoir retrouver les résultats expérimentaux obtenus sur l'amour dans son état lié - matrimonial - et dans son état libre - célibataire. Or, seul l'uranium U contenu dans le mot amour ne m'a permis avec ce modèle, de retrouver théoriquement tous les résultats expérimentaux.
- En êtes-vous sûr ?
- Sûr.
(A suivre)

Posté le : 30/05/2014 23:05
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Re: Défi Nouveau.
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GAGZDEN (LA SUITE) Allez ! Les Chimistes ! Trouvez les réponses !

Retenant ma respiration, j'attendis qu'il parlât mais Gagzden demeurait subitement silencieux. Il semblait réfléchir. Cet étrange comportement me fit lui demander s'il n'avait pas changé d'avis. Allait-il, après que je lui avais tout dit et répondu à tous ses « Est-ce tout ? », refuser de tenir son engagement. Il semblait, en tout cas, hésiter. J'étai prêt à lui rappeler sa promesse lorsqu'il se décida à parler :
« Pour apprendre le Secret de l'Amour, me dit-il enfin, vous devrez vous rendre à l'Université d'U. »
Si je n'avais déjà investi tant de temps et d'efforts pour complaire à cet homme qui commençait à m'irriter, je l'aurais tout bonnement planté là. Je me calmai donc, et, m'armant de patience, je lui fis remarquer que je ne pouvais laisser mes affaires pour entreprendre un tel voyage sans qu'il ne me donnât la preuve de ce qu'il avançait. J'avais besoin, lui dis-je, qu'il m'offrît au moins, une indication qui me permît de croire en sa science.
« Je veux bien, me répondit-il. Avez-vous, par exemple, poussé plus loin votre étude sur la structure de l'amour ?
- Non, fis-je, intéressé.
- Vous avez touché là, à une idée fondamentale. Lorsque vous avez parlé de réaction et de composants de l'amour, vous avez vu loin ! Hélas, vous n'avez pas pu atteindre ces lointains sommets. Vous n'avez fait que les montrer du doigt. Vous vous en êtes barré le chemin, en supposant que l'amour est de nature sentimentale.
- Mais, elle l'est ! M’exclamai-je.
- Oui, oui, elle l'est, mais elle n'est pas que cela ! Voyez-vous, mon jeune ami, de la même façon que la lumière présente à la fois, un aspect ondulatoire et corpusculaire, l'amour est aussi dotée d'une dualité qui fait qu'à l'aspect sentimental, s'ajoute un autre aspect encore plus important : un aspect chimique.
- Incroyable ! M’écriai-je. »
Gagzden toussota de satisfaction. Il jouit un instant du point qu'il venait de marquer. Il se gratta le front de son petit doigt dont je ne pus m'empêcher de remarquer l'ongle si long et si effilé qu'il ressemblait à une petite griffe. Cette aiguille de corne en touchant la peau y causa des plis mouvants qui vinrent s'échouer sur son crâne comme des vagues de pensées potelées.
« Et oui ! lança-t-il. Je vois que vous n'y aviez pas pensé.
- Si je n'y avais pas pensé, me défendis-je, j'y ai pourtant songé.
- Je sais bien.
- Souvent, continuai-je, non plus pour m'excuser mais pour me justifier, j'en ai contemplé la valeur sans y trouver l'intérêt.
- Permettez-moi alors, de vous éclairer. »
Je me tus aussitôt, curieux. Pourtant, en dépit de mon souci d'apprendre ce que j'avais failli découvrir, je désirais qu'il échouât dans sa démonstration ; je voulais, comme disent les étudiants, qu'il « fît de l'eau ». J'avais un besoin égoïste et jaloux, qu'il prît rang avec moi dans les ténèbres de la médiocrité. Je le fixai comme si mes yeux eussent voulu le clouer sur sa chaise afin qu'il n'eût plus qu'une seule chose à faire : parler mais aussi se taire. Je crus mon souhait réalisé quand je l'entendis, sur un ton calme et doctoral, parler pour ne rien dire.
« Les éléments qui entrent en jeu dans une réaction chimique sont représentés par les symboles, consignés dans le tableau de la classification des éléments chimiques, construit par le savant russe Dimitri Ivanovitch Mendeleiev.
- Devons-nous, l'interrompis-je, remonter si loin ?
- Vous voulez dire : « si près ». »
Adoptant une forme de discours, consistant à répondre à ses propres questions, il m'éclaira de la façon suivante.
« Ces symboles rendent-ils possible la représentation mathématique des réactions chimiques ? - Oui ! Permettent-ils de retrouver théoriquement les résultats des réactions observées en laboratoire ? - Naturellement ! Permettent-ils de prévoir ceux d'entre elles que nous sommes incapables de mettre au point ? - Bien sûr ! Sont ils transcendants ? Certainement ! »
Je n'osai protester, ses propos étant trop généraux pour m'y autoriser. Je le laissai donc, encore une fois continuer.
« Si nous représentons l'atome d'oxygène par la lettre O, me précisa-t-il, comme s'il parlait à un lycéen, et l'atome d'hydrogène par la lettre H, nous pouvons alors représenter la molécule d'eau qui est, comme on le sait, formée d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogènes, par le symbole : OH2. Nous pouvons ainsi, écrire la réaction : O + H2 = OH2 »
Gagzden, qu'un instant plus tôt j'avais désiré voir « faire de l'eau », venait de m'en énoncer l'équation de synthèse. J'allais, une fois de plus m'offenser de la simplicité de ses propos, lorsque je fus subitement saisi par la signification de cette leçon. Il se frotta, de sa main à plat, sa couronne de cheveux ; cette action eut pour effet de les faire se dresser en deux mèches qui, dans le demi-jour, ressemblaient à deux cornes dont il eût besoin pour me dire :
« Voyez-vous où je veux en venir ?
- Je pense que oui. Vous croyez pouvoir appliquer le symbolisme chimique à l'amour.
- C'est cela.
- Pouvez-vous, spécifiquement, me dire à quoi vous voulez employer cette mathématique ? »
Gagzden parut amusé par ma question. Il émit une sorte de rire aigu et saccadé qui, avec l'ombre de ses « cornes » portées sur le mur vide, créa autour de moi, une ambiance diabolique. Il se riait de moi et j'en compris la raison. Il me dit :
« Le coït ! »
Il avait bien raison de se moquer. Comment n'avais-je pas pensé à cela, quand, quelques minutes plus tôt, je venais de comparer le coït à une réaction chimique dont le catalyseur spécifique agissait sous l'action des caresses et des baisers. Il avait bien raison de se moquer, oui mais… Comment pouvait-on progresser à partir de si peu…
« Les baisers, les caresses dont j'ai parlé, n'ont rien de quantifiable, lui dis-je.
- Vous vous trompez. Les baisers, les caresses et autres stimuli nous permettent, par le dégagement de chaleur qu'ils produisent, de leur attribuer un équivalent calorimétrique qui ramène leur mesure à une simple mesure de température. »
Gagzden voyait juste. Je réalisai à quel point je n'avais pas su profiter de mes découvertes. J'avais été trop distrait récemment par Rose-Marie. Je me promis de prendre une décision définitive à son sujet. J'étais maintenant extrêmement intéressé par cette idée de l'extrapolation de l'écriture des réactions chimiques au domaine de l'amour. Je n'arrivais pourtant pas à deviner comment Gagzden pensait pouvoir s'y prendre et je lui en posai la question.
« C'est très simple, me dit-il. Il n'y a qu'à supposer que la " Nature fait bien les choses ", un principe admis par tous les savants modernes et que Einstein a énoncé de la façon suivant : " tout dans la nature est simple et harmonieux "
- En effet.
- Bon. Le principe de simplicité étant admis, observons le mot « amour ». Croyez-vous que la nature eût perdu son temps à nous le faire choisir tel qu'il est écrit ?
- Non,… non… bien sûr… mais…
- Bien ! lança Gagzden, pour me faire taire. Si nous acceptons le fait que ce mot a un sens, non seulement pour le concept qu'il représente mais aussi pour sa structure alphabétique alors … »
Je commençais à entrevoir ce que celui que j'avais pris pour un plaisantin était en train de m'expliquer. Si ce que je croyais saisir était vrai, il m'avait révélé une idée qui valait, à elle seule, la peine d'être venu lui rendre visite. Je m'écriai :
« Amour, serait composé des éléments chimiques : A. M.O. U. R.
- Bravo !
- Mais quels seraient ces éléments ?
(A suivre)

Posté le : 30/05/2014 18:24
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Re: Nouveau Défi !!!!!!
Plume d'Or
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@Kalimera,
Toujours un plaisir de te lire, d'être lu par toi ou de te rencontrer sur le forum.

Posté le : 29/05/2014 18:55
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Re: V'là le printemps
Plume d'Or
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Loriane, tu n'oublies jamais rien. Très belle photo du printemps. On la respire. Merci.

Posté le : 28/05/2014 01:42
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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