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#51 Carl Jung 1
Loriane Posté le : 25/07/2015 21:56
Le 26 juillet 1875 naît Carl Gustav Jung

à Kesswil, canton de Thurgovie en Suisse, médecin psychiatre suisse, mort, à 85 ans le 6 juin 1961 à Küsnacht, canton de Zurich, en Suisse alémanique.Fondateur de la psychologie analytique et penseur influent, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la Psychologie analytique, l'inconscient collectif, les archétypes, ombre, anima/animus, persona; individuation. Ses Œuvres principales sont L'Homme et ses symboles, Le Livre rouge. Il est influencé par Sigmund Freud. Il a influencé Marie-Louise von Franz, Wolfgang Ernst Pauli, Franz Riklin, Erich Neumann, James Hillman, Clarissa Pinkola Estés
ses principaux détracteurs et Critiques sont Richard Noll et Sigmund Freud lui-mêm.
Son œuvre est liée à la psychanalyse de Sigmund Freud dont il a été l’un des premiers défenseurs et dont il se sépara par la suite en raison de divergences théoriques et personnelles.Dans ses ouvrages, il mêle réflexions métapsychologiques et pratiques à propos de la cure analytique. Jung a consacré sa vie à la pratique clinique ainsi qu'à l'élaboration de théories psychologiques, mais a aussi exploré d'autres domaines des humanités : depuis l'étude comparative des religions, la philosophie et la sociologie jusqu'à la critique de l'art et de la littérature.
Carl Gustav Jung a été un pionnier de la psychologie des profondeurs : il a souligné le lien existant entre la structure de la psyché, c'est-à-dire l'âme, dans le vocabulaire jungien et ses productions et manifestations culturelles. Il a introduit dans sa méthode des notions de sciences humaines puisées dans des champs de connaissance aussi divers que l'anthropologie, l'alchimie, l'étude des rêves, la mythologie et la religion, ce qui lui a permis d'appréhender la réalité de l'âme. Si Jung n'a pas été le premier à étudier les rêves, ses contributions dans ce domaine ont été déterminantes. On lui doit également, entre autres, les concepts d' inconscient collectif, d archétypes, d'individuation, de types psychologiques, de "complexe", d'imagination active et de synchronicité.
En dépit de la polémique concernant ses relations avec le régime nazi, il a marqué les sciences humaines du XXe siècle.

En bref

Jung n'est pas seulement un psychiatre rival de Freud ou son continuateur. Il est avant tout le témoin d'une réalisation intérieure dont sa méthode psychologique et son œuvre sont les fruits. Cette aventure fait rentrer dans le domaine scientifique l'antique quête du Graal et l'audacieuse descente aux enfers de Faust. Jung a rencontré sur son chemin d'adolescent la figure fascinante qui avait conduit à la folie Frédéric Nietzsche, comme lui bâlois d'adoption : celle de Zarathoustra, le messager du surhumain. À son tour il s'est vu contraint par le destin d'affronter ce qui est, en définitive, l'unique problème de l'âme moderne : l'homme peut-il être surmonté et par quelle voie ? Plus heureux que son devancier, il lui a été donné de conjurer les périls de cette entreprise herculéenne et de la rendre à nouveau possible. Au terme de sa carrière, il présente en modèle, non le héros, qu'il ait nom Siegfried, Faust ou le Surhomme, mais un paisible couple de vieillards, Philémon et Baucis, hôtes humbles et bienheureux des dieux, promis par eux à l'immortalité.
Le psychiatre suisse Carl Gustav Jung 1875-1961. Un temps séduit par les conceptions freudiennes, il les rejeta finalement au profit d'une psychologie des profondeurs qui niait toute détermination sexuelle des pulsions.
Carl Gustav Jung est né à Kesswill, sur la rive suisse du lac de Constance. Son père, pasteur, s'installa peu après à Schloss-Laufen, au bord de la chute du Rhin, puis à proximité de Bâle, ville où le jeune Carl Gustav fit ses études et acquit le titre de médecin. Jung vit se poser à lui, dès ses premières années, la double question qui domina sa vie : Qu'est le monde et qui suis-je ? et, malgré l'intense curiosité qui le portait vers la réalité extérieure, il devina d'emblée que la réponse se trouvait au-dedans de lui et non au-dehors. L'insuffisance du cadre religieux éclata aux yeux de ce fils d'un pasteur torturé par le doute. La notion chrétienne d'un Dieu tout amour ne résista pas à ses premières expériences intimes, qui lui révélèrent au fond de lui-même un mysterium tremendum, une source d'effroi sacré. Mais, avec le bon sens qui accompagna toujours chez lui l'audace et lui évita de connaître le sort d'un Nietzsche, il comprit que l'homme doit d'abord se forger une personnalité solide. Aussi, pendant une longue période, il tint vigoureusement à l'arrière-plan l'hôte dangereux qui le sollicitait pour se consacrer à l'étude de la science de son temps. La psychiatrie lui parut offrir un moyen d'aborder la totalité de l'homme. Ses études achevées, il entra au Burghölzli, hôpital psychiatrique du canton de Zurich où il fut l'élève d'Eugen Bleuler. Après avoir soutenu sa thèse sur la psychopathologie des phénomènes dits occultes 1902, il y prépara ses premières publications : études sur les associations 1903 et la démence précoce 1907. Jung s'efforça de dépasser une attitude purement descriptive de la maladie mentale et de la comprendre de l'intérieur.
Les travaux de Freud ayant attiré son attention, il lia avec l'auteur de L'Interprétation des rêves une amitié féconde qui dura sept ans. L'esprit de système de son aîné l'éloigna peu à peu de lui : Jung ne pouvait accepter une conception de l'énergie psychique libido limitée, pour les besoins d'une théorie, à l'impulsion sexuelle. La rupture entre les deux hommes devint inévitable après la parution de Métamorphoses et symboles de la libido 1912 où Jung examinait les matériaux fournis par une jeune Américaine et les rattachait aux grands mythes de l'humanité. Elle fut consommée l'année suivante. À la même époque, Jung, qui s'était installé à Küsnacht, près de Zurich, au bord du lac, où il exerça jusqu'à sa mort, abandonna son poste de Privatdozent à l'université de Zurich. Désormais seul et à la recherche d'une orientation, il sentit que, pour la trouver, il devait affronter en lui-même le monde obscur. Si mystérieuse que fût sa décision d'accepter la confrontation avec l'inconscient, la solennité avec laquelle il en parle, la situe et la date 12 décembre 1913 oblige à y voir un tournant de son destin.
C'est en fait la metanoia, la conversio, point de départ de toutes les aventures de l'âme, l'abandon des normes de la vie courante pour se tourner vers l'intérieur afin d'y enfanter un nouvel ordre. Cette périlleuse descente faustienne dans le monde des mères se termine, vers 1918, par l'atteinte d'un nouvel équilibre fait de communication entre la conscience et l'inconscient. Jung entre alors dans sa période de création définitive. Cette épreuve fut, dit-il, « la matière première de l'œuvre d'une vie.

Sa vie

La vie de Carl Gustav Jung n'est pas parfaitement connue. Carl Gustav Jung a toujours refusé de rédiger lui-même l'intégralité de ses mémoires. Sa biographie dite officielle a été écrite en grande partie par Aniéla Jaffé, qui a obtenu de Jung qu'il lui confie des éléments de sa vie à partir de 1957, alors qu'il était âgé de 83 ans. Il en a résulté l'ouvrage Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées, sous titré recueillis par Aniéla Jaffé et publié en allemand en 1961 sous le titre Erinnerungen, Träume, Gedanken, et dans lequel au moins quatre chapitres sont de la plume de Jung lui-même. Cette œuvre profondément personnelle a été dès lors acceptée comme son autobiographie officielle par ses proches collaborateurs. Elle est célèbre par les premiers mots avec lesquels Jung l'ouvre : Ma vie est l’histoire d'un inconscient qui a accompli sa réalisation. C'est aussi précisément en raison de son caractère personnel que Jung n'a pas voulu la faire figurer dans la liste de ses œuvres complètes.
Tous les biographes de Jung insistent sur la difficulté à relier entre eux les événements de sa vie, d'autant que nombre de ses écrits, notamment sa volumineuse correspondance, sont encore inexploités. De plus, les informations fournies sont souvent contradictoires, selon les sources, notamment en ce qui concerne les relations de Jung avec le régime nazi. Plusieurs de ses collaboratrices ont publié des biographies, comme Marie-Louise von Franz C. G. Jung son mythe en notre temps, 1972 et Barbara Hannah, Jung, sa vie et son œuvre, publié en français en 2005. D'autres auteurs, comme Charles Baudouin, dans L'Œuvre de Jung et Henri F. Ellenberger dans le chapitre consacré à Jung de son Histoire de la découverte de l'inconscient, ont commenté son œuvre tout en faisant le parallèle avec les événements de sa vie. Leurs ouvrages contiennent des détails qui complètent les propos recueillis dans Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Ils mettent en perspective certains passages en les clarifiant et en les contextualisant.
Le travail de Deirdre Bair, traduit en français en 2007 sous le titre Jung. Une biographie, donne de nombreux détails et précisions ne figurant pas dans les ouvrages précédents. Deirdre Bair, qui n'appartient pas à une société jungienne, a en effet obtenu un accès quasi total aux archives familiales et a bénéficié de nombreux entretiens avec des personnes ayant rencontré Jung.

Premières années

Carl ou Karl Gustav Jung naît en 1875, à Kesswil, en Suisse alémanique, au sein d'une famille d'ascendance allemande et de tradition cléricale du côté paternel, son père est en effet pasteur luthérien. De son côté maternel, Jung compte parmi ses ascendants des médecins éminents. Jung explique dans Ma Vie que cette double filiation prestigieuse éclaire son attrait à la fois pour la théologie et pour la médecine, et qu'elle a modelé sa pensée. Il y voit la raison de sa passion pour l'introspection et de l'existence de ses deux personnalités. Très tôt en effet, Jung sent en lui deux attitudes qui cohabitent, qu'il nomme personnalité no 1 et personnalité no 2. Sa mère, férue de spiritisme, est la première à parler de cet état dissocié de conscience. Plus tard, C. G. Jung, dans son autobiographie, décrit la personnalité no 1 comme consciente et conventionnelle, inoffensive et humaine, identifiée à son père, et la no 2 comme inconsciente, redoutable ... ne se manifestant que par moments mais toujours à l'improviste et faisant peur. Cette dualité entraîne des répercussions sur de nombreux aspects de la vie de Jung, expliquant son comportement dans ses relations avec les femmes ou avec ses collègues masculins par la suite ainsi que son intérêt pour le paranormal.
Dans Ma Vie, Jung parle de son mythe personnel. Il se plaît à rappeler qu'il remonte par parenté à Goethe ; son grand-père paternel et homonyme, Karl Gustav Jung, affirme en effet être le fils illégitime du poète allemand. Chirurgien d'avant-garde, franc-maçon, ce grand-père a été recteur de l'université de Bâle et titulaire d'une chaire d'anatomie. Il a aussi été le fondateur d'un établissement pour les enfants handicapés mentaux : la Fondation de l'espérance, Zur Hoffnung, en 1857. Très moderne, il a écrit un article préfigurant la psychothérapie, en y parlant de la dimension psychologique de la médecine. Le père de Carl Gustav, Paul Jung, se consacre lui au sacerdoce et devient pasteur de campagne et aumônier de l'hôpital psychiatrique de Friedmatt, à Bâle.
Sa mère Émilie, née Preiswerk, est originaire de Nürtingen et appartient à une fratrie de douze enfants. Elle descend de protestants français établis en Allemagne après la révocation de l'édit de Nantes. C'est une femme passionnée d'occultisme, ce qui explique l'intérêt de Carl Gustav pour ces phénomènes au cours de sa carrière. Deirdre Bair rapporte plusieurs épisodes étranges vécus par Jung auprès de sa mère, qui se passionne pour les tables tournantes et pour le dialogue avec l'au-delà. Jeune homme, Carl Gustav participe lui-même à des séances de spiritisme. Il fera du spiritisme le sujet de sa thèse de médecine et, devenu psychiatre, sera même l'initiateur de plusieurs séances.

Enfance et adolescence

Portrait de Goethe, dont Jung est un grand lecteur et dont une légende familiale dit qu'il serait l'arrière-petit-fils du côté paternel.
Enfant introverti et solitaire, Jung est très tôt témoin de scènes violentes ou macabres, en rapport avec le métier de pasteur exercé par son père. Il raconte par exemple avoir été fasciné par le sang s'écoulant de cadavres de noyés. Sa mère dépressive fait des séjours fréquents et prolongés en maison de repos, ce qui nourrit la culpabilité de l'enfant et ébranle sa confiance envers le sexe féminin. Souvent livré à lui-même, Carl Gustav est de fait éduqué par ses servantes. Il ne pouvait compter que sur son imagination pour se distraire et il avait fréquemment recours aux rêves et aux songes pour inventer des jeux et des rituels secrets auxquels lui seul pouvait participer explique Deirdre Bair. Le jeune Jung se passionne pour les romans de chevalerie, les traités de théologie et surtout les textes fondateurs de la religion catholique et de la littérature que contient la bibliothèque paternelle. À l'âge de quatre ans, il apprend le latin, dont il se plaît par la suite, durant sa scolarité, à parsemer ses devoirs.
Son attitude renfermée lui vaut d'être stigmatisé comme un monstre asocial selon le mot de son ami d'enfance Albert Oeri, mais elle lui permet de se concentrer sur sa vie intérieure. Ses rêves à cette époque ont souvent des contenus macabres ou sexuels. Le rêve dit du phallus notamment, première confrontation pour lui avec le complexe du Soi, est pour Jung un message destiné au monde … parvenu avec une force écrasante... Et de là émergea son œuvre scientifique.
Son enfance est marquée par une peur des églises et des curés en soutane, consécutive à une chute dans une église au cours de laquelle il s'était blessé au menton. Assimilant sa blessure à une punition pour sa curiosité, il amalgame ce souvenir négatif à une peur secrète du sang, des chutes et des Jésuites dit-il dans Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Bagarreur et agressif, il est constamment puni par ses professeurs, parfois injustement : il garde le souvenir traumatisant d'avoir été accusé à tort d'avoir copié une composition d'allemand. Ses camarades de classe le surnomment, en raison de sa vaste culture personnelle, le patriarche Abraham.
Son père est ensuite affecté comme aumônier à la clinique psychiatrique universitaire de Bâle, car à cette époque, en Suisse, les pasteurs sont tenus d'avoir une activité complémentaire. Carl Gustav découvre alors secrètement les lectures de son père sur les maladies mentales. Il est sujet, à cette époque, à de nombreuses syncopes inexpliquées qui perturbent sa vie quotidienne, au point que son père l'envoie chez son frère, Ernst Jung. Carl Gustav Jung raconte que, ayant entendu ses parents parler de son cas et de son incurabilité, le jeune homme réussit, par la seule force de sa volonté, à surmonter une autre crise. Cet épisode l'initie à la notion de névrose. Dès lors, il intensifie ses lectures, et montre un profond intérêt pour les essais de philosophes comme Hartmann, Nietzsche (notamment Ainsi parlait Zarathoustra, mais aussi pour le sociologue Bachofen, ainsi que pour Goethe qu'il admire. Il lit également Schopenhauer et Kant, Hölderlin et les légendes du Graal qu'il connaît par cœur. Tous les mythes – de tous les pays et de toutes les cultures – devinrent ses thèmes de prédilection explique Deirdre Bair.
De cette époque, il garde une certaine déception concernant la manière avec laquelle son père aborde le sujet de la foi. Un rêve déterminant témoigne alors de sa relation au religieux : il voit Dieu déféquer sur une église. Cette image le marque à vie et explique, selon lui, sa recherche d'une spiritualité fondée avant tout sur l'homme dans son entier. Pourtant, pour son entourage, il va de soi que Carl Gustav Jung serait un jour ministre du culte. Mais, en raison des problèmes financiers de ses parents, il décide, par opportunisme » dit-il, de s'orienter vers la médecine, décision renforcée par la mort de son père, décédé brutalement d'un cancer le 28 janvier 1896 et qui l'intronise de fait responsable de la famille.

Études et rencontres formatrices

Jung s'inscrit en 1895 à la faculté de médecine de l'université de Bâle où il étudie durant les deux premières années l'anatomie et la physiologie, deux matières qui ont pour lui un attrait particulier. Mais l'anthropologie et surtout l'archéologie l'intéressent encore davantage. Stimulé par le milieu universitaire, l'étudiant introverti s'épanouit progressivement. Mais sa famille, faute de moyens, le presse d'abandonner la médecine et de se tourner vers un métier plus rapidement rémunérateur. Jung, pour ne pas renoncer à son ambition, contracte alors un accord avec son oncle Ernst Jung, par lequel celui-ci lui prête de l'argent à intervalles réguliers jusqu'à l'obtention du titre universitaire de privat-Dozent.
Durant ses années d'études, Jung donne cinq conférences auprès de la Zofingiaverein, une fraternité d'étudiants fondée en 1820. Jung en est membre et secrétaire à la section de Bâle. Ses conférences dévoilent sa parfaite assimilation de la pensée kantienne et particulièrement des textes Les rêves d'un visionnaire qui propose une critique des thèses de Emmanuel Swedenborg, Critique de la raison pure et Critique de la raison pratique, lesquels ont profondément influencé son système de pensée, selon Luigi Aurigemma. Jung suit les cours de Ludwig Wille 1834–1912 puis il obtient son diplôme le 28 septembre 1900.
Vers la fin de ses études, devant choisir une spécialité, ses lectures de Krafft-Ebing et de son livre fondateur de la sexologie, Psychopathia Sexualis 1886, le convainquent d'opter pour la médecine psychiatrique. Néanmoins ce sont peut-être deux phénomènes occultes d'alors qui orientent son choix, la psychiatrie ne s'intéressant alors pas du tout aux phénomènes dits occultes. La thèse de doctorat choisie par Jung porte en effet sur le cas d'une jeune médium, Hélène Preiswerk 1880–1911. Cet intérêt pour ce domaine méprisé est conforté par des lectures d'ouvrages spirites tels que ceux de Johann Zöllner, de Crookes ou de Swedenborg.
Jung exerce parallèlement comme généraliste un temps dans le village de Männedorf, près du lac de Zurich, ne pouvant être psychiatre qu'une fois sa thèse validée. Il fait ainsi sa première conférence, en novembre 1896, à la société de Zofingue sur, Les frontières des sciences exactes. Cependant, son attrait pour la théologie est toujours vivace ; il donne une autre conférence sur le théologien Albrecht Ritschl qui dénie la dimension mystique dans la religion. La lecture de la Vie de Jésus de Renan amorce son intérêt pour le personnage historique de Jésus. À côté de ses activités scientifiques, il participe toujours à des séances de spiritisme organisées par la société de Zofingue et qui constituent la matière première pour sa thèse, consacrée aux phénomènes dits occultes. En juin 1895, il étudie le phénomène des tables tournantes au sein même de sa famille, observant le cas de sa cousine Helly, reconnue comme médium et rassemblant des matériaux qu'il utilisera durant toute sa carrière.

Le Burghölzli Débuts

La clinique psychiatrique universitaire de Zurich, dit le Burghölzli, vers 1890.
Désireux de continuer sa thèse tout en pratiquant la psychiatrie, Jung s'inscrit à l'université de Zurich en 1900. Il est engagé par Eugen Bleuler comme second assistant psychiatre à la clinique psychiatrique universitaire surnommée le Burghölzli, considérée à l'époque comme un établissement d'avant-garde. Des difficultés financières l'incitent à s'absorber dans son travail, à tel point qu'il ne quitte pas l'institut pendant les six premiers mois. Devenant rapidement un objet de méfiance de la part de ses collègues, Jung se retranche dans les lectures : il entreprend de lire la totalité des cinquante volumes de la prestigieuse revue Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, fondée en 1836, afin de parfaire ses connaissances. Eugen Bleuler se montre intéressé par les recherches de Jung sur le cas de sa cousine Helly mais ne donne à son élève aucune orientation dans son travail. Jung accorde dans sa thèse une large part aux étrangetés psychiatriques observées chez les médiums et à l'étude des phénomènes de conscience modifiée comme la cryptomnésie dont Nietzsche a fait l'expérience. Pour le besoin de ses recherches, il entretient des liens épistolaires avec la sœur du philosophe, Elisabeth Förster-Nietzsche. Parallèlement, il effectue son service militaire et en sort en 1901 avec le grade de lieutenant de l'armée suisse.
Sa thèse achevée, Jung collabore, de 1901 à 1904, avec son cousin Franz Riklin, à la mise au point de la méthode dite des associations de mots ou associations verbales. Avec Franz Riklin, Jung observe que les patients confrontés à des mots liés à un vécu personnel douloureux ont des temps de réaction variables. Les deux chercheurs proposent le terme de complexe gefühlsbetonte Komplexe pour désigner ces fragments psychiques à forte charge affective, séparés du conscient et constitués d'un élément central et d'un grand nombre d'associations secondaires constellées. Pour améliorer les résultats de la méthode des associations verbales, Jung met au point un modèle de galvanomètrenommé plus tard le psycho-galvanomètre permettant l'enregistrement de la réponse électrodermique du sujet aux mots inducteurs selon les effets galvaniques », en même temps que d'autres phénomènes végétatifs comme le rythme respiratoire, le pouls et la transpiration. Leurs travaux sont publiés sous le titre de Diagnostische Assoziationsstudien, préfacé par Eugen Bleuler.
Le 14 février 1903, il épouse Emma Rauschenbach, avec qui il aura cinq enfants. Emma est issue d'une famille aisée de fabricants de montres du canton de Schaffhouse, ce qui met dès lors Jung à l'abri des soucis financiers. Leur relation conjugale est cependant troublée par les infidélités de Jung dont la plus connue est sa liaison avec une de ses anciennes patientes, elle-même devenue analyste par la suite, Toni Wolff, et avec laquelle il entretient durant des années une relation intellectuelle fertile.
À la même époque, Jung se penche sur le phénomène du somnambulisme médiumnique, après avoir lu l'ouvrage du Genevois Théodore Flournoy consacré à ce sujet, Des Indes à la planète Mars. En 1902, le jeune psychiatre prend un congé sabbatique pour approfondir ses connaissances dans ce domaine. Il passe l'hiver 1902–1903, d'abord à Paris où il assiste aux cours de Pierre Janet au Collège de France, participe aux activités de son laboratoire à la Salpêtrière, et prend part aux travaux du laboratoire d'Alfred Binet à la Sorbonne puis à Londres. À son retour en 1904, Jung est nommé professeur adjoint à l'université de Zurich et le jeune couple emménage non loin du Burghölzli. Carl Gustav travaillant toujours davantage, les Jung n'ont pas de vie sociale. La même année naît leur première fille, Agathe Regina. À partir de ce moment, Emma Jung se consacre au foyer, délaissant ses propres travaux de recherche sur la symbolique de la légende du Graal.

Confirmation

Au Bürghölzi, Jung continue ses recherches sur les complexes, s'efforçant de trouver dans l'esprit de chacun l'intrus responsable du blocage de la libido, une problématique souvent attribuée à Freud seul, et dont l'influence devient dès lors déterminante. Jung a en effet lu L'Interprétation des rêves paru en 1900 et sa thèse recèle des références au fondateur de la psychanalyse qui, à son tour, considère les recherches de Jung et de Riklin comme étant des constatations a posteriori des siennes. La théorie de la névrose et du refoulement lui fournit les outils conceptuels pour continuer ses recherches, même s'il ne partage pas l'opinion de Freud sur l'origine traumatique des refoulements névrotiques. La psychanalyse l'attire toujours davantage, et peu à peu, les deux hommes s'écrivent. Jung se confie à Freud dès le début. Dans une lettre du 23 octobre 1906, la deuxième de leur correspondance, Jung expose le cas d'une de ses patientes en analyse, Sabina Spielrein, hospitalisée pour des crises d'hystérie, sans toutefois mentionner son nom, ni, surtout, lui révéler qu'elle est devenue sa maîtresse. Alors que leur liaison est à son apogée, vers 1908–1909, une lettre anonyme informe les parents de Sabina de la situation : ils exigent dès lors que Jung y mette fin. Le 7 mars 1909, pris de panique, il avoue à Freud avoir une liaison avec une patiente qu'il a autrefois sauvée d'une très difficile névrose et qui maintenant menace de déclencher un scandale. Freud minimise la gravité de l'affaire. Jung ayant compris que c'est sa femme et non Sabina Spielrein qui a ébruité le secret, il écrit le 21 juin à son mentor Freud : Ma façon d'agir était une muflerie dictée par la peur, et je ne vous l'avoue guère volontiers, à vous que je considère comme mon père.
Lorsqu'en 1905, Jung accède à la Chaire de psychiatrie de l'université de Zurich, il a déjà avec Franz Riklin publié deux volumes sur les associations verbales. Mais la même année Franz Riklin quitte Zurich et Jung fait alors appel à d'autres médecins pour continuer ses recherches : Karl Abraham, Alphonse Maeder, Hans Maier et Emma Fürst. Ses premiers cours portent sur la signification psychopathologique des expériences d'associations. Dès lors, Jung commence à acquérir une solide réputation, recevant la visite de plusieurs collègues étrangers. Le succès de son psycho-galvanomètre le conduit à accepter également le poste d'expert-psychiatre auprès des tribunaux du canton de Zurich : l'examen des témoignages en justice selon ses méthodes permet en effet la résolution d'affaires difficiles, notamment pour détecter une voleuse parmi trois infirmières. Hugo Münsterberg, professeur de psychologie à Harvard utilise lui aussi ses expériences d'associations de mots en milieu judiciaire en s'en attribuant la primauté. Lorsque Jung apprend ce détournement, il exige et obtient de Munsterberg des excuses publique
Le galvanomètre mis au point et utilisé par Jung au Burghölzli pour enregistrer la réponse électrodermale aux mots de l'inducteur. Les plans sont de la main de Jung.
Dans les années 1900, l'enseignement universitaire de Jung devient très populaire en raison de sa diversité et de ses qualités didactiques. Jung aborde en effet des thèmes aussi divers que l'hypnose ou le processus de création chez les écrivains tels Conrad Ferdinand Meyer, autre personnalité de Zurich ou chez les musiciens avec Robert Schumann. Ses cours sont fréquentés par des femmes de la bourgeoisie surtout zurichoise, que ses détracteurs surnomment les Zürichberg Pelzmäntel, les manteaux de fourrure des beaux quartiers de Zurich, qui lui font une renommée locale de magicien en même temps que Sabina Spielrein rend publique leur liaison adultérine.
En 1906, malgré la réticence de Bleuler, Jung est nommé Oberarzt, médecin adjoint, et doit alors assumer des tâches administratives. Ses détracteurs fustigent son manque de considération pour ses patients qui ne sont pour lui que des matériaux de travail. La brouille avec Bleuler s'exacerbe en 1906, lorsque Jung décide d'entrer en contact avec Freud, alors persona non grata dans le monde universitaire et clinique, même si les deux hommes ne se rencontrent qu'en 1907. Son implication active dans la psychanalyse naissante débute alors. Lucide, Jung est conscient des risques qu'il prend : Quand j'ai commencé avec Freud, je savais que je risquais ma carrière »D 8 explique-t-il. En 1906, il publie, en se référant abondamment à Freud, ses Études diagnostiques sur les associations, qui font la synthèse de ses recherches depuis son entrée au Burghölzli. Il donne en même temps des cours sur l'hystérie, l'hypnose et la démence précoce. Concernant l'hypnose, à l'instar de Freud, et bien que Jung lui doive ses premiers succès, avec le cas d'une femme venue le consulter et présentant une paralysie hystérique d'une jambe il considère qu'elle appartient au phénomène du transfert et en abandonne donc la pratique.
La correspondance entre Freud et Jung est alors intense et dure jusqu'en 1914, date de leur rupture officielle. Jung a toujours manifesté une grande émotion en évoquant Freud, en dépit de leurs différences d'âge, Freud a alors cinquante ans, Jung trente-et-un an. Peu après, Bleuler rejoint le mouvement psychanalytique, faisant de Zurich, après Vienne, le second pôle acquis aux théories de Freud. Pourtant, dès ses débuts, la divergence qui conduit les deux hommes à la rupture existe déjà de manière latente. Dans un article défendant Freud contre son détracteur Gustav Aschaffenburg, Jung se montre en effet peu enclin à admettre le fondement sexuel de l'hystérie et il écrit plus tard à Freud qu'un grand nombre de cas ont une origine sexuelle, mais pas la totalité. Le rythme de la correspondance entre les deux hommes témoigne également de leur différence : Freud répond le jour même aux questions de Jung alors que celui-ci attend plusieurs jours voire des semaines avant d'envoyer sa réponse, étant toujours accaparé par des tâches administratives ou des travaux de recherche.

Relation avec Sigmund Freud Rencontre et amitié

En septembre 1909, lors de la série de conférence faite à la Clark University, à Worcester, Massachusetts. De gauche à droite en bas Sigmund Freud, G. Stanley Hall, C. G. Jung ; derrière : Abraham A. Brill, Ernest Jones, Sandor Ferenczi.
En 1906, Jung publie sa Psychologie de la démence précocen un ouvrage dans lequel il soutient, à l'encontre de l'opinion de Bleuler, l'hypothèse de l'origine neurotoxique de la démence précoce. Il fait parvenir un exemplaire de son livre à Freud qui l'accueille favorablement. Les propos de Jung en faveur de la psychanalyse provoquent l'enthousiasme de Freud qui cherche alors à établir une relation plus soutenue. Il s'ensuit une amitié intense mais conflictuelle, selon le mot de Freud, car ce dernier remarque vite chez son correspondant des propos équivoques et une absence d'adhésion totale à ses vues. Freud néanmoins évite de relever les points de désaccord, conscient de l'intérêt stratégique de l'école de Zurich pour le développement de la psychanalyse naissante en Europe. Dans une lettre datée du 29 décembre 1906, Jung analyse la nature de leurs divergences, énumérant cinq points polémiques. Linda Donn, dans Freud et Jung. De l'amitié à la rupture, voit dans cette lettre le point de départ de la querelle entre les deux hommes.
C'est également à cette époque que les relations entre Jung et Eugène Bleuler se détériorent définitivement. Emma Jung suggère alors à son mari de quitter le Burghölzli pour ouvrir un cabinet et acquérir sa propre clientèle. Pour éviter de rendre publics leurs différends, Jung et Bleuler se mettent d'accord pour ne pas précipiter le départ du jeune psychiatre. Cette ambiance conflictuelle ne l'empêche pas de continuer ses recherches sur les associations, qu'il expérimente aussi sur lui-même, avec l'assistance du médecin Ludwig Binswanger. En 1907, Jung décide de s'éloigner de Bleuler, en allant rendre visite à Freud à Vienne. Il réalise alors son intronisation à la psychanalyse ; ce faisant, il est comme le trait d'union entre ses deux maîtres, Bleuler et Freud. Les deux hommes se rencontrent le dimanche 3 mars 1907, chez Freud, en famille. La relation avec l'homme de Vienne se consolide durant l'année 1907 et cette rencontre avec le père de la psychanalyse, de 19 ans son aîné est pour Jung déterminante. Les deux hommes échangent près de 360 lettres en l'espace de huit ans. Intégrant les postulats de la psychanalyse, Jung n'en demeure pas moins sceptique sur divers points. Il écrit par exemple : Un coup d'œil superficiel sur mon travail suffit pour voir ce que je dois aux géniales conceptions de Freud. Je puis assurer qu'au départ, j'ai passé en revue toutes les objections qui ont été lancées par les spécialistes contre Freud. Mais je me suis dit qu'on ne pouvait réfuter Freud qu'à condition d'avoir soi-même utilisé souvent la méthode psychanalytique et d'avoir vraiment fait des recherches de la même manière que Freud, c'est-à-dire en considérant la vie quotidienne, l'hystérie et le rêve de son point de vue, sur une longue période et avec patience. Si on ne peut pas le faire, on n'a pas le droit de porter un jugement sur Freud à moins de vouloir agir comme ces fameux hommes de science qui refusaient de regarder à travers la lunette de Galilée. D'emblée, Freud le désigne comme son fils et héritier scientifique, comme son dauphin selon l'expression d'un de ses biographes, Ernest Jones, qui a suivi la relation des deux hommes. En 1910, Freud écrit en parlant de Jung : Je suis plus que jamais convaincu qu'il est l'homme de demain alors qu'Ernest Jones dit de lui qu'il avait cru trouver en Jung son successeur direct, le seul apte à soustraire la psychanalyse au danger de devenir une affaire nationale juive, en effet la quasi-totalité des membres de l'entourage de Freud étaient juifs comme lui. S'ensuivent treize heures de discussions intenses qui se terminent sur une polémique. Jung veut en effet connaître l'opinion de Freud sur les phénomènes parapsychologiques. Freud dénigre cet intérêt pour un sujet qu'il considère comme appartenant au folklore. Cependant, alors qu'ils argumentent, un bruit de craquement se fait entendre à deux reprises dans la bibliothèque. Jung y voit une manifestation parapsychologique, ce qui terrifie Freud et lui inspire dès lors une certaine méfiance envers Jung. Plus tard, celui-ci y voit une manifestation de la synchronicité. Jung a l'intuition dès ce moment qu'il doit exister un complexe tout à fait particulier, universel et en rapport avec les tendances prospectives des hommes. Selon Linda Donn Jung avait franchi un pas hors de l'orbite de Freud et avait perçu quelque chose de ses propres possibilités créatrices. L'entrevue se termine sur une supplique solennelle de l'homme de Vienne, racontée par Jung lui-même : J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant : 'Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable.' Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un père disant : 'Promets-moi une chose, mon fils : va tous les dimanches à l'église !' Quelque peu étonné, je lui demandai : 'Un bastion - contre quoi ?' Il me répondit : 'Contre le flot de vase noir de ...' Ici il hésita un moment pour ajouter : '... de l'occultisme !' Ce qui m'alarma d'abord, c'était le 'bastion' et le 'dogme' ; un dogme c'est-à-dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que là où l'on veut une fois pour toutes écraser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relève uniquement d'une volonté personnelle de puissance. Ce choc frappa au coeur notre amitié. Pour Jung, ce comportement démontre la névrose de Freud, son ambition de se comporter en patriarche de la psychanalyse, et prouve son matérialisme scientifique qui est à la source de leur rupture à venir, en 1914. Cependant, en dehors de ces divergences, la communion est totale à l'issue de cette première rencontre et il s'établit dès ce moment un pacte d'amitié entre les deux hommes. Selon Linda Donn, Freud et Jung essaieraient ensemble de dévoiler les mystères de la psyché et défieraient l'ordre psychiatrique établi.

Psychanalyse et reconnaissance

Peu après cette visite, Jung devient membre de la Société psychanalytique de Vienne qui vient d'être fondée en 1908 et qui réunit tous les partisans de Freud. Il révèle également un de ses rêves à Freud que ce dernier interprète comme antisémite et qui constitue pour nombre de ses détracteurs un des premiers éléments à l'origine de sa dissidence d'avec Freud. La même année, Jung décide de créer son propre cabinet d'analyse. Il fait construire à cet effet une solide bâtisse, à Küsnacht, en bordure du lac. Il en dessine lui-même les plans et confie la réalisation à son cousin architecte, Ernst Fiecher. Il souhaite avant tout une maison inspirant la sécurité pour favoriser le développement de sa vie intérieure et fait graver au-dessus de l'entrée un adage d'Érasme symbolisant sa pensée : Vocatus atque non vocatus, Deus aderit, qui signifie : Qu'on l'invoque ou non, Dieu sera présent.
Au printemps 1908, Jung organise à Salzbourg le premier congrès international de psychanalyse. C'est au cours de ce congrès qu'est créée une revue spécialisée, destinée à faire le lien entre Vienne et Zurich, la Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen, Annales de recherches psychanalytiques et psychopathologiques, abrégée en Jahrbuch, éditée chez Deuticke, à Vienne et à Leipzig. Bleuler, Freud et Jung en sont les directeurs. Jung participe ensuite à la création d'une société suisse de recherches freudiennes, réunissant psychiatres et médecins. Sa proximité avec Freud s'accroît encore lorsqu'il donne une conférence au vif succès intitulée L'importance de la théorie de Freud en neurologie et en psychiatrie. En 1909, le premier numéro de la revue est édité ; Jung en est alors le rédacteur en chef. Sa notoriété internationale permet à cette revue naissante de toucher rapidement nombre de scientifiques, en particulier aux États-Unis, grâce à ses recherches sur les associations surtout. Alors que Freud souhaite que Jung mette toute son énergie et son temps dans la promotion de la psychanalyse, le psychiatre suisse nourrit d'autres préoccupations, notamment pour les phénomènes occultes. Il est ainsi élu membre honoraire de la Société américaine de recherches psychiques pour ses mérites comme occultiste .
Jung travaille alors au cas d'Emil Schwyzer, dit l'homme au soleil phallique, interné au Burghölzli, où Jung continue ses travaux de recherche. Il souhaite faire de Schwyzer le cas exemplaire d'une nouvelle théorie de la démence précoce. Un autre cas pathologique, celui d'Otto Gross, fils d'Hans Gross, un célèbre magistrat autrichien lui permet d'appliquer sa théorie des types psychologiques qu'il présente la première fois dans un article de la Jahrbuch intitulé De l'influence du père sur la destinée de ses enfants. Cet article mentionne aussi la possibilité d'un inconscient collectif, une théorie en germe dès 1908 et s'appuyant sur le cas Schwyzer, voir infra. Jung a psychanalysé Otto Gross en deux semaines ce qui fait dire à Freud qu'il est étonné du rythme juvénile de son collègue zurichois et d'ajouter qu'avec lui, à Vienne, le traitement aurait été plus long. Gross s'est ensuite enfui du Burghölzli, ce qui fait de ce traitement un échec dont Jung s'explique longuement dans une lettre à Freud datée du 26 juin 1908.
Parallèlement, sa relation avec Sabina Spielrein tourne en un cercle vicieux dont Jung peine à sortir. Spielrein correspond également avec Freud, lui donnant sa version de sa relation. Jung se défend alors en disant que Spielrein a transféré sur lui la figure du sauveur et de l'amant. Néanmoins il n'accepte pas de parler de relation adultérine lorsque Freud lui demande de s'expliquer. Voici ce qu'il écrit à Freud en guise de justification : S. Spielrein est précisément la personne dont je vous ai parlé … Elle a été pour moi mon cas psychanalytique d'apprentissage, et c'est pourquoi je lui ai gardé une reconnaissance et une affection particulières.
À son cabinet privé, Jung se fait connaître en soignant l'Américain fortuné Joseph Medill McCormick, fils du magnat de la presse de Chicago. Dès lors, son cabinet ne cesse d'accueillir des Américains impressionnés par ses théories et sa cure. Il se rend donc aux États-Unis, accompagnant Freud, Sándor Ferenczi, présenté à Freud par Jung et Ernest Jones, pour une série de conférences à l'université Clark à Worcester, Massachusetts, invité par son président G. Stanley Hall. Les deux hommes se voient honorés du titre de LL. D. docteur des deux droits. C'est durant cette période que Freud désigne explicitement Jung comme son successeur et prince héritier. Freud se méfie des États-Unis, incapables pour lui d'accueillir la psychanalyse. La notoriété de Jung dans ce pays accroît encore sa méfiance. Pour Jung, la méfiance de Freud s'explique par des motifs personnels : Au cours de toutes ces années où nous fûmes si proches, il n'y eut que des projections » explique-t-il dans Ma Vie. Réfractaire donc, Freud ne se sent pas à l'aise et, lors de leur retour, sur le port, le médecin viennois défèque dans son pantalon. Secouru par Jung, celui-ci lui dit vouloir l'analyser. Freud refuse, arguant ne pas vouloir risquer son autorité. Cet épisode accroît davantage la mésentente entre les deux hommes. Reclus dans sa chambre d'hôtel, Freud ne voit rien des États-Unis alors que Jung, enjoué, rencontre Stanley Hall, William Stern, Albert Michelson, Franz Boas l'anthropologue, Adolf Meyer, Ernst Neumann, John Dewey et Wilhelm Wundt ; il développe donc ses relations outre-Atlantique. Avec William James, qu'il rencontre lors d'une conférence à l'université Clark, Jung s'entretient à propos des phénomènes parapsychologiques et de leur volonté commune d'œuvrer dans leur étude, en vain puisque James meurt en 1910.

L'inconscient collectif et la contribution de Honneger :

Inconscient collectif et Joahann Jakob Honneger.

Sous l'autorité de Jung depuis son entrée au Burghölzli en 1909, un jeune psychiatre en formation, Johann Jakob Honneger 1885–1911, se passionne pour la psychanalyse. Jung lui donne alors à étudier le cas d'Emil Schwyzer, pensionnaire de la clinique zurichoise depuis 1901. Un délire de ce patient intéresse particulièrement Jung : Schwyzer y voit le soleil comme un astre sexué, possédant un phallus dont le mouvement érotique produit le vent. Très vite, Honneger et Jung y reconnaissent l'expression de mythes inconnus du patient, comme celui lié à la liturgie de Mithra.
Un rêve de Jung l'oriente alors vers le concept d'archétype, qu'il développe formellement à partir de 1911, dans l'ouvrage fondateur de la psychologie analytique, Métamorphoses et symboles de la libido qui traite des images mythologiques dans les rêves et les hallucinations. Jung demande à Honneger de recueillir le maximum de renseignements cliniques de ce patient, dont l'observation est ensuite utilisée par le jeune assistant pour rédiger sa thèse de psychiatrie. Entrevoyant l'importance de ses découvertes, Jung impose à Honneger un rythme de travail extrême, à tel point que l'étudiant sera plus tard considéré par certains critiques de Jung comme le véritable découvreur du concept d'inconscient collectif : l'appropriation des travaux d'Honneger par Jung est par exemple un thème central dans la rhétorique de Richard Noll, son principal détracteur. Cependant, la théorie culturelle de Jung a précédé les conclusions d'Honneger puisqu'elle est déjà formulée dans une lettre adressée à Freud, dans laquelle Jung résume sa position en ces termes : Nous ne résoudrons pas le fond de la névrose et de la psychose sans la mythologie et l'histoire des civilisations
En 1910, dans une conférence intitulée « La formation du délire paranoïaque » donnée à Nuremberg, Honneger expose ses propres conclusions relatives au cas de Schwyzer. Mais souffrant de dépression, il se suicide l'année suivante, en mars 1911 et Jung récupère les notes de son élève pour terminer son travail. Ces documents ayant par la suite disparu, Jung a été accusé d'avoir repris à son propre compte le travail de Honneger. C'est cependant lui qui avait orienté son jeune assistant vers des ouvrages lui permettant de comprendre le cas Schwyzer. Pour Deirdre Bair, il n'existe aucun document permettant d'élucider cette question, et l'on en est réduit aux conjectures. Il reste certain que Jung s'est penché sur le cas d'Emil Schwyzer dès 1901.

Rupture avec Freud Mésententes et divergences

En 1911, Jung commence sa relation adultérine avec Toni Wolff, qui le fascine notamment parce qu'elle est férue de mythologie. Jung entretient alors une relation triangulaire avec elle et sa femme. Pour Deirdre Bair, Toni Wolff devint la première d'une longue série de femmes qui gravitèrent autour de Jung parce qu'il leur permettait de mettre leurs intérêts et leurs capacités intellectuelles au service de la psychologie analytique. Cette année-là, la psychanalyse a acquis une renommée mondiale, grâce notamment au Congrès de Weimar. Parallèlement Jung consacre de moins en moins de temps à éditer les Jahrbuch ; selon le biographe de Freud, Ernest Jones, la dégradation de leur relation commence réellement en 1911, au congrès de Weimar et à la fondation de la Société Internationale de Psychanalyse, mais elle ne porte pas sur le concept de libido ou sur l'utilisation des mythes comme souvent on a pu le penser. Selon Jones, le problème vient plutôt de ce que Jung était si absorbé dans ses recherches, que celles-ci nuisaient gravement à ses obligations de président de l'Association psychanalytique internationale. La critique de Freud porte sur le fait que Jung s'appuie sur trop de sources extérieures, du domaine religieux ou mythologique. Jung réplique en expliquant qu'il trouve trop inquiétant de laisser de côté de larges domaines du savoir humain. La méthode dite circulaire de Jung, qui revient sans cesse sur ses écrits antérieurs, dérange également Freud. Jung est par ailleurs de plus en plus accaparé par des tâches administratives, trouvant peu de temps pour continuer ses recherches, notamment sur l'origine de la religion. Président de la Société Internationale de Psychanalyse, rédacteur en chef des Jahrbuch, il ne peut assurer une correspondance avec Freud qui le soupçonne de vouloir créer son propre mouvement psychanalytique et d'échapper à son autorité. Le psychanalyste anglais Ernest Jones, fervent défenseur de Freud, est le premier à entrevoir la future rupture entre les deux hommes, dont les causes mêlent mésententes personnelles, divergences théoriques et conflit de caractères.
L'étude des imaginations créatrices subconscientes de Miss Miller dont le nom exact est Frank Miller lui procure les matériaux nécessaires pour développer sa théorie de l'inconscient collectif dans Métamorphoses de l'âme et ses symboles. Freud parle alors d'hérésie, ce qui précipite leur rupture. Néanmoins celle-ci fut largement consommée par ce qui a été appelé le geste de Kreuzlingen : un malentendu sur l'envoi d'une lettre entre les deux hommes, et qui disparaît, renvoyant chacun sur sa position. Deirdre Bair note que Dans les courriers échangés entre le 8 juin et la fin du mois de novembre 1912, on ne trouve plus qu'amertume, récriminations et désir de vengeance. De plus, le débat autour du concept de libido, en 1912, met le feu aux poudres, à propos du cas célèbre de Daniel Paul Schreber, auteur des Mémoires d'un névropathe. Freud y voit l'illustration de son concept exclusivement sexuel de libido, or, pour Jung : la suppression de la fonction de réalité dans la demencia praecox ne se laisse pas réduire au refoulement de la libido définie comme faim sexuelle, du moins, moi, je n'y arrive pas avoue-t-il. Freud voit donc en Jung un dissident, comme le fut Alfred Adler au début du mouvement psychanalytique ; néanmoins, contrairement à ce dernier, il considère que c'est le désir d'éliminer ce qu'il y a de choquant dans les complexes familiaux, afin de ne pas retrouver ces éléments choquants dans la religion et la morale, qui a dicté à Jung toutes les modifications qu'il a fait subir à la psychanalyse.

Vers la rupture officielle

Une série de conférences aux États-Unis, en 1912, à la Fordham University, intitulée La Théorie psychanalytique, et le livre qu'en tire Jung, Métamorphose et symboles de la libido, envenime sérieusement la situation. Jung profite de l'occasion pour expliquer en quoi ses idées diffèrent de celles de Freud. Il se grandit en prétendant avoir analysé aux États-Unis des patients noirs et même avoir rendu visite au président Theodore Roosevelt. À cela s'ajoute une fausse lettre écrite par Ernest Jones, prétendument envoyée par Jung à son père au Pays de Galles, qui discrédite l'autorité de Freud. Cela motive son bannissement officiel dès le mois d'août 1912. Dès lors, le mouvement psychanalytique se divise en deux obédiences : les partisans de Freud d'un côté, avec Karl Abraham, qui écrit une sévère critique de Jung et Ernest Jones en défenseurs de l'orthodoxie freudienne et ceux de Jung de l'autre dont Leonhard Seif, Franz Riklin, Johan Van Ophuijsen, Alphonse Maeder, entre autres.
En 1913, comme pour officialiser cette rupture, Jung présente succinctement au XVIIe Congrès international de médecine organisé à Londres, en août, sa nouvelle approche qu'il nomme la psychologie analytique, la distinguant de la psychanalyse de Freud et de la psychologie des profondeurs d'Eugène Bleuler. Jung y suggère de libérer la théorie psychanalytique de son point de vue exclusivement sexuel en se focalisant sur un nouveau point de vue énergétique se fondant sur celui développé par Henri Bergson. Jung y fait ensuite une intervention intitulée Contribution au problème des types psychologiques. Cette nouvelle typologie de la personnalité est une autre façon de se démarquer de Freud. Néanmoins, Jung est réélu pour un second mandat en tant que président de l'Association psychanalytique internationale. Cette conférence porte un coup fatal à la collaboration de Jung avec Freud, qui y voit un geste de trahison. Ainsi, la lettre de Freud du 27 octobre 1913 entérine la rupture : Votre allégation, comme quoi, je traiterais mes partisans comme des patients est évidemment fausse … Par conséquent, je propose que nous abandonnions nos relations personnelles complètement.
Les deux hommes continuent néanmoins de correspondre toute l'année 1913, mais sous le style formel de ces échanges, l'amertume est manifeste. Jung préside toujours l'Association psychanalytique internationale, et coordonne les Jahrbuch. Dans ses écrits ultérieurs, Freud considère que Jung a voulu le supplanter comme créateur de la psychanalyse. Par la suite, Jung refuse de reconnaître l'importance de la psychanalyse de Freud dans sa propre conception.
Les deux hommes ne se remettent jamais de cette rupture qui clôt une amitié certaine. Elle marque surtout deux visions différentes mais complémentaires, dans une certaine mesure, de la psyché. La cause du conflit entre Freud et Jung conditionne bien plus que l'histoire des relations entre la psychanalyse et la psychologie analytique : elle exerce une profonde influence également sur les raisons du rejet médiatique et institutionnel des théories de Jung.

Confrontation à l'inconscient

Saint Michel combattant le dragon. Jean Fouquet, livre d'heures d'Étienne Chevalier.
Notre âme, comme notre corps, est composée d'éléments qui tous ont déjà existé dans la lignée des ancêtres. Le nouveau dans l'âme individuelle est une recombinaison, variée à l'infini, de composantes extrêmement anciennes
L'année 1913 marque pour Jung un retour sur lui-même : la rupture avec Freud le confronte personnellement à une désorientation totale, à l'impression de faire un terrible saut dans l'inconnu. À cette époque, Jung dit faire face à l'inconscient, et c'est à ce moment qu'il prend conscience de son Soi/la totalité de lui-même, au travers de son travail, confrontation qui ne s'achève qu'en 1919. Pour la biographe Deirdre Bair, Tout se passa à travers des visions et des rêves qu'il était incapable de comprendre. L'interprétation de certains rêves lui donne l'idée, pour ne pas perdre sa raison, de revivre ses expériences de petit garçon afin d'en retrouver les émotions. Jung dit en effet n'avoir aucune capacité, lors de cette période, de se comporter en adulte et de mener des activités de recherche. Il démissionne alors de son poste à l'université de Zurich et se tourne vers sa famille pour savoir s'il est encore normal et pour reprendre pied dans la réalité. Il commence alors à écrire ses rêves et à construire des petits villages avec des éléments naturels afin de donner forme à ses visions, activités ponctuées par la visite de patients qu'il a le plus grand mal à écouter. J'étais sur la voie qui me menait vers mon mythe, explique-t-il plus tard. En secret, il rédige spontanément en trois nuits, dans un événement extatique, Les Sept sermons aux morts, son écrit le plus mystique dans lequel il se perçoit sous les traits du gnostique Basilide, créateur de l'abraxas. Néanmoins, la dimension hermétique de ce livre et ses conditions de rédaction, poussent Jung à ne pas en parler, craignant d'être accusé de se considérer comme un visionnaire.
Ses expériences de régression sont compilées dans Le Livre noir, intitulé peu après Le Livre rouge, qu'il garde à sa discrétion seule et qui n'est publié qu'en 2009. Sa façon de diriger la cure analytique s'en ressent ; il cherche alors chez ses patients les éléments de leurs « mythes personnels et donne là les premiers signes d'une future théorie cohérente et distincte de celle de Freud et qu'il appelle à cette époque alternativement psychologie analytique ou psychologie prospective . Durant cette période de retour sur lui, Jung continue néanmoins de travailler à la rédaction de Types psychologiques (que de nombreux spécialistes considèrent comme sa plus importante contribution au mouvement psychanalytique. Puis il démissionne de son poste aux Jahrbuch, s'accordant ainsi du temps supplémentaire à sa recherche intérieure. Celle-ci passe par une méthode inventée par Jung, qui consiste à se laisser aller aux fantasmes et visions diurnes, ce qu'il nomme l'imagination active et qu'il désigne d'abord comme fonction transcendante. Ces dernières sont également consignées dans Le Livre rouge, qui marque aussi le début de son intérêt pour le gnosticisme. Il y narre notamment la confrontation avec trois personnages imaginaires représentant des complexes inconscients projetés : Salomé, une femme, et Elie puis Philémon. Des recherches avec Toni Wolff naissent les concepts d'anima, d'animus et de persona également.
En 1914, Jung donne une série de conférences au Bedford College de Londres, puis participe à un congrès médical à Aberdeen, en Écosse. Il doit ensuite rentrer rapidement en Suisse, à la suite de la déclaration de guerre. Il occupe alors un poste de capitaine dans l'armée, puis, de 1917 à 1918, il est commandant du camp de prisonniers de guerre anglais internés à Château-d'Œx. Il exerce ensuite à Mürren.

Fondation et développements de la psychologie analytique.

Peu à peu, Jung constitue autour de lui et de sa femme Emma Jung un cercle de partisans, des couples la plupart du temps : les Maeder, les Riklin, les Sigg-Böddinghaus, Maria Moltzer et Oskar Pfister ainsi que des médecins du Burghölzli. Eugène Bleuler, réticent à l'égard de Freud, rejoint Jung et organise alors des réunions de psychologie. Jung reçoit à cette époque plusieurs fois, chez lui, le physicien Albert Einstein alors à Zurich. Parallèlement, sa clientèle augmente considérablement et il en tire de formidables revenus. Nombre de ses clients fortunés sont alors américains. Il est ainsi l'analyste de David et Edith Eder qui deviennent ses premiers traducteurs en anglais et il fait la connaissance d'Edith Rockefeller qui le consulte pour une dépression nerveuse. Ses patients comptent nombre de célébrités de l'époque également : la directrice de l'école de danse Suzanne Perrottet, le maître de ballet de l'opéra de Berlin Max Pfister. À cette époque, Zurich devient le berceau de la psychologie analytique. Jung et ses partisans fondent donc le Club psychologique de Zurich qui réunit des personnes différentes, devenant, sous le succès des ralliements, l'Association de psychologie analytique et dont Jung est le premier président en 1916. Cette association a pour but avoué de promouvoir les théories de Jung et rassemble la plupart des analystes zurichois qui ont rompu avec Freud, parmi lesquels : Franz Riklin, Alphonse Maeder, Adolf Keller, Emma Jung, Toni Wolff, Hans Trüb, médecin et psychanalyste du Burghölzli qui devient le psychanalyste d'Emma Jung et Herbert Oczeret. Jung réunit également chez lui des sommités du monde intellectuel comme le chimiste Eduard Fierz, ainsi que le mystique juif Siegmund Hurwitz.
Le Club de psychologie analytique organise dès 1916 des conférences ; la première est intitulée L'individu et la société et a pour but de présenter et de vulgariser les thèses de Jung. La question des types psychologiques entraîne cependant des dissidences au sein du club. Jung travaille alors lui-même avec l'analyste bâlois Hans Schmid qui l'aide à définir les fonctions psychiques mais leur collaboration cesse en 1915, après une brouille théorique relative à l'individuation et surtout aux types supplémentaires ajoutés par Jung du conscient et de l'inconscient. Ce dernier reprend ensuite sa correspondance avec Sabina Spielrein devenue psychanalyste et restée fidèle à Freud, s'axant principalement sur le thème des types psychologiques. Il publie par la suite son ouvrage de synthèse en la matière, Types psychologiques, en 1921 dans lequel il y définit plusieurs concepts capitaux de sa théorie : les types introvertis et extravertis d'une part, les quatre fonctions psychiques de l'autre, le modèle aboutissant donc à huit types psychologiques possibles. Freud lit alors l'ouvrage et le déclare comme étant le travail d'un snob et d'un mystique. Pour Jung, cette approche pose les fondements de son cadre théorique, le poussant vers la philosophie, la théologie, l'art, la chiromancie, l'astrologie. Par ailleurs, il offre, selon lui un système de comparaison et d'orientation rendant possible … une psychologie critique. À ce moment-là de sa vie, il est considéré comme le seul théoricien analytique capable de rivaliser avec Freud.
Jung a comme patient entre 1921 et 1922, l'écrivain Hermann Hesse qui vient le consulter pour dépression nerveuse. En effet, la mort de son père et la maladie de sa femme et de son fils le poussent à décompenser. Il consulte d'abord chez J. B. Lang, élève de Jung, en 1916, puis est pris en charge par le psychiatre suisse. Ils se brouillent en 1934 quant à la notion de sublimation, Hesse étant du même avis que Freud. Un autre écrivain s'adresse également à Jung à cette époque : l'Irlandais James Joyce, mais le psychiatre ne peut le recevoir et l'envoie donc vers un confrère. Dépité, Joyce retourne en Irlande sans avoir rencontré Jung, trop occupé. L'auteur se moque de la psychanalyse de Jung, en mémoire de cet événement, dans son roman Finnegans Wake.
Autour de Jung, trois femmes dont deux Américaines, Kristine Mann et Eleanor Bertine et une Anglaise, Mary Esther Harding, qui fonde en 1922 le Club Psychanalytique de Londres deviennent les principales militantes de son œuvre aux États-Unis et en Angleterre. Par ailleurs, le docteur Helton Godwin Baynes traduit les œuvres de Jung en langue anglaise. Au Club de Zurich, certaines dissensions aboutissent à des départs. Oskar Pfister notamment dénonce le culte de la personnalité autour de Jung. Face à ces critiques, Jung, Emma et Toni Wolff quittent un temps le Club pour n'y revenir qu'en 1924. Cette année, Jung, que l'on surnomme alors « le sage de Zurich, fait la connaissance de l'excentrique Comte Hermann von Keyserling, fondateur de la Maison de la sagesse, Schule der Weisheit à Darmstadt, où il est souvent invité.

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#52 Carl Jung 2
Loriane Posté le : 25/07/2015 21:54
Voyages, maturité et renommée internationale

À la découverte des peuples indiens et africains

Certes, l'alchimie a aussi ce côté, et c'est dans cet aspect qu'elle constitua les débuts tâtonnants de la chimie exacte. Mais l'alchimie a aussi un côté vie de l'esprit qu'il faut se garder de sous-estimer, un côté psychologique dont on est loin d'avoir tiré tout ce que l'on peut tirer
En 1925, Jung et quelques amis proches se rendent de nouveau aux États-Unis, pour un séjour de découverte du pays. Ils visitent ainsi Chicago, Santa Fe et Taos, le Grand Canyon, le nord-ouest de l'Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas, puis la Nouvelle-Orléans et Washington DC. Il en profite également pour rassembler des matériaux de recherche sur la pensée indienne d'Amérique. À ce titre, il rencontre, par l'intermédiaire de Jaime de Angulo, un psychologue et linguiste travaillant sur les cultures indigènes, l'Indien Antonio Mirabal, surnommé Lac des Montagnes, chef de la tribu Hopi. Jung a avec ce dernier de nombreuses discussions concernant le système religieux des Hopis, fondé sur la prédominance du soleil.
À la fin de l'année 1925, en juillet, Jung, aidé de deux amis, George Beckwith et Harold McCormick monte une expédition financée en partie par le magnat des machines agricoles McCormick, baptisée expédition psychologique de Bugishu, en Afrique. L'objectif pour Jung est de lui fournir un point de repère hors de sa propre civilisation. Il déclare ainsi vouloir recueillir les témoignages de deux tribus vivant sur le mont Elgon : les Karamojongs et les Sabéens. Grâce à son interprète, un indigène qui parle swahili, du nom d'Ephraïm, Jung peut approcher au plus près des tribus et de leurs modes de vie. L'expédition part de Nairobi et se rend jusqu'en Ouganda puis Jung décide de remonter jusqu'en Égypte en suivant les sources du Nil, passage dangereux et alors peu pratiqué. Ils manquent de mourir lors de cette traversée du Soudan mais parviennent finalement à récupérer un bateau les conduisant au Caire. Cette ville le séduit beaucoup, bien qu'il admette plus tard qu'il ne [put] jamais être en contact réel avec l'islam. L'année 1925 marque un besoin de voyager, nécessité qui s'atténue dans le reste de la vie de Jung, qui se consacre désormais pleinement à découvrir ce qui se passe quand on éteint la conscience. En effet, Jung a amassé une somme suffisante de matériaux ethnologiques permettant d'étudier les manifestations de l'inconscient collectif.
À partir de 1926 et de son retour d'Afrique, les interventions publiques de Jung prennent une forme davantage structurée, par la mise en place d'une série de conférences hebdomadaires, sur quatorze années, ayant lieu le mercredi matin, en anglais. La première se déroule du 26 mars au 6 juillet 1925 et est intitulée Psychologie analytique. Jung y donne une histoire de sa pensée, revenant aussi sur ce qu'il nomme les années Freud. L'Association de Psychologie Analytique obtient d'Edith Rockefeller McCormick, riche adhérente, une somptueuse demeure qui abrite aujourd'hui l'Institut C. G. Jung de Zürich. Dès lors, Jung s'entoure d'hommes et de femmes qui le suivent jusqu'à la fin de sa vie. Aniéla Jaffé est d'abord secrétaire de l'Institut à partir de 1947 avant de devenir sa secrétaire personnelle à partir de 1955 et jusque dans ses dernières années. Barbara Hannah, Américaine, est sa continuatrice aux États-Unis alors que James Kirsch, Carl Alfred Meier, seul analyste qualifié par Jung de « disciple et de dauphin, et Jolande Jacobi, qui, subjuguée par Jung, passe son doctorat de psychologie dans le seul espoir de l'aider dans son travail le représentent en Europe.
Le physicien, Wolfgang Ernst Pauli vient trouver Jung en 1931, pour des rêves étranges et pour son alcoolisme. Cependant, découvrant la richesse de ses matériaux archétypiques, Jung décide d'orienter Wolfgang Pauli vers une autre analyste, Erna Rosenbaum, afin de ne pas interférer avec sa vision brute de ces éléments. Jung sélectionne par la suite quarante-cinq rêves, qui prennent place dans son essai Les Symboles oniriques du processus d'individuation. S'ensuivent également une amitié indéfectible et une extraordinaire conjonction intellectuelle, non seulement entre un physicien et un psychologue, mais entre la physique et la psychologie. En 1932, Jung reçoit de la ville de Zurich un prix de littérature qui le consacre par la même occasion personnalité suisse incontournable.
Enfin, la véritable rencontre de cette époque est pour Jung celle de Marie-Louise von Franz, en juillet 1933, alors que la jeune fille n'a que dix-huit ans. Très douée dans des matières comme les mathématiques, la médecine et les lettres classiques, Von Franz est déterminée à devenir l'associée principale de Jung. Celui-ci l'oriente donc vers une discipline où il manque et de temps et de compétence pour avancer dans ses recherches : la traduction et la philologie. Jung a en effet besoin de quelqu'un pour traduire des textes alchimiques anciens écrits en latin, en grec, ou en ancien français, domaines dans lesquels la jeune Von Franz excelle. Sa découverte de l'alchimie date alors d'une dizaine d'année, depuis sa rencontre avec le sinologue et ami Richard Wilhelm, traducteur en allemand du Yi King chinois, chez le comte Hermann von Keyserling, avec lequel il entretient une profonde amitié jusqu'à la mort de Wilhelm en 1930.

Approfondissements

Revenant souvent sur ses premiers écrits scientifiques, Jung entreprend dès 1930 de se consacrer à l'étude des archétypes et de l'inconscient collectif. Il met au point également une méthode d'analyse propre, consistant à reporter les patients en cure sur des confrères et consœurs proches, tout en suivant l'évolution de l'analyse régulièrement. Cette méthode aboutit plus tard à la notion d'analyse didactique, qui se montre dès le début couronnée de succès. Jung développe aussi la pratique de la double thérapie : les patients sont en analyse avec Jung mais aussi avec l'un de ses associés, du sexe opposé au leur, en raison des biais provoqués par l'anima chez l'homme ou par l'animus chez la femme. Ses cures analytiques sont des réussites, l'une de ses proches, Aniéla Jaffé, expliquant que Jung a le don de mettre le doigt sur la vérité de chaque analysant. Ces analyses sont fondées sur une relation directe avec le patient, sur l'explication psychologique de leurs troubles sans euphémisme, sur la dépression créatrice et l'examen approfondi de leur émotion enfin.
De 1930 à 1934, Jung analyse notamment Christiana Morgan qui met en dessin ses rêves. Le psychiatre suisse utilise ainsi ses esquisses pour illustrer sa théorie des images archétypiques. Mais le contexte politique en Europe évolue, montée des fascismes et Jung décide de consacrer désormais ses conférences sur le Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche grâce auxquelles il publie l'étude La Structure de l'inconscient. De plus en plus, Jung s'intéresse au parapsychologique, et moins aux cas de ses patients ; selon l'analyste américain Joseph Henderson, en 1934, les séminaires de Jung ne contenaient plus de matériaux liés à des cas individuels »I 27. Dès lors, Jung voit dans l'alchimie un terreau pertinent permettant de comparer les archétypes, et illustrant le concept d'individuation. Cette passion entraîne le départ de Toni Wolff qui ne voit dans l'alchimie que de la superstition, alors que Marie-Louise Von Franz reste à ses côtés.
De 1933 à 1937, Jung est à la tête de la Société de psychanalyse allemande. Son premier éditorial déclare : the society expects all members who work as writers or speakers to work through Adolf Hitler's Mein Kampf with all scientific efforts and accept it as a basis, dans le respect des directives imposées par le régime nazi,K 1. Jung reçoit de célèbres patients, parmi lesquels : Hugh Walpole, Herbert George Wells, Arnold Toynbee et Scott Fitzgerald. En 1932, le journal Neue Zürcher Zeitung demande à Jung un article sur Pablo Picasso à l'occasion d'une exposition à la Kunsthaus. Jung accepte mais rédige un article dénué de compréhension pour l'art moderne, ce qui lui vaut de nombreuses critiques. La même année, l'analyse qu'il fait d'Ulysse de James Joyce est également un fiasco. Jung découvre réellement Joyce alors que celui-ci revient le consulter, cette fois pour sa fille Lucia, atteinte de graves troubles de la personnalité. Cependant leur relation est assez houleuse, Jung suspectant Lucia d'être la femme inspiratrice de Joyce, qui n'apprécie pas la remarque. En dépit de cet épisode, la renommée de Jung s'étend, et, en Suisse, il est bientôt vu comme le psychologue le plus doué de sa génération. Ainsi, en 1935, le Club psychologique devient une association professionnelle, la Schweizerische Gesellschaft für praktische Psychologie, groupant médecins et psychologues autour de Jung.

Nouveaux voyages et orientalisme

En 1933, Jung est de nouveau en voyage. Il visite la Palestine, qui lui fait une très forte impression, avec un ami, le chimiste Hans Eduard Fierz-David, précieux atout pour le psychiatre car il travaille à l'époque sur une histoire de la chimie, allant de l'alchimie à la science moderne. La même année, il assiste pour la première fois aux journées d'Eranos, organisées par Olga Fröbe-Kapteynn, près d'Ascona, en Suisse italienne. Olga Fröbe-Kapteynn veut faire de ces journées un lieu de rencontres entre les spiritualités et les pensées de l'Est et celles de l'Ouest. Ces rencontres sont en effet destinées à être un lieu d'échanges entre psychologues, médecins, mythologues, théologiens et scientifiques de tous bords. Si l'idée vient de la riche héritière de la Compagnie des freins Westinghouse, en 1930, lors de leur rencontre chez le comte Hermann von Keyserling, Jung en fait très vite un haut lieu de la psychologie analytique.
En 1935, le corps médical britannique invite Jung pour une série de conférences organisées à l'Institut de psychologie médicale de la clinique Tavistock de Londres. Jung y présente sa théorie, et la notion d'inconscient collectif. Samuel Beckett et son analyste, Wilfred Bion sont dans l'assemblée. Jung évoque également l'importance de la religiosité du patient dans le cadre de la cure, avançant même que le système de la confession est une psychanalyse avant l'heure. Il conclut quant au danger de la « bête blonde, l'Allemagne nazie, qui témoigne, selon lui, du risque qui se présente lorsque l'image archétypique que l'époque ou le moment produit prend alors vie et s'empare de tout le monde, sorte de psychose collective qu'il avait annoncée dans ses écrits dès 1918, et qu'il développe l'année suivante, dans son essai Wotan, dans lequel il annonce le réveil de l'inconscient allemand.
En 1936, Jung est invité pour une autre intervention lors de la Conférence sur les Arts et les Sciences, à Harvard, où il reçoit également la distinction de docteur honoris causa. Néanmoins, sa présence est perçue de manière mitigée ; en effet, un précédent article de Jung intitulé Différences indéniables dans la psychologie des nations et des races » est accusé de sympathies nazies. Un autre article, à son retour des États-Unis, lors d'un entretien pour le quotidien anglais The Observer, sur La psychologie de la dictature, met le feu aux poudres. Jung y dit en effet voir dans le président Franklin Roosevelt un dirigeant semblable aux dictateurs Hitler et Mussolini. Une autre phrase envenime la situation : Jung assimile Hitler à un médium et affirme que la politique allemande ne se fait pas, elle se révèle à travers Hitler. Il est le porte-parole des dieux comme jadis. Cet épisode aggrave l'image publique de Jung, considéré comme pro-nazi, opinion encore renforcée par une rumeur qui veut que Jung se soit rendu en Allemagne en 1936, invité par Joseph Goebbels, chef de la propagande nazie, qui aurait voulu son opinion sur l'état mental des dignitaires du parti national-socialiste. C'est avant tout un proche de Jung, Wylie, qui narre cet événement, dont aucun document n'atteste cependant la véracité. Lors d'une série de conférences à New Haven près de Yale, en octobre 1936, à l'Église unifiée de Bridegport, intitulée La religion vue à la lumière de la science et de la philosophie, Jung évoque pour la première fois ses recherches sur l'alchimie. Il gagne à sa cause deux nouvelles personnalités : l'analyste James Whitney junior et l'écrivain Robert Grinnell.
À son retour, en 1937, Jung part de nouveau pour un séjour en Inde, avec Fowler McCormick. Ils visitent Calcutta, Delhi, Bénarès, où Jung reçoit un titre honorifique, Madras, Ceylan entre autres villes. Ce voyage est pour lui un moment décisif de sa vie … ce dont j'ai fait l'expérience là-bas a mis fin au problème chrétien tel que je me le posais. En effet, en découvrant la spiritualité indienne il découvre également un système donnant autant de place au Bien qu'au Mal, deux concepts très liés, sans connotation morale en Inde. Jung rencontre, par ailleurs, des auteurs de traités sur le yoga et sur le culte de Kâlî à Calcutta, qu'il synthétise dans son ouvrage Psychologie et orientalisme. Jung est ensuite touché par une violente dysenterie amibienne qui le cloue au lit. Il est alors assailli par des rêves pénétrants qui tous renvoient à l'image du Saint Graal. L'un de ces rêves le marque profondément comme étant l'un des plus impressionnants qu'il ait jamais faits. Ces visions le mettent sur le chemin du développement du concept d'individuation. Jung fait en effet connaissance avec l'image du Soi à travers la notion de ātman; il comprend dès lors le sens de ce rêve qui lui imprime l'ordre, selon lui, d'aller au-delà du monde chrétien.

La controverse lors de la Seconde Guerre mondiale

L'Association générale médicale de psychothérapie


Depuis les années 1926 et 1927, Jung est affilié à un groupe d'analystes berlinois, dirigé par Robert Sommer et Wladimir Eliasberg, nommée Association générale médicale de psychothérapie, Allgemeine Ärztliche Gesellschaft für Psychotherapie, et qui a pour but de fédérer les perspectives freudiennes, jungienne et adlérienne. Il est nommé en 1930 vice-président. Parmi les membres, siège Matthias Heinrich Göring, cousin du leader nazi Hermann Göring, futur Reichsmarschall du parti fasciste allemand. La particularité de Jung est que, contrairement à Freud, la psychologie analytique est bien perçue par les nazis. Cette société est ensuite, en 1933, présidée par Jung et récupérée par le mouvement völkisch, prônant la supériorité de la culture germanique, notamment par le moyen de la Deutsche Glaubensbewegung, le Mouvement de la foi allemande fondée par Jakob Wilhelm Hauer qui fréquente très tôt les conférences et le cercle jungien des années 1930. Il utilise notamment le concept d'inconscient collectif dans un sens plus politique que scientifique, principalement pour suggérer l'existence d'un inconscient racial justifiant le lebensraum des nazis. Matthias Göring tente alors d'utiliser la renommée de Jung, mais, selon la biographe Deirdre Bair, Il n'existe cependant aucun document prouvant son éventuelle adhésion à ce mouvement, dont il a rencontré le chef de file chez le comte Hermann von Keyserling. D'ailleurs, en 1934, Jakob Wilhelm Hauer est exclu des rencontres d'Eranos et Jung cesse toute relation avec lui.
Pourtant, la polémique sur sa collaboration avec le régime nazi est lancée45. C'est sur un essai de 1918, De l'inconscient, Über das Unbewusste que s'appuient les premières critiques. Jung y soutient une différence d'inconscient entre les Aryens et les Juifs notamment qui procure de fait un fondement scientifique à l'idéologie allemande. Néanmoins ses propos sont décontextualisés. Pour Jung en effet, les Juifs n'ont pas à voir avec la question de l'identité nationale, n'ayant pas de patrie ; de plus ils sont civilisés à un plus haut degré, mais ils ont un rapport moins aisé à ce quelque chose en l'homme qui touche à la terre, qui puise en elle des forces nouvelles, à ce côté terrien que l'homme germanique recèle en lui-même dans une dangereuse concentration. En 1933, le président de l'époque de la Société médicale allemande générale de psychothérapie, Ernst Kretschmer, doit démissionner parce qu'il est juif et qu'il refuse d'aider les nazis à subvertir la psychothérapie. Il devient rédacteur en chef de l'organe de cette association, la Zentralblatt für Psychotherapie und ihre Grenzgebiete édité par Hirzel à Leipzig. En 1933 et 1934, vingt-quatre des trente-six membres juifs de la Société se sont déjà exilés. Peu à peu, en Allemagne, la psychanalyse freudienne, stigmatisée comme une science juive , disparaît.
Le 21 juin 1933, Jung devient le nouveau président de la Société médicale générale de psychothérapie, six mois après l'arrivée d'Hitler au pouvoir. À ce moment, et en dépit de l'accord unilatéral de Jung, le psychiatre suisse est considéré en Allemagne nazie comme le chercheur germanique le plus important de la psychologie des profondeurs dans le monde aryen anglo-saxon. Ainsi dans une lettre du 1er décembre 1934 jointe au Zentralblatt für Psychotherapie und ihre Grenzgebiete, Jung invite les médecins à adhérer à titre personnel à la Société générale de psychothérapie. La même année, la polémique sur Jung sympathisant nazi commence à la suite des propos de Jung tenus dans un éditorial : les différences qui existent, et d’ailleurs sont reconnues depuis fort longtemps par des gens clairvoyants entre la psychologie germanique et la psychologie juive ne doivent plus être effacées, la science ne peut y gagner. Cela entraîne une réponse par le psychanalyste allemand réfugié en Suisse Gustav Bally dans la Neue Zürcher Zeitung qui l'accuse de collusion avec le régime allemand et lui demande de préciser sa position vis-à-vis de ce qu'il nomme la psychologie et psychothérapie de souche allemande. Jung répond que l'alignement est obligatoire, compte tenu du régime politique allemand. Dans l'éditorial de 1935, puis dans l'avant-propos de l'éditeur, Jung explique que la psychologie médicale allemande doit demeurer exempte de tout dogmatisme. Selon Olivier Douville qui s'appuie sur la biographie de Deirdre Bair, en cette même année : Jung va encore plus loin et troque sa perception différencialiste contre une perception inégalitariste et clairement antisémite, affirmant la supériorité de l’inconscient aryen sur l’inconscient juif, dans un article paru dans le Zentralbaltt, sur la situation actuelle de la psychothérapie. Par ailleurs, à la décharge de Jung, Walter Cimbal, psychothérapeute proche du pouvoir allemand, voit d'immenses difficultés dans le ralliement de Jung au nazisme. Pendant cette période les conférences et articles de Jung sont cependant vite récupérés par le pouvoir nazi, l'opposant toujours à la science juive de Freud. En réalité, beaucoup de propos de Jung sont ambivalents, c'est-à-dire qu'il tente de satisfaire le régime tout en ne se désignant pas comme un naziI. Il se voit donc contraint, lors de plusieurs allocutions et surtout au cours de son « Intervention devant le Groupe suisse de la Société médicale générale et internationale de psychothérapie » de 193651, de préciser sa position. Il y explique que la psychothérapie ne peut être inféodée à une politique nationaliste.

L'Institut Göring

Pour quiconque a lu n'importe lequel de mes livres, il doit être évident que je n'ai jamais été sympathisant nazi, ni antisémite et aucune liste de citations fausses, de traductions erronées ou de déformations de ce que j'ai écrit ne saurait altérer le récit de mon point de vue authentique
En 1936, en effet, et une fois le pouvoir nazi en place, la Société médicale générale de psychothérapie devient l'Institut Göring, fer de lance de la Neue Deutsch Seelenheilkunde, la nouvelle science psychothérapeutique officielle du régime. Dès lors, Jung refuse d'y adhérer mais Göring tente de le convaincre et y parvient, faisant croire au reste de la communauté qu'il approuve son rôle. En 1936, Jung donne donc sa démission mais, peu après, une manœuvre de Göring le fait revenir à la tête de la Société. Afin de se justifier, Jung décide de publier ce qui demeure son essai le plus controversé : Wotan. Le dieu païen de la mythologie allemande Wotan représente selon lui Adolf Hitler, guide nationaliste qui déverse son agressivité sur le monde. Selon Élisabeth Roudinesco, Jung, proche du nazisme durant cette période, a cherché ensuite à le taire.
D'après Deirdre Bair, à cette époque, Jung aurait acheminé de l'argent pour que Freud puisse se réfugier à Londres, via l'entremise de Franz Riklin. Jung apprenant que Freud est en sécurité lui aurait envoyé un télégramme de sympathie. En 1939, Jung est reconduit dans sa fonction à l'Institut Göring. En effet, bien que président de la Société médicale générale de psychothérapie, il est aussi passeur de juifs en exil vers la Suisse. Dès la nuit de Cristal, le 9 novembre 1938, Jung use de son influence sur les services suisses de l'immigration, subvenant aux besoins financiers, pour faire sortir d'Allemagne des intellectuels juifs. C'est ainsi qu'il permet l'exil du Français Roland Cahen qui le traduit par la suite en français et de son amie Jolande Jacobi.
Plus tard poussé à se justifier, Jung argue que l'acceptation du poste de vice-président de la Société médicale générale de psychothérapie est une tentative de sa part pour sauver la psychanalyse allemande, vouée à une totale disparition. Jung se défend ainsi dans son Journal : Je me suis trouvé confronté à un conflit moral. Devais-je, prudent et neutre, me retirer en sécurité de ce côté-ci de la frontière, vivre en toute innocence sans m'impliquer, ou devais-je - comme j'en étais bien conscient - risquer d'être attaqué, risquer l'inévitable incompréhension à laquelle n'échappe pas celui-qui, pour des raisons d'ordre supérieur, est entré en relation avec le pouvoir politique en Allemagne aujourd'hui ?
N'arrivant pas à proposer sa démission à cause des manœuvres administratives de Göring, Jung profite d'un entretien pour la revue américaine Heart's International Cosmopolitan de Yale pour élaborer un Diagnostic des dictateurs. Il y présente Hitler comme un psychopathe patent. Furieux, Göring finit donc par accepter la démission de Jung le 12 juillet 1940. Dès lors, il est inscrit sur la Schwarze Liste, la liste noire des auteurs dont les ouvrages étaient bannis d'Allemagne, puis sur la « liste Otto » pour la France occupée. Confiné dans son pays, la Suisse, Jung est mobilisé à la frontière avec l'Allemagne, par crainte d'une invasion nazie. Beaucoup de ses amis américains proposent de l'inviter aux États-Unis ou à Londres, mais Jung répond vouloir demeurer en Suisse : Nous sommes enracinés dans notre terre suisse », explique-t-il. Colonel dans l'armée suisse, après l'appel du général Guisan pour défendre la nation helvétique, Jung devient médecin militaire à la frontière avec l'Allemagne.

Jung agent secret et après-guerre

Durant la Seconde Guerre mondiale, Jung est recruté sous le nom d'agent 488 au service des services secrets alliés. Selon Deirdre Bair, il avait été approché dans ce but en novembre 1942 par un diplomate en poste au Foreign Office, Ashton-Gwatkin, qui avait été très impressionné par l'analyse de son essai Wotan sur la psychologie des nazis. Jung communique avec le Foreign Office via un ami, Helton Godwin Baynes surnommé l'apprenti de Jung, qui écrit un livre fondé sur l'essai du psychiatre suisse : Germany Possessed, publié en 1941. Baynes contribue par la suite à la diffusion de la psychologie analytique au Royaume-Uni. Cependant, le Foreign Office possède un dossier sur Jung, signalé comme scientifique nazi, et intitulé : Carl Jung, objet : activités subversives.
L'opinion de Jung sur les moyens à mettre en œuvre pour abattre Hitler est jugée digne d'intérêt par les Alliés car il préconise de diriger l'attention du dictateur vers l'URSS. Un autre agent, affilié aux Allemands complotant contre Hitler et dirigé par le général Walter Schellenberg, le psychiatre Wilhelm Bitter, est désigné pour entrer régulièrement en contact avec Jung, en Suisse, mais, à la découverte de la conjuration de Schellenberg, le réseau est démantelé. Des psychiatres jungiens américains comme Gerald Meyer et Mary Bancroft sont également employés par les services secrets pour établir le profil psychologique des dirigeants nazis. L'agent Dulles de l'Office of Strategic Services OSS rencontre Jung en 1943, célébrant le « mariage encore expérimental de l'espionnage et de la psychanalyse. Selon leur diagnostic, Hitler devrait finir par se suicider. Son activité aux côtés des Alliés, montre une autre facette de la personnalité de Jung, celle d'un antinazi, facette qui est mise en avant par Dulles lorsque, prenant sa défense, il explique : Le jugement qu'il portait sur eux les chefs nazis et sur leurs possibles réactions aux événements m'a réellement aidé à jauger la situation politique. Sa profonde antipathie pour ce que représentaient le nazisme et le fascisme est apparue clairement au cours de ces conversations. Toutefois, la nature ultra-confidentielle des activités de Jung comme agent secret n'a pas permis de verser ces éléments comme pièces à sa décharge dans le dossier de la polémique sur sa compromission avec le nazisme.
Par ailleurs, en 1945, le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées en Europe, étudie le point de vue de Jung sur la meilleure façon d'aider les civils allemands à accepter la défaite, afin de rétablir au plus vite l'économie de l'Allemagne, exsangue. En 1940, Mary Mellon fait paraître au Royaume-Uni les premières Annales des Journées d'Eranos, un recueil d'essais disparates intitulé The Integration of personnality. L'année suivante, Jung se rend aux journées d'Eranos qui commémorent les quatre cents ans de la mort de Paracelse, qu'il considère comme un psychiatre avant l'heure, car confronté aux contradictions nées des mentalités de l'époque. Entre 1941 et 1954, Jung approfondit ses travaux sur l'alchimie et rédige son ouvrage majeur, point culminant de sa pensée : Mysterium Conjunctionis, deux volumes.
En 1942, les psychanalystes jungiens suisses créent la Fondation Bollingen, du nom de la Tour de Bollingen, une résidence construite par Jung non loin de sa maison de Küsnacht et dans laquelle il travaille seul. En 1944, l'université de Bâle crée pour lui une chaire de médecine psychologique dans laquelle il n'enseigne que deux ans. La même année, en effet, Jung est victime d'une embolie pulmonaire qui l'affaiblit peu à peu. Plongé dans le coma, il fait l'expérience d'intenses événements mentaux fantasmatiques et oniriques. Une fois rétabli, il a la conviction qu'il lui faut désormais exploiter les notes collectées dans son Livre rouge, en relation avec ce qu'il appelle dès lors les visions de 1944. Ellenberger a qualifié cette expérience de maladie créatrice, la rapprochant de la neurasthénie et de l'hystérie.

Dernières années Justifications

Après la guerre, Jung reçoit son septième titre honorifique de l'Université de Genève, remis par le psychologue Jean Piaget. Il publie ensuite un nouvel essai, Après la catastrophe Nach der Katastrosphe, publié en 1945 dans la Neue Schweizer Rundschau, dans lequel il s'interroge sur le drame du génie allemand et dans le travail moral de reconstruction d'après-guerre qui reste à accomplir par le peuple allemand. Cette même année, les accusations contre Jung commencent avec, notamment, un article de S. Feldman dans l’American Journal of Psychiatry intitulé Dr. C. G. Jung and National Socialism, s'appuyant sur des citations hors contexte de Jung comme la phrase la plus polémique qui ait été retenue : l'inconscient aryen a un potentiel plus important que celui des juifs ou sur des références à la responsabilité de Jung dans la Seconde Guerre mondiale. En réponse, Jung et ses proches décident de publier un recueil des textes de la période incriminée pour replacer chaque citation dans son contexte. Un ouvrage rassemblant Wotan, La psychothérapie aujourd'hui et Après la catastrophe est constitué sous le nom d'Essais sur les événements contemporains, Aufsätze zur Zeitgeschichte, contre l'avis de Jolande Jacobi qui y voit un prétexte donné aux détracteurs, en plus d'être une tentative d'auto-justification vouée à la polémique à son tour.

Une page du Livre rouge de Jung

En 1946, Ernest Harms fait son apologie dans un essai intitulé C. G. Jung, le défenseur de Freud et des Juifs, contre les accusations d'Albert Parelhoff qui, dans son article Dr. Carl G. Jung, Nazi Collaborationiste, critique l'attitude de Jung pendant la guerre. Puis Philip Wylie publie An Essay on Morals, Un essai sur les mœurs où il défend Jung. Ce dernier déclare en effet avoir été entièrement compris par Wylie. Cependant, un autre scandale alimente la polémique. La Fondation Bollingen décerne en 1949 le prix Bollingen à Ezra Pound, écrivain fasciné par Mussolini, pour ses Cantos pisans. La visite de Winston Churchill en Suisse en 1946, qui rencontre Jung lors d'un banquet, n'atténue en rien la controverse. La même année, le psychiatre apprend par l'intermédiaire de Jolande Jacobi que le FBI l'espionne depuis 1940 et a constitué un dossier sur sa personne.

Derniers ouvrages

En 1947, Jung, après deux infarctus, décide de faire la synthèse de toutes ses recherches sur l'inconscient. Il a en effet déjà publié en 1946 Psychologie du transfert qui est à l'origine une partie distincte du Mysterium Conjunctionis. En 1947 est publié un ouvrage monumental, par la somme de matériel qu'il recueille : Psychologie et Alchimie. En 1951, l'essai Aïon, études sur la phénoménologie du Soi étudie le processus d'individuation et la figure christique.
En 1952, Jung s'intéresse à la religion, d'un point de vue psychologique. Il publie le célèbre et très controversé Réponse à Job, écrit à partir des éléments des journées d'Eranos intitulées Une approche psychologique du dogme de la Trinité. Il y explore le concept du Mal, considéré comme une simple privatio boni, une absence de Bien, une carence sans réalité intrinsèque. Dès lors, Jung diminue considérablement ses activités de thérapeute, se consacrant à ses recherches avec Marie-Louise von Franz sur les grands rêves et les archétypes.Il se lie d'amitié avec le père dominicain Victor White, spécialiste de Saint Thomas d'Aquin. White est attiré par la théorie jungienne et veut créer un pont entre foi chrétienne et psychologie. Néanmoins, les deux hommes se quittent sur la polémique née à la suite de la publication de Réponse à Job.
En 1948, l'Institut C. G. Jung, établi à Zurich, ouvre ses portes et accueille une trentaine d'élèves. Jung y joue un rôle actif jusqu'en 1950. Lors de son discours inaugural le 24 avril 1948, il prévoit de fructueux rapprochements entre la physique et la psychologie. Travaillant en effet à cette époque avec le physicien Wolfgang Pauli sur un recueil intitulé L'interprétation de la nature et de la psyché, Jung y examine les phénomènes extra-sensoriels, étudiés notamment aux États-Unis à la même époque par Joseph Banks Rhine. À l'Institut, c'est aussi le début de ce que certains comme Richard Noll ont appelé le culte de Jung, une fascination pour le créateur de la psychologie analytique. Hans Trüb, un de ses anciens amis, s'oppose à sa théorie du Soi. Critiquant Jung quant à l'identification qu'il faisait du Soi à Dieu, Trüb se rattache dès lors à la théorie mise au point par le Suisse Dumeng Bezzola, la psychosynthèse, et qu'il présente dans Du Soi au Monde, paru en 1947.
Jung donne sa dernière conférence aux journées d'Eranos en 1951, évoquant son nouveau concept, celui de synchronicité, esquissé dans son essai Aïon. Il souhaite dorénavant expérimenter la notion et réunit pour cela un groupe de proches en se fondant sur le tarot de Marseille et sur l'astrologie. Avec son ami le physicien Wolfgang Pauli, il donne deux conférences relatives au concept de synchronicité, intitulées L'influence des représentations archétypiques sur la formation des théories scientifiques de Kepler, prononcées en 1948. Jung travaille également avec Károly Kerényi, spécialiste hongrois de la mythologie, à propos de l'archétype du Fripon divin. De leur collaboration naît Introduction à l'essence de la mythologie en 1951.
La tour de Bollingen, sur la rive septentrionale du lac de Zurich, construite par Jung dès 1922, et qui constitue son refuge pour écrire.

Retour sur soi et décès

En 1953, Toni Wolff décède, ce qui cause un grand choc à Jung. Par ailleurs, sa femme, Emma Jung, atteinte d'un cancer meurt en novembre 1955. Jung se passionne dès lors pour le phénomène des soucoupes volantes et publie Un mythe moderne qui connaît un fort retentissement. En 1956, il publie le second tome de son œuvre majeure, l'ouvrage Mysterium Conjunctionis.
La psychologie analytique s'organise : le 17 août 1957 est fondée la Société suisse de psychologie analytique, à Zurich. Elle voit apparaître les continuateurs de Jung : l'économiste et sociologue suisse Eugen Böhler, auteur du Futur comme problème de l’homme moderne en 1966 applique la théorie jungienne à l'économie ; en Angleterre, Anthony Storr et Anthony Stevens diffusent ses thèses. En France, Henry Corbin, Gilles Quispel et Elie Humbert défendent son œuvre face à la prédominance du freudisme. Jung compte même des partisans en URSS, à travers la théorie de la socionique.
Vers 1956, des amis et proches de Jung le sollicitent pour qu'il écrive son autobiographie. Plusieurs tentatives ont lieu mais finalement cela aboutit au livre Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées rédigé par Aniella Jaffé, sa secrétaire d'alors, et publié en 1961. C'est surtout Kurt Wolff, l'un des fondateurs de la Fondation Bollingen et son responsable éditorialiste qui convainc Jung de réaliser une autobiographie en dépit de ses réticences. Jung opte dans un second temps pour une biographie sous forme d'entretiens spontanés intitulée Souvenirs improvisés. Les séances ont lieu chaque jour dans l'année 1957, mais le 10 janvier 1958, Aniéla Jaffé annonce à Kurt Wolff que Jung désire écrire lui-même sa biographie. Après avoir consulté ses proches, Jung décide de ne pas évoquer la période controversée de la guerre dans cette autobiographie.
En 1961, Jung parvient, malgré les maladies à répétition, à terminer un dernier ouvrage : Essai d'exploration de l'inconscient, publié dans le recueil L'Homme et ses symboles et né de l'interview accordée à John Freeman en 1959 pour la BBC. Jung confie à Marie-Louise Von Franz la poursuite de son travail elle publie le troisième tome de Mysterium conjunctionis consacré au traité alchimique Aurora Consurgens et traitant du processus d'individuation. Selon le vœu de Jung, elle prend en charge la responsabilité de ses titres édités. Jung continue à travailler sur son autobiographie jusqu'à sa mort, luttant contre la dégénérescence et les troubles de mémoire. Il lit également les écrits de Pierre Teilhard de Chardin. Il fait, au crépuscule de sa vie, deux rêves interprétés par ses proches analystes comme dévoilant que l' homme de Bollingen est parvenu à l'unité et à la totalité.
En mai, Jung est victime d'une attaque cérébrale qui le prive de la parole. Il la recouvre quelques heures avant sa mort, assez pour parler à son fils Hans, puis il meurt paisiblement le 6 juin 1961 à l'âge de 85 ans dans sa maison de Küsnacht, au bord du lac de Zurich. Sa famille fait confectionner deux moulages de son visage mortuaire. Les obsèques ont lieu dans le temple protestant de Küsnacht et ses cendres reposent dans le caveau familial du cimetière. À la nouvelle de sa mort, les hommages internationaux se multiplient parmi lesquels celui de Jawaharlal Nehru. Lors de la cérémonie commémorative, l'analyste jungien Edward F. Edinger, qui est le dernier à intervenir, conclut son discours par un appel solennel : Jung n'est plus, mais les retombées de son génie ne font que commencer.

Critique de la psychologie analytique.

Richard Noll et la polémique de la période nazie

L'accusation de sympathie avec le régime nazi dont C. G. Jung a fait l'objet dès 1932 l'a poursuivi toute sa vie, alimentant une polémique quant à la place de ses théories pendant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les nombreux détracteurs de Jung, le principal est l'Américain Richard Noll, psychologue et professeur d'histoire des sciences à l'université Harvard, et qui a publié deux ouvrages : Le Culte de Jung The Jung cult, 1994 et Le Christ aryen The Aryan Christ, 1997. Noll y assimile Jung à un gourou aux délires de grandeurs, accumulant autour de lui une mafia pétrie de théories racistes et nazies. Il œuvre comme promoteur d'un christianisme intégriste et se veut un prophète völklich. Néanmoins, derrière l'arrière-plan des accusations de collusion avec le nazisme, l'auteur appuie son réquisitoire sur la critique de Jung comme destructeur de la religion chrétienne : J'ajouterai une remarque, au risque de susciter la controverse après avoir réfléchi des années à l'impact considérable de Jung sur la culture et le paysage spirituel du vingtième siècle, je suis parvenu à la conclusion qu'il a exercé une influence aussi importante que l'empereur romain Julien l'Apostat sur l'érosion du christianisme institutionnel et la restauration du polythéisme hellénistique dans la civilisation occidentale. Noll ne croit pas que Jung ait jamais cru à ses concepts : je suis convaincu – et c'est l'un des arguments de cet ouvrage – que Jung a fabriqué délibérément, et quelque peu trompeusement, ce masque du vingtième siècle pour rendre sa vision du monde magique, polythéiste et païenne plus acceptable à une société laïcisée, conditionnée à ne respecter que les idées d'apparence scientifique. Enfin, Noll affirme également que dans sa tour de Bollingen, Jung, franc-maçon, fait représenter un certain nombre d'outils et de symboles maçonniques et alchimiques. Cette thèse sans fondements basée sur une simple homonymie avec son grand-père est reprise dans l'ouvrage de Jean-Luc Maxence, Jung et l'avenir de la Franc-maçonnerie.
Néanmoins, les ouvrages de Noll sont, pour la plupart des psychologues et historiens de la psychanalyse, des attaques personnelles. Élisabeth Roudinesco, pourtant elle-même critique à l'égard de Jung, argumente dans ce sens : Même si les thèses de Noll sont étayées par une solide connaissance du corpus jungien …, elles méritent d'être réexaminées, tant la détestation de l'auteur vis-à-vis de son objet d'étude diminue la crédibilité de l'argumentation. Élisabeth Roudinesco a également consacré un article entier, Carl Gustav Jung, De l’archétype au nazisme. Dérives d’une psychologie de la différence, à la polémique autour de Jung et de son implication dans le régime nazi. Richard Noll fonde enfin ses attaques sur la période trouble de la biographie de Jung, dès 1932, lorsqu'il remplace Ernst Kretschmer à la présidence de Société internationale de psychothérapie. Noll argue que Jung fut alors, de sa volonté même, Reichsführer de la psychothérapie en Allemagne, et qu'il chapeautait également la société freudienne de psychanalyse, comme le relate le biographe de Freud, Ernest Jones, dans sa célèbre biographie, La Vie et l’œuvre de Sigmund Freud65. Néanmoins, Deirdre Bair, dans sa biographie très documentée, conclut que Jung a été manipulé par Matthias Göring, proche du pouvoir, alors qu'Henri Ellenberger résume qu'il reste que Jung, comme bon nombre de ses contemporains, avait sous-estimé, au début, la force de pénétration du fléau nazi. Comme Friedrich Nietzsche, l'œuvre de Jung fut récupérée à son insu puis détournée. Des preuves existent que Jung a fait modifier les statuts de la société afin de permettre aux psychothérapeutes juifs allemands – qui pouvaient encore le vouloir – une affiliation individuelle car ceux-ci étaient en effet interdits dans toutes les sociétés savantes en Allemagne. De plus, Jung a aidé à l'exil sur le sol suisse de nombreux intellectuels juifs, comme Roland Cahen, qui éditera ses ouvrages en France par la suite. Gérard Badou, dans son Histoire secrète de la psychanalyse, chapitre Le flirt de Jung avec le diable, explique que Jung a été piégé et que Sa marge de manœuvre à la tête de la société internationale est pratiquement nulle. Il en fera la cruelle expérience dès le mois de décembre 1933, lorsqu'il constate que sa signature accompagne celle de Göring lors de la publication de la revue de la Société. Badou montre que dès 1934 Jung a valorisé la culture juive : l'inconscient aryen encore plus proche d'un état de jeunesse barbare est opposé à l'inconscient juif dont les racines sont aussi profondes que celles de la psychologie chinoise. Dans le contexte de l'époque, l'article n'est cette fois-ci plus considéré comme une simple gaffe, mais une provocation, propos qui entraînent son statut de persona non grata au sein de la Société allemande de psychothérapie.

Autres critiques émanant de la psychanalyse

Dès le début de la psychologie analytique, Freud et son cercle de proches psychanalystes mettent Jung à l'index. La critique prend deux formes : la protection du statut de Freud comme créateur de la psychanalyse et l'entreprise de destruction des concepts jungiens. Ainsi, dans son essai Critique de l'essai d'une présentation de la théorie psychanalytique de C. G. Jung Karl Abraham s'attaque aux postulats de Jung. Il dénonce le délayage de l'inconscient opéré par le psychiatre suisse. La teinte religieuse du concept, qui devient dès lors un arrière-plan mystique fait de Jung un théologien et non plus un psychanalyste. Cette critique est récurrente dans la littérature psychanalytique ; ainsi Yvon Brès explique que le concept jungien témoigne également de la facilité avec laquelle on peut glisser du concept d'inconscient psychologique vers des perspectives relevant d'un univers de pensée étranger à la tradition philosophique et scientifique dans laquelle ce concept est né .
La seconde génération de psychanalystes freudiens, représentée par Donald Woods Winnicott ou Jacques Lacan par exemple, perpétuent la critique, faisant encore aujourd'hui de Jung une persona non grata en psychanalyse. Ainsi, Dominique Bourdin, docteur en psychopathologie et psychanalyse, stigmatise Jung dans La Psychanalyse, de Freud à aujourd'hui : Renonçant aussi bien à l'importance de la sexualité infantile qu'au rôle organisateur de la crise œdipienne dans l'histoire singulière de chaque individu, Jung est sorti de la psychanalyse – même s'il continue à utiliser ce terme, désormais compris comme analyse de contenus psychiques généralement inconscients .... Peut être est-ce un prophète du retour du religieux, indépendamment des Églises traditionnelles, et en précurseur du courant spirituel du New Age, selon lequel nous entrons désormais dans l'ère du Verseau, que nous pourrions le décrire le plus adéquatement. Ce faisant, il a délibérément quitté le terrain des sciences humaines et de la pensée rationnelle. Enfin, l'attitude de Jung envers Freud, et leur rupture en 1913, est pour beaucoup dans l'ostracisme du premier. La synthèse critique est réalisée par Edward Glover, continuant celle d'Ernest Jones, dans Freud ou Jung 1941. La personnalité de Jung est au centre des attaques et Glover dénonce le culte de Jung. La critique existe également au sein même de la psychologie analytique. Andrew Samuels dans Jung and the PostJungiansK 6 étudie les nombreuses dissensions internes autour de concepts clés de Jung ; il a également, plus récemment, collaboré avec un certain nombre d'auteurs, à une critique de la théorie jungienne, dans Controversies in Analytical Psychology de Robert Withers.

Son œuvre.

La psychologie analytique.

L'étude des manifestations inconscientes
Le concept de « psychologie analytique » apparaît pour la première fois en 1913, au XVIIe Congrès International de Médecine organisé à Londres. Dans une conférence, Jung définit sa nouvelle approche comme une psychologie ayant pour but la description des manifestations de l'inconscient, c'est pourquoi il lui préfère l'expression de psychologie complexe. Il la distingue des autres courants de la psychologie comme la psychanalyse de Freud, celle d'Alfred Adler, et de la psychologie des profondeurs, Tiefenpsychologie d'Eugen Bleuler. Dans ses écrits, Jung propose de nombreuses expressions synonymes, alternant les concepts en fonction de l'objet qu'il traite. Ainsi, lorsqu'il parle des complexes psychiques, Jung emploie la locution psychologie des complexes, en référence à ses expérimentations sur les associations lors de son passage au Burghölzli. Ses successeurs et détracteurs nomment les théories matures de Jung psychologie jungienne , voire, par dérision, jungisme.

Représentation conique de la structure de la psyché

selon la psychologie analytique :

1. le Moi ;
2. le conscient ;
3. l'inconscient personnel ;
4. l'inconscient collectif ;
5. la partie de l’inconscient collectif qui ne peut être connue, dite inconscient archaïque.
Le postulat fondamental de la psychologie analytique est que la psyché est dans son essence naturaliter religiosa en latin : naturellement religieuse. La psychologie analytique se propose ainsi de donner du sens à la psyché, qu'elle nomme l'âme et propose une forme de développement de soi menant à la découverte de sa propre totalité : La psychologie analytique nous sert seulement à trouver le chemin de l'expérience religieuse qui conduit à la complétude. Elle n'est pas cette expérience même, et elle ne la produit pas. Mais nous savons par expérience que sur ce chemin de la psychologie analytique nous apprenons l'« attitude, précisément, en réponse à laquelle une réalité transcendante peut venir à nous. Le terme d'âme utilisé par Jung a entraîné nombre de critiques de la part de ses pairs mais aussi venant du monde religieux. Charles Baudouin replace cependant la motivation de Jung dans son contexte : Si Jung n'est pas toujours clair, au gré de ses lecteurs, c'est qu'il ne cède justement pas au goût prématuré de l'abstraction, qui classifie en simplifiant, en schématisant ; il traîne avec l'idée, de peur de l'appauvrir, tout un amalgame de réalité humaine, naturelle, illogique, prélogique à laquelle elle adhère intimement. C'est lourd peut-être, mais c'est riche et vrai … Il a réintégré, dans la psychanalyse matérialiste d'hier, l' âme naguère refoulée ; mais s'il a pu le faire efficacement, sainement, c'est bien parce que nul, plus que lui, n'a su conserver ce que Nietzsche appelait le sens de la terre.


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#53 Carl Jung 3
Loriane Posté le : 25/07/2015 21:50

La psychothérapie jungienne

La théorie jungienne redéfinit tous les composants de la cure psychanalytique. Henri Ellenberger signale que Jung était un psychothérapeute exceptionnellement habile qui savait adapter le traitement à la personnalité et aux besoins de chacun de ses patients. Se démarquant de celle de Freud, réductive selon Jung, elle est selon lui un « processus dialectique entre deux individus reposant sur le concept de compensation psychique, ou Auseinandersetzung confrontation en français. Selon Christian Delacampagne, le succès de la théorie de Jung, auprès du public, est dû au fait que celle-ci centre moins la prédominance du sexualisme au sein de l'explication psychique ; ce faisant, elle soulève moins de résistance. De fait, La complexité de la psychanalyse jungienne tient au fait que toutes les instances psychiques sont en étroites relations les unes avec les autres. Décrire isolément un concept donne de lui une vision forcément partielle car ne tenant compte ni des rapports dynamiques avec les autres instances ni de l'ensemble du système psychique. Tout est lié, tout est en mouvement » explique en effet Elizabeth Leblanc.
Ainsi, l'analyse psychologique met en jeu des forces inconscientes qui en font un processus initiatique, le seul encore vivant et pratiquement appliqué dans la sphère de la culture occidentale selon Jung. Le transfert est conseillé, et même recherché, car il permet de projeter sur l'analyste le mythe personnel du sujet. Enfin, la cure suit des phases archétypiques, déjà illustrées par l'alchimie ou les religions anciennes sous forme de paraboles qui conduisent le patient vers la recherche de sa propre totalité. Le but du processus thérapeutique est de permettre d'assimiler les éléments inconscients de sa psyché et réussir ainsi finalement l'intégration de sa personnalité et la guérison de sa dissociation névrotique.

Une œuvre mystique ou scientifique ?

La critique selon laquelle la pensée de Jung est spiritualiste, voire mystique, a été émise dès les débuts de la psychologie analytique. Franck C. Ferrier en examine les conditions de production et le développement historique dans les écrits de Jung. Il y voit l'exploration d'une troisième hypothèse, ni matérialiste ni spiritualiste, mais relevant du paradoxe épistémologique. Ferrier considère le postulat de la psyché en sympathie avec le cosmos, comme la pierre de touche du système théorique jungien. Les références à la religion sont omniprésentes dans son œuvre, Jung s'aventurant souvent dans le domaine de la morale, de la théologie et même de la métaphysique, bien qu'il en refuse l'usage en psychologie. En fait, Jung aborde souvent lui-même la question de la mystique, celle de Maître Eckhart en particulier, dont il dit qu'il est le plus grand penseur de son époque. Dans l'ouvrage Jung et la mystique, Steve Melanson explique en effet que c'est spécifiquement dans l'héritage d'Eckhart que Jung considère la possibilité d'un renouvellement de l'attitude religieuse en Occident. Car, pour Jung, un tel vécu de l'expérience mystique permet à l'individu de trouver son sens intérieur et, ainsi, de développer une attitude religieuse propre à lui, une plus grande force d'âme et une autonomie spirituelle. Et de même s'est fortifié pour Jung l'idée que par l'addition d'un nombre suffisant de consciences ayant développé un tel sens propre, pourraient être évitées de nouvelles folies collectives modernes. Enfin, Jung s'est focalisé dès ses premiers travaux avec sa thèse de psychiatrie sur le paranormal. Son concept de synchronicité est le point culminant de cet intérêt ésotérique, ce qui a contribué à le décrédibiliser au sein de la communauté des psychanalystes et des psychiatres.
Le mandala est selon Jung la représentation de l'archétype de la totalité.

Une théorie pragmatique

Pourtant Jung se livre aussi à des réflexions épistémologiques sur la portée de l'investigation de l'esprit en tant qu'objet dans les sciences humaines. Dès ses débuts, Jung se dit empirique et pragmatique, se revendiquant de la méthode du philosophe américain William James. Jung part toujours en effet des faits pathologiques, que son expérience de clinicien au Burghölzli lui a permis d'affiner ; ses théories sont pour lui des propositions et des essais visant à formuler une psychologie scientifique nouvelle, fondée en premier lieu sur l'expérience directe acquise sur l'homme même. La réalité psychique n'est pas moins réelle que le domaine physique et a sa propre structure, est soumise à ses propres lois.
En d'autres termes, la pensée de Jung est panpsychique. Sa vision de la libido, en particulier, est éclairante : il s'agit pour lui d'une force créée par une polarité psychique conscient/inconscient, une énergie psychique sans pulsion sexuelle : une libido originaire qui peut être sexualisée ou désexualisée. En ne fondant pas sa théorie sur l'origine sexuelle du psychique, Jung se démarque de la psychanalyse, pour aboutir à une méthode davantage clinique. Les tests d'associations d'idées constituent un apport en psychologie expérimentale également81 alors que le cadre psychothérapeutique qu'il édifie influence les psychothérapies d'inspiration psychanalytique.

Le créateur de concepts

Jung poursuit, tout au long de sa vie, une analyse de la psychologie humaine qui le fait s'intéresser à la psyché de la personne normale avant de s'intéresser à la psyché de la personne névrotique ou psychotique. Bien qu'objets de polémiques, les concepts qu'il a développés ont ouvert une autre voie à la psychanalyse de Freud, et à la psychologie clinique également. Denis de Rougemont dit ainsi : Il est possible que le plus grand théologien et le plus grand psychologue de ce siècle, jusqu'ici, soient deux suisses : Karl Barth et Carl Gustav Jung. Cette recherche a permis à Jung de multiplier les outils d'analyse et les concepts permettant d'appréhender les manifestations psychiques. Cette différence fondamentale dans l'approche lui permet de mettre en lumière des concepts psychologiques majeurs dits transpersonnels car intégrés au psychisme objectif celui collectif composant la réalité psychologique, notion centrale de sa pensée.
Parmi cette réalité objective préexistent avant tout des structures mentales innées, les archétypes psychologiques, déterminés à partir de ses études de la mythologie, de l'alchimie et à partir d'un rapprochement entre pensée orientale le yoga Kundalinî notammen et théorie psychanalytique. Le concept d'inconscient diverge de celui de Freud et Jung y adjoint une partie collective, qu'il nomme l'inconscient collectif. Il déplace le fondement de la dualité pulsionnelle freudienne sur une double dualité, qu'il considère comme archétypique : la dualité créativité/destructivité et la dualité instinctivité/spiritualité, ces deux dualités n'étant pas superposables il y a, par exemple, des dynamiques spirituelles destructrices. Jung voit dans le mythe et dans les rêves des manifestations de cet inconscient collectif enfin.
Au niveau personnel, le psychisme subjectif, la psyché se compose de différentes instances jouant un rôle régulateur et dynamique, parmi lesquels : l'ombre, qui est la somme de tous les refoulements subconscients, liée aux fonctions psychiques inférieures, au caractère, et à tout ce que l'éducation et la socialisation ont repoussé dans l'inconscient personnel ; la Persona, fonction sociale d'adaptation sociale de l'individu ; les concepts sexués d'animus pour la femme et d'anima pour l'homme ont permis de comprendre la fonction de régulation et de communication de l'être avec le psychisme de l'inconscient, notamment à travers le rêve. Les concepts de Soi et d'individuationdonnent un sens et une orientation à la démarche jungienne. Enfin, le concept de types psychologiques à travers les notions d'introversion et d'extraversion et des quatre fonctions permet une description de la personnalité consciente et inconsciente voir infra.
Jung développe par ailleurs des concepts décrivant des réalités psychiques touchant à d'autres disciplines comme celui de synchronicité, qui touche au domaine de la physique. D'autres concepts, étant davantage des outils d'analyse, font de la psychologie de Jung une démarche également clinique. Jung définit ainsi les complexes, l'état psychique d'inflation, caractéristique de la psychose, la personnalité mana, les états modifiés de conscience comme le somnambulisme ou cryptomnésie, le transfert recherché, l'imagination active et le dialogue intérieur pour la psychothérapie.

Une théorie des types psychologique

Les quatre fonctions de la personnalité selon la typologie jungienne.
Les types psychologiques sont la contribution majeure de la psychologie analytique aux sciences humaines et en particulier à la caractérologie naissante lorsque Jung les a développés, dès 1913, lorsqu'il en expose les linéaments lors du congrès psychanalytique de Munich. Débordant le cadre expérimental pour développer une théorie de la personnalité prolongeant la classification traditionnelle, Jung met ensuite en évidence, dans son ouvrage fondateur Types psychologiques, en 1921, une structure schématique de la personnalité fondée sur des fonctions. Jung distingue en effet quatre fonctions psychiques : le type Pensée, le type Intuition, le type Sentiment et le type Sensation, que chacun possède à des degrés différents. À cette première grille de lecture, Jung y sur-ordonne deux attitudes qui déterminent l'utilisation faite par le psychisme du sujet de sa libido, énergie psychique. Ainsi, l'extraversion est le mouvement de la libido vers l'extérieur, qui se réfère à l'objet alors que l'introversion est elle le mouvement de la libido tournée vers l'intérieur et qui se tourne vers le sujet. Par exemple, l'extraversion domine dans l'hystérie alors que dans la démence précoce c'est l'introversion. Ainsi Jung dessine, à partir de ces quatre fonctions et de ces deux attitudes, et selon leur degré de conscience et de dominance sur le sujet, il existe ainsi une fonction principale, dite différenciée, un certain nombre de types psychologiques expliquant notamment les conflits de personnes ou les passions personnelles un type Pensée a une dominance pour le scientifique par exemple. Ce modèle eut une forte influence sur les théories managériales, à travers le Myers Briggs Type Indicator et la vision socionique, mais aussi en développement personnel, en graphologie et même en astrologie. Cependant, son utilité n'est pas psychométrique. Sa prise en compte dans la cure analytique, enfin, est une étape nécessaire dans la connaissance du monde intérieur du sujet.

Jung et l'alchimie

Paracelse. Jung le considère comme son ancêtre spirituel, comme étant une personnalité reflétant les contradictions de son temps.
L'alchimie, psychologie avant l'heure
Dès les années 1920 Jung découvre, grâce à son ami le sinologue allemand Richard Wilhelm et sa traduction du texte ancien du Traité du Mystère de la Fleur d'Or (Das Geheimnis der goldenen Blüte, la riche tradition de l'alchimie des souffles et l'alchimie des taoïstes. Ses recherches l'emmènent ensuite vers la tradition alchimique européenne, de l'Antiquité tardive jusqu'à la Renaissance. Il y découvre un fondement à sa psychologie analytique : Il nous apparaît aujourd'hui avec évidence que ce serait une impardonnable erreur de ne voir dans le courant de pensée alchimique que des opérations de cornues et de fourneaux. Certes, l'alchimie a aussi ce côté, et c'est dans cet aspect qu'elle constitua les débuts tâtonnants de la chimie exacte. Mais l'alchimie a aussi un côté vie de l'esprit qu'il faut se garder de sous-estimer, un côté psychologique dont on est loin d'avoir tiré tout ce que l'on peut tirer : il existait une philosophie alchimique, précurseur titubant de la psychologie la plus moderne. Le secret de cette philosophie alchimique, et sa clé ignorée pendant des siècles, c'est précisément le fait, l'existence de la fonction transcendante, de la métamorphose de la personnalité, grâce au mélange et à la synthèse de ses facteurs nobles et de ses constituants grossiers, de l'alliage des fonctions différenciées et de celles qui ne le sont pas, en bref, des épousailles, dans l'être, de son conscient et de son inconscient, une mise en image et une parabole de l'évolution de l'individu sur le chemin de l'individuation : J'ai vu très rapidement que la psychologie analytique se recoupait singulièrement avec l'alchimie. Les expériences des alchimistes étaient mes expériences et leur monde était, en un certain sens, mon monde. Pour moi, cela fut naturellement une découverte idéale, puisque, ainsi, j'avais trouvé le pendant historique de la psychologie de l'inconscient. Celle-ci reposait dorénavant sur une base historique.
Jung voit dans la figure de Paracelse un psychologue d'avant la psychologie, un medicine-man lui ressemblant en bien des points. Paracelse l'initie par ailleurs au rapport ténu qui existe entre l'alchimie et la religion comme problème moral de l'âme. Ses recherches sur l'alchimie aboutissent à plusieurs ouvrages : Synchronicité et Paracelsica 1929, Psychologie et alchimie 1944, Psychologie du transfert 1946 et enfin les deux tomes de Mysterium conjunctionis 1955 et 1956. C'est à partir des œuvres alchimiques du Moyen Âge et de la Renaissance les traités de Michael Maier comme Atalante fugens, ceux de Johann Valentin Andreae, Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, et les écrits de Gérard Dorn, surtout mais aussi des époques antérieures Pythagore et le célèbre traité fondateur de la Table d'émeraude attribuée à Hermès Trismégiste et contemporaines Fulcanelli notamment que Jung trouve la justification de ses modèles psychologiques. En effet, il voit dans la recherche de la lapis philosophicae, la Pierre philosophale, la métaphore du cheminement de l'esprit vers davantage d'équilibre, vers une réalisation pleine et complète, le Soi. Pour Jung toute la recherche de la transmutation du plomb en or n'a servi, au cours de l'histoire, qu'à représenter ce besoin psychique humain, et à en préserver les règles et processus, et la connaissance des menaces de la société de l'époque l'Inquisition notamment. Jung est ainsi connu pour être un des rares psychothérapeutes à s'être appuyé sur l'alchimie pour en déterminer les parallèles avec la psychologie, celle de la recherche de l'anthropos ou homme total, auquel Jung donne le nom de Soi.

La structure de la psyché

Les Types psychologiques composés au sortir de cette gestation 1921 décrivent une structure quaternaire de la psyché, le quatre, la croix traduisant une totalité. Mais les quatre fonctions psychologiques : pensée, intuition, sentiment et sensation, dont l'importance respective caractérise les différents types humains, forment un instrument que l'homme doit manier pour évoluer. La vision junguienne de l'homme est purement dynamique. Deux concepts la résument : le devenir Werden et la transformation Wandlung. L'homme est l'aboutissement de l'évolution des espèces. En lui le monde devient conscient de lui-même par la formation d'un moi. Mais le renforcement unilatéral de ce dernier ne doit pas dépasser une certaine limite. Au-delà, le moi tend à oublier son lien avec l'océan d'où il sort, l'arbre se sépare de ses racines, se dessèche ou produit des fruits monstrueux. Sur le plan collectif, ce sont, en retour, les déchaînements sauvages dont les exemples abondent au XXe siècle ; chez l'individu, c'est la névrose, affection mentale où l'inconscient, nié, réclame sa part. La névrose n'est donc pas liée uniquement à des événements du passé, notamment infantile, comme chez Freud, mais à une situation actuelle. Rétablir le passage sans heurt du courant psychique, source de renouvellement, tel est le but de l'exploration intérieure. Pour y parvenir, Jung n'a guère recours à des techniques, coupables à ses yeux de préjuger du résultat. Sa méthode est définie par le terme d'Auseinandersetzung, confrontation, échange sans dérobade de deux personnalités en vue de la réalisation de la conscience, Bewusstwerdung. Une attitude « objective, neutre, n'est pas de mise de la part du praticien ; seul un sujet peut aider un sujet ; le médecin doit être avec son patient, dans son drame et non à côté. La psychothérapie est une maïeutique vitale. Jung accorde par suite, comme Freud, une importance capitale au transfert, qui est le lien affectif unissant le praticien et le patient. Loin d'être la simple projection d'une image parentale du patient Freud, le transfert y joue pour Jung, à partir du praticien, le rôle actif d'un catalyseur en vue de la manifestation des contenus inconscients. Pour être efficace, il présuppose donc un accomplissement personnel du psychologue. Aux yeux de Jung, la portée de la psychothérapie est aussi variée que la nature humaine. On ne peut lui assigner de but a priori. L'évolution psychologique est essentiellement imprévisible. Les intentions et les voies de la nature ne sont pas les nôtres ; la disposition requise à leur égard est donc une attention vigilante alliée à une totale disponibilité. Auprès de la petite psychothérapie qui tend à la guérison d'un symptôme, obsession, phobie, inhibition, etc. et dans laquelle les découvertes cliniques de Freud ont leur place, le praticien peut se trouver engagé dans une grande psychothérapie, entreprise de longue haleine qui ne vise pas moins que la transformation de la personnalité. Tandis que la thérapeutique de Freud se borne à faire venir à la conscience les contenus personnels inconscients qui, pour avoir été oubliés ou refoulés, troublent la vie consciente, Jung ne se contente pas de vouloir rétablir une normalité qui reste à définir. Voyant dans l' inconscient une énergie préexistant au moi, il ne fixe pas de limites à sa poussée en vue de son actualisation et accueille toutes les formes de réalisation possibles, demeurant seulement attentif à sauvegarder le contrôle du moi conscient. Il se garde de réduire la valeur des matériaux mis au jour ; de telles attitudes ne font que masquer notre ignorance : si un grand poète a été un névropathe, cela ne touche en rien au mystère de son génie, car tous les névropathes ne sont pas de grands poètes. La reconnaissance dans l'homme d'une dimension qui passe infiniment l'homme limité à l'ego caractérise la psychologie analytique, encore dite complexe ou des profondeurs, par opposition à la psychanalyse freudienne.
Il existe depuis 1948 à Zurich un institut C. G. Jung qui assure la formation des praticiens. L'école junguienne a des représentants, non seulement en Europe et en Amérique, mais encore aux Indes et au Japon.

Le dynamisme des images oniriques

Le rêve est pour Jung, comme il l'est pour Freud, la voie royale menant à l'inconscient. Jung professe le plus grand respect à l'égard du songe et de son message. Il révèle à ses yeux l'existence d'un psychisme objectif, d'une sagesse naturelle qui tend à l'autorégulation de la psyché et dont il est la voix. Le rêve qui traduit l'état de l'inconscient à un moment donné » exerce normalement une fonction de complémentarité par rapport aux attitudes conscientes. C'est une production naturelle qui doit être examinée comme telle, au même titre qu'une fleur ou qu'une gemme. Les symboles qu'il met en œuvre pour peindre une situation ne sont pas uniquement des signes, des allégories créées par une fonction de censure servant à dissimuler des figures de l'état de veille, ce qui est la conception freudienne. Ce sont des images qui ont leur raison d'être en elles-mêmes et possèdent leur dynamisme propre. Leur signification excédera toujours les interprétations que l'on peut en donner, car le propre du symbole est précisément de mettre le conscient en contact avec ce qui est inconnu et à jamais inconnaissable.
Le rêve formant un tout complet, son sens ne doit pas être recherché au moyen de libres associations qui écartent de lui Freud, mais chaque symbole demande à être éclairé à l'aide du contexte onirique et vital. La nature autonome du symbole, l'existence d'un inconscient collectif permettent d'inviter le rêveur à passer au-delà de ses associations personnelles et à examiner toute la portée possible de l'image proposée à sa conscience en utilisant les matériaux historiques qui s'y rapportent. Cette opération est appelée amplification. Les symboles peuvent encore apparaître à l'état de veille sous forme de fantasmes, d'impressions visuelles ou auditives. Une mention spéciale doit être faite de l' imagination active. Elle consiste à fixer l'attention sur une image, souvent empruntée à un rêve, et à en examiner la libre évolution. L'imagination active, où le moi joue le rôle d'un témoin vigilant, est aux antipodes de la rêverie. Elle peut fournir un instrument de choix en vue de la maturation des situations oniriques. Les plus belles images demeureront vaines tant que le moi ne les aura pas faites siennes par un acte qui sera, suivant le cas, intérieur ou extérieur. C'est alors seulement qu'il sera possible de parler d'intégration, de réalisation psychologique. D'un autre côté, il importe de préciser que l'activité dont il est question ici est aux antipodes de toute direction imposée ou suggérée au déroulement des images par un ego volontariste ; c'est la présence vigilante, objective et aimante d'une pure conscience, d'où sont absentes toute préoccupation d'intérêt et toute volonté de nature personnelle.

L'inconscient collectif et l'individuation

Par la voie une et multiple de l'image, l'homme pénètre progressivement dans les cercles qui le mènent vers le centre de son être intérieur. Le premier rencontré est celui de la persona en latin : le masque du comédien. Ce terme désigne ici le personnage social qui, s'il a l'utilité et le caractère indispensables d'un vêtement, risque bien souvent de nous dissimuler notre nature individuelle. Il faut ensuite affronter et intégrer l' ombre, partie de nous-mêmes constituée par nos défauts et les produits de la fonction psychologique la moins différenciée. L'ombre a cependant un sens plus vaste et peut également désigner l'inconscient dans son ensemble, puisque tout ce qui n'est pas encore entré dans la lumière de la conscience apparaît comme rempli d'obscurité et de menace. Jung applique à la plongée dans l'ombre l'expression de mort volontaire qu'il emprunte à Apulée parlant des mystères d'Isis. Mais au-delà de cette porte étroite on débouche dans une immensité sans limites, une indétermination inouïe.

Les archétypes

Avec l'entrée dans cet indéfini, océan d'énergie antérieur à l'individu, Jung franchit un pas que Freud n'avait pas osé accomplir. Par opposition à l'inconscient personnel, il le nomme inconscient collectif. Son exploration ne va pas sans danger : les énergies qui font alors irruption dans la conscience inondent l'être, tel un déluge. On assiste à un abaissement du niveau mental pouvant aller jusqu'à une dissolution de la conscience pendant laquelle le psychologue tient, grâce au transfert, la place d'un moi de substitution. Les contenus de l'inconscient collectif, ses modes de manifestation sont les archétypes. Plutôt que des structures préformées, ce sont des virtualités formatrices qui modèlent la matière indifférenciée fournie par le flux de l'énergie psychique. Ce sont de purs dynamismes qui se présentent sous des formes extrêmement variées appelées images archétypiques. Ils contiennent une forte charge émotionnelle d'ordre numineux dépassant l'homme, sacré. Cette charge est à la fois positive et négative : l'archétype est simultanément l'indispensable facteur de l'évolution intérieure et, par la fascination qu'il exerce, une puissance captatrice, un ogre redoutable. La vie de l'homme tout entière est dominée et comme aimantée par les archétypes. Les plus puissants d'entre eux sont, sans conteste, ceux des parents. Il ne faut pas commettre l'erreur de voir dans les images parentales des projections formées à partir de personnalités concrètes, comme l'a fait Freud, encore captif de la mentalité rationaliste qui était celle de son époque. C'est l'inverse qui se produit : le père et la mère charnels sont des spécifications de l'archétype invisible, d'où leur aspect surhumain dans l'âme de l'enfant.
Auprès des archétypes des parents, il faut citer ceux de l'anima et de l' animus qui introduisent l'image du sexe opposé dans la psyché consciente au fur et à mesure que l'être se différencie d'avec ses parents. L'anima est au suprême degré la puissance qui arrache l'homme à son univers rationnel ; c'est pourquoi elle apparaît souvent en premier lieu comme la séductrice, le fauteur de désordre. Certains types d'anima demeurent ainsi purement négatifs et aliènent entièrement celui qu'elles entraînent, telles Circé qui change en pourceaux les compagnons d'Ulysse, et la femme fatale décrite par P. Benoit dans L'Atlantide sous les traits d'Antinéa.
Mais peu à peu l'harmonie naît du chaos : l'anima montre son visage d'initiatrice qu'expriment les deux derniers vers de Faust : L'Éternel Féminin nous attire vers le haut. L'intégration de l'anima chez l'homme, de son homologue, l'animus, chez la femme, conduit à la réalisation intérieure de l' androgyne mythique. Comme tout ce qui relève de l'inconscient collectif, les archétypes ne sont pas séparés les uns des autres par des limites rigoureuses. Il existe entre eux des parentés, des contaminations, des passages. Ils ressemblent aux 64 principes constitutifs de l'univers du Yi King chinois qui se transforment sans cesse les uns dans les autres. Les archétypes se manifestent, non seulement à l'intérieur, mais aussi sous forme de situations où l'événement extérieur se trouve en correspondance avec un donné psychique. On est ainsi mis en présence d'un mode de connexion, totalement différent de la relation causale, que Jung désigne du nom de synchronicité. L'archétype doit par suite être considéré comme un facteur, non point psychique, mais psychoïde, dans lequel on peut voir le pont reliant le monde intérieur et le monde extérieur, puisqu'il façonne à la fois la psyché et le continuum espace-temps.

L'appel des profondeurs

L'apparition de l'inconscient collectif et de ses messages au premier plan des préoccupations contemporaines constitue pour Jung la voie par laquelle la nature s'efforce de résoudre le grand problème de l'heure. Le développement prodigieux de la conscience claire a eu pour contrepartie la mise en jachère du domaine de l'âme, de l'irrationnel, relégué au rang de résidu de l'âge mythologique. L'intellect luciférien a usurpé la place de l'esprit créateur et celui-ci doit être recherché, non plus en haut, telle une flamme, mais dans la profondeur où se trouvent les eaux, ainsi qu'en témoignent les songes de nombreux hommes d'aujourd'hui. L' angoisse moderne est l'appel du fond, le vertige éprouvé sur les hauteurs de l'esprit où l'être a cessé de plonger ses racines dans l'humus nourricier. L'âme chrétienne, abritée sous l'ample manteau de l'Église mère, puisait sa vie au trésor d'images sacrées. La revendication protestante, expression religieuse de la Renaissance, est venue affirmer l'esprit d'aventure et l'autonomie de l'intellect. Elle a rejeté l'une après l'autre les pièces de ce patrimoine, laissant l'homme sans médiateur, en tête à tête avec l'inconnu et créant une situation intenable dont Kierkegaard est l'exemple le plus caractéristique. Le XVIIIe siècle a accentué ce processus et l'a introduit dans l'Église catholique qui, après une longue résistance, se débarrasse à son tour de ses mythes à un rythme accéléré. Les plus beaux triomphes de la science ne sauraient compenser cette perte d'âme. L'homme, une fois seul avec lui-même, se sent dans un état d'indigence spirituelle générateur de déséquilibre : La névrose, écrit Jung, est la souffrance d'une âme qui cherche son sens. Ce n'est là toutefois qu'un stade, critique mais fécond, de l'aventure immémoriale de l'humanité. La désagrégation des ordres collectifs, la constatation que le ciel physique est vide, en mettant un terme à la projection que l'homme faisait de ses aspirations dans des mondes lointains et des puissances surnaturelles extérieures, le ramènent à lui-même et déclenchent en lui la mise en route de nouveaux processus créateurs. Il est désormais appelé à enfanter un cosmos, un monde ordonné, à partir de lui-même.

Individuation et totalité

Ce monde renouvelé est l'aboutissement de ce que Jung a dénommé le processus d'individuation. Il explique ce terme par le fait que, tant que l'être n'a pas réalisé la venue à la conscience et l'intégration des contenus archétypiques de l'inconscient, ceux-ci sont projetés, de façon positive ou négative selon le cas, dans des figures extérieures, si bien que l'on baigne dans un état de participation à l'entourage, résidu de la participation mystique décrite par Lucien Lévy-Bruhl comme étant la condition des primitifs. L'individuation conduit au retrait des projections. L'homme dépouille le monde extérieur de son pouvoir de fascination et parvient à l'autonomie : il mérite désormais pleinement le nom d'individu. Il n'est pas pour autant séparé des autres et de l'univers, bien au contraire : vivant consciemment en contact étroit avec un domaine qui lui est commun avec l'humanité et le monde, l'inconscient et ses archétypes, il est régi par les rythmes de celui-ci. À la loi arbitraire du moi et des influences extérieures se substitue une règle interne, aussi secrète et aussi puissante que celle qui gouverne la mer et les astres. Empiriquement le processus d'individuation est mis en évidence par l'existence de sujets chez qui la cure psychologique ne s'achève pas suivant l'une des formes limitées habituelles. La confrontation avec l'inconscient se poursuit, avec ou sans l'assistance du psychologue, et donne lieu à des expériences multiples et souvent étranges. Une telle évolution s'amorce habituellement aux environs du seuil de la quarantaine. Sauf exception, elle ne doit pas être encouragée plus tôt, car la tâche de l'homme au cours de la première partie de la vie est de fortifier son moi en s'affirmant dans le monde extérieur. Toutefois, en cette fin du XXe siècle, la désintégration totale des valeurs oblige un nombre croissant de jeunes êtres à entrer dans l'aventure intérieure pour trouver un sens à leur vie. Il y a là un important fait nouveau.
L'individuation fait monter au premier plan de la personnalité un ordre supérieur à celui de l'ego et, selon toute apparence, destiné à lui survivre. Elle constitue ainsi une préparation toute naturelle au terme de l'existence, qui en est aussi le but. Jung attache une grande importance psychologique au phénomène de la mort et lui attribue une valeur positive, bien qu'en homme de science il se refuse à se prononcer sur une éventuelle survie. L'individuation est le prix d'un long voyage fertile en péripéties : c'est le trésor gardé par des dragons, la Toison d'or, le saint Graal. Auprès des monstres, le chemin qui y mène est peuplé de figures secourables qui aident à franchir les passages périlleux : ainsi l'anima psychopompe, Ariane et son fil, le vieux sage, l'animal guide : rainette, tortue, lièvre, cerf. L'arrivée s'annonce bien à l'avance par l'apparition de symboles de la totalité : arbre, joyau, sphère lumineuse, pierre cubique, mandala, terme sanskrit désignant des figures circulaires ou carrées servant à la méditation, etc. Cette totalité est en somme le centre virtuel autour duquel la révolution intérieure reliant les opposés s'effectue en spirale, et qui s'actualise peu à peu. L'être qui y est parvenu a le sentiment que l'axe de sa personnalité s'est déplacé. Le nouveau centre, appelé Soi Selbst, est situé au-delà du moi qui occupe par rapport à lui la position d'un satellite. Le caractère mystérieux du Soi en rend la définition malaisée. Le plan phénoménologique où se tient Jung lui interdit une formulation métaphysique. Comparant les symboles du Soi et ceux qui expriment la divinité dans les religions et les mythes, il conclut toutefois que le Soi est identique à l'image de Dieu dans l'âme. Mais son dernier mot est à chercher dans la phrase suivante extraite d'un de ses derniers écrits : L'empiriste n'a rien à dire de la relation entre le Soi et Dieu. Ici comme ailleurs, Jung ne se soucie pas de bâtir un système dogmatique mais de montrer une voie. L'homme ne doit pas s'identifier au Soi, ce qui serait une inflation dangereuse Nietzsche. Il doit se comporter à son égard en serviteur et non en maître. L'histoire de Philémon et Baucis montre l'attitude juste à adopter.
Le résultat du processus est une transformation du regard et de l'être. C'est une expérience aussi complète et aussi indéfinissable que le bonheur. L'homme répond désormais docilement aux suggestions que la vie lui présente, et il connaît dans cet abandon la véritable liberté. Celle-ci n'est pas en effet le simple libre-arbitre, la faculté de satisfaire les désirs aveugles et contradictoires du moi : l'exercice d'une telle latitude mène bien vite au sentiment de l'absurde, comme l'ont éprouvé les existentialistes. La liberté vraie consiste en l'adhésion sereine – fût-elle douloureuse – à un ordre dépassant l'homme, grâce auquel il se sent à sa place dans un univers doté de sens : on songe à l'amor fati des stoïciens, à l'abandon chrétien.

Jung et l'alchimie

Jung a dû attendre quinze ans pour parler de l'individuation : il voulait pouvoir relier un processus aussi déroutant à des antécédents historiques, à des récits présentant des dépassements de l'ego sans les limitations et les projections de la pensée théiste. Le premier chaînon lui fut fourni en 1928 par un traité d'alchimie taoïste, Le Mystère de la fleur d'or, qui décrit une révolution de la lumière ayant pour terme l'éclosion d'un germe immortel. Mais c'est seulement lorsqu'il eut commencé de déchiffrer les énigmes de l'alchimie occidentale qu'il eut le sentiment d'avoir situé sa psychologie et défini son rôle historique.
Les opposés coexistaient au sein de la divinité, tant dans l'Ancien Testament que dans le paganisme : ainsi le livre de Job présente Satan comme un des fils de Dieu debout devant l'Éternel. La différenciation chrétienne a séparé radicalement les contraires, comme par un glaive, et rejeté le mal dans les ténèbres extérieures. Pourtant, il s'est trouvé à toutes les époques des hommes épris d'unification. Succédant au gnosticisme, l'alchimie leur a fourni un cadre plus vaste que l'orthodoxie, où ils ont pu mener leur entreprise. Le Christ est le Dieu-Esprit qui descend du ciel et s'incarne ; la pierre philosophale est une matière obscure et vile où l'esprit divin, dont elle porte le germe, s'épanouira en son temps. À une époque où la matière demeurait pleine d'inconnu, l'alchimiste projetait l'image de l'inconscient dans un corps de son choix et s'efforçait d'y réaliser la transmutation à base de réconciliation des opposés dont la nostalgie l'habitait. Toutefois, les véritables adeptes avaient conscience de la portée de leur œuvre. Ils se donnaient le titre de philosophes et ne cessaient de proclamer que leur or n'est pas l'or du vulgaire (aurum non vulgi, que leur joyau est une pierre d'invisibilité et d'immortalité. De même que l'individuation, le grand œuvre s'étend sur de longues années. C'est un mouvement circulaire, une rotation au cours de laquelle on voit apparaître des couleurs successives, dont les principales sont le noir, qui évoque l'angoisse de la dissolution de la conscience, le blanc et le rouge, lumière de la conscience renouvelée et devenue opérante. Chaque auteur a son chemin propre, ce qui est encore un trait commun avec l'individuation. Ainsi l'alchimie a permis pendant plus de quinze siècles à l'âme chrétienne d'exprimer sans trop de risques les formes les plus spontanées et les plus complètes de son développement, et de réaliser dans le secret du cœur l' apocatastasis, la restauration de l'harmonie originelle, la guérison de la blessure ouverte au sein de la divinité, le pardon de Satan annoncé par Origène et condamné comme hérétique par l'Église. La pratique psychologique montre que les matériaux livrés par l'inconscient de l'homme moderne traduisent, de leur côté, une volonté de rapprocher les pôles ennemis. Jung revient plusieurs fois sur le songe d'un jeune théologien qui se voit assisté dans sa recherche intérieure par deux mages qu'il sait être le mage blanc et le mage noir. Or le mage blanc est vêtu de noir et le mage noir est vêtu de blanc. C'est ce dernier qui apporte au rêveur la clé du paradis. Le bien et le mal tendent donc à s'épouser étroitement et à former deux figures complémentaires analogues au Yang et au Yin chinois, principes opposés dont la réunion en un cercle représente la divinité, le Tao, la Voie. Les rêves véhiculent fréquemment à notre époque des images alchimiques inconnues du sujet. C'est ce qui explique que Jung n'ait cessé au cours de ses vingt-cinq dernières années de faire, dans ses œuvres, une place toujours plus grande au symbolisme hermétique.
En un siècle où la physique, plongeant son regard dans l'intimité de la matière, a réalisé la transmutation de la masse en énergie et en clarté aveuglante et meurtrière, fruit de ce que Robert Oppenheimer a dit être l'œuvre du diable, l'aventure de l'exploration intérieure entamée par Freud et menée à bien par celui dont il avait voulu faire son successeur aboutit ainsi à remettre en honneur l'opus divinum des anciens « physiciens ». Et, tandis que des hommes foulent le sol de la Lune, la psychologie analytique rouvre aux yeux de tous l'antique chemin qui conduisit Dante, à travers les cercles planétaires, jusqu'au cœur de la rose mystique, ce mandala occidental par excellence. De telles coïncidences attestent éloquemment l'actualité de l'œuvre de Jung, le contrepoids qu'elle fournit à une civilisation qui projette violemment l'homme hors de lui-même, le condamnant à ignorer la source de ses conflits et à en rechercher une solution toujours plus complexe et plus lointaine en une poursuite aussi vaine que celle de Tantale. La voie junguienne donne à l'homme de retrouver en lui-même, par lui-même, en un mouvement parfaitement naturel, sa dignité suréminente proclamée par le christianisme comme par les enseignements de l'Orient, et se révèle ainsi apte à fournir à l'humanité le supplément d'âme dont elle a besoin pour survivre. C'est pourquoi l'on voit se multiplier, dans l'âme des contemporains, les songes où l'individuation, cette intégration des énergies archétypiques, est présentée comme l'antidote de la menace nucléaire. Étienne Perrot

Critique de ses travaux

L'interprétation psychologique de l'alchimie de Jung a eu une influence considérable sur la perception de cette discipline au xxe siècle, de Gaston Bachelard à Betty Jo Teeter Dobbs, qui étudia les travaux alchimiques de Isaac Newton. À partir des années 1980 cependant, elle a été fortement critiquée par certains historiens des sciences, parce que se fondant sur une conception anhistorique de l'alchimie, qui ne correspond pas à ce qu'elle était pour les alchimistes du Moyen Âge et de la Renaissance, mais à la vision qu'en ont eue les romantiques et les occultistes du XIXe siècle, après que la chimie moderne se fut distinguée de l'alchimie au cours du XVIIIe. Les principales critiques sont exposées dans l'ouvrage de Robert Halleux, Les textes alchimiques. Barbara Obrist85, William R. Newmann, Lawrence Principe et William Newman avancent l'inexactitude de certains développements de Jung en en replaçant le contexte historique et intellectuel. Selon Lawrence Principe et William Newman, l'interprétation religieuse et symbolique des processus alchimiques, proposée par Jung, procède d'une vision réductionniste. Les thèses de Lawrence et Principe ont toutefois à leur tour été critiquées par Hereward Tilton.

Postérité Développements de la psychologie analytique.

La conjonction des opposés, ou réunion des contraires représente la conjonction du conscient et de l'inconscient gravure alchimique extraite du traité Aurora consurgens, environ 1500.

Sciences humaines

Les premières expérimentations des associations libres de Jung et de Franz Riklin, au Burgöhzli, ont permis la création du psycho-galvanomètre, ancêtre du détecteur de mensonges.
Indirectement, Jung a eu une profonde influence sur la société et dans le domaine des psychothérapies. En effet, les notions jungiennes ont connu une réactualisation au sein de certaines psychothérapies, notamment à travers son idée de ce que doit être le traitement, qui se fait en face-à-face avec le patient. Élisabeth Roudinesco et Michel Plon, dans leur Dictionnaire de la psychanalyse expliquent : Les deux grandes écoles de psychothérapie du XXe siècle sont l'école de psychologie analytique fondée par Carl Gustav Jung et l'école de psychologie individuelle fondée par Alfred Adler, nées toutes deux d'une dissidence avec celle fondée par Freud. Les concepts d'archétype, d'individuation et d'enfant intérieur ont ainsi eu une large diffusion. L’enfant intérieur a inspiré des psychothérapeutes pour qui travailler en lien avec son enfant intérieur est alors utilisé dans une démarche psychothérapeutique, dans certains courants de la psychothérapie. Les analystes Hal Stone et Sidra Stone dans leur ouvrage Le Dialogue intérieur, en font la base de leur approche.
Par ailleurs, le mouvement des Alcooliques anonymes doit beaucoup à un patient de Jung, Bill W., alias William Griffith Wilson, cofondateur du mouvement d'entraide, qui exprime sa reconnaissance envers le psychiatre suisse : Après s'être retiré de la direction du mouvement AA en 1961, Bill W., cofondateur des Alcooliques anonymes, s'est attaqué à une tâche qu'il souhaitait depuis longtemps entreprendre, celle de souligner la dette de reconnaissance des AA envers tous ceux qui avaient contribué à la naissance du mouvement. L'une de ces personnes était Carl Jung, à qui Bill a écrit le 23 janvier 1961.
L'ouvrage de Carl Gustav Jung, Psychologie et éducation qui rassemble les articles de 1916 à 1942 et mêle psychologie analytique et éducation donna lieu par la suite à la création d'une pensée jungienne de l'éducation, continuée par des analystes pédagogues comme Clifford Mayes. David Lucas dans son article Carl Gustav Jung et la révolution copernicienne de la pédagogie résume ainsi cette fusion de la psychologie de Jung avec les catégories de l'éducation comme pratique qui prend le nom de archetypal pedagogy : L’œuvre de Carl Gustav Jung conduit à considérer que la relation pédagogique ne met pas seulement en jeu des contenus ou des consignes rationnelles, mais aussi une influence tenant à la sensibilité et à la personnalité du pédagogue. L’éducation n’est alors plus de l’ordre du seul discours, mais tient également aux dispositions psychiques de l’adulte. Or ces dispositions échappent largement aux méthodes pédagogiques programmées d’avance, et dépendent au contraire de ce que l’éducateur est dans le plus intime de sa psychologie. Cette attention portée à l’équation personnelle de l’adulte constitue une véritable révolution copernicienne de la pédagogie, car si l’être de l’éducateur devient la principale détermination de l’influence qu’il exerce sur l’enfance, ce sera tout d’abord lui qui devra être éduqué.

Mysticisme et spiritualité


Une des hypothèses jungiennes est que la culture religieuse, spiritualité et pratiques mystiques est le résultat de la projection dans le monde extérieur des fonctionnements cognitifs automatiques pré-conscients.
Pour approfondir cette thèse, Jung a étudié des objets tabous pour la science et adulés par les mystiques : la subjectivité, le sens et la valeur, les rêves, les pratiques spirites, les pratiques spiritualistes, symbolique, yoga, mandalas, etc, la psycho-sociologie contemporaine du phénomène ovni, la psycho-sociologie au Moyen Âge de l'engouement pour l'alchimie, etc.
Ces objets d'études ont donné lieu à deux types d'interprétations qui ne résistent pas à la connaissance de la vie et de l’œuvre de Jung : une tentative de légitimation par des courants mystiques partisans de la position idéaliste, et un rejet en bloc par les adeptes du scientisme partisans de la position matérialiste.
Or, le travail de Jung vise à dépasser l'opposition entre matérialisme et idéalisme, car la réalité vivante n'est donnée ni par le réel objectif ni par la formule dont le revêt la pensée, grâce à la science psychologique : L'activité vitale particulière à la psyché permet seule à la perception sensible d'atteindre la profondeur de son impression, à l'idée, sa puissance efficace, toutes deux composantes indispensables d'une réalité vivante.
Par rapport au phénomène ovni, Jung est un des premiers auteurs, dans Un mythe moderne 1958, à s'y intéresser d'un point de vue psychologique et sociologique. Il y suggère l'importance qu'il y a à étudier autant le témoin qui rapporte l'observation que l'observation per se. L'explication du phénomène se situerait dans la rencontre entre la psyché et un phénomène physique. De ce fait, il est un des précurseurs de ce que l'on nomme aujourd'hui le modèle sociopsychologique du phénomène ovni .
À ce sujet, voici un exemple ni mystique, ni scientiste pour illustrer les recherches psychologiques jungiennes : un Américain en 1950 voit un phénomène lumineux dans le ciel. Une idée jaillit : C'est un OVNI conduit par des extraterrestres.
Trois réactions sont, alors, possibles :
Soit, il rejette rapidement la pensée qu'il vient d'avoir : de l'existence et d'une rencontre possible avec une autre forme de vie intelligente. Le rejet de cette hypothèse, le conduit à prouver scientifiquement la cause physique du phénomène visuel dont il a été témoin. Ce qui est souvent possible assez aisément. Ce travail rationnel souhaitable peut aussi se transformer en une conviction pseudo-scientifique sur l'impossibilité d'existence d'autres formes de vie intelligente. Et peut aussi conduire au déni du questionnement scientifique légitime sur le fait objectif de la psycho-sociologie du phénomène ovni.
Soit il est subjugué par la conviction de l'existence d'autres formes de vie intelligente. Il deviendra alors un fervent défenseur de la réalité physique de l'apparition d'ovni extraterrestre. Il pourra même s'enfermer dans le déni des preuves scientifiques qui démontre la cause physique du phénomène dont il a été témoin.
Soit, cas le plus rare, si sa maturité psychologique est suffisante, il s'intéressera scientifiquement au phénomène psychologique répété dans les années 1950 - 60 du jaillissement de l'hypothèse de l'existence et de la rencontre possible avec d'autres formes de vie intelligentes.
Étudier cette question pourra alors être fécond en spéculations et hypothèses scientifiques. Jung pour sa part s'est intéressé à la dimension symbolique de l'engouement pour les ovni. Il y voit une projection fantasmatique qui force la pensée rationnelle contemporaine à s'intéresser à d'autres modes cognitifs : sentiments éprouvés, sensations immédiates, intuitions. L'homme du Moyen Âge dialoguait avec Dieu. L'homme du vingtième siècle dans l'hypothèse d'un processus physiologique d'individuation, se prépare à la rencontre - aussi étrange qu'une rencontre du troisième type - avec ses dynamismes cognitifs pré-conscients qui participent silencieusement à son existence.
Selon Jung, les apparitions d'ovni ont un sens psychologique. Gravure sur bois de Hans Glaser relatant les étranges ballets aériens du 4 avril 1561.
Le titre choc d'un article intitulé Le Dr Jung dit que les disques volants suggèrent des pilotes quasi humains publié dans le journal New York Herald Tribune, le 30 juillet 1958, a servi aux deux camps qui s'opposent quant à l'existence d'ovnis pilotés par des extraterrestres. Certains ont voulu y voir une légitimation de leur croyance aux extraterrestres, d'autres une décrédibilisation du caractère scientifique des travaux psychologiques de Jung. Peu envisagent que Jung, en ancien psychiatre, fait justement remarquer qu'il y a un intérêt pour les recherches psychologiques de remarquer que ceux qui décrivent des ovnis extraterrestres décrivent un pilotage non extraterrestre - quasi humain. S'agit-il, alors, d'une projection fantasmagorique ? Comme méthode, il propose des études de cas de rêves à thématique ovni de ses patients. Son hypothèse principale est que les ovnis ont une forme circulaire de soucoupe par analogie avec les mandalas, eux-mêmes symboles d'un désir de complétude et qu'ils sont une reconduction de l'archétype du salut, au sein d'une société où Dieu est mort. Une tentative pour l'humain de s'interroger au sujet de la cohabitation sous un même crâne entre une pensée consciente coutumière et un autre fonctionnement cognitif non-conscient.
L'intérêt de Jung pour le yoga notamment, et globalement pour les croyances orientales, est récupéré par le syncrétisme qui se retrouve dans le New Age. Selon le sociologue Paul Heelas, dans The New Age Movement, Jung est l'une des trois plus importantes figures du New Age » avec Blavatsky et Gurdjieff.
Les Travaux de Jung à propos de la psychologie des mystiques ont conduit en partie au développement du courant dit New Age qui en reprend certains termes dans des acceptions plus ou moins en rapport avec la pensée jungienne : inconscient collectif, anima, synchronicité, etc. L’impact de la pensée de Jung sur la dynamique d’émergence du New Age est fondamental résume le sociologue Luc Mazenc.

Théorie des types psychologiques

La théorie des types psychologiques a une influence féconde sur une génération de psychologues : le Myers Briggs Type Indicator de Katherine Cook Briggs et d'Isabel Myers ayant abouti au questionnaire MBTI utilisé dans certaines méthodes de coaching provient de la classification en types de Jung. La socionique est une théorie des relations entre les types de personnalités inspirée également des types psychiques, créée par Aushra Augustinavichute. Ces deux théories, l'une occidentale le MBTI, l'autre soviétique la socionique sont nées durant la guerre froide ; leur portée montre la dimension internationale des recherches de Jung.
Par ailleurs, la typologie jungienne de la personnalité a nettement influencé la graphologie et la caractérologie de l' école de Groningue. Une élève de Jung, Ania Teillard, auteur des Types psychologiques de Jung et leur expression dans l'écriture 1946 et de L'Âme et l'écriture 1948 met en relief les correspondances graphiques et les types psychiques. Enfin, le psychiatre et neurologue suisse Hermann Rorschach s'inspira de la typologie de Jung pour bâtir son test projectif portant son nom, publié dans Psychodiagnostic 1921 et très utilisé aujourd'hui.
Le mythologue hongrois Károly Kerényi coécrivit avec Carl Gustav Jung et Paul Radin, Le fripon divin 1958.
Gaston Bachelard, dans ses écrits comme la Psychanalyse du feu, développe une théorie de l'imagination influencée par la symbolique des archétypes. Ses méthodes d'analyse doivent beaucoup à la démarche de la psychologie analytique105. Par ailleurs, la mythanalyse de Pierre Solié et de Gilbert Durand, auteur des Structures anthropologiques de l’imaginaire. Introduction à l’archétypologie générale, se fonde sur l'archétypologie de tradition jungienne. Durand a également réalisé un travail d'élargissement de l'archétypologie vers le domaine artistique, notamment dans Beaux-arts et archétypes : la religion de l'art 1989 en introduction duquel il explique que la philosophie de l'archétype est encore sinon à illustrer ... mais bien à défendre un quart de siècle après la disparition de l'inventeur de cette notion, Carl Gustav Jung. Le critique et spécialiste de la littérature Northrop Frye publie en 1949 Anatomy of Criticism qui se réfère directement à la théorie des archétypes de Jung, qui sont pour lui des modèles thématiques ou purement littéraires, indifférents aux règles de la vraisemblance. En somme, pour lui, les mythes sont les principes structurels de la littérature. Le critique littéraire Georges Poulet a transposé les modèles jungiens dans l'étude des textes et des univers imaginairesK.

Influence sur la littérature et les arts

La psychologie analytique a eu de nombreuses répercussions sur la littérature du XXe siècle. Certains auteurs ayant été patients de Jung se sont inspirés de son approche de la psyché et de l'imaginaire mythologique. La dimension trans-personnelle et l'étude des mythes ont ainsi permis à des écrivains comme Herbert George Wells ou Hermann HesseI dans ses romans Demian et dans Le Loup des steppes notamment, analysés par Jung, de teinter leurs univers de références aux concepts jungiens. La femme de lettres Victoria Ocampo qui a rencontré Jung en 1930, le poète américain Léonard Bacon ou Jorge Luis Borges disent enfin avoir été influencés par Jung. Certains auteurs de science-fiction se sont également reconnus comme d'inspiration jungienne, tel Frank Herbert dans Dune, Philip Wylie, Valerio Evangelisti ou Ursula K. Le Guin dans Le Cycle de Terremer.
Les cinéastes italiens Federico Fellini et même George Lucas par l'intermédiaire du mythologue américain Joseph Campbell font partie également des artistes influencés par la psychologie analytique. Au cinéma, le réalisateur et scénariste John Boorman dans Excalibur 1981 s'est inspiré de l'œuvre de Jung, en particulier dans son analyse de l'archétype du Saint Graal. Le film de Roberto Faenza, L'âme en jeu 2004 met en scène Jung et Sabina Spielrein. De même, David Cronenberg met en scène dans son film A Dangerous Method 2011 cette liaison ainsi que la relation entre Freud et Jung. Dans Batman Begins 2005, le psychiatre Jonathan Crane justifie le fait que les patients parlent d'un épouvantail effrayant en disant que cela correspond à un archétype de Jung. Dans Full Metal Jacket 1987 de Stanley Kubrick un dialogue évoque la dualité de l'homme, concept jungien, pour justifier la cohabitation entre un slogan pacifiste et un slogan guerrier sur un même casque. Dans les séries, Jung est évoqué dans la saison 3 de Heroes. Quand le personnage d'Usutu affirme à Matt Parkman qu'il doit trouver son totem pour le guider dans son voyage. Matt demandant s'il s'agit de fétichisme africain, se voit répondre que cela vient de la psychologie analytique de Carl Jung. Dans l'épisode des Simpson, Bart enfant modèle, un psychanalyste voit en Bart l'enfant intérieur à prendre comme modèle pour les adultes ce qui tourne au désastre, Bart étant l'enfant le plus odieux de la ville.
En peinture, l'expressionniste américain Jackson Pollock qui a entrepris une thérapie jungienne en 1939 doit sa vocation artistique à cette cure. Edward Hopper est lui aussi influencé par la pensée de Jung mais aussi par celle de Freud.
Le manga Dreamland de Reno Lemaire s'intéresse à la dualité des mondes réel et onirique dans un cadre simplifié et purement nekketsu. Les personnages de Carl Gustav Jung surnommé l'homme à la pipe et Sigmund Freud sont décédés mais leurs âmes subsistent au sein de Dreamland.


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#54 Samuel Colt
Loriane Posté le : 18/07/2015 17:35
Le 19 juillet 1814 naît Samuel Colt

10 janvier 1862 à Hartford Connecticut aux États-Unis, mort à 47 ans le 10 janvier 1862 dans la même ville, était un inventeur et industriel américain qui popularisa le revolver. Il fut intronisé en 2006 au National Inventors Hall of Fame. Sa devise : Dieu a fait des hommes grands et d'autres petits, je les ai rendus égaux.

En bref

Samuel Colt, père du révolver, Samuel Colt, avec le révolver, a révolutionné les méthodes de guerre à travers le monde.
Samuel Colt naît le 19 juillet 1814 à Hartford dans le Connecticut. Son père est un ancien fermier qui a migré à Hartford pour devenir businessman. Samuel Colt perd sa mère à l'âge de 7 ans, et son père se remarie 2 ans plus tard. Il fait partie d'une fratrie de huit personnes, cinq garçons et trois filles. À l'âge de 11 ans, Samuel Colt est embauché dans une ferme à Glastonbury, où il ira également à l'école. Il découvre une encyclopédie avec des articles sur la poudre à canon, ce qui lui donne l'envie d'inventer une arme révolutionnaire : le futur révolver.
À quoi ressembleraient les westerns s’ils n’étaient pas peuplés de cow-boys avec des revolvers ? Eh bien, ils doivent tout à un étonnant bonhomme. Dès son plus jeune âge, Samuel Colt se passionne pour la poudre à canon, découverte à travers une encyclopédie. Avec une ténacité surprenante, il décide de tout faire pour devenir plus tard l’inventeur d’un nouveau type d’arme…
En 1832, à seulement dix-huit ans, Samuel Colt crée la « Patent Arms Manufacturing Company » et dépose son premier brevet de revolver. Avec une qualité qui s’améliore au fil des ans, le jeune homme se lance alors dans la création de nombreux modèles de cette arme de poing. En 1851, le Belt Model, pouvant être porté à la ceinture, connaît un grand succès et devient l’une des armes à feu les plus vendues aux États-Unis.
Samuel Colt, qui avait découvert très jeune que la poudre à canon pouvait exploser au contact de l’électricité, développa également la première mine sous-marine. Il participera au côté de Samuel Morse à la construction de la ligne télégraphique subaquatique reliant l’île de Manhattan à Brooklyn.
Samuel Colt est donc à l’origine d’une bonne partie de ce qui a fait l’histoire de l’Ouest. Étonnant jusqu’au bout, il avait comme devise : Dieu a fait des hommes grands et d’autres petits, je les ai rendus égaux.
En 1829, Samuel Colt retourne travailler avec son père dans sa fabrique de tissus dans le Massachusetts. Là-bas, ayant accès à tous les outils, il commence ses essais et développe quelques procédés. Son père l'envoie ensuite apprendre le commerce maritime en 1832, avant de le faire revenir à la maison et de financer la production de deux modèles de révolvers.
Il part en Angleterre en 1835 pour proposer son invention, mais il rentre finalement aux États-Unis pour développer sa première usine d'armes à feu. En 1836 sort son tout premier modèle, le Colt Paterson. Un peu plus tard, il présente son invention au président des États-Unis, Andrew Jackson, qui valide le produit, mais quelques problèmes dans la production lui font faire rapidement faillite. Samuel Colt s'associe alors à l'inventeur des détonateurs électriques, Samuel Morse. Il finit peu à peu par vendre son révolver, qui est adopté par les armées américaines et mexicaines.
Samuel Colt meurt à Hartford, où il est enterré, le 10 janvier 1862.

Sa vie

Les parents de Samuel sont Christopher Colt, un fermier qui déménagea sa famille à Hartford lorsqu'il changea de profession pour devenir homme d'affaires et Sarah Colt née Caldwell qui mourut avant que Samuel n'ait sept ans. Christopher s'est remarié deux ans plus tard à Olive Sergeant. Samuel a quatre frères et trois sœurs. Deux de celles-ci moururent durant leur enfance, la dernière, Sarah Ann se suicida plus tard. Les frères de Samuel furent pour lui d'un grand soutien dans sa vie professionnelle. L'un d'eux John Caldwell commit un meurtre pour une affaire de dette en 1841 à New York City et se suicida le jour de son exécution. Samuel Colt fut envoyé dans une ferme à Glastonbury à l'âge de onze ans pour y travailler et aller à l'école. À Glastonbury il lut le Compendium of Knowledge, une encyclopédie scientifique qu'il préférait lire plutôt que d'étudier la bible. L'encyclopédie contenait des articles sur Robert Fulton ainsi que sur la poudre noire qui lui procurèrent la motivation ainsi que des idées qui l'influencèrent tout au long de sa vie. En lisant le Compedium il apprit « que Robert Fulton et d'autres inventeurs accomplirent des choses que l'on croyait impossibles - jusqu'à ce qu'elles se réalisèrent ». Plus tard en entendant des soldats parler du succès d'un fusil à deux canons et de l'impossibilité de créer une arme pouvant tirer cinq ou six fois, Colt décida qu'il sera l'inventeur qui concevra cette arme "impossible".
En 1829 Colt commença à travailler à l'usine de textiles de son père à Ware, Massachusetts où il eut accès aux outils et à l'expertise des employés de la fabrique. Utilisant le savoir et les idées acquis plus tôt il fabriqua une pile électrique dont il se servit pour détonner une charge de poudre dans les eaux du lac Ware. En 1830, son père l'envoya travailler dans la marine marchande. Colt dira plus tard que le concept du révolver lui est apparu en observant la barre du navire lors de son premier voyage. Durant ce temps, Colt fabriqua une maquette de poivrière en bois.
Lorsque Colt revint aux USA en 1832 il recommença à travailler avec son père qui finança la production de deux armes, un fusil et un pistolet. Les armes furent de mauvaise qualité car Christopher, ne croyant pas aux idées de son fils, engagea des mécaniciens à bas prix. Le premier pistolet explosa mais le premier fusil fonctionna correctement. Plus tard, apprenant par l'intermédiaire du chimiste de la fabrique de son père l'existence du protoxyde d'azote gaz hilarant, Colt prit un laboratoire portable sur la route et gagna sa vie en faisant des démonstrations publiques des propriétés de celui-ci aux États-Unis et au Canada en se présentant comme le célèbre docteur Coult de New York, Londres et Calcutta. Ses talents d'orateur étaient si convaincants qu'on lui demanda de guérir ce qui semblait être une épidémie de choléra à bord d'un bateau.
C'est à ce moment qu'il prit des dispositions pour commencer à fabriquer des armes en engageant des armuriers de Baltimore dans le Maryland. En 1832, à l'âge de 18 ans, Colt déposa un brevet pour son révolver et déclara qu'il reviendrait bientôt avec un modèle.

Développement du révolver

Le premier modèle de révolver conçu par Samuel Colt fut le Colt Paterson à simple action, le chien est armé à la main, faisant tourner le barillet en même temps pour aligner la chambre chargée en face du canon. Les premiers revolvers Colt Paterson furent fabriqués en 1836. C'est un calibre 0.36 en centièmes de pouce à cinq coups. Il est vendu à la marine du Texas, jeune République qui vient de proclamer son indépendance, et à ses Rangers engagés contre les Mexicains et les Indiens.
En 1846, Colt, en collaboration avec le capitaine Walker, obtient un contrat de 1 000 révolvers Colt, modifiés selon les demandes de Walker qui représente l'armée américaine. Le colt Walker modèle 1847 possède les caractéristiques des révolvers des années suivantes : peu de pièces mobiles, pontet coulé avec la sous-garde, refouloir, nez du chien comportant une encoche pour viser, barillet à 6 chambres... Le long barillet prévu pour 3,25 g de poudre et une balle ogivale de calibre 44, ainsi que le canon d'une longueur de 22,9 cm, donnent un aspect monstrueux à ce revolver de 2 kg à vide.
Cette commande permet à Colt de produire des révolvers moins artisanaux que le Paterson. Il lance sur le marché le Colt Holster Pistol 1848 premier de la série des Dragoon, aussi en calibre .44, mais avec un canon de 20 cm. Plus léger que le Walker, il est adopté par les régiments de cavalerie les dragons.
Des modèles de calibre.31, et donc moins lourds encore jusqu'à 70 % inférieur au Walker voient aussi le jour ; Les Colt Baby Dragoon 1847/48, 5 coups, les premiers sans refouloir, pontet droit à l'arrière, Pocket 1849, 5 à 6 coups, avec refouloir, pontet rond. Ils sont surtout utilisés par des particuliers, mais aussi par la police, des messagers et des compagnies de diligence. Entre 1848 et 1873, Colt fabrique 340 000 Pocket Revolvers, révolvers de poche.
En 1851, Le modèle Navy cal 36. ou Belt Model porté à la ceinture devient une des armes à feu les plus vendues 215 000 exemplaires. Le capitaine Dansan avait d'ailleurs réussi le 23 janvier 1851 avec le modèle Navy à tirer sur une cible portée à plus de 28 mètres.
Enfin, en 1860, est construit le New Model Army pour remplacer les Dragoons. Son calibre est identique. mais l'arme est allégée de 30 %. La série des New Army 1860, New Navy, 1861, calibre. et New Police 1862, calibre 36, 5 coups est la dernière des armes sans cartouche.

Invention de la mine sous-marine

Samuel Colt fut le premier à découvrir que la poudre pour armes à feu pouvait détoner sous l'action de l'électricité. Il remarqua également qu'un fil correctement isolé pouvait transmettre l'électricité à travers l'eau. En 1829, à titre de démonstration, il fit exploser un radeau. En 1842, pour le compte de la Navy, il coula sur le Potomac une vieille canonnière réformée, le Boxer, avec une mine sous-marine à mise à feu électrique.
À cette date, il s'associe avec Samuel Morse pour exploiter le télégraphe de ce dernier. Il participe à la construction d'une ligne télégraphique sous-marine reliant l'île de Manhattan à Brooklyn et au New-Jersey.

Divers

Ses devises : Dieu a fait des hommes grands et d'autres petits, je les ai rendus égaux.

Dans la culture populaire


Dans la série américaine Supernatural, Samuel Colt est l'inventeur d'un revolver (le Colt) qui peut tuer n'importe qui ou n'importe quoi, quelle que soit sa nature (démons, monstres, déités, anges...). Il est également chasseur de créatures surnaturelles.


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#55 Charles Rolls
Loriane Posté le : 11/07/2015 18:49
Le 12 juillet 1910 à 32 ans meurt Charles Rolls

Sir Charles Stewart Rolls Mayfair à Bournemouth, né à Londres le 27 août 1877, aristocrate britannique originaire du Pays de Galles, ingénieur en mécanique, pilote pionnier du sport automobile et de l'aviation, titulaire d'un brevet de pilote d'avion daté du 10 janvier 1910 et cofondateur de la prestigieuse marque automobile de luxe Rolls-Royce en 1904 avec Henri Royce.
Premier aviateur à avoir traversé la Manche dans les deux sens et sans arrêt, il vendit des moteurs et, en 1906, fonda avec F.H. Royce la société Rolls-Royce Ltd., constructeur d'automobiles de luxe et de moteurs d'avions.

Sa vie

Il naît le 27 août 1877 à Berkeley Square, Londres dans une richissime famille de l'aristocratie britannique. Il est le troisième fils du Lord John Rolls de Llangattock, homme politique originaire de Monmouth au Pays de Galles.
Il entre au Collège d'Eton puis à l'Université de Cambridge d’où il sort ingénieur diplômé en mécanique et en science appliquée.
Premier étudiant de l'Université de Cambridge à s'y rendre en voiture au volant d'une des premières Peugeot, il se passionne vite pour les voitures et devient pilote pionnier du sport automobile.

Importateur de voitures de luxe

Il fonde avec succès une luxueuse concession d'automobiles à Piccadilly à Londres où il commercialise auprès de l'aristocratie britannique des automobiles importées du continent Peugeot, Panhard, etc.. Hormis les Minerva, voiture belge, véhicule personnel de Charles Rolls, il est très déçu par le faible niveau technique de toutes les premières voitures qu'il essaie alors. Elles sont bruyantes, peu puissantes, vibrent de toutes parts, sont difficiles à manier, tombent souvent en panne, sont peu confortables, etc.

Palmarès automobile personnel

C'est cependant avec des véhicules français qu'il obtient pourtant des résultats probants en course au début du XXe siècle:

Course de côte de Petersham Hill près de Richmond: 1899 sur Panhard 6HP;
Course de côte de Taddington Hill près de Buxton: 1900 Panhard 12HP;
Course de côte de Dunmail Raise: 1900 Panhard 12HP;
Le One Thousand Miles 1900 de Londres Londres-Bristol-Birmingham-Manchester-Derby-Kendal-Carlisle-Edinburgh-Newcastle-Leeds-Sheffield-Nottingham-London, sur Panhard 12HP;
Course de côte de Birkhill près de Moffat: 1900 Panhard 12HP, lors de la course de 1 000 Miles citée;
Course de côte de Dashwood Hill: 1903 Napier 45HP lors des courses de Gordon Bennett;
Course de côte de Ballyfinane à Killorglin Hill: 1903 Mors ou Kerry Cup;
RAC Tourist Trophy: 1906 Rolls-Royce 20 HP.
En 1900, il devient également mécanicien embarqué de Selwyn Edge à bord d'une Napier, lors de la course Paris-Toulouse-Paris, abandon.
En 1904, âgé de 27 ans, on lui présente Henri Royce, alors âgé de 41 ans, qui vient de fonder la Royce Company à Manchester et qui a fabriqué sa propre première voiture, Royce 10 HP, renommée ensuite en Rolls-Royce 10 HP de 2 cylindres et 10 chevaux, dont tout le monde fait l'éloge de l'exceptionnelle esthétique, luxe, robustesse, fiabilité, silence, confort, souplesse, etc. Il est emballé par les essais. Enfin une voiture anglaise digne de toutes les louanges ; il s'engage à commercialiser sous son nom.

En 1905, Rolls participe encore à la Coupe Gordon Bennett sur Wolseley.

Histoire de la firme Rolls-Royce:

Firme britannique de construction automobile et aéronautique, fondée en 1906 à Manchester par un mécanicien de grand talent, Frederick Henry Royce 1863-1933, et un jeune aristocrate anglais, féru de sports mécaniques, Charles Stewart Rolls, 1877-1910. Celui-ci fut le premier aviateur à faire l'aller et retour sans escale entre l'Angleterre et la France, un an après la mémorable traversée de la Manche par Louis Blériot le 25 juillet 1909. Charles S. Rolls devait d'ailleurs trouver la mort dans un accident d'avion quelques semaines après sa performance. La firme Rolls-Royce est surtout connue du grand public pour la perfection et le raffinement de ses automobiles.
Le 4 mai 1904 Rolls et Royce s'associent et fusionnent leurs entreprises en Rolls-Royce. La marque se fait immédiatement une réputation fantastique auprès des clients d'automobiles d'élite et aristocratiques de Charles Rolls, pour leur très haut niveau de qualité et de perfection. Les voitures les plus chères, mais aussi les meilleures du monde qui imposent un respect universel dès 1910.
Les premières Rolls-Royce sont présentées avec succès au Salon de l'automobile de Paris de décembre 1904. Les voitures remportent de nombreuses courses des années 1900 où elles se distinguent par leur grande fiabilité.
Charles Rolls abandonne à la célèbre première course du Tourist Trophy de l'Île de Man de 1905 puis gagne l'année suivante au volant d'une Rolls-Royce 30 HP. Il déclare : Comme je n'ai fait que rester assis à attendre que la voiture franchisse la ligne d'arrivée, le mérite revient à monsieur Royce qui en est le dessinateur et le constructeur.Devenu membre de l'Aéro-Club de France, il obtient son brevet de pilote en 1906.
Wright Flyer III des frères Wright est le premier avion à moteur à pétrole de l'histoire de l'aviation.
Sa réputation dans ce domaine est entièrement justifiée, mais son importance réelle dans le monde de l'industrie est surtout due à ses activités dans le domaine des moteurs d'avions. Peu avant la Première Guerre mondiale en effet, la firme s'était engagée dans la voie de l'aéronautique, après s'être assurée la collaboration des frères Wright. En 1915, tout en produisant pour les armées alliées les premières voitures blindées, Rolls-Royce met au point le moteur d'avion Eagle de 12 cylindres en V et à refroidissement à eau.
C'est un moteur de ce type qui permettra à Alcock et Brown d'effectuer la première traversée de l'Atlantique, en juillet 1919. Puis, c'est le moteur Mark 8, de 360 chevaux ; le moteur Falcon, version réduite du moteur Eagle ; et toute une série de moteurs qui aboutissent au moteur Merlin, réalisation remarquable qui équipera une grande partie des appareils de la R.A.F. pendant la Seconde Guerre mondiale.
En plus des moteurs à pistons, Rolls-Royce s'intéresse à des moteurs d'un type nouveau. C'est sous les auspices de Rolls-Royce que Frank Whittle développera en 1941 son réacteur, le W 1, ancêtre de tous les réacteurs actuels. En 1945, Rolls-Royce met au point un autre type de moteur, le turbo-propulseur, qui permet aux avions à hélices de profiter des progrès apportés par les turbines.
Rolls-Royce, qui est un des deux ou trois plus grands constructeurs mondiaux de réacteurs pour avions gros porteurs, connaît en 1971 une grave crise financière due aux difficultés technologiques rencontrées dans la mise au point d'un réacteur à hautes performances, fondé sur l'utilisation d'aubes en carbone fritté. D'ailleurs, cette même année la société dépose son bilan puis se scinde en deux compagnies. Le secteur aéronautique 90 p. 100 des activités de Rolls-Royce est d'abord nationalisé puis privatisé, en 1987, et prend le nom de Rolls-Royce P.L.C.
La société Rolls-Royce, qui garde les activités automobiles, devient société anonyme en 1973, la Rolls-Royce Motor Cars Ltd., qui fusionne en 1980 avec Vickers Ltd. Cette branche de la société Vickers Ltd., à la suite de la crise de l'automobile de luxe, a connu des difficultés financières qui l'ont amenée à supprimer des emplois au début des années 1990. En 1998, elle est rachetée par le groupe allemand Volskwagen, qui surenchérit sur l'offre de la firme allemande B.M.W.
Toutefois, en janvier 2003, à la suite de quelques années de négociations, B.M.W. récupère la marque Rolls-Royce, Volkswagen conservant le contrôle de Bentley. La filière aéronautique s'est, quant à elle, diversifiée : moteurs pour le domaine aéronautique, représentant plus de 70 p. 100 de son chiffre d'affaires, équipements marins systèmes de propulsion, systèmes de contrôle, d'ancrage..., moteurs Diesel et turbines à gaz destinées aux centrales électriques et à l'industrie pétrolière...

Mort de Charles Rolls dans un meeting aérien

Le 2 juin 1910 Charles est le premier homme à faire l'aller retour Angleterre, Douvres-France, Calais sans escales au-dessus de la Manche avec un biplan Wright Flyer des frères Wright premier avion à moteur à pétrole de l'histoire de l'aviation, une traversée récompensée par une coupe de 2000 francs offerte par M. Ruinart. La même année, il se tue le 12 juillet dans un meeting aérien au-dessus de Bournemouth à l'âge de 33 ans, alors qu'il pilotait un biplan Wright et tentait de s'imposer dans un concours d’atterrissage. Charles Rolls s'est crashé suite à la rupture de la queue stabilisatrice de son appareil.



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#56 Nicéphore Nièpce
Loriane Posté le : 03/07/2015 20:53
Le 5 juillet 1833 à 68 ans, meurt Joseph Nicéphore Niépce

à Saint-Loup-de-Varennes en Saône et Loir né le 7 mars 1765 à Chalon-sur-Saône actuelle Saône-et-Loire, ingénieur français, considéré comme étant l'inventeur de la photographie, appelée alors procédé héliographique. Il est aussi l'auteur de la plus ancienne prise de vue et du pyréolophore, le premier moteur à combustion interne du monde. Universellement connu aujourd'hui pour l'invention de la photographie, il mourut sans se douter de l'immense succès et des nombreuses applications qu'allait connaître cette technique d'enregistrement des images. Son ingéniosité s'exerça aussi dans d'autres domaines.
Un pionnier du moteur à explosion.Issu d'une famille aisée de la bourgeoisie bourguignonne – son père est avocat, receveur des consignations du Chalonnais et conseiller du roi –, Joseph Niépce, qui a une sœur et deux frères, étudie chez les oratoriens à Chalon, Troyes et Angers, et envisage un temps de devenir prêtre avant d'y renoncer en 1788. Quand éclate la Révolution, partisan de l'abolition de l'ordre ancien, il rejoint la Garde nationale et adopte le surnom de Nicéphore. Il s'engage dans l'armée révolutionnaire en 1792 et participe à des campagnes dans le sud de la France et en Sardaigne. Mais, dès 1794, sa vue déficiente et sa santé délicate le contraignent à abandonner la carrière militaire. Il s'établit alors à Nice, où vient le rejoindre son frère aîné, Claude, et épouse la fille de sa logeuse. De cette union naît, l'année suivante, un fils, Isidore un autre, Agénor, naîtra plus tard mais mourra en bas âge. En 1801, tous regagnent la propriété des Niépce, à Saint-Loup-de Varennes, près de Chalon-sur-Saône, pour assurer la gestion du patrimoine familial.

En bref

Il n'est pas rare que des querelles d'antériorité, concernant des découvertes anciennes, finissent par rendre impossible ou oiseuse l'attribution de celles-ci. Il n'est pas rare non plus qu'un filou exploite la trouvaille d'autrui et tente de s'en faire passer pour l'inventeur : l'histoire des sciences parvient généralement à le démasquer. Mais qu'un inventeur quelque peu chimérique voie sa création reprise, mise sous le boisseau puis confondue avec celle d'autrui, cet autrui étant lui-même un expérimentateur de valeur et même un créateur, doublé il est vrai d'un homme d'affaires, voilà qui n'est pas fréquent. Tel fut le sort de Nicéphore Niépce, le véritable inventeur de la photographie.
Son enfance est marquée par un goût précoce pour la mécanique, goût qu'il partage avec son inséparable frère Claude. La paisible vie bourgeoise des deux jeunes gens, dans la maison familiale de Chalon-sur-Saône, est bouleversée par la Révolution. En 1794, les deux frères sont à Nice : Nicéphore y met au point et fait breveter une machine, le Pyréolophore, ancêtre du moteur à explosion, avec laquelle il fera mouvoir deux bateaux. En 1804, c'est le retour dans le domaine familial du Gras, à Saint-Loup-de-Varennes ; il y expérimente la culture du pastel et l'extraction du sucre de betterave. Dès 1813 il s'intéresse à la lithographie, introduite en France depuis une dizaine d'années mais pas encore à la mode. Ici se place sa première intuition : employer pour la reproduction des gravures, qui est alors la raison d'être de la lithographie un vernis qui puisse servir de réserve contre l'action de l'acide, puis faire agir la lumière sur ce vernis à travers la gravure à copier. Grâce à une chambre noire dont il règle à volonté l'ouverture par un diaphragme de son invention, ancêtre du diaphragme à iris promis à un bel avenir, Niépce transpose des gravures sur le papier, sur le verre, sur l'étain émulsionné. En même temps il tâtonne à la recherche du meilleur vernis. En 1816, il peut envoyer à son frère parti faire des démarches commerciales en Angleterre deux épreuves sur papier imprégné de chlorure d'argent. Comme il l'avait prévu, les fonds sont plus sombres que les objets, et il songe déjà à inverser l'effet de lumière, bref à obtenir ce que nous appellerions des positifs directs.
Vers cette date, Niépce fait le pas décisif : il s'agit désormais de fixer la réalité elle-même, avec l'aide directe de la lumière. Sa formule finale de vernis est aussi trouvée. C'est du bitume de Judée dissous dans l'huile de Dnippel, ou pétrole blanc. Après une exposition de deux à trois heures, le lavage du cliché avec un mélange de pétrole blanc et d'huile de lavande le débarrasse du bitume. En 1822, ce procédé, qu'il ne sait pas encore abréger, lui donne la première photographie du monde : c'était une nature morte, une table, une nappe et quelques fruits. Tiré sur une plaque de verre, ce cliché est aujourd'hui perdu ! Nous le connaissons par un fac-similé qu'en fit exécuter, avant 1890, date de sa disparition, la Société française de photographie. On a contesté à tort l'attribution de cette image à Niépce. La question ne s'est même pas posée pour une autre épreuve, tirée en 1827 sur plaque d'étain, elle aussi perdue et retrouvée après une véritable enquête policière, en 1952, par l'historien de la photographie Helmut Gernsheim. Assez peu lisible, elle représente une maison vue d'une fenêtre, et son authenticité est attestée par la correspondance de Niépce.
Ses travaux avaient très gravement ébréché son patrimoine. Encore une fois Nicéphore dépêche Claude à Londres, avec mission d'intéresser le public à ses héliographies, comme il les appelle. La Royal Society, trop fidèle à ses statuts (et qui fera bientôt amende honorable, l'éconduit sous prétexte que l'inventeur ne veut pas divulguer son procédé. Alors entre en scène Daguerre. En 1826, il cherche depuis quelques années, par ses lettres, à percer le secret de Niépce, tout en critiquant sévèrement des méthodes qui pourtant surpassent ses propres essais. Niépce est sur ses gardes, mais accepte de rencontrer Daguerre en 1827 à Paris où il passe pour gagner Londres : le fidèle Claude, épuisé, est tombé malade et mourra fou après avoir comme tant d'autres inventé le mouvement perpétuel. Devant Daguerre, plus jeune, plus entreprenant, Nicéphore capitule. Le 14 décembre, il signe un contrat d'association qui ménage encore sa renommée, mais où son partenaire se réserve en fait d'exploiter la découverte. Après quatre ans d'une correspondance chiffrée, soi-disant pour dépister les indiscrétions, Daguerre est en possession de tous les éléments qui lui assureront la gloire et la fortune, moyennant quelques aménagements techniques. Une apoplexie terrasse Nicéphore en 1833. Son fils est obligé de brader l'héliographie à Daguerre, qui finira par faire disparaître des contrats et brevets toute mention du nom même de Niépce. Tandis que Nadar, perspicace, écrira bientôt : Le daguerréotype, qui devrait légitimement s'appeler niepcétype..., quelques voix s'élèvent en faveur de l'antériorité du Chalonnais. Il faudra attendre 1972 avec l'ouverture à Chalon du musée Nicéphore-Niépce où le diaphragme de Niépce, en parfait état de marche, sa chambre pliante et d'autres émouvants bricolages sont conservés), puis la pose d'une plaque commémorative le long de la RN 6, pour que justice soit rendue au premier homme qui ait obligé le soleil à fixer directement une vision du monde G. legrand

Sa vie

Joseph Niépce naît le 7 mars 1765 à Chalon-sur-Saône en Bourgogne, sous le règne de Louis XV. Son père est avocat et gérant de biens, et porte le titre honorifique de conseiller du roi. Sa mère, née Claude Barault, est la fille d'un célèbre avocat. Très aisée, la famille possède des propriétés dispersées autour de Chalon-sur-Saône lui procurant des revenus élevés. Il adoptera le surnom de Nicéphore lors de la période révolutionnaire selon certains, quand d'autres, expliquent qu'il a choisi Nicéphore en 1787, après avoir été renvoyé d'un collège où il supervisait une classe.
De 1780 à 1788, ses études aux collèges des Oratoriens à Chalon-sur-Saône, Angers et Troyes font entrevoir pour Joseph une carrière ecclésiastique ; mais il semble que la vocation du jeune homme se soit émoussée. Il renonce à la prêtrise et s'engage dans l'armée révolutionnaire en 1792. Il s'installe à Nice et s'y marie avec Agnès Roméro qui met au monde Isidore en 1796.
Dix ans plus tard, il est de retour en Bourgogne. À trente-six ans, Niépce retrouve sa terre natale, sa mère, sa sœur Claudine-Antoinette et ses deux frères Claude, l'aîné, et Bernard. Les années suivantes sont consacrées à la mise en valeur de ses propriétés et à ses inventions : le « pyréolophore en 1806[Quand ?] » moteur à explosion breveté en 1807, qui, bien que jamais commercialisé, apporte une notoriété nationale[réf. nécessaire] à ses talents d'inventeur, partagée avec Claude. Il soumet un projet pour la rénovation de la machine hydraulique de Marly et mène des expériences sur la culture du pastel, dont le développement est favorisé par le blocus continental.
Tous ces travaux, l'état de guerre permanent propre au premier Empire, le renchérissement de toutes choses amènent leur cortège de difficultés financières et Niépce contracte le premier d'une longue série d'emprunts.

La genèse de l'invention

1816 est l'année des premières recherches héliographiques, menées conjointement à celles du pyréolophore. Fin 1817, son frère Claude part en Angleterre tenter de vendre leur moteur et continuer ses propres travaux sur le mouvement perpétuel. La correspondance des deux frères durant les onze années suivantes sera un véritable almanach de l'avancement des recherches et des premiers succès photographiques. En 1824, enfin, Nicéphore peut écrire à son frère : La réussite est complète.
Hélas la situation de la famille est catastrophique : les dettes s'élèvent à 1 800 000 francs en 1987 et on songe sérieusement à vendre des propriétés pour rembourser des créanciers devenus impatients.
D'après la lettre à son frère Claude datée du 5 mai 18165, il semble que c'est à cette date que Nicéphore Niépce obtient un premier résultat significatif : une vue depuis sa fenêtre. Il s’agit d’un négatif que Niépce ne parvient pas à fixer. Après développement, le papier continue de se noircir. Il appelle cette image rétine : je plaçai l'appareil dans la chambre où je travaille ; en face de la volière, les croisées ouvertes ; je fis l'expérience d'après le procédé que tu connais, Mon cher ami, et je vis sur le papier blanc toute la partie de la voliere qui pouvait être aperçue de la fenêtre et une légère image des croisées qui se trouvaient moins éclairées que les objets extérieurs.
Une nature morte réalisée par Niépce et connue sous le titre La table servie a été considérée par certains chercheurs comme la première photographie, prise avant 1825. L'original, offert par le petit-fils de Nicéphore, Eugène Niépce, à la Société française de photographie en 1890, est aujourd'hui disparu. Il en subsiste une reproduction réalisée par la SFP en 1891. Les recherches de J.-L. Marignier ont, depuis, conclu qu'il s'agissait plus vraisemblablement d'une image prise en 1832 ou 1833 par un procédé original, le physautotype, mis au point par Niépce et Daguerre dans le cadre de leur collaboration entre 1829 et 1833.
Point de vue de la fenêtre, la plus ancienne photographie conservée, réalisée par Nicéphore Niépce en 1827.
En 18279, Niépce réalise la photographie intitulée le Point de vue du Gras, prise depuis la fenêtre de sa maison de Saint-Loup-de-Varennes, près de Chalon-sur-Saône. Il utilise pour cela une plaque d’étain et du bitume de Judée, provenant de l'asphalte des mines de Seyssel Ain. Après avoir reconstitué le procédé dans les années 1990 et en s'appuyant sur les témoignages d'époque, J.-L. Marignier a estimé que le temps de pose avait dû être de plusieurs jours.
Parallèlement, l'inventeur lie ses premières relations avec le graveur Lemaître et l'ingénieur-opticien Vincent Chevalier, de Paris. C'est grâce à ce dernier que Louis Daguerre écrit une première lettre à Niépce en 1826. Les contacts entre les deux hommes sont peu fréquents : Niépce est assez méfiant, Daguerre plutôt pressant. Nicéphore envoie avec parcimonie des échantillons parfois tronqués de ses réussites tandis que Daguerre, lui, n'envoie que des promesses…
1827 est une année décisive. Bien que miné par des difficultés de tous ordres, Niépce prend conscience du degré d'achèvement de son invention et cherche des contacts pour la faire reconnaître et la perfectionner. Claude tombe toutefois gravement malade et il faut partir pour l'Angleterre où la situation est là aussi calamiteuse : épuisé par ses recherches, n'ayant pas réussi à négocier le pyréolophore, Claude sombre dans la démence et meurt peu après. Lors de leur passage à Paris, Niépce et sa femme nouent des relations avec des scientifiques, mais sans suite. Mêmes résultats en Angleterre malgré de flatteuses rencontres avec des membres de la Royal Academy.

L'association avec Daguerre et la mort prématurée de l'inventeur

Début 1828, retour à Chalon-sur-Saône : Daguerre se montre de plus en plus désireux de connaître de nouveaux résultats. Le premier projet d'association entre Niépce et Daguerre voit le jour en octobre 1829. Le but de l'association est de commercialiser les fruits de la nouvelle découverte, à parts égales. Niépce apporte son invention, Daguerre ses relations et son industrie. Au cours des années suivantes, la collaboration devient plus étroite : une correspondance s'établit entre Chalon-sur-Saône et Paris. On use même, pour préserver le secret, d'un code chiffré désignant les éléments utilisés, la chambre noire, 56=le Soleil, 5=le bitume de Judée, etc.. Ce code compte jusqu'à cent une références. Les lettres échangées montrent que Daguerre est surtout préoccupé de la gestion de son diorama et que les recherches sont essentiellement le fait de Niépce bien que Daguerre parle de nos recherches.
En 1832 enfin, Daguerre réalise pour Niépce un bilan de ses propres travaux d'où il ressort que l'un et l'autre, avec les mêmes produits, obtiennent des résultats différents ; il est toutefois à noter — et cela n'est pas sans importance — que jamais Daguerre n'a pu montrer à Niépce le moindre résultat de ses essais. Mais les choses avancent. Début 1833, cependant, Daguerre, malade, suggère la remise à plus tard de certains essais.
Le 5 juillet 1833 à sept heures du soir, Nicéphore Niépce meurt subitement dans sa maison de Saint-Loup-de-Varennes. Il repose au cimetière du village.
Le 3 juillet 1839, François Arago présente à la chambre des Députés son rapport sur le daguerréotype. Cette communication livre à l'univers tout entier le secret du procédé de Louis Daguerre. Arago oublie seulement de préciser que l'invention dont il est question est née depuis déjà quinze ans du génie d'un autre homme : Nicéphore Niépce. En 1841 commence une polémique sur la paternité de l'invention. Le fils de Nicéphore Niépce, Isidore Niépce, publie un livre intitulé Historique de la découverte improprement nommée daguerréotype. Il faudra quelques années pour que la paternité de l'invention, confisquée un temps par Daguerre, soit définitivement rendue à Niépce.
Vers 1853, Abel Niépce de Saint-Victor améliore la technique de son oncle sous le nom d'héliogravure.

Prix Niépce

Le festival de photographie Nicéphore + fait référence à Nicéphore Niépce.

Hommages et lieux de mémoire

Musée de la photographie Nicéphore-Niépce. C'est le pôle de développement, de soutien et d’accompagnement de la filière image et son Nicéphore Cité de Chalon-sur-Saône.
Maison de Nicéphore Niépce de Saint-Loup-de-Varennes.
Association Gens d'images Depuis 1955, cette association décerne à un photographe français ou résidant en France depuis plus de trois ans, le prix Niépce, qui compte parmi ses premiers lauréats Jean Dieuzaide, Robert Doisneau ou Jeanloup Sieff.
Statue de Nicéphore Niépce par Arsène Letellier, 89 rue Jeanne-d'Arc à Rouen



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#57 Le canard enchaîné
Loriane Posté le : 03/07/2015 17:43
Le 5 juillet 1916 naissance du "canard enchaîne"

après un échec de lancement prématuré. Le Canard enchaîné est un hebdomadaire satirique français, paraissant le mercredi, fondé en 1915.
Dans Le Canard enchaîné de l'époque, la censure est souvent personnifiée par Anatasie, une vieille dame imaginaire tenant une paire de ciseaux.
Le Canard enchaîné a été créé le 10 septembre 1915 en riposte à la censure de la presse, à la propagande officielle et au bourrage de crâne des bellicistes de l'Union sacrée1 imposés par la guerre et ses difficultés.
Contrairement à une légende tenace il n'est pas un journal composé par des poilus, un journal des tranchées, comme Le Crapouillot de Jean Galtier-Boissière, ses deux cofondateurs Maurice Maréchal, le rédacteur et H.-P. Gassier le dessinateur étant dispensés du service militaire pendant la Première Guerre mondiale pour raisons médicales. Il ne démarrera vraiment que le 5 juillet 1916, après l'échec d'un lancement prématuré, et s'annonce comme vivant, propre et libre. Il paraît alors le mercredi de chaque semaine jusqu'à la fin de la guerre.
Il va s'attaquer à la guerre, à la censure, aux politiciens, aux affairistes, aux curés, au pouvoir, à la guillotine ainsi qu'au bellicisme outrageant des héros de l'arrière académiciens, éditorialistes de la grande presse qui se battent avec le sang des autres. L'arme choisie par le journal est le rire. L'esprit Canard est fait de non-conformisme, d'antiparisianisme, de pacifisme, d'anticléricalisme et d'antimilitarisme, et donc d'un anarchisme ou plus généralement du courant libertaire.

C'est la seule arme utilisable face à la censure militaire et politique avec laquelle le journal poursuit un combat homérique et rusé, illustré d'épisodes désopilants. Certaines fois, les pages du journal sont littéralement trouées de blancs. Pour échapper à Anastasie personnage qui symbolise la censure les journalistes utilisent un langage codé : antiphrases, démentis qui valent confirmations, phrases à l'envers, etc, bref tout un arsenal qui fait du lecteur un initié, presque un complice.
Il s'engage d'ailleurs dès sa première édition à ne publier que des informations rigoureusement fausses. Bien qu'il ne soit pas un journal de tranchées, il a du succès dans les tranchées... quand il n'y est pas interdit.
Deux officiers, Nusillard et Gauthier, sont affectés au contrôle des articles pendant toute la guerre et jusqu'en 1919.
Au total, la majorité des articles censurés ne traitent pas de sujets militaires.
Il est pour les Poilus, un rire vengeur et consolateur, le journal des PCDF : au choix les pauvres cons du front, les pauvres combattants du front, les pauvres cons de Français, les pauvres contribuables de France.
Lors de son lancement, une profonde communauté d'esprit existait entre Le Canard et le monde du cabaret, de la revue et du chant humoristique ou satirique montmartrois de Montmartre ainsi que du folklore de la République du Croissant.
Le Canard enchaîné est un hebdomadaire satirique français, paraissant le mercredi. Fondé le 10 septembre 1915 par Maurice Maréchal, Jeanne Maréchal aidés par Henri-Paul Deyvaux-Gassier. Il est la propriété de SA Les Éditions Maréchal - Le Canard enchaîné, directeur de publication Michel Gaillard, directeur de la rédaction Michel Gaillard, Rédacteur en chef Érik Emptaz, Louis-Marie Horeau. Il posséde une site web : www.lecanardenchaine.fr. C’est l’un des plus anciens titres de la presse française actuelle, après Le Figaro 1826, La Croix 1880, Le Chasseur français 1885, Les Échos 1904 et L’Humanité 1904. Depuis les années 1960, c'est aussi un journal d'investigation qui révèle nombre d'affaires scandaleuses.
Pour l’historien Laurent Martin, ce journal très attaché à la protection des sources d'information des journalistes représente une forme alternative de presse qui n’a guère d’équivalents en France et dans le monde.

Histoire Origine

Son nom fait malicieusement allusion au quotidien L'Homme libre édité par Georges Clemenceau, qui critiquait ouvertement le gouvernement de l’époque. Ce journal, en français familier, ce canard dut alors subir la censure, et son nom fut changé en L’Homme enchaîné. S’inspirant de ce titre, Maurice et Jeanne Maréchal décidèrent d’appeler leur propre journal Le Canard enchaîné.
La première série, faite avec des moyens limités, se termine au cinquième numéro. Le journal renaît cependant 5 juillet 1916, point de départ de la série actuelle. Le titre du journal a connu une variante : Le Canard déchaîné, du 15 octobre 1918 au 28 avril 1920.
Le canard qui orne la couverture et la manchette du journal chaque semaine a été dessiné par Henri Guilac.

L'entre-deux guerres

Des plumes comme Anatole France, Jean Galtier-Boissière, Paul Vaillant-Couturier, Henri Béraud, Raymond Radiguet, Tristan Bernard8, Jean Cocteau, Pierre Mac Orlan, Lucien Descaves ou Roland Dorgelès y collaborent, ainsi que des dessinateurs aussi célèbres que Lucien Laforge et Henri-Paul Deyvaux-Gassier.
Pacifiste quasiment pro-munichois en 1938, cultivant un antimilitarisme allié d'un anticléricalisme de bon aloi, Le Canard a quelques difficultés, notamment financières à se reconvertir dans la paix, après l'armistice de 1918. Il se développe néanmoins jusqu'à atteindre 250 000 exemplaires de tirage lors du Front populaire qu'il soutient néanmoins en dénonçant la montée des régimes totalitaires.
L'entre-deux-guerres est une période de déceptions et d'illusions. Apparaît, à travers Le Canard, la décomposition du régime, miné par les scandales, notamment le suicide de Stavisky, à la suite de l'affaire Stavisky une des plus célèbres manchettes : Stavisky s'est suicidé d'une balle qui lui a été tirée à bout portant, puis la montée de la guerre.
En 1936, Léon Blum se prononce pour la non-intervention en Espagne. Sur cette décision, à l'instar de la gauche française, les journalistes du Canard comme Pierre Bénard, ou Jean Galtier-Boissière expriment des opinions divergentes.
L'ironie du journal se déchaîne et devient souvent pamphlétaire avec la plume féroce des Henri Jeanson, Jules Rivet ou Alfred Modeste-Dieu.
Ses journalistes sont volontiers satiristes, mais certains sont plus polémistes, tels Victor Snell et plus tard Pierre Scize ou Morvan Lebesque.

La Seconde Guerre mondiale

Le journal se heurte au retour de la censure. Il est l’un des rares journaux à se saborder, tels L'Intransigeant et Le Populaire, pendant l’Occupation en 1940 le 11 juin, refusant toute collaboration. Mais plusieurs de ses journalistes se recyclent dans la presse collaborationniste comme André Guérin, rédacteur en chef de L'Œuvre de Marcel Déat où il côtoie Auguste Nardy tandis que Pedro dessine à Je suis partout et Jules Rivet collabore au journal Le Petit Parisien de Gabriel Jeantet.
Il reparaît le 6 septembre 1944. Pour les Français, la guerre sera finie quand ils pourront lire le Canard enchaîné... affirme Pierre Brossolette à Jean-Pierre Melville, repris par Luc Jardy, personnage interprété par Paul Meurisse dans le film L'Armée des ombres+.70. Son premier numéro eut un succès sans précédent.

Maurice Maréchal est décédé en 1942.

Son épouse, Jeanne Maréchal, reprend la direction de l’hebdomadaire avec : Ernest Reynaud, Gabriel Macé, Roger Fressoz, Yvan Audouard, l'ancien socialiste national breton Morvan Lebesque, et les dessinateurs : Lap, Escaro, Cabrol, Moisan.
Alors que sa diffusion avait atteint 250 000 exemplaires en 1936, Jeanne Maréchal la fait passer à 500 000 exemplaires en 1947 avant qu'il ne connaisse une crise dans les années 1950 et ne retrouve le seuil des 100 000 exemplaires qu’en 1954.

La guerre d'Algérie

Lors de la guerre d'Algérie, le journal s'oriente vers le journalisme d'investigation. Il n'a pas les moyens d'entretenir un correspondant permanent sur place, mais dispose de deux sources d'informations : des militaires du contingent qui le renseignent directement et les sources militaires, politiques et administratives en métropole. Les autorités, en particulier, cherchent à identifier le ou les rédacteurs des carnets de route de l'ami Bidasse. Cette rubrique dépeint sans rien cacher depuis août 1956 le quotidien de soldats engagés dans la guerre. Dans son numéro du 6 mai 1959, le journal prend plaisir à relater les investigations du service psychologique de la Xe région militaire. Les officiers chargés des recherches classent les suspects en tant que BE bidasse éventuel, ou BP bidasse probable.
La ligne éditoriale du journal s'oriente vers la dénonciation de tous les extrêmes. Le Canard est favorable à une Algérie indépendante il soutiendra même de Gaulle à chaque fois que celui-ci fait un pas vers l'indépendance, et n'hésite pas à s'en prendre aux grands propriétaires terriens, à ces grands colons qui connaissent une grande prospérité dans l'Algérie coloniale. Cependant, à partir de divers témoignages reçus à la rédaction, il organise dans ses colonnes des débats fictifs où chacun, quelle que soit sa position, a sa place. De même, La rédaction prise dans son ensemble éprouvait une grande résistance pour la résistance algérienne. Le journal prend ainsi ses distances avec des initiatives telles que le Manifeste des 121.
Cette dépendance ne garantit cependant pas au journal une protection vis-à-vis des pressions venant du gouvernement. Il doit user alors de subterfuges. C'est ainsi qu'en mars 1958, il contourne malicieusement les entraves administratives à sa liberté éditoriale. Au début de ce mois, le gouvernement de Félix Gaillard, sous la pression de Jean Dides, faisait saisir deux hebdomadaires : France Observateur, pour un article d'André Philip sur le bombardement par l'aviation française du village tunisien de Sakiet, et L'Express, pour un article de Jean-Paul Sartre sur la torture à propos du livre d'Henri Alleg, la Question. Les deux journaux durent, pour reparaître, éliminer ces deux articles. Le Canard les publie sous forme de photocopie aux caractères minuscules, mais lisibles. Les deux articles sont simplement rayés d'une croix et précédés d'un chapeau qui avait l'air de désapprouver.
Cette politique habile lui permet de ne connaître que deux saisies administratives avant le 13 mai 1958. Robert Lacoste, proconsul à Alger, explique les raisons de cette clémence : Je ne veux pas passer pour un con. Cependant, les numéros du 13 au 30 juillet 1958 sont saisis, de même que ceux parus du 27 août et du 10 septembre.
Cette orientation nouvelle permet au journal de voir sa diffusion atteindre 300 000 exemplaires en 1962.

Les années 1960

Le journal s'étoffe et augmente sa pagination à partir des années 1960. Il conserve sa ligne directrice et pour répondre aux aspirations du public, il s'efforce de développer un style différent du conformisme et du peu de curiosité de la presse de l'époque.
L’arrivée du général de Gaulle en 1958 donne un nouvel élan au journal avec la création de la rubrique la Cour, par Roger Fressoz André Ribaud, représentant le palais de l’Élysée de Charles de Gaulle comme un nouveau Versailles monarchiste.

Les années 1970, 1980, 1990

Dans les années 1970, le journal va évoluer vers le journalisme d'investigation en dénonçant les scandales politiques et économiques. L'hebdomadaire a dévoilé nombre de ces scandales, fidèle à sa formule fou du roi et garde-fou de la République Roger Fressoz : affaire des micros, diamants de Giscard, feuilles d'impôt de Chaban-Delmas, de Jacques Calvet PDG de Peugeot, vrai-faux rapport de Xavière Tiberi, scandale des HLM, Carrefour du développement, Urba-Gracco, Péchiney et Roger-Patrice Pelat...

Les années 1990

Le journal évolue dans les années 1990. Des changements d'importance interviennent à la tête du journal à la suite du décès de Gabriel Macé. En 1992, Roger Fressoz quitte la direction et laisse la main à Michel Gaillard18. Jean Clémentin, Roland Bacri, Alain Grandremy s'éloignent progressivement du journal pour laisser places à de nouvelles signatures : Nicolas Beau, Jean-Luc Porquet, Hervé Martin, Hervé Liffran… L'équipe accueille aussi de nouveaux dessinateurs : Brito, Lefred-Thouron, Pétillon.

La situation actuelle

Les rédacteurs en chef sont Louis-Marie Horeau depuis 2012 et Érik Emptaz depuis 1990. Avec 477 000 exemplaires vendus en moyenne chaque semaine19, il coûte peu à fabriquer : huit pages grand format, avec dessins, et compte une centaine de salariés, y compris les pigistes.
Les ventes-records sont celles de l'affaire Papon 13 mai 1981 1,2 million, celle de la feuille d'impôt de Marcel Dassault 1979, 778 000, des diamants de Giscard (1979, 900 000 ou des micros décembre 1973, 1 million.

Format de journal et prix

Le Canard enchaîné est au format hebdomadaire, composé de pages de 360 mm par 560 mm. Deux feuilles libres forment les huit pages de chaque numéro. L'impression est en bichromie, en noir et rouge écarlate, sur la première et la dernière page ; en monochrome noir sinon. À titre exceptionnel le 18 septembre 2013, la première page du numéro 4847 a été en trichromie noir, rouge et jaune.
Grâce à des frais de gestion limités et stables, et étant indépendant de revenus publicitaires, ce journal est un des rares en France dont le prix n'a pas augmenté depuis 1991, il était à 8 francs avant le passage à la monnaie européenne.

Ligne éditoriale

Liste des journalistes du Canard enchaîné et Liste des illustrateurs du Canard enchaîné.
Le Canard enchaîné a pour sous-titre Journal satirique paraissant le mercredi, parfois modifié, par exemple en Journal satirique paraissant exceptionnellement le mardi lorsque la publication est avancée d'un jour si le mercredi est férié, et pour slogan La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas, ce qui résume assez bien la ligne éditoriale de l’hebdomadaire : dénoncer tous les scandales publics politiques, économiques, judiciaires, etc. survenant en France mais aussi dans les autres pays. Sa devise, inventée par H.-P. Gassier en 1915, est : Tu auras mes plumes, tu n’auras pas ma peau. Le Canard enchaîné n'accepte pas de publicité, cherchant à éviter l'influence des annonceurs sur le contenu de ses informations dans ses colonnes. De plus, il ne cache pas l'état des finances du journal ainsi que leurs provenances, et publie son bilan financier dans le journal chaque année.
La stabilité du cadre rédactionnel du journal est l’une de ses caractéristiques.
L’hebdomadaire adhère à la charte de Munich, qui assure la protection des sources d'information des journalistes.
Les journalistes du Canard tirent leurs informations de plusieurs source :
les sources institutionnelles, communiqués, conférences de presse…;
leurs collègues d’autres journaux, qui, quand ils ne peuvent publier leurs informations dans leur propre journal, peuvent les transmettre au Canard ;
leur carnet d’adresses ;
le courrier des lecteurs.
D’après la rédaction, les informations sont vérifiées et recoupées. Parmi les informateurs, seuls ceux qui sont journalistes sont rémunérés.

Né à gauche…

Antimilitariste, on y voit communément une nette sensibilité de gauche. Certains voient en lui, dès ses origines, une gauche anarchiste, voire une droite anarchisante. Il refusera aussi le titre de journal communiste sans renoncer pour autant ni à son indépendance ni à son esprit critique. Il professe un anticléricalisme de bon aloin 6. Il applaudit quand la gauche arrive au pouvoir Cartel des gauches en 1924, Front populaire en 1936, Pierre Mendès France, François Mitterrand en 1981 mais avec méfiance et circonspection. Les partis de gauche se sont toujours méfiés de lui. Maurice Thorez, dans un comité central du PCF, fustige l’esprit blagueur du Canard qui conduit à douter de tout ; Guy Mollet à la SFIO le poursuit lui aussi de sa vindicte.

Ni plus à gauche, ni plus à droite

Depuis toujours, Le Canard enchaîné est considéré comme un journal politiquement indépendant. Ses partisans disent que, même s’il garde une sensibilité de gauche, il n’hésite pas à dénoncer toutes les dérives des politiques quel que soit leur bord politique. Farouchement attaché à son indépendance éditoriale et à son aspect critique, le journal refuse les annonceurs. Il reste l’un des derniers journaux d’investigation en France. Ne se référant pas à l’AFP, contrairement à la majorité des quotidiens, Le Canard est connu pour renifler les scoops et n'hésite pas, d'après ses partisans, à publier les scandales quels que soient leur nature et leur orientation politique. Ses partisans disent qu'à ce titre, il est craint, lu et informé par l’ensemble de l’échiquier politique, et n’éprouve pas plus de compassion envers une défaite d’un parti de gauche ou de droite, qui plus est si c’est un extrême. André Escaro, dessinateur du Canard enchaîné, a déclaré à cet égard : la tendance actuelle du Canard, c’est l’objectivité. Ni gauche, ni droite .

Indépendance financière

Sans recette publicitaire, Le Canard ne vit que de ses ventes et affiche pourtant une belle santé financière. Il refuse d’accueillir dans ses huit pages la moindre publicité, ce qui en fait un cas rare dans la presse hebdomadaire française. En refusant la manne publicitaire, il est le seul journal qui renseigne le public sur l’influence nocive de la publicité dans les médias, selon le Groupe Marcuse Mouvement Autonome de Réflexion Critique à l’Usage des Survivants de l'Économie. Ses statuts SA Les Éditions Maréchal le préservent de toute prise en main extérieure ceci depuis une tentative de prise en main du journal par le groupe Hachette, en 1953 puisque seuls sont actionnaires ceux qui y travaillent, ainsi que les fondateurs les 1 000 titres du journal sont incessibles et sans valeur.
Sa bonne santé financière lui a permis de passer à la photocomposition en 1982, puis en publication assistée par ordinateur en 1996. Chaque année les bénéfices sont mis en réserve pour assurer l’indépendance financière. Ces réserves sont trois fois plus importantes que le chiffre d’affaires annuel, placé sur un compte non rémunéré. Ses salariés sont parmi les mieux payés de toute la presse française. En contrepartie, les rédacteurs ne peuvent ni jouer en bourse, ni faire des piges ailleurs, ni accepter de cadeau ou d'honneur, notamment les décorations officielles.
L’hebdomadaire est imprimé le mardi en début d’après-midi.

Bon enfant

Il est souvent sévère, parfois cruel, y compris avec ses amis. Il n’est cependant pas vindicatif. Ainsi, le capitaine Nusillard, chef de la censure de 1916 à 1918, est devenu par la suite un fidèle abonné du journal, jusqu’à sa mort à 95 ans, en 1955.
Jean Egen, dans Messieurs du Canard, puis Vincent Nouzille, dans un article du Nouvel Économiste en 1993, distingueront deux clans de journalistes historiquement opposés, les Dionysiaques ou buveurs de vin tradition du juliénas, rois de la satire, et les apolliniens ou buveurs d’eau, preux chevaliers de l’information. Yvan Audouard dira les choses plus simplement pour employer le vocabulaire de la profession en séparant chroniqueurs et journalistes d’information.

L'équipe actuelle Direction

Michel Gaillard, directeur de la publication et de la rédaction
Érik Emptaz, rédacteur en chef
Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef
Ancien rédacteur en chef :
Claude Angeli
Entré au Canard enchaîné en 1971, Claude Angeli devient successivement chef des informations, rédacteur en chef adjoint et enfin, rédacteur en chef en 1991. Il laisse sa place à Louis-Marie Horeau en mars 2012, mais continue de participer à la rédaction du journal.

Rédacteurs

Liste des journalistes du Canard enchaîné.
Érik Emptaz
Hervé Liffran
Frédéric Pagès
Claude Angeli, spécialiste de la politique étrangère, la chronique qu'il rédige est généralement située en bas de la page 3.
Dominique Simonnot
Pierre Combescot sous le pseudonyme de Luc Décygnes
Brigitte Rossigneux
André Rollin
Alain Dag'Naud
Sorj Chalandon
Jean-Michel Thénard
David Fontaine
Igor Capel
Isabelle Barré
Jean-François Julliard
Didier Hassoux
Nicolas Brimo
Alain Guédé
Anne-Sophie Mercier
Christophe Nobili
Jean-Luc Porquet
Hervé Martin
Jacques Vallet
Paul Leclerc

Anciens rédacteurs :

Bernard Thomas
Nicolas Beau
Jean Galtier-Boissière
André Guérin
Luc Étienne
Jean Abramovici
Yvan Audouard
Roland Bacri
Pierre Bénard
Henri Béraud
Tristan Bernard
Max de Bonnefous de Caminel
Alexandre Breffort
Rodolphe Bringer
René Buzelin

Dessinateurs Liste des illustrateurs du Canard enchaîné.

Esca
ro
Pétillon
Cardon
Lefred Thouron
Delambre
Kerleroux
Wozniak
Alain Ghertman
Pancho
Mougey
Brito
Ferdinand Guiro, dit Kiro
Potus
Diego Aranega
Guillaume Bouzard

Anciens dessinateurs :

Martin Veyron
Jean Effel
Moisan
Lap
Cabu

Diffusion

Les comptes financiers du Canard sont publiés chaque année, en général le dernier mercredi du mois d'août dans l'hebdomadaire, avec le détail de la diffusion du journal.
Après avoir augmenté fortement en 2007 et 2008, les ventes ont baissé de 5,7 % en 2012 et de 16 % en 2013.

Diffusion payée annuelle totale France et étranger du Canard enchaîné :

Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Nb. d'exemplaires moyenne par semaine 420 27623 406 488 503 125 536 874 477 002 492 408 504 74824 475 85925 399 567

Les révélations du Canard enchaîné
Liste d'affaires révélées par le Canard enchaîné.

Le journal a plusieurs fois révélé des affaires politiques et/ou financières.
À la suite de l'attentat du 7 janvier contre le journal Charlie Hebdo, la rédaction du Canard enchaîné indique dans son édition du 14 janvier avoir reçu des menaces le lendemain de l'attaque. À cette occasion, le journal rend hommage à Cabu, dessinateur aux deux journaux.

Langage du Canard enchaîné.

Le ton employé, humoristique, est celui de la satire et de l’ironie, d’où les nombreuses antiphrases dans les pages du journal Le Canard enchaîné reprend les termes et les arguments de son adversaire, semble le défendre, mais c'est pour mieux en montrer les limites ou l'absurdité de la position. Les jeux de mots sont réservés aux titres des articles. Le Canard cherche à être de connivence avec le lecteur moyen, ce qui explique son langage simple, avec l’emploi de formules issues de la langue du peuple et l’usage de surnoms moqueurs envers des personnalités qu’il critique. C’est ainsi qu’au cours de son existence, on lui doit non seulement des diminutifs de politiciens : Chichi, L'Ex, mais aussi certaines expressions entrées dans le langage populaire, comme minute Papillon, les étranges lucarnes ou enfin bla-bla-bla.

Les rubriques

Un lecteur du Canard enchaîné. On aperçoit les gros titres sur la première page.

Les interviews presque imaginaires du Canard

Article apparaissant sporadiquement, qui retranscrit une interview d’une grande personnalité par exemple : Sœur Emmanuelle. Cette interview, réalisée par des journalistes du Canard enchaîné, mêle de vraies déclarations de cette personnalité sorties de leur contexte avec des déclarations imaginées.

La Mare aux canards

Rubrique apparue en 1916, puis tenue régulièrement à partir de 1918 et figurant en pages 2 et 3 de l’hebdomadaire. En page 2, il est brièvement fait relation de quelques actions ou paroles imprudentes ou indiscrètes recueillies de façon officieuse, off et rarement relayées par la presse, qu’elles soient de droite ou de gauche dans le même esprit figurent, sur la même page, les Minimares. Cette page 2 du Canard enchaîné intéresse les personnalités qui savent que ce qui y est écrit n’est pas destiné à embellir leur dossier de presse. En page 3 figurent des articles plus fournis sur l’actualité politique intérieure ainsi que, en général, un article souvent dû à Claude Angeli traitant de la politique étrangère française et des problèmes extérieurs.

Minimares

Sous-rubrique de La Mare aux canards constituée de brèves tirées d’autres journaux que Le Canard enchaîné, relatant les propos de telle ou telle personnalité et accompagnées d’un bref commentaire sarcastique.

Le concours Ma binette partout

Ce concours apparaît occasionnellement en bas des Minimares. Il distingue des élus de collectivités locales assurant leur propre promotion par une multiplication de photos les représentant dans les magazines que ces collectivités diffusent.

Pan sur le bec

Démentis, reconnaissance des erreurs qui se sont glissées dans un précédent numéro du Canard enchaîné. Il est très souvent indiqué en fin d’article que le journaliste responsable de l’erreur ou de la coquille devra payer son dû pour se faire pardonner.

La noix d’honneur

La noix d’honneur est une sorte de distinction ou de récompense attribuée chaque semaine ou peu s’en faut par le Canard enchaîné. Aisément repérable en page une ou en page huit par son cadre grisé, cette rubrique stigmatise un propos tenu par une personnalité et se distinguant par sa platitude, son ineptie, sa fausseté, etc. La première noix date du 14 janvier 1921 et est attribuée à Louis Latzarus.

Le mur du çon

Cette rubrique ressemble à la noix d’honneur mais à un degré supérieur. Le jeu de mots est clair : il s’agit là d’épingler une connerie prononcée par une personnalité.

La brosse à reluire


Cette rubrique non systématique raille celles et ceux qui ont fait preuve de flagornerie à l’encontre de telle ou telle personnalité.

Couac

Récit de péripéties survenues à des lecteurs.

Canardages

Pages 5, 6, et 7 du journal.

Zig Zag

Sous-rubrique de Canardages composée de brèves tirées de la presse dotées d’un titre et d’un commentaire humoristique.

Drôles de Zigs

Sous-rubrique de Canardages composée de brèves centrées chacune sur l’actualité d’une personnalité.

Coup de barre

Chronique judiciaire de Dominique Simonnot. En bannissant toute emphase narrative et en citant abondamment les protagonistes des procès, la journaliste livre une relation abrupte voire crue du quotidien des tribunaux correctionnels. À l’occasion, la journaliste relate, mais de la même manière, un procès en assises ou dans un tribunal administratif.

Conflit de canard

Articles touchant à la nourriture en général, les groupes agro-alimentaires en particulier.

Plouf !

Chronique altermondialiste de Jean-Luc Porquet.

Lettres ou pas Lettres

Critiques de livres.

Feuilleté de Canard

Autre rubrique de critiques de livres.

La Voie aux Chapitres

Chronique littéraire.

Docs en stock

Critique d’un livre documentaire.

Plume de Canard

Critique d'un livre ou d'un document écrit par un journaliste ou un dessinateur du Canard.

Vite dit !

Brèves humoristiques d’actualités basées sur des extraits de la presse.

À travers la presse déchaînée, Rue des petites perles et Comme son nom l’indique

Il s’agit de trois rubriques jumelles qui permettent au journal de recueillir les perles et les coquilles de ses confrères, en y ajoutant des commentaires à sa façon. Il peut arriver que le Canard lui-même fasse partie des épinglés.


Le Cinéma

Cette rubrique rassemble quelques brèves critiques cinématographiques. On y trouve ainsi Les films qu’on peut voir cette semaine, Les films qu’on peut voir à la rigueur et Les films qu’on peut ne pas voir. Il arrive que Le Canard enchaîné attire l’attention de ses lecteurs sur un film plus ancien mais à nouveau projeté : l’intertitre est alors Les films qu’on peut voir ou revoir.

Mots croisés

Créés par Alain Dag'Naud. Les définitions prennent presque toujours la forme de jeux de mots, parfois grivois, de calembours approximatifs. Certaines sont proposées par des lecteurs, qui sont cités par l'auteur, avec la mention « Définition transmise par... »

Prise de bec

Portrait au vitriol d’une personnalité placée sous les feux de l’actualité, mais pas forcément une personnalité de premier plan. Si les Prises de bec épinglent volontiers tel chef d'État ou tel ministre, elles épinglent également des personnalités davantage dans l’ombre mais non moins influentes. L'article apparaît en haut de l'avant-dernière page. Il est le seul illustré assez régulièrement d'un portrait photographique en noir et blanc.

Canard Plus

Brèves d’actualités sur le monde des médias et de l’audiovisuel.

La Boîte aux Images

Article sur le monde de l’audiovisuel.

Coin-coin des variétés

Critique d'un spectacle de variété.

Cabu ça commence comme “Canard”

Rétrospective de dessins de Cabu parus dans le journal. Rubrique placée en bas de la page 7.

Sur l'Album de la Comtesse


Chronique de contrepèteries.

Les anciennes rubriques
Feuillets de route de l’ami Bidasse
Pendant la drôle de guerre, le journal publia les feuillets envoyés par André Guérin, mobilisé. Lors de la guerre d'Algérie, l’ami Bidasse reparaîtra sous la plume de Jean Clémentin.

Contes du Canard enchaîné

Dès son premier numéro en 1915, le Canard enchaîné a publié des contes signés par des écrivains comme Jean Cocteau ou Tristan Bernard ou des journalistes comme Victor Snell. Ces contes semblent être aujourd’hui abandonnés par le Canard.

La Cour

Une chronique/critique du pouvoir gaullien due à la plume de Roger Fressoz et au crayon du dessinateur Roland Moisan. Cette rubrique fut inaugurée en 1960 et, après le départ de Charles de Gaulle en 1969, prit le nom de La Régence. Aujourd’hui disparue, La Cour reste une des chroniques les plus célèbres du Canard enchaîné.

Les insolents de la semaine

Cette rubrique, inaugurée dans le numéro du 25 juillet 2007, s’inscrit dans le contexte particulier des mois qui suivent l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République mai 2007. Le Canard enchaîné décide alors de relever les critiques envers la politique menée par ce dernier, mais issues d’organes de presse dont la ligne éditoriale lui est très favorable. En réalité, ces insolents ne le sont guère, et cette antiphrase permet à l’hebdomadaire de stigmatiser une presse suspectée de complaisance ou, à tout le moins, de manque de distance critique. La rubrique a duré quelques mois puis a été supprimée ou mise en sommeil.

Le Journal de Carla B.

Cette rubrique consacrée à l’épouse du président français Nicolas Sarkozy rapporte les paroles fictives et humoristiques de Carla Bruni-Sarkozy chaque jour de la semaine du mercredi au mardi, l’humour provenant surtout du décalage d’un personnage insouciant et bobo auprès des membres du gouvernement. La rubrique fait son apparition peu avant le mariage du président avec l’ex-mannequin et durera, comme annoncé dès sa première parution, jusqu’à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. Elle paraît à la une, ou à la fin de chaque numéro dans un cadre rose. Elle succède au Journal de Cécilia S., qui succédait lui-même au Journal de Xavière T.. La rubrique disparaît fin mai 2012n 16.

La Valérie T. si je mens

Rubrique créée le 20 juin 2012, reprenant le principe du Journal de Carla B, où c'est cette fois-ci une fausse Valérie Trierweiler, nouvelle stagiaire au Canard enchaîné, qui raconte son expérience. La rubrique dure peu et est rapidement mise en sommeil.

L’actualité métaphysique

Cette rubrique écrite par Frédéric Pagès, sous couvert de chronique philosophique, se moque des prétentions métaphysiques concepts abscons, idées absurdes, etc. de divers penseurs ou politiques.

Écrits et Chochottements

Brèves sur l’actualité du monde littéraire. Cette section est apparue dans le Canard en 1978. Son titre est un rapprochement drolatique de deux faits de cette année-là, apparemment sans apport entre eux : d’une part la sortie du film Cris et chuchotements de Bergman, d’autre part l’affirmation inattendue de certaines ambitions littéraires par le président de la République française d’alors, Valéry Giscard d’Estaing... dont par ailleurs tout le monde connaît la diction un peu particulière. La rubrique a disparu depuis 2010.

Les nouveaux beaufs

BD en une bande, de Cabu. Elle raconte les mœurs et les vicissitudes des beaufs nouvelles générations à partir d'un personnage central agissant dans le contexte de l'actualité. Cette BD occupait généralement le bas de la page 7. Sa parution cesse avec le décès de Cabu le 7 janvier 2015, mais le bas de la page 7 est remplacé par des extraits de ses illustrations passées sous le nom de rubrique : Cabu ça commence comme “Canard”.

Les manchettes

Le Canard enchaîné titre - logiquement - sur un fait d’actualité national ou international et ses manchettes comportent toujours un jeu de mot. Exemples :

Juste après l’armistice de 1918, le journal titra : OUF !

Après les accords de Munich, le journal paraphrasa le coup de la victoire aux échecs et titra : TCHÈQUES… ET MAT !
Lors des élections présidentielles de 1965, le général de Gaulle, convaincu d’être réélu dès le premier tour, ne fait pratiquement pas campagne. Or, le 5 décembre, le premier tour le met en ballotage face à François Mitterrand et un second tour va être nécessaire pour départager les deux hommes. Le Canard titre alors : De l’appel du 18 juin… à la pelle du 5 décembre.
3 juin 1998 : Grève des pilotes et inquiétudes sur le Mondial - La France un peu faible sur ses ailes. Ici, le jeu de mot permet au Canard de lier deux événements : d’une part, la grève des pilotes d’Air France ; d’autre part, la Coupe du monde de football de 1998, on est une semaine avant son coup d’envoi et surtout les sévères critiques dont fait à ce moment l’objet Aimé Jacquet, le sélectionneur de l’équipe française.
Lors des grèves du secteur public, face aux revendications salariales et aux refus du Premier ministre Édith Cresson d’augmenter les salaires, le journal titra : « Cresson : pas un radis !
À la suite de l'accident nucléaire de Fukushima en 2011, le volatile a titré Au Japon, la réalité dépasse la fission.
Concernant la crise de la dette publique grecque, il titre par La Crise grecque ? Pas de quoi en faire un drachme !
À propos de l'abandon des poursuites contre Dominique Strauss-Kahn aux États-Unis et de la plainte de Tristane Banon, Le Canard titre Les ennuis sont finis pour DSK ? Banon !
À propos du naufrage du Costa Concordia et de l'attitude du commandant, le volatile titre : Le commandant du Costa Concordia se défend : “Pendant le sauvetage, j'ai toujours gardé les pieds sur terre” .
Le 14 janvier 2015, dans un numéro en partie hommage à Cabu tué lors de l'attentat contre Charlie Hebdo, le journal titre : Le message de Cabu : “Allez les gars, ne vous laissez pas abattre !” La tête de Cabu dessinée par lui-même remplace pour l'occasion l'image traditionnelle du canard en haut de la première page.

Diversification

Tentatives de diversification : elles ont été rares et ont toujours concerné l’édition de presse : Almanach du Canard enchaîné, Dico Canard ou Dictionnaire Canard 1957-1972, Les Dossiers du Canard enchaîné depuis 1981.
Le 11 juillet 2012, le Canard enchaîné s'invite sur la toile et ouvre un compte Twitter, d'abord pour éviter les usurpations d'identité du journal, comme cela s'est déjà passé32. Le journal déclare, dans son édition du 19 décembre de la même année, son intention de se servir de ce compte dans le but d'annoncer, dès le mardi soir, quelques-uns des sujets abordés dans l'édition de la semaine. La une du journal est diffusée la veille directement sur le site.
En mars 2014, le site web du Canard enchaîné publie son premier article, et diffuse les enregistrements pirates de Patrick Buisson lorsqu'il était conseiller de Nicolas Sarkozy, alors président de la République française, ce qui déclenche une polémique.

Couacs du Canard

dans la numérotation :
1re année, no 1 10 septembre 1915 - no 5 4 novembre 1915.
1re année, no 1 5 juillet 1916 - no 1000 28 août 1935.
Un numéro 2000 paraît en 1937, après le no 1099.
25e année, no 1249 5 juin 1940.
29e année, no 1250 6 septembre 1944 - no 2000 18 février 1959.
36e année, no 1753 26 mai 1954 - no 1726
Dans l’âge du journal :
En janvier 1948, il passa de sa 32e année à sa 34e erreur rectifiée l'année suivante.
En janvier 1951, il rajeunit de 3 ans 33e année au lieu de la 36e.
En 1956, il oublie d'ajouter un an, et de 1962 à 1964, on laissa 43e année.

Publications inspirées par le Canard enchaîné

Le Cafard libéré, hebdomadaire satirique sénégalais s’inspirant directement du Canard enchaîné
Le Canard déchaîné, hebdomadaire satirique nigérien à faible tirage
La revue de magie Magicus contient une rubrique nommée Le Houdini enchaîné dont le contenu contrepèteries... et la présentation sont inspirés du Canard enchaîné.

Filmographie

À l'occasion d'une série de projections à Bruxelles, en 1989, une affiche réalisée par Alternative libertaire.
La Mare au Canard, documentaire
1987 - Documentaire de Bernard Baissat, Aux 4 coin-coin du Canard37, 16 mm., 170 min., FR3, RTBF, TV Suisse, Planète, voir en ligne.


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#58 Charles-Louis Havas
Loriane Posté le : 03/07/2015 17:17
Le 5 juillet 1783 naît Charles-Louis Havas à Rouen

mort, à 74 ans, le 21 mai 1858 à Bougival, fut le fondateur de l'Agence Havas en 1835, à l'âge de 52 ans.
Ancien négociant international puis banquier, devenu journaliste et traducteur à la quarantaine, Charles-Louis Havas invente le concept d’agence de presse mondiale et généraliste, copié par Reuters et l'Associated Press, dont héritera l'Agence France-Presse en 1944, en récupérant les clients et l'immeuble de l'entreprise.
En 1825, il a fondé son propre bureau de traduction d’informations venues de l’étranger, pour la presse française. L’intérêt croissant pour l'actualité internationale l'amène à le transformer en 1835 en l’Agence Havas, qui fournit aussi des dépêches de France aux pays étrangers. Il a travaillé avec Paul Julius Reuter, fondateur en 1851 à Londres de l'agence Reuters, et Bernhard Wolff qui créé en 1849 à Berlin le Wolff’s Telegraphisches Bureau allemand, ancêtre de l'Agence Continentale allemande et de la DPA. Après sa retraite en 1852, ses deux héritiers, Auguste Havas et Charles-Guillaume Havas, bâtiront en cinq ans un monopole dans la publicité, la Société générale des annonces, devenue Havas à la Libération.


En bref

En 1832, il créa un bureau de traductions de dépêches étrangères, qui devint en 1835 l'Agence Havas. Tandis que la branche information, acquise par l'État en 1940, allait donner naissance en 1944 à l'Agence France-Presse, le groupe Havas se diversifiait dans la publicité, le tourisme, l'édition et l'audiovisuel. Recentré sur l'édition et le multimédia, Havas, partie du groupe Vivendi Universal, fut renommé en 2001 Vivendi Universal Publishing.
Né en Normandie d'une famille normande, mais d'une origine lointaine portugaise ou hongroise ou peut-être les deux.... Homme d'affaires comme ses ancêtres, Charles Henri Havas semble tout d'abord réussir assez mal dans ce domaine.
C'est en végétant comme traducteur de presse qu'il trouvera sa voie. Cette fonction de traducteur de journal prend de plus en plus d'importance dans une presse française qui, bien plus que l'anglaise, demeure une presse d'opinion, mais que la curiosité du public et les besoins des milieux du commerce et de l'industrie naissante contraignent à accorder plus de place aux nouvelles de l'étranger. Havas ouvre donc, en 1825, un Bureau qui fournit aux journaux des informations reprises et traduites de la presse étrangère et sert à des abonnés ce qu'on appellerait aujourd'hui un bulletin confidentiel très riche. Après dix ans d'efforts, la réussite est assurée ; Havas absorbe même des bulletins concurrents, telle la Correspondance Garnier. Lorsqu'il se met à expédier des nouvelles françaises vers l'étranger, le Bureau devient l'Agence Havas et acquiert certaines correspondances étrangères installées à Paris, telle la Correspondance allemande. Dernière étape : la conquête des journaux de province, qui n'est possible que par la création d'un service de publicité et le contrôle de la Société générale de publicité, qui sera absorbée en 1920.
On a dit que l'agence de presse est le produit du télégraphe. Havas a, en fait, devancé les découvertes techniques qui accéléreront la transmission des nouvelles. Il a utilisé tour à tour la lettre, avec le hors-sac diligence, chemin de fer ou bateau, le pigeon voyageur et le télégraphe Chappe. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les innovations d'Havas ont précipité le passage de la presse d'opinion à la presse d'information, le recours à la publicité faisant le reste. Balzac, qui le regrettait, ne s'y est pas trompé ; qualifiant Havas de Maître Jacques de la presse, il ajoutait : Chacun teint en blanc, en vert, en rouge ou en bleu la nouvelle que lui envoie M. Havas... Il n'y a qu'un journal, fait par lui, et à sa source puisent tous les journaux.
Havas a fort bien répondu à un besoin essentiel des temps nouveaux et son initiative sera rapidement imitée : en Angleterre 1851, par un de ses anciens employés, Julius Reuter ; en Allemagne 1849, par Bernhard Wolff ; en Amérique, par des groupes de journaux associés. L'affaire se révèle si bonne que lors de la succession des enfants Havas elle devient la propriété d'un banquier, le baron d'Erlanger. Les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale devaient enfin entraîner la séparation des activités publicitaires qui en étaient venues à constituer un véritable monopole et auxquelles le nom d'Havas reste aujourd'hui accolé et des activités d'information reprises par l'Agence France-Presse. Cette dernière, établissement public à gestion paritaire profession, État, représentée dans le monde entier, reste bien dans le droit fil de l'intuition originelle de Charles Havas. Pierre Albin Martel

Sa vie Havas, négociant et banquier L'origine familiale

Son grand-père Thomas-Guillaume-François Avas 1717-1795 avait épousé Marie-Elisabeth Eude, née et morte comme lui à Pont-Audemer, en Normandie. Le cadet des fils du couple devient vicaire de la paroisse Saint-Étienne à Rouen, et l'aîné, diplômé en droit, inspecteur royal de la Librairie de Rouen, chargé du contrôle des ballots de livres étrangers et des travaux donnés aux imprimeurs. Nommé Charles Louis Havas, comme le sera son fils, il gère la fortune foncière des grandes familles de la noblesse normande. En 1780 à Rouen, il épouse Marie Anne Belard, fille d’un raffineur de sucre de la ville, qui lui donne six enfants.
Havas père jouit à Rouen d'une réputation de probité exemplaire. Il change d’activité après la Révolution française, se lance dans le négoce du coton et fait fortune en rachetant des Biens nationaux à Lyons-la-Forêt et en Pays d’Auge. Mais l'approvisionnement en coton de Saint-Domingue est stoppé par la révolution haïtienne et le Traité de Whitehall signé par les grands planteurs avec l'Angleterre en 1794: Havas père prend alors langue avec les négociants internationaux pour s'approvisionner au Brésil. Sous Bonaparte, lorsque deux comptoirs d’escomptes sont créés à Rouen et Lyon par le décret impérial du 24 juin 1808, Havas père figure dans liste des administrateurs pressentis, sans même avoir fait acte de candidature. Il s'en étonne dans une lettre adressée à un proche de l’Empereur Bonaparte. Certains administrateurs estiment "son âge très avancé" 55 ans et ses infirmités "nuisibles au bien de l’établissement". D’autres jugent qu’il "ne sollicite cette place que pour une retraite honorable".
Le métier de négociant international, à 22 ans, dans les ports de Nantes et Lisbonne

Son fils Charles-Louis Havas, âgé de 22 ans, rencontre en 1805 un ami de la famille, Gabriel-Julien Ouvrard. Ce prestigieux négociant lui propose de venir travailler à Nantes, où il a lui-même débuté à l'âge de à 18 ans en 1788, associé aux armateurs bordelais Baour et Balguerie, chez un négociant en denrées coloniales, avant de s’y établir comme fournisseur de l'armée. Nanti de cette puissante protection, Charles-Louis Havas exploite à Nantes des licences d'importation. Devenu très vite fournisseur des armées impériales, il apprend le grand négoce, achetant et revendant blé, coton et denrées coloniales, sucre, café et cacao.
Le 21 novembre 1806, c’est le blocus continental: un décret napoléonien qui prétend interdire le continent européen à tout navire ayant touché un port anglais. Le Portugal, pays neutre, sert de recours à l'économie française, en lui permettant de se procurer des matières premières. Le commerce du coton brésilien, qui transite par le Portugal ou l'Espagne, attire de nombreux négociants français. Charles-Louis Havas est envoyé à Lisbonne travailler pour un correspondant de Gabriel-Julien Ouvrard: Durand-Guillaume de Roure, originaire du Massif central et installé au Portugal depuis 25 ans, où il est propriétaire d'une grosse maison de commerce française.

La formidable plus-value de 1807 sur le coton brésilien

Moins d'un an plus tard, la donne est rebattue. Les portugais sont courtisés avec assiduité par l'ennemi britannique. Bonaparte s'inquiète, veut couper court à cette sérénade. Il lance sur le Portugal une partie de la Grande armée. Le 18 octobre 1807, le général Jean-Andoche Junot passe les Pyrénées à la tête de 25000 soldats français. Sa mission, foncer sur Lisbonne, pour y emprisonner la famille royale portugaise. Près de 500 kilomètres sont parcourus le long du Tage en 25 jours. Junot reçoit l'ordre de presser le pas. Chaque jour qui passe semble augmenter le risque de voir la Royal Navy lui couper la route, et permettre à la résistance de s'organiser au Portugal contre la France. Le Traité de Fontainebleau, signé le 29 octobre 1807 pour faciliter sa marche à travers l'Espagne, ne suffit pas. Arrivé trop tard à Lisbonne, le 30 novembre au petit matin, le général Jean-Andoche Junot aperçoit au loin les navires emportant l'émigration au Brésil de la famille royale portugaise, qui proteste ainsi contre l'invasion du Portugal par la France.
Gloire nationale : Jean-Andoche Junot, s'empare de Lisbonne le 30 novembre 1807
Au Brésil, le roi du Portugal ordonnera aux exportateurs de fermer le robinet du coton aux industriels textiles français. La formidable croissance des Premiers entrepreneurs du coton britannique suffira à les remplacer.
Résultat, les cours du coton flambent dans l'hexagone. C'est la pénurie et la panique dans les nombreuses usines de coton dont Bonaparte avait encouragé l'installation dans les Biens nationaux, comme la Manufacture de coton d'Annecy, qui doit aller chercher du coton en Égypte, où il est encore rare, cher, et inadapté. Le coton Jumel ne verra le jour que des années plus tard. Le Brésil représentait en 1807 plus du tiers des 126 000 balles de coton importées en France, à égalité avec les États-Unis. Le coton de Saint-Domingue a disparu depuis la Révolution haïtienne.
Les premiers à avoir anticipé la pénurie de coton sont les négociants de Lisbonne. Grâce à l'entourage de Gabriel-Julien Ouvrard, Charles-Louis Havas avait appris que le général Jean-Andoche Junot pressait le pas vers Lisbonne.
Le jeune négociant avait alors décidé une opération de grand commerce des plus audacieuses: acheter plusieurs cargaisons de coton brésilien, pour les revendre à prix d’or quelques semaines plus tard aux filatures françaises. L'aller et retour se fait à crédit, car il y en a pour 3 000 tonnes de coton: le tiers de la consommation annuelle de tout l’hexagone ! Havas la revend avec une énorme plus-value à Rouen. Ses navires traversent l'Atlantique pour toucher le Brésil et charger la précieuse matière première avant l'émigration au Brésil de la famille royale portugaise, qui déclenche l'envolée des cours du coton.
Charles-Louis Havas, désormais riche et admiré, devint l’associé de Durand-Guillaume de Roure. Il épouse sa fille Jeanne, le 4 février 1808 à Lisbonne. Plusieurs historiens estiment que c'est Gabriel-Julien Ouvrard qui a glissé à Charles IV d'Espagne l'idée que la monarchie portugaise parte au Brésil, pour se venger de Bonaparte qui l'a ruiné délibérément.

Retour en France, pour devenir banquier sur les emprunts publics

L'année d'après, la Guerre d’Espagne entraîne l’occupation du Portugal par les Anglais. Expulsée de Lisbonne manu militari, la famille "de Roure-Havas" doit se réfugier à Rouen. Charles-Louis y exerce à nouveau dans le négoce, grâce à l’appui de deux oncles, Prosper Tranquille Havas, et Charles Constant Havas, adjoint du Ministre de l’intérieur Joseph Fouché. Mais son mentor Gabriel-Julien Ouvrard est emprisonné à Sainte-Pélagie en 1809. C'est l'année où sa femme donne naissance à Jeanne Caroline, sa fille aînée, puis à Charles-Guillaume Havas et Auguste Havas, respectivement en 1811 et 1814. Les deux fils prendront sa succession en 1852.
La famille s’installe alors à Paris en 1811. Banquier jeune et opulent, Charles-Louis Havas est spécialiste du négoce des emprunts publics. Justement, les guerres napoléoniennes creusent le déficit de l'État. Charles-Louis connaît d'autant mieux ce marché que son ami Ouvrard y a innové cinq ans plus tôt, en inventant un système où les bons du Trésor sont remplacés, en quelque sorte, par un emprunt occulte et permanent.
Gabriel-Julien Ouvrard financier né en 1770 à Cugand, décècede à 76 ans en 1867 à Londres
À l'époque, Napoléon professait une peur panique des emprunts publics, mais jouait sur tous les leviers. La loi du 22 avril 1806 a prolongé le privilège d'émission monétaire de la Banque de France pour 25 ans. C'est un "instrument politique" dans les mains de l'Empereur, qui doubla son capital pour le porter à 90 millions de francs10. Tout en accumulant les dettes, Bonaparte expliquait ne pas arriver à comprendre comment l'Angleterre n'avait pas été acculée à la ruine par les emprunts contractés au cours de la guerre. La chute de l’Empire après Waterloo entraîne la déchéance des emprunts publics français, alors que Nathan Mayer Rothschild 1777-1836 a lui gagné 600 millions de livres à la Bourse de Londres, selon l'historien Niall Ferguson. La France devra désormais emprunter à Londres.

Chute de l'Empire, Havas devient informateur

En 1815, Charles-Louis Havas a 32 ans et redémarre de zéro. Pas question pour lui encore de se lancer dans le journalisme: la censure napoléonienne a décimé la presse, en rétablissant l’autorisation préalable de publication par le décret du 17 janvier 1800. En 1818, il n'y a plus que 250 journaux en France. On en comptera 600, deux fois plus, en 1835. Les années du jeune banquier ruiné seront difficiles jusqu’aux Trois Glorieuses de 1830 et l’avènement du roi Charles X, qui abolira la censure pour rétablir la Liberté de la presse.
À la chute de l'Empire, son ami bonapartiste Gabriel-Julien Ouvrard s'est à nouveau lancé dans la spéculation financière, tous azimuths. Toujours entre Paris et Londres, il a besoin d'un correspondant à Paris pour transmettre les dernières nouvelles. Quelqu'un capable de lui traduire et résumer le contenu des principaux journaux du monde, avec rapidité et fiabilité. Charles Havas parle anglais et allemand. Son épouse, née à Lisbonne, maîtrise l'espagnol et le portugais. Le couple se retrouve dans les années 1820, à la tête d'un bureau de renseignements économiques et financiers au service exclusif du banquier Gabriel-Julien Ouvrard. Mais ce dernier sera à nouveau ruiné, perdant définitivement tout crédit lorsqu'un appel d'offres organisé à Bayonne en 1825, pour fournir les armées de la Restauration lors de l'Expédition d'Espagne, débouche sur le Scandale des marchés d'Espagne. La Crise boursière de 1825 achève de ruiner Charles Havas.

Havas, traducteur et journaliste
L'ouverture d'un bureau de traducteur en face de l'hôtel des Postes

Ruiné par la Crise boursière de 1825, Havas constitue en 1825 le Bureau de traduction des journaux étrangers, qui deviendra sept ans après le Bureau de nouvelles, en 1832. Logé Hôtel Bullion, au 4 rue Jean-Jacques Rousseau à Paris, juste à côté de l'Hôtel des ventes, Charles-Louis n'a qu'à traverser la rue chaque matin pour aller chercher lettres et journaux à l'Hôtel des Postes, future Poste centrale du Louvre.
Sa mission, lire tout ce qui touche aux activités des banques concurrentes: les guerres, le négoce, les cours des matières premières ou les naufrages. Le navigation à vapeur balbutie, transportant le coton sur le Mississippi, puis s'aventurant en mer. L'empire colonial espagnol a éclaté, les nouvelles républiques se multiplient.
Charles-Louis se charge de la presse anglaise et allemande. L'espagnol et le portugais sont pour Jeanne, née à Lisbonne. Brésil, Louisiane, Égypte, ils décortiquent l'actualité mondiale, de la politique à la Bourse.
À la fin des années 1820, leur activité végète toujours, car la Bourse de Paris est encore à la veille de connaître son formidable essor : 44 valeurs seulement y sont cotées en 1830. Ce sera 223 six ans après, en décembre 1836, soit cinq fois plus. La nouvelle Liberté de la presse a fait du secteur des médias l'un des mieux représentés, avec 34 valeurs. Le journal La Bourse d'août 1837, recensera déjà 260 sociétés française cotées, dont 38 journaux, parmi lesquels une foule de publications économiques. Même effervescence à la Bourse de Londres après le Bank Charter Act de 1833, mais dans un autre secteur capital pour l'économie: on compte 30 introductions en bourse de banques anglaises dans les trois années qui suivent, puis 59 l'année suivante, en 1836. La Panique de 1837 sanctionnera cet engouement spéculatif. Les premières sociétés étrangères, Banca Romana en 1834 et Banque de Belgique en 1835, sont rejointes dans les années 1840, par les Mines de charbon de Belgique, premières entreprises industrielles.

Le rachat de "correspondances" pour passer en 1832 au "Bureau des nouvelles"

Charles-Louis Havas écrit en même temps des articles pour le quotidien Le Constitutionnel, fondé en 1815 par Joseph Fouché, un de ses protecteurs. Il traduit des articles pour deux autres journaux. Lors de la Protestation des 44 journalistes du 26 juillet 1830, à la veille des Trois Glorieuses, il est rue de Valois, dans les locaux du quotidien Le Constitutionnel, où la colère gronde avant de finir en émeute Place du Palais-Royal.
Germanophone, Havas collabore aussi à la Correspondance Garnier, relancée fin 1831 pour succéder au Bureau Bornsteïn, fondé en 1811 par un réfugié politique allemand. La publication a une précieuse clientèle de plusieurs centaines de lecteurs outre-Rhin. Il la rachète dès 1832, l'année où il crée le Bureau de nouvelles. L'acquisition d'autres publications concurrentes, la Correspondance Degouve-Denainques et la Correspondance de Paris, permet de constituer un réseau de collecte d'informations, central et complet, donnant de la crédibilité aux nouvelles diffusées. Le concept d'agence de presse mondiale est né.
Une traversée de l'Europe lui a permis de recruter des correspondants, qui s'intègrent à l'Agence des Feuilles Politiques-Correspondance Générale, créée le 22 octobre 1835 et expédiée dès 1838 en Hollande, Belgique, Allemagne, Angleterre et "à quelques organes de l'opinion légitimiste dans les départements". Cette nouvelle activité, qui a pour gérant J. Delaire, complète le Bureau de traduction. La nouvelle Agence Delaire-Havas communique avec ses correspondants par le télégraphe de Chappe.
L'année 1838 fut décisive : l'Agence Delaire-Havas persuade le ministre de l'Intérieur Camille de Montalivet de relancer la Correspondance ministérielle, destinée à la presse de province. Le 15 avril 1838, elle supplante la Correspondance des journaux ministériels des départements, appelée aussi Correspondance Lejollivet. Delaire reçoit alors deux subventions, dont une qui varie de 1 100 à 1 700 francs, versée tous les trimestres. Au total, sur la période 1840-1841, l'Agence Delaire-Havas aurait reçu 200 000 francs de l'État.
La Correspondance Lejollivet s'appelait auparavant la Correspondance spéciale pour les feuilles ministérielles des départements. Dirigée par M.Labot, avocat auprès de la Cour d'appel, fondateur de la Sentinelle du Peuple, ses "tartines" d'information bureaucratique apparaissent soudain indigestes et moralisatrices. Havas et Delaire ringardisent aussi l'Office correspondance, édité par le duo Lepelletier et Bourgoin, à qui s'était associé entre 1830 à 1834 Jacques Bresson, avant de créer son journal boursier. Vers 1840, Havas et Delaire diffusent quatre services : une Correspondance politique destinée aux préfets et aux sous-préfets, une autre pour la presse départementale, et un petit bulletin aux membres du gouvernement, résumant les nouvelles de la veille et de la nuit. Pour les banquiers et hommes d'affaire, une petite feuille synthétique résume des extraits de journaux, quelques faits boursiers et la cote des obligations.

Balzac dénonce le "monopole" Havas, Julius Reuters rêve de le copier

Le monopole patiemment tissé par Havas dans la diffusion de dépêches de l'international vers les quotidiens français indispose nombre de journalistes, d'autant que la liberté de la presse reste extrêmement restreinte, sous la Monarchie de Juillet du roi Louis-Philippe Ier.

Honoré de Balzac sonne la charge dès le 25 août 1840.

«Le public peut croire qu'il existe plusieurs journaux,mais il n'y a en définitif, qu'un seul journal... Monsieur Havas.

L'écrivain a mené son enquête et révèle qu'Havas a été coactionnaire de La Gazette de France, tristement célèbre car c'est l'un des 4 seuls journaux parisiens autorisés paraître par Bonaparte lors du décret du 17 septembre 1811, avec Le Moniteur, le Journal de Paris et le Journal de l’Empire, chacun de ces 4 journaux ayant été étatisé. Havas a de plus été "coassocié d'une entreprise pour des licences accordées par Napoléon pendant le blocus continental", observe Honoré de Balzac.
Havas, qu'il traite de "prête-nom du ministère" reçoit "6000 francs par mois du ministère" contre "4000 francs des journaux", dénonce-t-il25. Résultat "les journaux à leur insu, n'ont que ce que le premier ministre leur laisse publier", martèle-t-il26.
Balzac critique plus généralement la presse de l'époque, devenue selon lui, “Un quatrième pouvoir dans l’État”. "Nous expliquerons plus tard quels sont les cuisiniers chargés d'épicer les plats, et vous verrez que le peuple que l'on dit le plus spirituel du monde est celui qu'on dupe avec le plus de grossièreté", s'emporte-t-il. En 1842, il renouvelle ces critiques des journaux dans "La monographie de la Presse Parisienne".
Havas se défend: il ne fait que présenter les informations comme une matière brute, non-transformée, en particulier dans le domaine de l’économie, grâce aux différents journalistes qui travaillent pour son compte dans les différentes capitales de l’Europe. Havas a dès 1845 un correspondant dans la capitale d'une Russie en plein éveil économique, à Saint-Pétersbourg. La répression qui suit, en 1848, la Révolution de Mars en Allemagne lui permet de recruter trois des meilleurs journalistes de la nouvelle génération, Bernhard Wolff, Paul Julius Reuter et Sigismund Englander 1823-1902, . Le premier revient peu après à Berlin pour fonder le "Wolff’s Telegraphisches Bureau", les deux autres créent Reuters, après avoir travaillé ensemble dans le même journal politique à Berlin avant 1848. Paul Julius Reuter et Bernhard Wolff se sont aussi connus à Berlin, émigrant ensemble à Paris.

Havas, entrepreneur de télécommunications
En 1840, l'ère des pigeons voyageurs pour les spéculateurs

Pigeon voyageur

À partir de 1840, les nouvelles en provenance des journaux et des marchés boursiers à l'étranger transitent par pigeon voyageur. Les bateaux de commerce s'en servent depuis longtemps pour annoncer le contenu de leur cargaison, lors de l'approche du port. Dans les médias, les premiers pigeons voyageurs sont utilisés dès 1836 par l'américain Daniel H. Craig, futur patron de l'Associated Press. À la demande d'Arunah S. Abell, l'exigeant patron du New York Sun, quotidien qui révolutionne la presse new-yorlaise, Daniel H. Craig accélère la circulation des nouvelles entre les ports de New York, Boston29et Baltimore, où vient d'être fondé en 1837 le Baltimore Sun autre quotidien à succès. Les principaux clients sont les spéculateurs de Wall Street.
Partis de Londres à 8 heures, les pigeons d'Havas arrivent à Paris à 14 heures. Enroulées autour de leurs pattes, des mini-feuilles de papier listent les cours de l’ouverture à la Bourse de Londres, dans chaque secteur industriel. Ceux de Bruxelles arrivent dès midi, avec les mines de charbon belges, également cotées à Paris et particulièrement recherchées car le professeur André Hubert Dumont 1809-1857 vient de recevoir la médaille Wollaston 1840 pour sa carte géologique des critères lithologiques et stratigraphiques, qui permet d'identifier la taille de leurs gisements.
Havas gagne du temps car ses locaux sont installés non loin de la Place de la Bourse, où le Palais Brongniart de Paris est achevé en 1825 et saisi par la fièvre spéculative lors de la croissance économique mondiale des années 1830. Les deux races de pigeons les plus rapides et les plus fiables sont celles d'Anvers et Liège, selon Félix Guillaume Marie Bogaerts. Charles-Louis Havas aura jusqu’à 25000 pigeons à sa disposition dans le port d’Anvers, qui compte une trentaine de sociétés de colombophilie en 1847, contre à peine sept ou huit avant 1828. Félix Guillaume Marie Bogaerts a évoqué les succès légendaires des "pigeons boursicoteurs" dès la bataille de Waterloo, au service du banquier Nathan Mayer Rothschild 1777-1836, puis lors des spéculations de 1828 sur les obligations espagnoles, "exploitées par un agiotage astucieux et déhonté". Sur le trajet d'Anvers à Paris, les "coulonneux" de la région Nord-Pas-de-Calais se prennent de passion pour les précieux volatiles. Plus tard, ils mobiliseront leurs Pigeons de la guerre de 1870 lors du siège de Paris.

Le boom de la presse en 1848 puis du télégraphe à partir de 1851

En France, la Révolution de 1848 se traduit par la liberté de la presse et celle de réunion. L'adoption du suffrage universel, réservé cependant aux hommes, fait de chacun un électeur, appelé à s'informer. Les journaux se multiplient : deux cents créations en quatre mois, mille pour les trois années suivantes. Leur prix diminue. La Liberté, nouveau quotidien lancé par Armand Dutacq se vend à un sou, soit seulement 5 centimes. Il préfigure le futur raz-de-marée de la Petite presse, populaire, accessible, agréablement écrite, illustrée et informée, qui fera peu à peu une forte consommation de nouvelles, y compris de l'étranger.
Grâce aux relations d'affaires et de confiance tissées avec les administrations, l'Agence Havas se trouve indirectement branchée sur le réseau du télégraphe de Chappe, qui compte en 1844 en France 534 stations et 5 000 km de lignes. Elle bénéficie d'avantages tarifaires et de priorités d'envoi. La loi de 1837 sur le monopole télégraphique a placé l'État au cœur du jeu pour quatre décennies, jusqu'aux Lois sur le télégraphe de 1878. L'Administration des postes freine cependant le changement de technologie et rechigne à partager son réseau. Les premières lignes françaises de télégraphe électrique datent de 1845 pour Paris-Rouen, 1847 pour Paris-Orléans et 1848 pour Paris-Lille. Il faut attendre 1850 pour que toutes les préfectures soient reliées au ministère de l'Intérieur. Mais ce n'est qu'à partir de mars 1851 qu'Havas utilisera aussi le télégraphe électrique pour la collecte de l'information, mais lentement, sur des fils encombrés, qu'il réserve parfois pour les louer à des clients.

Télégraphe de Chappe

Autre inconvénient, le transcripteur Hugues ne peut passer que 1000 mots à l'heure en 1860, un toutes les 3,5 secondes. Ce sera six fois plus en en 1874, 6000 mots à l'heure avec le transcripteur Baudot. Pour Havas, l'enjeu immédiat c'est d'abord la première liaison entre la Bourse de Paris et le London Stock Exchange, opérationnelle à partir de fin 1851 grâce à un câble entre Calais et Douvres.

Dernier coup de génie, l'entrée au capital du Bulletin de Paris

Le 2 novembre 1852, Charles-Louis Havas prend sa retraite. Juste avant, il réalise un dernier coup de génie: l'entrée dans l'activité publicitaire, par une prise de participation au capital du remuant Bulletin de Paris, fondé en 1845 par Charles Duveyrier 1803-1866 pour servir La Presse d'Émile de Girardin. Repris dès 1850 par Mathieu Laffite, ce dernier invente la régie publicitaire, donnant aux journaux de province à petit budget l'accès à des publicités nationales. Très souvent, le Bulletin de Paris cède ses abonnements aux nouvelles en échange d'espace publicitaire standard sur la quatrième et dernière page des abonnés.
Ses deux fils, Auguste Havas et Charles-Guillaume Havas36, pourront offrir aux clients une offre à deux pattes: dépêches d'actualité et gestion de leurs annonces. C'est la clé du succès, concrétisé par le lancement dès 1853, d'une nouvelle rubrique dépêches télégraphique dans les quotidiens français, qui permet de gagner de nouveaux abonnés. En seulement cinq ans, de 1852 à 1857, les deux héritiers vont bâtir un monopole dans la publicité française, à coups d'acquisitions et d'alliances, par la constitution de la Société générale des annonces. Cet empire repose sur les mêmes fondement que celui assemblé par leur père entre 1831 et 1838 dans l'information. Il s'exposera aux mêmes critiques, parfois devant les tribunaux, comme lors de l'action menée en 1866 par Jules Jaluzot, qui a fondé le Printemps Haussmann l'année précédente.


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#59 Esclavage en Mauritanie 1
Loriane Posté le : 03/07/2015 15:30
Le 5 Juillet 1981 la Mauritanie vote le décret abolissant l'esclavage



http://www.amazon.fr/LEsclavage-Terre ... alek-Chebel/dp/2213630585
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sur tout le territoire national. Cette décision ne sera jamais appliquée.
Les haratines sont donc juridiquement sujets de droit, au moins dans les textes. Pourtant leur situation ne s’est pas, pour autant, améliorée pour deux raisons :
Premièrement, l’ordonnance n’a pas été suivie d’une application effective.
La France avait aboli l’esclavage par le décret du 12 décembre 1905 en Mauritanie, mais sans effet notable sur les coutumes indigènes. La première constitution de la Mauritanie indépendante de 1961 établit le principe d’égalité entre les citoyens. La nouvelle constitution de juillet 1991, dans son préambule, évoque le droit à l’égalité. Pourtant, aucune de ces deux constitutions ne parle explicitement de l’esclavage.

Histoire, abolitions et résiliences

L'esclavage dans la région remonte à l'antiquité, il a été aboli au XXe siècle. La première fois en 1905 par un décret des autorités coloniales françaises. La constitution de la Mauritanie de 1961 proclame l'égalité entre les citoyens mais ne mentionne pas l'esclavage. En 1980, le Comité militaire de salut national présidé par Mohamed Khouna Ould Haidalla fait adopter la charia, les textes juridiques fondamentaux sont révisés par les jurisconsultes pour être mis en conformité et il en résulte entre autres l’ordonnance no 081-234 du 9 novembre 1981 abolissant officiellement l'esclavage, après une enquête,le gouvernement estime que l’esclavage en tant qu’institution n’existait plus en Mauritanie et que seules subsistaient certaines de ses séquelles au niveau des mentalités. Malgré ces abolitions et les estimations officielles, sociologues, historiens et associations des droits de l'homme considèrent que l'esclavage héréditaire persiste au sein de la société mauritanienne : privation de libertés dès la naissance, maltraitances, trafics d'êtres humains et viols.
Le 25 mars 2007, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est élu président de la république lors des premières élections libres depuis l'indépendance. Il fait adopter par le parlement la loi no 2007–048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l'esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, son article 4 prévoit que Quiconque réduit autrui en esclavage ou incite à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d'une personne à sa charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni d'une peine d'emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de cinq cent mille ouguiyas à un million d'ouguiyas, la loi punit aussi les fonctionnaires et juges ne portant pas assistance aux esclaves, l'apologie de l'esclavage, les complicités et les récidives. Le coup d'État d'août 2008 met fin à l'expérience démocratique. Les dispositions de la loi de 2007 ne sont plus appliquées et en 2014, plusieurs militants antiesclavagistes sont arrêtés.
Un rapport de l'ONG Walk Free sorti en 2014 sur toutes les formes de l'exploitation humaine a classé la Mauritanie à la tête des pays où il y a un taux des plus élevés avec environ 4% de la population.

Composition et structures

Il concerne en premier lieu les Haratines qui travaillent en partie encore comme esclaves pour les Maures blancs ou Bidhans. À côté des Haratines et des Bidhans, d'autres ethnies dites noires, Peuls, Soninkés et Wolofs, peuplent la Mauritanie. Cependant, si la dimension raciale fait partie du phénomène, il est aussi lié au système de castes et à l'économie, selon la sociologue mauritanienne Amel Daddah, l’ensemble des communautés ethniques du pays ont traditionnellement entretenu en leur sein des systèmes de production de type esclavagiste.

Des organisations en Mauritanie comme El Hor, SOS Esclaves et IRA Mauritanie luttent contre l'esclavage.

L’esclavage en Mauritanie par Mohamed Yahya Ould Ciré

La Mauritanie est située entre le monde arabe et le monde africain. Elle est limitée au sud par le Sénégal, au sud-est et à l’est par le Mali, au nord par le Sahara occidental et l’Algérie, puis à l’ouest par l’océan Atlantique. Le pays compte environ 3 millions d’habitants. Pour traiter de ce sujet, quelques remarques s’imposent :
*D’origine négro-africaine, les Haratine ont subi un transfert de civilisation, comme les Antillais ou les noirs Américains. Par conséquent, ils méconnaissent ou connaissent peu leur société d’origine. Etant nous-mêmes Hartani un affranchi de l’esclavage arabo-berbère, nous nous limiterons à la société arabo-berbère que nous connaissons le mieux.
*El hor, Mouvement pour la libération et l’émancipation des Haratine a été créée le 5 mars 1978 à Nouakchott capitale de la Mauritanie. Il n’en demeure pas moins que sa naissance clandestine a eu lieu en novembre 1974 à l’ENA Ecole Nationale d’Administration de Mauritanie. De 1974 à 1978, un travail de sensibilisation et de conscientisation a été fait auprès des communautés Haratine, étudiants, fonctionnaires, travailleurs, etc.
Le 5 mars 1978 n’a été, en fait, qu’une étape inaugurale dans le processus de prise de conscience des victimes de l’esclavage en Mauritanie. Aujourd’hui, plus que jamais, ce travail doit être poursuivi.
*Haratine pluriel de Hartani veut dire affranchis. En réalité, le mot Haratine est impropre car, il y a hier comme aujourd’hui plus d’esclaves que d’affranchis. Il y a, approximativement, un affranchi pour quatre esclaves. Elhor a choisi le mot Haratine pour les raisons suivantes :
- Dans la société arabe de Mauritanie, il n’y a aucune différence entre un esclave, abd et un Hartani, affranchi. Le statut demeure le même pour les deux catégories, du fait de l’exploitation économique directe ou indirecte.
- L’origine de la personne détermine son statut à vie. La hiérarchie sociale est figée dans la société arabe de Mauritanie.
Comme au temps de l’Ancien Régime français, il y a des ordres : les guerriers, Béni hassan, les Marabouts, Zwaya et les autres : griots, forgerons, Haratine et esclaves, etc.
A ce sujet, les Maures ont un proverbe assez significatif : la différence entre un esclave et un affranchi est comme la distance qui existe entre le bas de la queue d’une vache debout et la terre. Lorsque la queue de la vache est longue, elle touche terre. C’est dire qu’il n’y a pas de différence, dans l’esprit des esclavagistes et même dans celui des autres membres de la société, entre esclave et affranchi.
Elhor, en tant que mouvement politique, ne peut ne pas s’inscrire dans une dynamique de libération. Ainsi affranchir les esclavages reste l’objectif fondamental du mouvement. C’est pourquoi le mot Haratine a été choisi.
Le statut d’esclave est une photo figée, l’affranchi une perspective, une dynamique, un film à suspens, qui ne prendra fin que lorsqu’il y aura une libération et une émancipation effectives des esclaves.
*Le nom de la Mauritanie vient du mot maure. Les Maures sont des Berbères qui régnaient sur une partie du Maghreb mais aussi au-delà, le sud de l’Espagne; Andalousie.
*Arabe est une réalité, à la fois, ethnique, civilisationnelle, mais aussi une culture dominante en Mauritanie.
Le sens du mot arabe change selon l’utilisation qui en est faite. Lorsqu’un esclave ou un affranchi parle d’un arabe, il évoque son maître, en tant qu’esclave. Il s’agit d’une relation maître-esclave.
Traditionnellement dans la composante arabo-berbère, lorsqu’on évoque l’Arabe c’est pour désigner un membre d’une tribu arabe ou les tribus arabes en général, c’est-à-dire les tribus guerrières ou Béni hassan. Celles-ci, venues en Mauritanie au 8ème et 9ème siècles après Jésus, sont bien le noyau de ce qu’est l’élément arabe au sens ethnique, si tant est que l’on puisse définir l’Arabe par l’ethnie.
*Berbères : ils vivaient en Mauritanie avant l’arrivée des Arabes. Ils cohabitaient avec les populations noires. Les tribus Lemtouna, Messouna, Tagekent, etc. sont berbères. Ces dernières se sont arabisées, sont devenues dépositaires à la fois de la langue arabe et de la religion musulmane. Ces tribus appelées maraboutiques, Zwaya sont bien plus nombreuses que les tribus Béni hassan en Mauritanie.
Cette volonté aujourd’hui de gommer toute trace de la culture berbère, la langue Zanaga parlée par beaucoup de tribus, est inquiétante car elle nie une réalité palpable. Elle rappelle si besoin est, le silence qui entoure l’esclavage. On pratique l’esclavage, on vit l’esclavage mais celui-ci dit-on n’existe pas.
L’Islam, au départ, a encouragé l'esclavage des nons-musulmans et la libération des esclaves musulmans. Malheureusement, dans la pratique, il y a toujours eu une instrumentalisation de la religion musulmane pour justifier la domination des maîtres sur leurs esclaves. Le fait qu’ils soient rarement instruits participe au maintien de leur situation d’ignorance qui empêche toute velléité d’émancipation.
*Beydane veut dire blancs, par opposition aux noirs qui cohabitaient avec les Maures. ParBeydane, les Haratine désignent l’élément maure.
Les termes maures, arabes, berbères et beydane ont ici le même sens car ils désignent tous l’élément arabe ou la composante arabe ou arabo-berbère. Aucun des mots n’est péjoratif car chacun d’entre eux recouvre une réalité historique, culturelle et civisationnelle.
Les Haratines ne parlent pas arabe dans leur écrasante majorité. Seuls ceux qui ont étudié l’arabe le parlent. En réalité, les Haratine s’expriment surtout en hassania, dans une version trop peu élaborée. La volonté politique était et demeure celle de soustraire les Haratines à toute influence ou tout moyen par lequel ils pourraient s’émanciper. Maîtriser un dialecte est une forme de connaissance. Aujourd’hui, les Haratines n’écoutent pas les informations de la radio nationale. Car celles-ci sont en arabe, français, pulaar, soninké, wolof, langues qu’ils ne comprennent pas.
Comment pourrait-on faire la traduction à un minimum de 45% de la population, à chaque information ? Les haratines forment la communauté la plus marginalisée de Mauritanie. Leur exclusion du système, qu’il soit traditionnel ou moderne, conduit à une privation de toute forme de savoir qui aurait pu participer à leur émancipation. Les esclavagistes s’épanouissent sur la base de cette ignorance entretenue par différents moyens.

La complexité de l’esclavage en Mauritanie

Toutes les composantes de la société mauritanienne sont concernées par l’esclavage. A savoir les Arabo-berbères et les Négro-Mauritaniens, Haall-pulaar, Soninké, Wolof et Bambara.L’esclavage est vécu comme un problème de conscience dans ces différents milieux.
D’une part, les Arabes ont arraché du monde négro-africain des êtres humains qu’ils ont soumis et continuent de soumettre à l’esclavage.
D’autre part, ils ont utilisé l’esprit de l’islam, religion qui constitue le fondement de leur culture et de leur civilisation.
Dans le passé les communautés négro-africaines ont aussi vendu des esclaves dans le commerce transsaharien. Il appartient aux descendants d’esclaves de cette communauté aussi de s’organiser pour leur propre émancipation. Il existe, en effet, une forme d’esclavage dans les sociétés négro-mauritaniennes. L’existence des castes impose, aujourd’hui, dans cette communauté, des inégalités statutaires entre individus qui sont communément admises.
Toute démarche tendant à remettre en cause l’esclavage butera contre des intérêts économiques, juridiques, politiques etc., quelle que soit la communauté considérée.
Pour les Arabo-berbères, il s’agit d’une question de survie car l’économie traditionnelle et moderne fonctionne grâce à et par les haratines.
Si ces derniers étaient payés pour leur travail et si les Arabo-berbères vivaient du fruit de leur labeur, cela conduirait à une mutation fondamentale dans la société.
Pour les Négro-Mauritaniens la problématique ne se situe pas sur un plan économique mais au niveau du statut réservé aux gens de castes. La disparition des castes permettra une redistribution des rôles dans la société négro-africaine et une meilleure participation des personnes castées dans le destin de la nation.

Ces deux formes d’esclavage ont des similitudes et des différences :

Les similitudes sont la négation de la personne humaine et l’exclusion de l’esclave du domaine juridique, politique, culturel, etc. ainsi que l’idéologie du mépris qui justifie cette éviction. Il en est ainsi de la tenue de la terre : la situation sur les terres du lac R’Kiz est illustrative des rapports agraires dominants dans les territoires arabes du Trarza. Ici, les terres réputées historiquement indivises, relèvent de la maîtrise des catégories dirigeantes des deux tribus de la zone, les Idaw Ali et Idaab Lahcen. Si le morcellement des terres fait son chemin, la production agricole, du mil en particulier est fondée sur la location des terres, de une à trois années maximum, moyennant le versement de la Zëkkat et d’une fraction de la récolte convenue entre les parties contractantes. Du fait des dispositions de l’ordonnance 83-127 et de son décret d’application, les dépositaires des droits de maîtrise soucieux de sauvegarder leur patrimoine, évitent de maintenir les producteurs sur le même lopin plusieurs années durant .
Plusieurs remarques s’imposent : la Zëkkat est l’aumône légale, impôt musulman. Elle était versée au Trésor du Califat afin d’être distribuée aux pauvres. Les esclavagistes arabo-berbères l’imposent aux Haratines pour leur propre bénéfice. Ici la Zëkkat est détournée de son objectif.
*Les esclavagistes se substituent à l’autorité religieuse qualifiée pour prélever un impôt.
*Ils sacralisent l’esclavage pour que personne ne le conteste. Il s’agit donc d’une transgression de l’Islam.
*Que reste-t-il à ceux qui travaillent la terre puisqu’ils donnent et la Zëkkat et une autre partie de la récolte.
*On voit bien combien les esclavagistes violent l’ordonnance 83-127 relative à la réforme agraire en refusant que les exploitants se maintiennent sur les terres plus de trois ans. Cette violation prouve la complicité de l’Etat mauritanien.
Au niveau des Négro-Mauritaniens, la location de la terre continue : de nos jours, l’ensemble de ces redevances et d’autres encore sont tombées en désuétude : seule l’assakal, dîme religieuse correspondant au 1/10ème de la récolte et le rem peccen, littéralement cultive et nous partageons – forme de métayage par lequel l’exploitant verse une fraction de la récolte au dépositaire du droit de maîtrise prévalent encore.
- Les différences : dans la société négro-mauritanienne, les esclaves sont devenus des affranchis et ce, du fait de l’application du décret du 12 décembre 1905 abolissant l’esclavage en France et dans les colonies. Les Négro-Mauritaniens étaient sous administration directe de la France et donc le décret de 1905 leur a été appliqué. Or, les Maures arabo-berbères bénéficiaient d’un statut spécial et donc d’une administration indirecte. C’est ce qui explique, du moins en partie, que l’esclavage existe toujours en Mauritanie.
Aujourd'hui les esclaves dans la société négro-mauritanienne, ne sont plus ni vendus, ni donnés, ni échangés. Ils peuvent se marier sans l’autorisation de l’ancien maître. Ils bénéficient du fruit de leur travail. Mais ils n’ont pas voix au chapitre dans la cité. Ils ne prennent pas part au conseil du village. Ils ne peuvent être, ni chef de village, ni Imam de mosquée, sauf peut-être dans un village constitué exclusivement d’esclaves. Ce sont donc les parias de cette société.
Dans la société arabo-berbère, l’esclave est vendu, loué, échangé, donné, lynché, battu, castré, violée, exporté, désocialisé et dépersonnalisé, ne peut se marier sans le consentement de son maître, ainsi de suite. Aujourd’hui, il y a des marchés d’esclaves en Mauritanie, notamment à Atar, la ville où est né le chef de l’Etat Ould Taya.
Il y a des villes, des villages, des campements de nomades où existent des lieux de lynchage des esclaves : de solides troncs d’arbres sont dressés. On y attache les esclaves promis au lynchage. Puis l’opération commence. La mort peut s’ensuivre. L’esclave peut perdre un oeil ou les deux, une oreille ou les deux, un nez, et peut perdre sa mobilité… La ville de Guerrou est un exemple. Guerrou est habitée par la tribu berbère Tajekant. Un député et un sénateur, des magistrats, des cadres de cette tribu ont participé à un lynchage collectif sur des Haratine esclaves. Cette opération de lynchage a été dénoncée en 1999, dans une lettre adressée au chef de l’Etat Ould Taya. Cette lettre est restée sans réponse.

L’esclavage dans la société arabo-berbère

Définition de l’esclavage
Il s’agit d’un système qui prive l’être humain de ses droits juridiques, politiques, économiques, etc., ce qui réduit à l’état d’objet, d’animal, à disposition de son propriétaire ou de son maître.
Juridiquement, l’esclavage peut être défini ainsi : en Mauritanie ou ailleurs : l’esclavage est d’abord le droit d’user, de disposer et parfois d’abuser d’une personne qui n’est pas libre dans l’expression de sa volonté.
A la différence de la formule contractuelle dans laquelle l’expression des consentements et la rencontre des volontés créent l’obligation juridique, il s’agit d’un engagement dicté par le rapport de forces historique et matériel, couvert par l’idéologie traditionnelle, légitimé par la mentalité dominante et toléré par les autorités de l’Etat, voir document SOS Esclave 1976, ONG mauritanienne : Qu’est-ce que l’esclavage en Mauritanie ? .
L’esclavage demeure en Mauritanie. Comme le disait Abraham Lincoln : si l’esclavage n’est pas mauvais, rien au monde n’est mauvais.

Les formes d’esclavage dans la société arabo-berbère

L’esclavage domestique
Il consiste à accomplir les travaux au sein de la maison, aller au puits à la recherche de l’eau, être berger, ramasser de la gomme arabique, cueillir des dattes, cultiver les champs, ainsi de suite.
L’esclavage administratif

Le comportement des hauts responsables maures.

*Dans l’administration mauritanienne, le hartani, quel que soit ses compétences et sa position hiérarchique, doit toujours être au service du beydane. Il demeure le bon esclave abd, le bon nègre . Ceci est d’autant plus grave qu’il s’agit du domaine du non-dit. L’esclavage doit savoir rester à sa place : travailler et ne pas contester.
Un Maure ne peut exiger de toute autre Maure d’accomplir ses tâches. Par fierté, celui-ci peut refuser. La hiérarchie tribale peut empêcher le supérieur de faire respecter la hiérarchie administrative. Pour contourner cet obstacle, il a recours à un hartani. La charge de travail qui lui est attribuée le conduit, souvent, à la folie. Il arrive aussi qu’il ne bénéficie pas de son congé administratif qui est un droit pour tout fonctionnaire. Les charges qui lui sont imposées ont des conséquences graves sur sa propre existence.
*Les comportements des esclavagistes à l’égard de l’administration mauritanienne. Les esclavagistes mauritaniens sont la clientèle politique du pouvoir. Mieux, ce sont leurs fils qui dirigent l’administration. C’est ce qui justifie leur influence dans celle-ci. C’est aussi pour cette raison que beaucoup d’entre eux interviennent auprès de la fonction publique en vue du recrutement de leur Haratine et perçoivent, en partie ou en totalité, les salaires de ceux-ci. Les esclavagistes sont assurés de la complicité de l’Administration. Si le Hartani respecte le contrat initial, il reste dans sa fonction, sinon il sera renvoyé aussi rapidement qu’il a été recruté.

L’esclavage politique

Hier l’esclavage était utilisé pour les travaux champêtres, pour la surveillance des animaux, etc. Depuis l’institution de l’apparente démocratie, les esclavagistes monnayent, auprès du parti au pouvoir ou des partis de l’opposition, les voix de leurs esclaves.
Au moment des élections législatives, présidentielles ou municipales, le maître embarque ses sujets dans un camion pour le bureau de vote indiqué. Après leur vote, ils sont ramenés à leur lieu d’esclavage.
Voilà une démocratie esclavagiste »où l’opinion de l’esclave est celle de son maître, qu’il exprime par un vote orienté, Voir document SOS Esclave déjà cité.
Voilà aussi une démocratie tribaliste car c’est par la tribu que les haratine sont encadrés, contrôlés, canalisés et divisés.

L’esclavage moderne

Les beydane sont sur ce point d’une habilité et d’un cynisme sans équivalent et montrent une grande capacité d’adaptation. L’ancien esclave à la campagne devient, aujourd’hui, un chauffeur, un mécanicien, un travailleur agricole ou un employé d’usine. Ainsi, il est souvent mal payé ou pas payé du tout. La victime ne revendique jamais car l’esclavage est d’abord et surtout mental.
Si par malheur, il se révoltait, il est amené à la police, la gendarmerie ou la garde nationale, il peut y être battu ou délaissé entre les murs. La victime préfère souvent la situation d’esclave à celle d’être entre les mains de la police etc.
Par ce biais, les beydane, même sans esclave, s’octroient des domestiques sans rémunération par la complicité des forces de l’ordre.
A ce sujet, il arrive que des Sénégalais, des Maliens, des Bissau-Guinéens, etc. soient victimes des mêmes traitements. Il suffit d’être noir pour être méprisé et victime d’un racisme.

Le néo-esclavage

L’esclave affranchi s’appelle hartani. Comme devient-on hartani ?
Il arrive souvent que pour obtenir sa libération, l’esclave contracte une dette vis à vis de son maître. C’est le cas le plus fréquent. Aussi, il y a ceux qui fuient et échappent ainsi à l’esclavage direct.
Le maître peut devenir pauvre et ne plus pouvoir subvenir aux besoins élémentaires de l’esclave, il l’affranchit pour l’exploiter d’une autre manière.
L’esclave affranchi devient l’esclave de tout le monde. Dans ce cas, l’exploitation est justifiée grâce à une argumentation religieuse et fallacieuse. Du fait de leur aliénation, les haratinepensent que les beydane sont des chérifs, descendants du prophète Mahomet ou alors descendants des familles maraboutiques, représentants d’Allah sur terre, par le savoir qu’ils détiennent.
La différence entre un abd, esclave et un Hartani, affranchi se situe entre un esclavage direct et un esclavage indirect. Le premier coûte plus ou moins cher au maître, par la nourriture, l’habillement et la surveillance. Le second ne coûte rien et rapporte beaucoup. En effet, l’esclave affranchi vit de son travail, mais en même temps entretient, à distance, son maître ou ses maîtres. Il s’acquitte de la Zëkkat impôt légal, la saddagha aumône, la hadya don au maître. Si ce dernier veut utiliser le Hartani ou l’un des membres de sa famille, pour un travail ponctuel ou permanent, il peut en user. On inculque à l’esclave, que son salut dépend du maître, que son accès au paradis est lié à l’obéissance au maître. Du coup, la soumission de l’esclave est érigé en devoir religieux.
Acheter sa liberté ou fuir l’esclavage n’équivaut pas à un affranchissement mental. L’affranchi ne sait pas pourquoi il a acquis cette liberté. L’Etat ne le dit pas. Les institutions religieuses non plus. L’esclavage est une idéologie de domination qui secrète une mentalité. L’esclave est porteur de cette mentalité d’autant plus qu’aucun travail n’a été fait en vue d’aider les victimes à comprendre et à surmonter cette mentalité de dépendance. L’esclavage étant permis par l’Islam, les esclavagistes refusent de donner des contrats d’affranchissement aux esclaves. Les haratine et les esclaves continuent à accepter l’esclavage parce qu’il est autorisé par l’Islam. Dans le cadre de l’esclavage indirect, lesharatine ayant des esclaves sont exploités par leurs anciens maîtres. Ainsi, le Maure maître d’esclaves exploite le hartani maître d’esclaves. Puis ce dernier asservit son abd esclave. Mais, étant donné que l’esclave de ton esclave est ton esclave, le Maure exploite l’esclave du hartani et le hartani lui-même.
L’esclavage est un crime contre l’humanité, il ne serait pas justifié que la communauté internationale entoure de silence l’esclavage en Mauritanie. L’esclavage transsaharien a précédé l’esclavage transatlantique, le dernier a disparu, le premier demeure.

L’Etat et l’esclavage en Mauritanie

La France a aboli l’esclavage par le décret du 12 décembre 1905 en Mauritanie. La première constitution de la Mauritanie indépendante de 1961 établit le principe d’égalité entre les citoyens. La nouvelle constitution de juillet 1991, dans son préambule, évoque le droit à l’égalité. Pourtant, aucune de ces deux constitutions ne parle explicitement de l’esclavage.
L’ordonnance du 5 juillet 1981 abolit l’esclavage sur l’ensemble du territoire national. Lesharatine sont donc juridiquement sujets de droit, au moins dans les textes. Pourtant leur situation ne s’est pas, pour autant, améliorée pour deux raisons :
Premièrement, l’ordonnance n’a pas été suivie d’une application effective.
Deuxièmement, le pouvoir, depuis 1960, procède à un camouflage politique et laisse les maîtres continuer l’exploitation des esclaves. Les conservateurs ont toujours eu une place prépondérante au sein de la classe politique mauritanienne. Ainsi, aucun effort n’a été fait pour éradiquer l’esclavage. Bien au contraire, tout est mis en oeuvre pour diviser les forces qui luttent pour la libération des esclaves. Aujourd’hui, il existe au moins cinq tendances au sein d’Elhor, Elhor baasiste, patriote, radical, tendance Koné Mahmoud, tendance capitaine Breïka. Cette atomisation est préjudiciable à la cause haratine.
Les haratines sont, d’autre part, victimes d’une utilisation cynique et honteuse par le pouvoir contre les Négro-Mauritaniens. Cela a été le cas en 1966, 1979 et 1989. Les plus exploités, les plus aliénés haratines, sont remontés contre d’autres dominés qui revendiquent la reconnaissance de leurs droits. Il reste que les Négro-Mauritaniens ne doivent pas se tromper d’ennemis.
La complicité de l’Etat mauritanien dans le maintien de l’esclavage est évidente. Ni le Comité, ni aucune autorité gouvernementale n’ont développé de programmes économiques, sociaux ou d’éducation, afin d’assister les esclaves, soi-disant libérés par les décrets de 1901, 1905, 1961, et celui du 8 octobre 1981. Ils n’ont même jamais présidé à la mise en place de campagnes de sensibilisation afin d’informer les noirs qui demeurent asservis de l’existence de toute ordonnance d’émancipation. Les autorités locales, en particulier les Hakem, préfets de province et les Wali, gouverneurs de région, refusent de recevoir et d’enregistrer les plaintes déposées par les esclaves. Selon Boubacar Messaoud, ce comportement équivaut à une forme de complicité avec les propriétaires d’esclaves puisqu’un problème qui n’existe pas n’a pas besoin d’être résolu, tout comme une maladie imaginaire ne peut être soignée. Cette complicité puise sa source dans la Constitution mauritanienne. Ainsi, les Cadis juges de droit musulman continuent-ils, sous couvert d’une interprétation discutable des prescriptions islamiques, de tenir compte des pratiques esclavagistes, sur les questions d’héritage, comme à propos de la valeur de témoignage, les juges de formation traditionnelle acceptent souvent de recevoir des revendications des maîtres d’esclaves. Ils profitent de l’ambiguïté du préambule de la Constitution qui cite l’Islam comme unique source du droit, dans le pays. Or, comme la tradition musulmane n’est pas clairement codifiée, on peut lui faire dire ce que l’on veut.

La spécificité haratine


Les Haratines sont d’origine négro-africaine et de culture arabo-berbère. Par la couleur de la peau, ils se rapprochent de leur origine négro-africaine. Par assimilation, ils ont adopté la culture arabo-berbère. Cela crée une affinité culturelle avec les Maures. Pour autant, les Haratines ne sont pas des Arabes.
*Le hassania, dialecte parlé par les Maures Arabes et Berbères est certes largement influencé par la langue arabe, mais il est aussi le fruit d’autres influences : la langue berbère zanaga, mais aussi les langues négro-mauritaniennes : hal pulaâr, soninké, ouolof et bambara.
*Les Haratines, qui ont fui l’esclavage arabo-berbère et qui se sont installés, en partie, au sud de la Mauritanie majoritairement habitée par les Négro Mauritaniens, ne parlent pas tous le hassania. Ils s’expriment soit en soninké, en hal pulaâr ou wolof. Par exemple, les Haratines de Oulad Benioug à Rosso, parlent plutôt le wolof que lehassania.
*Comme esclaves, les Haratines n’ont jamais eu le temps matériel pour parler unhassania soutenu. Ils vivent entre eux, sans contact avec leurs maîtres. Ils sont ainsi réduits à parler un hassania altéré. Il s’agit en fait d’un créole haratine. A ce sujet, les Maures, dans leurs moments de détente, se moquent du parler des Haratine. C’est parfois avec beaucoup d’humour, mais ils oublient qu’ils sont les seuls responsables de cette situation. Pour être Arabe, deux conditions sont nécessaires :
- appartenir à l’ethnie arabe,
- être de culture arabe.
L’élément culturel en soi ne constitue pas une preuve de l’arabité des Haratine. On peut être arabe et appartenir à une autre culture. Par exemple, les enfants des immigrés du Maghreb en France. Ils se considèrent souvent comme des Arabes. Or, ils ne parlent plus l’arabe ou très peu. La seule langue qu’ils connaissent est le français. Mais cette appartenance culturelle n’efface pas l’origine. Ainsi, l’origine négro-africaine des Haratine ne peut être effacée ou ignorée, malgré les multiples tentatives qui relèvent toutes de la falsification de l’Histoire.
*Si les Haratines étaient des Arabes, le besoin de l’affirmer serait absurde. Mieux, ils ne seraient pas soumis à l’esclavage puisqu’aucune tribu arabe, aucun Etat arabe ne soumet les Arabes à l’esclavage.
*Si l’élément culturel était déterminant comme facteur d’arabité, les Berbères d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, n’auraient pas revendiqué leur langue, leur culture, leur spécificité par rapport aux Arabes de ces pays. Et pourtant ces Berbères ont intégré la culture arabe. En Algérie, la langue berbère est officiellement reconnue. La langue zanaga langue des Berbères de Mauritanie est toujours parlée dans certaines contrées. Cette langue a connu son déclin suite à la guerre de Shuur Bubbuë 1644-1677. Cette guerre a opposé les guerriers Beni Hassan, c’est-à-dire les Arabes et les Zwaya marabouts, c’est-à-dire les Berbères de Mauritanie. Les vainqueurs arabes ont imposé leur langue et les vaincus ont subi. Pire, il a été interdit aux Berbères de parler leur langue zanaga. Cet exemple montre, si besoin est, que la langue arabe a été et est une langue de colonisation et de domination. Les Berbères en sont victimes comme les Haratine. La différence est que les Berbères pratiquaient l’esclavage avant l’arrivée des Arabes et continuent à le faire encore aujourd’hui. Ils utilisent l’Islam pour asseoir cet esclavage.
L’Etat mauritanien considère que les Haratine sont des Arabes. Les nationalistes arabes Baâsisme et Nasserisme aussi. La position des dirigeants d’EL HOR toutes tendances confondues est plus étonnante ; car ceux-ci affirment que les Haratine sont des Arabes. Cette thèse n’est pas soutenable. Les Haratine n’ont pas choisi la culture arabe, qui leur a été imposée par la force, du fait de l’esclavage. Arrachés à leur milieu social d’origine ethnie, les Haratine ont été contraints d’apprendre le hassania qui est différent de l’arabe. Aucun esclave, aucun Hartani ne parle l’arabe s’il ne l’a pas appris dans les écoles traditionnelles ou modernes. Or, les esclavagistes Emirats, Imamats, chefs religieux, chefs coutumiers, Etat, … maintenaient et maintiennent les Haratine en dehors de toute influence qui pourrait contribuer à une prise de conscience. Alors qu’un musulman doit connaître, au moins, la première sourate du Coran pour ses prières quotidiennes, les Marabouts interdisent à leurs esclaves de l’apprendre. C’est là une transgression de plus de l’Islam.
Si la langue détermine l’arabité, alors tous ceux qui parlent l’arabe devraient être des Arabes. On sait qu’il n’en est pas ainsi.
Que deviendraient les Haratine si les Berbères de Mauritanie obtenaient leur berbérité ce qui est une possibité et obtiendraient gain de cause ? Dans cette hypothèse, les Haratineseraient des Arabes, des Berbères, ou les deux à la fois.

Donc les Haratines sont Mauritaniens, mais ne sont pas Arabes.

Une organisation El Hor qui ne revendiquerait pas ses racines, perdrait sa personnalité, son originalité, sa fierté et par conséquent sa lutte politique contre les tenants de l’esclavage. L’arabité des Haratine n’est qu’un moyen d’étouffer leurs revendications. Elle n’est pas une dimension de la liberté, mais une dimension de l’esclavage. Les Mouvements Noirs des Etats-Unis d’Amérique de lutte contre l’esclavage, la ségrégation raciale et les droits civiques, ont tous revendiqué leurs racines africaines. Il en est de même des Noirs Colombiens, ainsi de suite.
Pour que les Haratine recouvrent leurs droits politiques, économiques et sociaux, El Hor, qui les représente, doit revendiquer leur identité propre : leur situation d’esclaves et leur origine. A ce sujet, on ne peut ne pas penser à ce que dit Jean-Paul Sartre : L’important n’est pas ce que l’histoire fait de nous, mais ce que nous faisons de ce que l’histoire fait de nous. Ce positionnement par rapport à l’origine et à la culture, ne veut pas dire que les Haratinedoivent prendre parti pour les Arabo-Berbères ou les Négro-mauritaniens. Pour moi, les Haratine sont une composante à part, qui doit s’affranchir des uns et des autres. Une telle position de neutralité leur permettra, à long terme, de recouvrir une autonomie de pensée et de comportement. En 1989, des Haratine encadrés par des Maures et des forces de l’ordre ont été lancés sur les Négro-mauritaniens en vue de leur extermination. Une telle opération peut avoir lieu y compris entre les Haratine eux-mêmes si les démocrates de Mauritanie ne leur viennent pas en aide en vue de leur prise de conscience.
Pourquoi les Haratine seraient-ils contraints de choisir entre les Négro-Mauritaniens et les Arabo-Berbères ? C’est dans ce contexte que les Haratine sont sommés par les uns de se déclarer noirs et de rejoindre les Négro-Mauritaniens opprimés puisque d’origine Bambara ou toute autre ethnie naguère razziée et asservie et par les autres de s’affirmer blancs et Arabes puisqu’ils parlent la langue des anciens maîtres
D’abord, les composantes arabo-berbères et négro-africaines ont participé à la traite transatlantique et à la traite transsaharienne. Comment choisir entre les descendants des marchands d’esclaves ? Je rappelle que les aristocraties négro-africaines, rois, chefs coutumiers, chefs religieux ont vendu leurs frères de sang aux Berbères, aux Arabes et aux Européens.
Ensuite, le constat actuel est que les Arabo-Berbères pratiquent l’esclavage dans ses formes les plus inhumaines et maintiennent la moitié de la population mauritanienne sous leur domination. Les Négro-Mauritaniens aussi. Les affranchis de l’esclavage négro-mauritanien sont devenus une caste. Puis comme tous les castés, ils sont exclus de la gestion de la cité. C’est pourquoi aucune de ses communautés ne mérite la confiance et la solidarité desHaratine. Jusqu’ici, l’histoire de la Mauritanie, ancienne ou récente, a été conduite par les aristocraties arabo-Berbères et négro-mauritaniennes, qui se sont toujours alliées. Cette alliance s’est toujours faite au détriment des esclaves des deux communautés.
Enfin, aujourd’hui, les Haratine constituent une force politique du fait de leur poids démographique. Quoi qu’il en soit, ils sont devenus le principal enjeu de la lutte entre les différents partis et mouvements politiques -au détriment de leurs revendications propres- car ils représentent démographiquement près de 45% de la population totale.

Ce regain d’intérêt pour la communauté Haratine vise deux objectifs :

La division et l’affaiblissement des haratines
Leur utilisation dans la conservation et la prise du pouvoir. C’est classique, les tribus maures se faisaient et se font la guerre par leurs esclaves interposés. Il en est de même des ethnies négro-mauritaniennes. Et ce, soit pour avoir des avantages, soit pour se neutraliser. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui, ce travail est fait par des mouvements et partis politiques qui se réclament de la démocratie. Il s’agit d’un néo-esclavage politique.
La France et l’esclavage en Mauritanie
La France a pacifié la Mauritanie en 1904 et y a aboli l’esclavage par le décret du 12 décembre 1905. Le 28 novembre 1960, la Mauritanie a accédé à la souveraineté politique. La France est restée dans ce pays cinquante cinq années après qu’elle ait aboli l’esclavage sans que les autorités de l’époque ne travaillent pour l’éradication de l’esclavage. Un accord tacite liait la France aux esclavagistes, qui en acceptant la domination française ont réclamé de celle-ci de ne pas mettre en application le décret de 1905.
Pour conclure, nous pouvons dire que la question des haratine pose un problème de citoyenneté : la question haratine devrait être vue sous l’angle de l’intégration citoyenne. L’émancipation devrait viser la libération de l’individu du joug de la communauté restreinte ou particulière. Il s’agira d’une entreprise qui concernera tous les Mauritaniens dont la vie aujourd’hui est déterminée par le degré d’allégeance au groupe tribal ou ethnique. La Tribune n° 106 du 13 janvier 1999, page 1.
La reconnaissance par la France de l’esclavage comme un crime contre l’humanité devrait pousser les autorités françaises à s’engager, dans leurs relations avec les autorités mauritaniennes, pour que le pouvoir mauritanien opte sérieusement en faveur de l’éradication effective de ce fléau et de ses conséquences.


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https://youtu.be/jcIcd3T2BMw





#60 Esclavagisme en Mauritanie 2
Loriane Posté le : 03/07/2015 15:15
Récit d'esclave:

La Mauritanie a son Spartacus. Le militant Biram Dah Abeid veut faire libérer tous les esclaves de son pays, au prix de sa propre liberté. Jean-Baptiste Naudet l'a rencontré à Nouakchott avant son arrestation.
Biram Dah Abeid, fondateur de l'organisation Initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste.
"La première fois que j'ai été violée par le maître, je ne portais pas encore le voile, j'avais 12 ans peut-être." M'Barka mint Essatim, 26 ans, issue d'une famille "privée de liberté depuis des générations", elle-même arrachée à sa mère à l'âge de 5 ans, est l'une des nombreuses esclaves mauritaniennes à avoir été libérée par Biram Dah Abeid.
Dans une cabane de bois et de tôles de quelques mètres carrés, sans eau, ni sanitaires, d'un quartier pauvre et excentré de Nouakchott, elle raconte au milieu des mouches qui volent :
Vers 2010, des médias ont commencé à parler de l'esclavage, de son caractère illégal, puis de Biram qui avait été emprisonné pour son combat pour notre libération. Mes maîtres me le montraient la télé. Ils voulaient que j'aie peur de lui. Ils me disaient : 'C'est un perturbateur qui veut semer la zizanie dans notre communauté !'"
Mais, inspirée par ce héros de la liberté, M'Barka décide de s'enfuir, sans ses enfants d'abord : "Mes maîtres ont refusé de me les donner. Pour eux, les enfants d'esclaves appartiennent au maître. J'ai alors été trouver Biram. Avec lui et ses militants de l'IRA, Initiative pour la Résurgence du Mouvement abolitionniste, NDLR, nous sommes allés voir le préfet qui, à son tour, a convoqué la police. On m'a rendu mes enfants, des enfants du viol. Pour les maîtres, nous violer, c'est leur droit."

Sa mission : libérer tous les esclaves de son pays

Après la victoire de M'Barka, c'est la débandade dans la maison du maître : toutes les autres esclaves s'enfuient à leur tour. L'IRA et Biram Dah Abeid estiment avoir ainsi libéré des centaines de personnes directement, et des milliers indirectement.
Massif, volubile, volontaire, les yeux brillants, Biram Dah Abeid, 49 ans, qui a été jeté en prison quelques jours après nous avoir parlé, pour avoir, entre autres, "encouragé la révolte", est un homme habité par une mission : libérer tous les esclaves de son pays. Ses seuls maîtres à lui sont les philosophes français des Lumières, les inspirateurs de la Révolution de 1789, Rousseau, Diderot, Montesquieu.
En 1981, la Mauritanie devenait le dernier État au monde à abolir l'esclavage. Il a fallu attendre 2007 pour que, sous la pression internationale, cette République islamique, financièrement soutenue par l'Occident et notamment par la France pour sa lutte contre le terrorisme islamique, criminalise cette pratique largement répandue.
Mais à ce jour, malgré quelques récents - et toujours très brefs - séjours en prison, aucun maître n'a encore été condamné définitivement. Il y aurait de 150.000 à 300.000 esclaves dans ce pays désertique, vaste mais peuplé seulement de quelque 3,5 millions d'habitants. Soit le plus fort taux d'esclaves au monde.

Leader abolitionniste et radical

Menacé de mort, emprisonné, vilipendé par le pouvoir en place, Biram Dah Abeid ne se soumet pas. Lui et son association l'IRA - toujours pas reconnue par les autorités - multiplient les actions spectaculaires. Mieux, ce leader abolitionniste et radical prédit une révolution prochaine, lorsque la caste des Haratins, celle des esclaves ou anciens esclaves environ 40% à 50% de la population, alliée aux citoyens de seconde zone que sont les Négro-Mauritaniens 30% renverseront les maîtres : les Maures, la minorité arabo-berbère 20% qui domine aujourd'hui le pouvoir, l'économie, la politique.
Même s'il jure de ne jamais avoir recours à la violence, "toujours destructrice de l'humanisme", Biram Dah Abeid estime que "la déflagration est imminente". "Si ma stratégie échoue, prévient-il, il y aura une violence difficile à maîtriser."
Je crains le mortel entêtement de la classe dirigeante enivrée par ses privilèges issus de l'esclavage, poursuit-il. Officiellement l'esclavage est prohibé, mais ceux qui vont en prison sont ceux qui le combattent, pas les esclavagistes."
Alors que le pays a officiellement aboli cette pratique depuis 1981, il y aurait encore 150.000 à 300.000 esclaves parmi la population mauritanienne. Crédit : Schalk van Zuydam, AP Photo/SIPA

Un sentiment d'urgence

C'est poussé par un sentiment d'urgence et une lourde histoire familiale que Biram s'est lancé dans l'action radicale. Car ce combattant de la liberté à la peau d'ébène est un Haratin, issu d'une famille d'une lignée d'esclaves et d'anciens esclaves. "Mon père a été affranchi dans le ventre de sa mère par son maître", raconte-t-il.
Mais il n'en aura pas pour autant fini avec la traite : il se marie à une esclave. "Il a dû l'abandonner avec les enfants, car le maître ne voulait pas les laisser partir". Comme tous les esclavagistes, celui-ci considérait non seulement l'esclave mais aussi ses enfants comme sa propriété.
Né d'un second mariage, Biram a vite pris conscience de l'oppression que subissaient les Haratins :
Dans mon village, quand j'étais enfant, nous étions sous le joug de la loi des Arabo-Berbères et de leur police."
A l'école, où la discrimination est forte, Biram se fait plus d'une fois corriger. C'est pourtant son éducation qui va lui permettre de se révolter. Il est le douzième d'une famille de treize enfants, et le premier à avoir été scolarisé.
Dès le primaire, élève brillant, pauvre et turbulent, Biram étudie le Coran avec un marabout peul antiesclavagiste. Au collège, il fondera un premier mouvement de libération. Biram ira loin : des études supérieures de droit et d'histoire en Mauritanie et au Sénégal, et un sujet de thèse sur... l'esclavage.

Détruire les fondements sacrés de l'esclavagisme

En 2008, frustré par les méthodes des organisations abolitionnistes qui accumulent les rapports et les communiqués en vain, il fonde l'IRA. Sit-in, grèves de la faim, séjours en prison : l'organisation multiplie les actions coup de poing. Elle ne s'attaque pas seulement au gouvernement mais aussi aux marabouts, les religieux. Elle veut détruire les fondements sacrés de l'esclavagisme.
Comme toujours, Biram Dah Abeid joint le geste à la parole. En avril 2012, devant une foule réunie pour une prière "très spéciale", le leader abolitionniste va réaliser son coup d'éclat. Après avoir prêché de sa voix passionnée les principes égalitaires et humanistes de l'islam, Biram annonce "un jour historique", la "purification des esclaves et de leurs maîtres, de la religion et de la foi".
Il fustige l'"instrumentalisation de l'islam" par une minorité qui veut dominer. Puis il se fait apporter des ouvrages d'interprétation du Coran. Et brûle en public ces livres sacrés. Un crime d'apostasie, punissable de mort dans cette République islamique. Aujourd'hui il décrit cet autodafé comme "un acte fondateur".

Naissance d'un héros

Soumise au régime, la presse se déchaîne alors : Biram Dah Abeid, écrit-elle, est un "hérétique". Des journaux se prononcent pour sa condamnation à mort. Il est arrêté, jeté en prison. Le président Aziz apparaît à la télévision et demande aussi sa tête. Biram serait un agent israélien ou à la solde des Américains, ou les deux à la fois. Le vecteur d'un complot occidental contre l'islam.
Mais devant la prison, malgré la propagande et les calomnies, l'IRA réunit des milliers de personnes qui demandent la libération de leur héros. Soumis économiquement et parfois psychologiquement à leurs maîtres, illettrés, souvent éclatés géographiquement, les Haratins se réveillent, ils sortent dans la rue.
Après quatre mois de prison, Biram Dah Abeid est libéré, gracié par un président sous pression. Il a gagné. En 2013, il sera l'un des lauréats du prix des Nations unies pour les droits de l'homme. En 2014, il arrive en deuxième position à l'élection présidentielle.
La prison est une tribune contre l'esclavage. Nous y sommes allés comme en voyage de noces", s'amuse-t-il à dire aujourd'hui.
Une main anonyme a rebaptisé le lieu où il a brûlé les livres religieux "avenue de Biram".
L'autodafé des textes sacrés, l'emprisonnement de Biram Dah Abeid agissent comme un électrochoc dans la communauté haratine, notamment chez les esclaves. C'est aussi grâce à l'IRA qu'un premier maître sera emprisonné.
Depuis, un vingtaine d'esclavagistes ont connu, brièvement, la prison. Ils seront systématiquement libérés. Face aux manifestations de l'IRA, la police a le choix : mettre les esclavagistes ou bien leurs détracteurs en prison. Les autorités, qui continuent à nier l'existence même de l'esclavage, font les deux au gré des pressions qu'elles subissent.

Un combat qui "ne mènera qu'à la violence"

Pourtant, malgré ses indéniables succès, les méthodes de Biram Dah Abeid et de l'IRA sont critiquées, et pas seulement par les autorités. Boubacar Ould Messaoud, 70 ans, est le président de l'ONG SOS-Esclaves, reconnue par l’État. Il revendique lui aussi la libération de nombreuses personnes par des moyens plus classiques. Il s'oppose aux méthodes révolutionnaires de l'IRA.
Si nous provoquons une confrontation, les victimes seront ceux que nous voulons libérer,s'alarme le vieil homme. Les esclavagistes sont armés par les militaires. Si les jeunes Haratins les attaquent, ils seront liquidés physiquement."
Une universitaire, spécialiste de l'esclavage voit elle aussi en Biram Dah Abeid "un démagogue brillant, autocentré, qui s'appuie sur la frustration des Haratins". Selon cette chercheuse, son combat "ne mènera qu'à la violence".
Mais le leader de l'IRA, lui, renvoie la responsabilité d'un éventuel affrontement sanglant sur la minorité arabo-berbère au pouvoir. Et il dénonce "cet apartheid d'un autre âge, qui ne tient que grâce au soutien de l'Occident, des États-Unis, de la France."
Jean-Baptiste Naudet - envoyé spécial de "l'Obs" à Nouakchott

L'esclavagisme

Alors que la monde, a commémoré l’abolition de l’esclavage, rappelant que le préjudice ne pourra jamais être réparé, quelques jours auparavant 1100 esclaves salariés modernes trouvaient la mort suite à l’effondrement d’un immeuble au Bengladesh dans lequel ils travaillaient sans relâche, à coup de cravache, payés misérablement, afin que les riches puissent vendre pour quelques euros, des habits à la dernière mode. Le 10 mai 2013 Radio-France-Culture commémorait à sa façon la journée internationale de l’abolition de l’esclavage pourtant encore bien présent sur tous les continents.
«L’esclavage existe bel et bien en Mauritanie», c’est par ces mots, exprimés durant la Convention de mai 2012, que Messaoud Ould Boulkheir, président du Parlement, répondait aux Mauritaniens qui réfutaient l’existence d’un tel crime contre l’humanité sur les terres mauritaniennes. Des travaux réalisés par les associations mauritaniennes de défense des Droits de l’Homme, ont affirmé la réalité de l’esclavage.
Dernier État à interdire l’esclavage, en 1981 la République de Mauritanie a soi-disant aboli les pratiques esclavagistes. Depuis 2007, la loi considère l’esclavage comme un crime passible de 10 ans de prison. Auparavant, le décret colonial français de 1905 le réprimait également, mais aucune sanction n’ayant jamais été appliquée, l’esclavage sévit et les pouvoirs politique, judiciaire et religieux ainsi que certains milieux intellectuels nient l’existence de l’esclavage que 700 000 à un million d’esclaves mauritaniens subissent encore aujourd’hui.
«À la quasi-indifférence de la communauté internationale et des médias, 20% des Mauritaniens seraient encore réduits à l’esclavage. Le pays compterait le plus grand nombre d’esclaves de la planète, même si la loi criminalise cet acte. Décryptage d’une injustice et du combat de l’IRA, Initiative de Résurgence du mouvement abolitionniste dirigé par son président Biram Ould Dah Boulkheir.
Chacun d’entre nous sait très bien ce qu’il faut penser de cette soi-disant Communauté internationale d’une poignée de pays néo-colonisateurs qui prétend imposer sa loi. Eh bien en Mauritanie et au Sahel, la loi de cette Communauté internationale des riches, c’est l’esclavage en catimini. Quant aux peuples du monde ils ne savent rien de ce qui se trame dans ce pays du Sahel en crise perpétuelle par les manigances des puissances métropolitaines.
Ainsi, la pseudo «Communauté internationale» s’accommode très bien de ce que l’Émirat du Qatar – leur riche allié crapuleux – pratique ouvertement les nouvelles formes d’esclavage moderne et elle ne dit mot donnant ainsi son consentement .
L’esclavage est officiellement aboli dans le monde.
Pourtant d’autres formes d’exploitation asservissent des milliers de personnes, souvent des enfants.
Il y a deux cents ans, le 4 février 1794, l’esclavage est aboli dans les colonies françaises. Il est rétabli par le premier Empire et disparaîtra définitivement en principe par un décret de la IIe République, le 27 avril 1848.
En 1825, l’Angleterre se rallie au mouvement. Les autres pays suivent progressivement, mais il faut attendre 1981 pour que la Mauritanie se prononce officiellement pour l’abolition de l’esclavage.

Aujourd’hui donc, l’esclavage est juridiquement aboli dans le monde.

Pourtant plusieurs dizaines de millions de personnes sont en situation d’esclavage, soit sous forme traditionnelle comme dans certains pays d’Afrique Mauritanie, Soudan ou d’Asie Inde, soit sous de nouvelles formes d’asservissement.
En Mauritanie, la Constitution interdit officiellement l’esclavage. Mais dans la pratique, plusieurs dizaines de milliers de Noirs originaires du Sud du pays, sont maintenus en servitude par des Maures du Nord.
Au Soudan, la guerre que livrent les propriétaires arabes du nord contre les noirs animistes et chrétiens du sud contribue à maintenir et même à développer la tradition esclavagiste les captifs sont revendus entre 30 et 40 dollars par tête.
En Inde, malgré les efforts du gouvernement, plusieurs centaines de milliers de membres de castes inférieures sont tenus en esclavage et parfois vendus, les enfants appartenant toujours au propriétaire de la mère.
Beaucoup plus répandues, d’autres formes d’esclavage comme la servitude pour dettes n’épargnent aucune région du Globe. Par exemple, un employeur propose à un ouvrier un prêt qu’il pourra rembourser avec ses gains futurs. Mais comme les salaires sont très bas, l’employé se trouve dans l’impossibilité de rembourser ; la dette s’accroissant, le travailleur se trouve lié à un patron jusqu’à la fin de ses jours.
Cette pratique de l’esclavage pour dettes est surtout répandue en Asie du Sud-Est et en Amérique latine.
Le Bureau International du Travail estime qu’au Pakistan, le travail forcé toucherait quelque 20 millions de personnes dont 7,5 millions d’enfants travaillant notamment dans les briqueteries, chez les tailleurs de pierre, les tisserands, les fabriquant de cigarettes ainsi que dans l’agriculture. En Inde, 5 millions d’adultes et 10 millions d’enfants seraient asservis dans l’agriculture, les métiers du bâtiment, la pêche, la production de tapis et de poteries.
Au Pérou, on a constaté que le servage pour dettes, le recrutement illégal ou forcé de main d’oeuvre, le travail dans des conditions inhumaines et l’exploitation des enfants sont encore des pratiques courantes. Concernant les enfants, la forme la plus haïssable de leur exploitation réside dans la prostitution. Elle est la plus connue mais elle ne saurait faire oublier les millions de petits esclaves qui sont kidnappés pour être enfermés dans des ateliers clandestins, servir de domestiques, ou être vendus à une autre famille. Ils sont souvent maltraités, soumis à des sévices sexuels, mal nourris et astreints à des horaires exténuants, voire à des travaux dangereux.
Cependant, des gouvernements comme ceux du Bangladesh, de l’Inde, du Népal, du Pakistan, du Sri-Lanka et de Thaïlande ont pris l’engagement d’abolir effectivement et immédiatement le servage des enfants et d’en faire un objectif prioritaire de leur politique nationale de l’enfance.
Ils ont reconnu la nécessité d’une volonté politique englobant des réformes législatives, des mécanismes de contrôle efficaces et un système d’éducation obligatoire et gratuit.
Cela peut choquer mais c’est pourtant vrai : l’esclavage n’est pas une coutume révolue. C’est même un phénomène répandu, notamment dans les pays musulmans, où il revêt diverses formes et est fréquemment officialisé. Bien sûr, il ne porte pas le vilain nom d’ esclavage, mais se cache derrière les appellations plus respectables de « tutelle ou de bonnes. Du Maroc à l’Arabie saoudite, petit tour d’horizon des pratiques esclavagistes. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes.
C’est à Malek Chebel, anthropologue et spécialiste algérien de l’islam, que revient le mérite d’avoir remis à l’ordre du jour, en France, un phénomène gênant, celui de l’ "esclavage en terre l’islam", titre d’un riche ouvrage de 500 pages publié chez Fayard en 2007 et sous-titré : "Un tabou bien gardé". Chebel n’hésite pas à désigner dans l’islam même les racines de certaines formes d’esclavagisme. S’il s’étend longuement sur les racines historiques du phénomène, il en décrit aussi certaines manifestations actuelles.

Mariage et prostitution

Deux façons d’asservir les femmes : Afghanistan, Maroc...

"Combien de femmes, aujourd’hui même, sans porter à proprement parler l’étiquette d’ ’esclaves’, tant en Asie musulmane qu’en Afrique médiane et au Maghreb, sont-elles maintenues dans une condition qui les oblige à monnayer les plaisirs sexuels qu’elles fournissent au profit d’un proxénète ? Plus pervers encore est le système de mise en esclavage matrimonial de jeunes filles pubères - pratiquement des enfants - au nom de coutumes tribales d’un autre âge. C’est le cas, encore aujourd’hui, en Afghanistan, où des jeunes filles à peine nubiles sont mariées à des chefs tribaux, riches et souvent séniles, en termes de ce qui apparaît comme une forme de ’droit de cuissage’", note Chebel.
Dans un dialogue avec le généticien français Albert Jacquard Jamais soumis, jamais soumise, Stock 2007, Fadela Amara évoque en termes très clair l’esclavage des jeunes filles dont elle a été témoin au Maroc : "Je suis allée dans les villages marocains, en fin fond du bled (...) Autour de 10 ans, les filles sont enlevées de l’école pour être mises à disposition de familles bourgeoises et devenir des bonnes, avec tout ce que ça implique : certaines vont être violées par le chef de famille, mises enceintes et fichues dehors par l’épouse légitime ..."
Les Marocaines qui tentent de se libérer en fuyant pour des pays arabes riches risquent d’être déçues. Le quotidien marocain TelQuel est allé jusqu’à afficher sur son site, en 2007, une pétition intitulée "Pour le respect des droits de la femme marocaine ’immigrée’ aux pays du Golfe" afin de lutter contre le phénomène des Marocaines faites esclaves aux Emirats arabes unis, où elles croyaient trouver argent et liberté : "Parties travailler dans les pays du Golfe comme coiffeuses ou hôtesses, des milliers de Marocaines se retrouvent séquestrées, battues et forcées à se prostituer. Cherchant à s’évader, certaines sont emprisonnées ou même assassinées ! Et le Maroc se tait, au nom de ’considérations diplomatiques’."
Une situation qui n’est toutefois pas le seul fait du Maroc. Au Liban aussi, les "travailleuses étrangères" sont fréquemment faites esclaves par leurs employeurs.

Liban : le phénomène des "bonnes"

Le 11 octobre 2007, Le Monde publiait un article de Dominique Torres sur la situation des "bonnes à vendre" au Liban. Des jeunes femmes naïves et démunies venues de pays pauvres, notamment du Sri Lanka, d’Ethiopie et des Philippines, pour se faire un petit salaire, ne se doutent pas qu’elles vont se voir confisquer leur passeport et se trouver à la merci d’employeurs qui feront d’elles non des bonnes, mais des esclaves. "Leur passeport transitera directement des mains du policier des frontières à celle de l’employeur", note l’article.
Le marché des bonnes est intéressant pour les agences qui "à la signature du contrat, se versent entre dix et quinze fois le premier salaire de la domestique." Quant aux "bonnes", elles sont très peu payées - quand elles ont la chance de tomber sur un employeur qui respecte le contrat. Mais face aux abus en tous genres, dont la privation du salaire n’est pas le moindre, ces jeunes femmes n’ont d’autres moyens de se défendre que de fuir pour l’ambassade de leurs pays, où sont cachées nombre d’entre elles.
Ces jeunes femmes sont peut-être les seules à avoir profité de la deuxième guerre du Liban : "Durant l’été 2006, l’attaque israélienne au Liban et le désarroi des Libanais fuyant les bombes ont été largement couverts. Les médias ont évoqué, sans s’attarder sur le sujet, le nombre de 30 000 domestiques abandonnées dans des appartements fermés à clé, souvent avec le chien. A leur retour, les employeurs étaient furieux. La domestique était partie !" notait l’auteur, non sans humour.

Tuteur légal ou maître d’esclave ?

Le 15 novembre 2007, le quotidien libanais L’Orient Le Jour réagissait à l’article de Dominique Torrès par un article intitulé : "Bientôt une législation pour la protection à égalité des domestiques étrangères et des employeurs". Le quotidien libanais admet qu’ "un réel problème existe (...) L’employeur, tuteur légal de la domestique, unique responsable aux yeux de la loi libanaise, est seul maître à bord." Ainsi "certains employeurs, soucieux de rentabiliser [la caution versée à l’agence pour l’obtention de la bonne], sont parfois poussés à des comportements esclavagistes", note pudiquement l’article, comme d’ "enfermer leur domestique (...) par peur de la voir prendre la fuite." Il est en effet plus intéressant de travailler au noir, avec un meilleur salaire et la liberté à la clé.
L’article note : "En instaurant le principe de la tutelle, principe qui est d’ailleurs répandu dans les pays arabes, l’Etat entend exercer un contrôle strict sur les communautés de migrants." Ce principe de la tutelle s’avère dans les faits synonyme d’asservissement.

Trafic d’enfants au Bengladesh

Après les femmes, les enfants ne sont pas en reste : le site d’Amnesty International Belgique affichait, en décembre 2004, une enquête intitulée "Itinéraire d’un esclavage asiatique", qui abordait presque exclusivement le sujet de l’esclavage en pays musulmans. Le rapport évoquait notamment le trafic d’enfants du Bengladesh, citant : "La misère et la crédulité d’une large part de la population bangladaise facilitent les trafics de femmes et d’enfants vers l’étranger. L’Inde, le Pakistan et les riches pays arabes sont leurs principaux destinataires (...) Les filles aboutissent souvent dans des réseaux de prostitution forcée ou de travail domestique, parfois dans le secteur industriel notamment les usines de vêtements." Quant aux garçons, ils se retrouvent fréquemment jockeys dans les courses de chameaux de la Péninsule : "Leurs cris de peur sont censés effrayer les animaux et les faire courir plus vite". Pour garder ces garçons petits et lestes, on les prive de nourriture. Et, au Bengladesh aussi, "la passivité des autorités" est dénoncée : "Des lois existent au Bangladesh pour punir les trafiquants d’être humains. Rarement appliquées, elles n’ont aucun effet dissuasif."

Arabie saoudite et Emirats arabes unis : une opulence qui repose aussi sur le travail des esclaves

Malek Chebel n’est pas tendre vis-à-vis de l’Arabie saoudite, où l’esclavage est peut-être le plus généralisé, les hommes aussi en étant victimes : "Ouvriers soumis, eunuques, domestiques, concubines : tous les degrés de la servitude sont pratiqués et entretenus dans l’une des régions les plus opulentes de la planète ... L’esclave est certes une ombre inconsistante aux yeux de son maître, mais sa présence est pratiquement indispensable au fonctionnement de la cité en Arabie." Chebel précise : "La ville princière de Taîf, à une centaine de kilomètres de la ville sainte, peut se prévaloir de compter encore aujourd’hui un grand nombre d’esclaves. Ils sont employés à l’arrosage des roseraies, des vignes et des vergers qui font la réputation de l’endroit, ou bien au nettoyage et à l’entretien des palais. Il en va de même à Djedda, ville portuaire, à Riyad, capitale politique du pays, et même dans les prudes Médine et la Mecque où un corps d’eunuques fut encore signalé, photographies à l’appui, il y a moins d’une dizaine d’années."
Les Emirats arabes unis ne sont pas en reste : "De leur côté, en raison de leur ’boom’ économique, les Emirats arabes unis ont connu et connaissent un besoin vital de main-d’œuvre qu’ils vont puiser en Asie, et n’hésitent pas, au besoin, à mettre en servitude dans les demeures privées." On le voit : les Marocaines ne sont donc pas les seules victimes de ces petits Etats qui ont pourtant les moyens d’employer décemment du personnel.
Laissons le mot de la fin à Wajiha Al-Huweidar, militante des droits de la femme en Arabie saoudite, dont les propos prononcés sur la télévision saoudienne Al-Hurra le 13 janvier 2008 ont été relayés par le MEMRI Middle East Research Institute. Dénonçant la situation des femmes en Arabie saoudite, qu’elle qualifie de "pire qu’à Guantanamo", elle estime que "la société saoudienne se base sur l’asservissement : l’asservissement des femmes aux hommes et de la société à l’Etat." Tout un système qu’il faudrait revoir pour mettre fin à des pratiques dégradantes pour tous : maîtres comme esclaves.

Enquète sur l'esclavagisme

La fondation australienne Walk Free vient de publier un rapport sur l'esclavage dans le monde. Triste bilan pour le continent qui compte 38 pays parmi les 50 dont l'indice d'esclavage est le plus élevé, Mauritanie en tête.
La fondation australienne Walk Free vient de rendre public le premier indice mondial de l’esclavage. Sur les 162 pays étudiés, on compte un total de 29,8 millions d’esclaves. La Mauritanie prend la tête du classement avec un nombre d’esclaves estimé à 150 000 personnes, pour 3,8 millions d’habitants, soit 4 % de la population. Une pratique profondément enracinée selon le rapport : les mêmes familles exploitent plusieurs générations d’esclaves.
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L’esclavage moderne peut prendre plusieurs formes : le trafic de personnes, le travail forcé, l’exploitation des enfants, le mariage forcé, ainsi que toutes les pratiques privatives de liberté. L’indice a été estimé à partir de trois facteurs principaux : la prévalence estimée de l’esclavage moderne dans la population, le mariage des enfants, et le trafic de personnes.

Régions

L’Afrique subsaharienne est la région la plus esclavagiste, avec 38 pays classés dans le top 50. Selon le rapport, il s’agit de la région où les situations sont le plus diversifiées en termes de risque d’asservissement. Maurice est le pays le plus de stable en termes de protection des droits de l’homme et du travail, mais l’Afrique du Sud et le Gabon sont les plus engagés en termes de politiques pour abolir l’esclavage moderne. Les taux de prévalence élevés enregistrés pour des pays comme la RD Congo ou la Mauritanie reflètent des pratiques vieilles de plusieurs siècles qui se fondent sur des conflits coloniaux et une injustice exacerbée par les conflits armés contemporains, indique le rapport.
La région Mena Moyen-Orient et Afrique du Nord affiche des taux de prevalence relativement faibles, mais il s’agit de la région où la discrimination contre les femmes est la plus élevée. On note également un grand nombre de mariages forcés ainsi qu’une forte traite des femmes à des fins de prostitution ou de travail domestique. Au Moyen-Orient, les plus touchés sont les travailleurs immigrés.
En valeur absolue, les meilleurs élèves sont l’Europe, avec 1,82 % du total des personnes asservies, et la région Mena, avec 2,54 %. L’Afrique subsaharienne représente 16,36 % de la population totale asservie. L’Asie affiche la pire performance avec 72,14 % du total et quatorze millions d’esclaves pour l’Inde seulement.

Top 10 des pays africains qui ont l’indice d’esclavage le plus élevé

1. Mauritanie, 1er mondial
2. Bénin, 7e
3. Côte d’Ivoire, 8e
4. Gambie, 9e
5. Gabon, 10e
6. Sénégal, 11e
7. Éthiopie, 12e
8. Sierra Leone, 13e
9. Togo, 14e
10. Cap-Vert, 15e


Une culture esclavagiste séculaire en Mauritanie et au Sahel

La population mauritanienne est composée de Maures blancs, d’origine arabo-berbère dite «beydane», et de noirs, appelés Haratines, et de Négro-Mauritaniens issus des ethnies Peul, Soninké et Wolof. Le mot «haratine» provient de l’hassanya, dialecte de la région utilisant des bribes de langue arabe. Cette correspondance linguistique indique que ces derniers sont des descendants d’esclaves – pseudos affranchis – et appartenant réellement à des propriétaires Maures [http://www.haratine.com/].
La société maure ne fait pas de différence entre l’esclave et l’affranchi-Haratine. Un proverbe mauritanien exprime parfaitement cette idée: «La différence entre un esclave et un affranchi est comme la distance entre la queue de la vache et la terre. Lorsque la queue est longue, elle touche terre». La différence est inexistante.
Quand elle sera conquise, l’émancipation des esclaves Haratines bouleversera l’économie et les rapports sociaux de cette société arriérée – semi-féodale – décadente, n’ayant pas encore accédée à l’industrialisation. Cet immense progrès social aura pour conséquence de détruire les reliquats du mode de production esclavagiste, d’abolir peu à peu les pouvoirs des castes, des clans et des tribus et de renforcer le pouvoir des bourgeois nationaux.
L’influence des beydanes – propriétaires d’esclaves – s’estompera. L’édification d’un sentiment d’appartenance national mauritanien prendra un nouvel essor, de même que les forces productives et les rapports de production bourgeois. L’éradication complète de cet artéfact fossile d’un temps archaïque est une nécessité historique non seulement pour les esclaves eux-mêmes, mais également pour la bourgeoisie mauritanienne compradore, qui ne pourra jamais jouir pleinement de la spoliation du peuple mauritanien tant que perdureront les forces de la réaction esclavagiste-beydane.
Luttes de classe pour l’éradication de ces pratiques fossiles
Cette lutte de résistance anti-esclavagiste est récurrente. Ainsi en 2009, Paris accueillait au Grand Palais une hypocrite conférence sur les thèmes pompeux : «L’esclavage en terre d’Islam : pourquoi les maîtres mauritaniens n’affranchissent-ils pas leurs esclaves ?. YAHYA Ould Brahim, ancien esclave, racontait son effroyable parcours : Je suis esclave depuis ma naissance. J’ai été séparé de mes parents, de mon frère et de ma sœur. Je travaillais dur pour mon maître, sans rétribution et toute la journée. Quand celui-ci me battait, il me disait de ne pas crier, car ça pouvait gêner les voisins [http://haratine.blogspot.fr/2013/05/m ... hypocrisie-autour-de.html.
Expliquant les relations entre les esclaves et les maîtres, YAHYA témoigne d’une voix empreinte de colère «L’esclavage traditionnel persiste dans mon pays sous trois formes :
Domestique, par laquelle l’esclave est attaché au maître durant toute sa vie, sans contact avec sa famille d’origine.
Sexuelle, donnant au maître un droit de cuissage sur toutes les femmes travaillant et lui appartenant (le maître propriétaire du bétail humain a le premier droit d’engrosser la femme bétail esclave. Si la femme – bétail esclave – met bât d’un bébé ce petit «animal parlant» est la propriété du maître esclavagiste qui peut en disposer comme son bien propre – le vendre ou le donner. NDLR.
Agricole, les esclaves sont chargés des travaux les plus durs, des tâches considérées comme les plus avilissantes par le groupe dominant arabo-berbère » Visionnez ce témoignage de deux esclaves http://www.youtube.com/ watch?v=ifuHn_Hj5lU
L’IRA et les autres associations combattant l’esclavage, comme L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E), S.O.S Esclaves, et SOS-Abolition accusent les esclavagistes de se fonder sur l’interprétation de livres de juristes datant du Moyen-âge pour légitimer l’esclavage (…) Biram, leader de l‘IRA, a fait la seule chose digne d’un homme libre, il a procédé à l’autodafé de plusieurs de ces livres fossiles qu’il appelle des «codes esclavagistes». L’exégèse d’un des textes carbonisés, l’abrégé de Khalil, traite l’esclave d’animal parlant.
«La destruction des livres par le feu a créé l’émoi en Mauritanie. Certains détracteurs de l’IRA ont accusé l’association d’apostasie et de blasphème. Argument fallacieux, si l’on tient compte du fait que les ouvrages n’ont aucun caractère sacré déclare Biram. Conscients de la polémique qu’aurait pu engendrer un tel acte, les pyromanes des textes féodaux ont pris soin de retirer toutes les pages contenant des versets du Coran. Cela n’a pas empêché Biram d’être emprisonné en compagnie d’Abidine Maatala, Issa Ould Alioune et Yacoub Diarra pour atteinte aux valeurs culturelles de la Mauritanie.» [http://haratine.blogspot.fr/2013/05/m ... hypocrisie-autour-de.html].
L’État néocolonial mauritanien complice
«Il est intolérable que de nombreux citoyens mauritaniens continuent à gémir sous le joug de l’esclavage alors que les prisons sont vides de tous les responsables de tels crimes. Une telle situation ne saurait trouver d’explication en dehors de la complicité manifeste de l’État (…). C’est l’État qui freine l’application pleine et entière de la loi 2007/08 criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes.» (5).
Hommes et femmes, ouvriers, prolétaires, travailleurs, esclaves salariés occidentaux, doivent solidarité à leurs frères esclaves agraires en cet enfer du Sahel mauritanien, malien, nigérien, somalien et leur émancipation doit être une préoccupation autant que leur propre résistance quotidienne à l’exploitation. Émancipation et liberté pour les frères Haratines de Mauritanie.

En Mauritanie, il y a encore des esclaves.

Une marche a eu lieu à Nouakchott hier, mercredi 29 avril, à l’appel du Manifeste pour les droits politiques économiques et sociaux des Haratines, les descendants d’esclaves qui représentent environ 40 % de la population mauritanienne. Beaucoup souffrent encore d’être marginalisés dans la société. Certains sont même toujours retenus en servitude, il est difficile de savoir combien, mais la pratique perdure malgré l’abolition de l’esclavage en 1981 et sa criminalisation en 2007. Les organisateurs réclament donc des mesures concrètes et la libération du militant Biram ould Gah ould Abeid, le président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie IRA, arrêté en novembre 2014 et qui attend toujours son procès en appel. Pour en parler, Florence Morice reçoit l’un des initiateur de ce manifeste, Boubacar Messaoud, également porte-parole de l’association SOS esclaves.
Comment se fait-il que de trente ans après l’abolition officielle de l’esclavage en Mauritanie, vous soyez encore obligé de descendre dans la rue pour réclamer plus de droits ?
Boubacar Messaoud : Parce que tout ce qui a été pris comme mesures institutionnelles pour interdire l’esclavage n’a jamais été appliqué. Nous sommes maintenant à notre troisième président qui continue à dire que l’esclavage n’existe pas. Le monde entier doit être témoin de cette absurdité. Comment continue-t-on à faire des lois pour un phénomène qui n’existe pas ?
Est-ce qu’on a une idée de l’ampleur du phénomène aujourd’hui puisque le gouvernement lui parle de séquelles de l’esclavage?
L’Etat mauritanien n’a jamais accepté de faire une étude pour pouvoir dégager un impact de cette population servile qui existe. Il y a le secret de l’esclavage. Nous vivons presque tous du secret de l’esclavage. Il y a des esclaves encore, nous ne pouvons pas dire combien ils sont et c’est aussi l’argument du pouvoir. A chaque fois, il dit aux visiteurs : « Demandez-leur combien il y a d’esclaves, ils ne pourront pas vous le dire. Bien sûr que l’on ne peut pas le dire, il ne nous appartient pas de les dénombrer. Il nous appartient de défendre et d’accompagner ceux qui viennent se plaindre. Et ils viennent quotidiennement. Ils viennent devant la justice. Et souvent on requalifie leur problème de travail non rémunéré, de qualification tout à fait bizarre dans une société où la personne est née esclave, est complètement anéantie depuis sa naissance par une éducation qui la soumet totalement à la volonté de son maître parce qu’on lui a fait comprendre que son paradis dépend de cela. Les religieux ont utilisé la religion pour le rendre acceptable comme un devoir.
Récemment dans une fatwa, les oulémas de Mauritanie ont décidé que l’esclavage n’avait plus de fondement religieux. Comment réagissez-vous ? Est-ce que ce n’est pas un contresens dans un pays qui a aboli l’esclavage en 1981 ?
Effectivement, c’est vraiment ironique et vraiment ça nous fait rire quand on dit n’a plus de fondement. Il n’a jamais eu de fondement. Heureusement que maintenant certains oulémas, très timidement, commencent à reconnaître que l’esclavage dans la religion musulmane n’est accepté que dans le jihad, que dans une guerre sainte.
Avec l’aide des Nations unies, le gouvernement a établi en 2014 une feuille de route et s’est donné comme objectif d’éradiquer le phénomène d’ici 2016. Y a-t-il une réelle volonté politique tout de même ou bien est-ce que ce plan est seulement destiné à faire plaisir à la communauté internationale ?
Ce plan concerne essentiellement la communauté internationale. Il en est sorti aujourd’hui un projet, un avant projet de loi qui dit que l’esclavage va être condamné de dix à vingt ans. Il y a également le fait qu’on crée un tribunal spécial à Nouakchott. Alors le juge compétent est à Nouakchott. Comme on peut penser que l’esclavagisme qui vient de Néma ou de Zouerate doit être acheminé à Nouakchott pour être jugé. Pourquoi on ne le juge pas sur les lieux de ce crime ? Ça nous choque profondément. Ce sont des pièges que nous dénonçons dès maintenant. Si on veut faire une loi qui soit applicable, elle doit être une loi qu’on doit appliquer dans toutes les régions qui concernent pratiquement tous les juges.
Combien de personnes actuellement purgent une peine de prison pour esclavagisme. L’esclavage est criminalisé depuis 2007 en Mauritanie ?
Personne ne purge une peine. La seule personne, c’est une personne qui a été condamnée à deux ans. C’est inférieur à la peine minimale prévue pour l’esclavage. Elle a fait quatre mois et quelques, on l’a libéré en liberté provisoire et elle est toujours en liberté provisoire. Depuis trois ans, elle n’a jamais été appelée.
Donc la législation n’est pas appliquée ?
Cette loi n’est pas encore appliquée. Elle a été destinée à se conformer aux desiderata de l’opinion internationale et puis c’est tout.

Qu’est-ce qu'il faudrait faire pour s’attaquer aux racines du problème ?

Réformer s’il le faut la justice parce que nous avons une justice de classe. Tous les magistrats essentiellement sont des descendants d’esclavagistes. Ils répugnent à condamner les esclavagistes dès lors que d'ailleurs, peut-être eux-mêmes, ont des esclaves chez eux. Et c’est connu par celui qui juge.
Vous voulez dire que les réformes sont freinées finalement par la structure de la société ?
Absolument. Une société de classes qui ne veut pas le progrès. Il y a des gens qui sont très riches aujourd’hui. Il y a de beaux bâtiments, il y a de belles routes mais en définitif quelque part, les mentalités sont des mentalités rétrogrades du Moyen-âge.
Le militant Biram ould Dah ould Abeïd, président de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA), pourtant il était candidat à la présidentielle en juin dernier. Est-ce que vous avez le sentiment de faire peur aux autorités, que votre combat fait peur au pouvoir ?
Il y a deux poids, deux mesures. L’anti-esclavagiste est condamné et est en prison, il est même éloigné de chez lui. Il n’a pas été emprisonné dans son lieu de jugement. Et celui qui est esclavagiste, reconnu par un tribunal, a été mis en prison pour trois mois et mis en liberté provisoire. Nous avons le sentiment que le pouvoir veut nous montrer qu'on est un danger dans cette Mauritanie. Quand on a arrêté monsieur Biram, après nous avons fait une manifestation tout à fait pacifique, on nous a tiré dessus avec des grenades lacrymogènes. On nous a présentés comme des émeutiers. Nous faisons nos marches et tout cela pour dire qu’on est contre personne. Ce que nous faisons n’est orienté ni vis-à-vis des Arabes, ni vis-à-vis des autres Africains. Mais nous parlons de ce que nous vivons comme séquelles et comme pratiques d’esclavages qui ne peuvent finir qu’avec une justice et l'équité.

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Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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