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Ernest Renan 1
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Le 28 février 1823 naît Joseph Ernest Renan,

à Tréguier côtes-du-Nord et mort, à 69 ans le 2 octobre 1892 à Paris, écrivain, philologue, philosophe et historien français.Drand-officier de la légion d'honneur.
Fasciné par la science, Ernest Renan adhère immédiatement aux théories de Darwin sur l'évolution des espèces. Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques. Une part essentielle de son œuvre est d'ailleurs consacrée aux religions avec par exemple son Histoire des origines du christianisme, 7 volumes de 1863 à 1881 dont le premier tome est consacré à la Vie de Jésus 1863. Ce livre qui marque les milieux intellectuels de son vivant contient la thèse, alors controversée, selon laquelle la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et la Bible comme devant être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Ceci déclenche des débats passionnés et la colère de l'Église catholique.
Ernest Renan est considéré aujourd'hui comme un intellectuel de référence avec des textes célèbres comme Prière sur l'Acropole 1865 ou Qu'est-ce qu'une nation ? 1882. Dans ce discours, Renan s’efforce de distinguer race et nation, soutenant que, à la différence des races, les nations s’étaient formées sur la base d’une association volontaire d’individus avec un passé commun : ce qui constitue une nation, ce n'est pas parler la même langue, ni appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore dans l'avenir. Ce discours a souvent été interprété comme le rejet du nationalisme racial du type allemand en faveur d’un modèle contractuel de la nation. Toutefois, des auteurs comme Marcel Detienne et Gérard Noiriel estiment que la conception par Renan de la nation comme un principe spirituel n’est pas exempte d’une dimension raciale et que ce plébiscite de tous les jours ne concerne que ceux qui ont un passé commun, c'est-à-dire ceux qui ont les mêmes racines .
Son intérêt pour sa Bretagne natale a été également constant de L'Âme bretonne 1854 à son texte autobiographique Souvenirs d'enfance et de jeunesse 1883.

Quelques dates de sa vie

Reçu premier à l'agrégation de philosophie en septembre 1848, il devient docteur en lettres à la suite d'une thèse sur le philosophe musulman Averroès terminée en 1852. De 1849 et 1850, il est chargé de mission en Italie.
En 1856, il devient membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, tandis que, le 11 septembre 1856, il épouse Cornélie Henriette Scheffer, la fille du peintre Henry Scheffer qui est la nièce du peintre Ary Scheffer. Plusieurs portraits d'Ernest Renan sont conservés au Musée de la vie romantique, dans l'Hôtel Scheffer-Renan, 16 rue Chaptal, au cœur de la Nouvelle Athènes à Paris. Ils sont signés Henry Scheffer, René de Saint-Marceaux et Léopold Bernstamm. Les collections et les archives du musée évoquent également son épouse et leurs enfants Ary Renan né en 1858 et Noémi née en 1862, épouse de l'écrivain et philologue Jean Psichari.
En 1860, Ernest Renan effectue à l'occasion de l'expédition française une mission archéologique au Liban et en Syrie. Professeur d'hébreu au Collège de France en 1862, il est suspendu en 1864 pour des propos jugés sacrilège sur Jésus Christ, l'érudit Salomon Munk lui succédant à la chaire d'hébreu. Dans son cours d'ouverture du cours de langue hébraïque, chaldaïque et syriaque au Collège de France, Ernest Renan fait une description apocalyptique de la lourdeur de l'esprit sémite qui s'oppose au génie Indo-Européen et à son héritière la culture européenne enrichie aux sources grecques. Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur.
En 1863, la publication de sa Vie de Jésus, livre écrit lors de son séjour à Ghazir au Liban, connaît un grand succès et fait scandale. Le pape Pie IX, très affecté, le traite de blasphémateur européen , et en 1864, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy supprime son cours.
En 1865, il effectue un voyage en Égypte, en Asie Mineure et en Grèce.
En 1869, il se présente sous l'étiquette d'indépendant à un siège de député en Seine-et-Marne, ce qui lui vaut un échec électoral.
Le 13 juin 1878, il est élu à l'Académie française, au fauteuil 29, en remplacement de Claude Bernard.
En 1880, il est promu officier de la Légion d'Honneur
En 1883, il devient administrateur du Collège de France.
En 1884, il est promu commandeur de la Légion d'honneur.
En 1888, il fut élevé au grade de grand officier de la Légion d'honneur.
Ernest Renan naît le 28 février 1823 à Tréguier dans une famille de pêcheurs ; son grand-père, ayant acquis une certaine aisance, y a acheté une maison où il s'était établi ; son père, capitaine d'un petit navire et républicain convaincu, a épousé la fille de commerçants royalistes de la ville voisine de Lannion. Sa mère n'est qu'à moitié bretonne, ses ancêtres paternels étant venus de Bordeaux : Renan confessera qu'en sa propre nature, le Gascon et le Breton ne cessent de se heurter. Toute sa vie, Renan se sentira déchiré entre les croyances politiques de son père et celles de sa mère. Il a cinq ans lorsque son père meurt, sa sœur Henriette, de douze ans son aînée, devient alors le chef moral de la famille. Tentant en vain d'ouvrir une école pour filles à Tréguier, elle part pour Paris comme professeur dans une école de jeunes filles. Ernest, en attendant, est instruit au petit séminaire de sa ville natale aujourd'hui, lycée Joseph Savina. Les appréciations de ses maîtres le décrivent comme « docile, patient, appliqué, soigneux. Les prêtres lui donnaient une solide éducation en mathématiques et en latin, sa mère la complète.
En 1838, Renan remporte tous les prix au séminaire de Tréguier. Sa sœur parle de lui pendant l'été au directeur de l'école parisienne où elle enseigne et il en parle lui-même à l'abbé Félix Dupanloup, qui a créé le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, une école où les jeunes aristocrates catholiques et les élèves les plus doués des séminaires doivent être instruits ensemble, afin de renforcer le lien entre l'aristocratie et le clergé. Dupanloup fait donc venir Renan, qui n'a que quinze ans et n'a jamais quitté la Bretagne. J'appris avec étonnement qu'il y avait des laïcs sérieux et savants (…) les mots talents, éclat, réputation eurent pour moi un sens. » Cependant la religion lui paraît complètement différente à Tréguier et à Paris. Le catholicisme superficiel, brillant, pseudo-scientifique de la capitale, n'arrive pas à satisfaire ce garçon qui a reçu de ses maîtres bretons une foi austère.
En 1840, Renan quitta Saint-Nicolas-du-Chardonnet pour poursuivre ses études de philosophie au séminaire d'Issy-les-Moulineaux. Il entre rempli de passion pour la scolastique catholique car il est las de la rhétorique de Saint-Nicolas et il espère satisfaire son intelligence sérieuse avec le vaste matériel que lui offre la théologie catholique. Parmi les philosophes Reid et Malebranche l'attirent tout de suite et, après eux, il se tourne vers Hegel, Kant et Herder. C'est alors qu'il commence à voir une contradiction essentielle entre la métaphysique qu'il étudie et la foi qu'il professe, mais un goût pour les vérités vérifiables retient son scepticisme. Il écrit à Henriette que la philosophie ne satisfait qu'à moitié sa faim de vérité ; il se sent attiré par les mathématiques. Sa sœur a accepté dans la famille du comte Zamoyski, noble polonais, un poste de préceptrice qui l'oblige à séjourner en Pologne à Varsovie et à la campagne, éloignée de la France pour des années. C'est Henriette qui exerce l'influence la plus forte sur son frère, et les lettres d'elles qui ont été publiées indiquent un esprit presque égal à celui de son frère, en même temps qu'elle lui est moralement supérieure
Ce n'est pas la philosophie mais la philologie qui finalement éveille le doute chez Renan. Ses études terminées à Issy, il entre au séminaire Saint-Sulpice pour étudier les textes bibliques avant de prendre les ordres et commencer à apprendre l'hébreu. L'un de ses maîtres est l'abbé Arthur-Marie Le Hir, auquel il rend hommage dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse. Renan constate à cette époque que la deuxième partie d'Isaïe diffère de la première non seulement quant au style, mais également quant à la date, que la grammaire et l'histoire du Pentateuque sont postérieures à l'époque de Moïse et que le livre de Daniel est manifestement apocryphe. Intellectuellement Renan se sent détaché de la croyance catholique, même si sa sensibilité l'y maintenait toujours. La lutte entre vocation et conviction est gagnée par la conviction. Le 6 octobre 1845, Renan quitte Saint-Sulpice pour devenir surveillant au collège Stanislas, dirigé par le Père Joseph Gratry. Mais cette solution impliquant une profession extérieure avouée de cléricature, il préfère briser le dernier lien qui le retient à la vie religieuse et il entre à la pension privée de M. Crouzet comme répétiteur au pair, c'est-à-dire, selon le langage du quartier latin d'alors, sans appointements. Il avait une petite chambre, la table avec les élèves, à peine deux heures par jour occupées, beaucoup de temps par conséquent pour travailler. Cela le satisfaisait pleinement.

Renan, malgré son éducation par des prêtres, doit accepter pleinement l'idéal scientifique. La splendeur du cosmos est pour lui un ravissement. À la fin de sa vie, il écrira au sujet d'Amiel, l'homme qui a le temps de tenir un journal intime n'a jamais compris l'immensité de l'univers. Les certitudes de la physique et des sciences naturelles sont révélées à Renan en 1846 par le futur chimiste Marcellin Berthelot, alors âgé de dix-huit ans, et qui est son élève à la pension de M. Crouzet. Leur amitié se poursuivra jusqu'à la mort de Renan et est marquée par une intensive correspondance. Très proches, ils suivront les cours de sanskrit Burnouf au Collège de France ensemble et Berthelot l'invita régulièrement dans sa maison de famille à Rochecorbon, le domaine Montguerre. Dans cette atmosphère favorable Renan continue ses recherches en philologie sémitique et, en 1847, il obtient le prix de Volney, une des principales récompenses décernées par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pour le manuscrit de son Histoire Générale des langues sémitiques. En 1847, il est reçu premier à l'agrégation de philosophie et nommé professeur au lycée de Vendôme.
En 1856, il épouse Cornélie Scheffer, fille d'Henry Scheffer et nièce d’Ary Scheffer. Cette alliance avec une famille protestante de peintres lui ouvre les portes du milieu artistique.
De 1860 à 1861, il effectue à l'occasion de l'expédition française une mission archéologique au Liban et en Syrie. Il séjourne avec son épouse Cornélie et sa sœur Henriette dans la demeure de Zakhia Chalhoub el-Kallab et son fils Abdallah Zakhia el Kallab, famille de notables maronites d'Amchit région de Byblos dont les ancêtres ont été anoblis par le Sultan ottoman et ayant fondé le premier hôpital au Liban hôpital Saint-Michel d'Amchit. Sur une plaque accrochée au mur de la demeure, il est écrit que c'est également à Amchit que Renan a trouvé la sérénité et l'inspiration nécessaires pour écrire l'une de ses œuvres majeures : La Vie de Jésus. C'est ici aussi, qu'Henriette, morte en 1861, repose dans le caveau de la famille Zakhia, tout près de l'église de ce village qu'elle a tant aimée .
Renan n'est pas seulement un érudit. En étudiant saint Paul ou les apôtres, il montre combien il est soucieux d'une vie sociale plus développée, quel est son sens de la fraternité, et combien revit en lui le sentiment démocratique qui avait inspiré L'Avenir de la science. En 1869, il se présente à Meaux en tant que candidat de l'opposition libérale aux élections législatives. Tandis que son tempérament est devenu moins aristocratique, son libéralisme a évolué vers la tolérance. À la veille de sa dissolution, Renan est presque prêt à accepter l'empire, et, s'il avait été élu au Corps législatif, il aurait rejoint le groupe libéral des bonapartistes. Un an après éclate la guerre franco-allemande, l'empire tombe et Napoléon III part pour l'exil. La guerre franco-allemande est un moment charnière dans l'histoire intellectuelle de Renan. Pour lui, l'Allemagne a toujours été l'asile de la pensée et de la science désintéressée. Maintenant, il voit le pays qui jusque-là représentait son idéal, détruire et ruiner la terre où il est né ; il ne voit plus l'Allemand comme un prêtre, mais comme un envahisseur.
Dans La Réforme intellectuelle et morale 1871, Renan cherche à sauvegarder l'avenir de la France. Pourtant il reste sous l'influence de l'Allemagne. L'idéal et la discipline qu'il propose à son pays vaincu étant ceux du vainqueur : une société féodale, un gouvernement monarchique, une élite et le reste de la nation n'existant que pour la faire vivre et la nourrir ; un idéal d'honneur et de devoirs imposé par un petit nombre à une multitude récalcitrante ou soumise. Les erreurs de la Commune confirment Renan dans cette réaction. En même temps, l'ironie reste toujours perceptible dans son travail mais devient plus amère. Ses Dialogues philosophiques, écrit en 1871, son Ecclésiaste 1882 et son Antéchrist (1876) (le quatrième volume des Origines du Christianisme, traitant du règne de Néron) relèvent d'un génie littéraire incomparable, mais révèlent un caractère désabusé et sceptique. Après avoir en vain essayé de faire suivre à son pays ses préceptes, il se résigne à observer sa dérive vers la perdition. Mais la suite des événements lui montre, au contraire, une France qui, chaque jour, redevient un peu plus forte. Ce qui le réveille donc de son incrédulité, de son attitude désillusionnée pour observer avec intérêt la lutte pour la justice et pour la liberté d'une société démocratique. Son esprit est le plus large de son temps. Les cinquième et sixième volumes des Origines du Christianisme (L'Église Chrétienne et Marc-Aurèle) le montrent ainsi réconcilié avec la démocratie, confiant dans l'ascension graduelle de l'Homme, conscient que les catastrophes les plus grandes n'interrompent pas vraiment le progrès du monde imperceptible mais sûr. Il s'est réconcilié en somme sinon avec les dogmes, du moins avec les beautés morales du catholicisme et les souvenirs de son enfance pieuse.
Dans sa vieillesse, le philosophe jette un regard sur ses jeunes années. Il a presque soixante ans quand, en 1883, il publie ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, l'ouvrage par lequel il est le plus connu à l'époque contemporaine. On y trouve cette note lyrique, ces confidences personnelles auxquelles le public attache une grande valeur chez un homme déjà célèbre. Le lecteur blasé de son temps découvre qu'il existe un monde non moins poétique, non moins primitif que celui des Origines du Christianisme et qu'il existe encore dans la mémoire des hommes sur la côte occidentale de la France. Ces souvenirs sont pénétrés de la magie celtique des vieux romans antiques tout en possédant la simplicité, le naturel et la véracité que le xixe siècle apprécie alors si fortement. Mais son Ecclésiaste, publié quelques mois plus tôt, ses Drames philosophiques, rassemblés en 1888, donnent une image plus juste de son esprit, même s'il se révèle minutieux, critique et désabusé. Ils montrent l'attitude qu'a envers un « socialisme instinctif » un philosophe libéral par conviction, en même temps qu'aristocrate par tempérament. Nous y apprenons que Caliban la démocratie), est une brute stupide, mais qu'une fois qu'on lui apprend à se prendre en main, il fait somme toute un dirigeant convenable ; que Prospero le principe aristocratique, ou, si l'on veut, l'esprit) accepte de se voir déposé pour y gagner une liberté plus grande dans le monde intellectuel, puisque Caliban se révèle un policier efficace qui laisse à ses supérieurs toute liberté dans leurs recherches ; qu'Ariel le principe religieux acquiert un sentiment plus exact de la vie et ne renonce pas à la spiritualité sous le mauvais prétexte du changement. En effet, Ariel fleurit au service de Prospero sous le gouvernement apparent des rustres innombrables. La religion et la connaissance sont aussi impérissables que le monde qu'elles honorent. C'est ainsi que, venant du plus profond de lui-même, c'est l'idéalisme essentiel qui a vaincu chez Renan.

Renan est un grand travailleur. À l'âge de soixante ans, ayant terminé Les Origines de Christianisme, il commence son Histoire d'Israël, fondée sur une étude qui occupera toute sa vie, celle de l'Ancien Testament et du Corpus Inscriptionum Semiticarum, publié sous sa direction par l'Académie des inscriptions et belles-lettres de 1881 jusqu'à sa mort. Le premier volume de l’Histoire d'Israël parait en 1887, le troisième en 1891, les deux derniers à titre posthume. Comme histoire des faits et des théories, l'ouvrage n'est pas sans erreurs ; comme essai sur l'évolution de l'idée religieuse, il reste (malgré quelques passages moins sérieux, ironiques ou incohérents d'une importance extraordinaire ; pour faire connaître la pensée d'Ernest Renan, c'est là où il est le plus vivant.

Dans un volume qui rassemble des essais, Feuilles détachées, publié lui aussi en 1891, on retrouve la même attitude mentale, une affirmation que la piété est nécessaire, tout en étant indépendante des dogmes.
Dans les dernières années de sa vie, Ernest Renan reçoit de nombreux honneurs et est nommé administrateur du Collège de France et Grand-Officier de la Légion d'honneur. Dans les huit dernières années du XIXe siècle paraissent deux volumes de l’Histoire d'Israël, sa correspondance avec sa sœur Henriette, ses Lettres à M. Berthelot et l’Histoire de la politique religieuse de Philippe le Bel, qu'il a écrite dans les années précédant immédiatement son mariage. De 1884 à sa mort en 1892, il passe ses vacances à Louannec, dans le manoir de Rosmapamon, demeure qu'il loue près de Perros-Guirec.
À l'affection cardiaque et rhumatismale dont il souffre depuis 1868 et qui a provoqué une enflure généralisée, se sont ajoutées dans les dernières années de sa vie les souffrances d'une maladie de la vessie et d'un zona. Au mois de juillet 1892, Renan part, bien malade, pour sa solitude de Rosmapamon où il meurt le 2 octobre 18928. Après des obsèques civiles comme Victor Hugo et Félicité Robert de Lamennais, il est enterré au cimetière de Montmartre dans le caveau de sa belle-famille famille Scheffer, avec l'inscription Veritatem delixi, j'ai aimé la vérité. Une loge maçonnique est nommée en son honneur, bien que Renan n'ait jamais adhéré à la Franc-Maçonnerie, et qu'il ait été indifférent à cette dernière.
Parmi la descendance familiale d'Ernest Renan, peuvent être mentionnés le philosophe Olivier Revault d'Allonnes dont il est l'arrière-grand-père, ainsi que Ernest Psichari, dont il est le grand-père.
De L'Avenir de la science à l'Examen de conscience philosophique 1889, pendant quarante ans, bien qu'il eût paru se livrer avec volupté au jeu des antinomies, Renan est resté fidèle à ses options initiales. Qu'il traite d'histoire, de morale ou de philosophie, de critique littéraire ou religieuse, qu'il médite sur la politique ou sur la réforme de l'enseignement, qu'il adopte la forme d'essai, de lettre, de dialogue, de drame, ce sont toujours les mêmes traits qu'il révèle : négation du surnaturel ; confiance en la Nature dont les lois n'ont jamais subi d'infraction ; affirmation de la primauté de l'esprit et du progrès de la raison, continu, malgré de passagers échecs ; foi en l'homme. Aussi n'est-il pas excessif de dire que l'œuvre de Renan résume à elle seule, par ses défauts comme par ses qualités, le XIXe siècle français.

Une carrière exemplaire

Après avoir marqué profondément son temps, Renan vit surtout aujourd'hui par les Souvenirs d'enfance et de jeunesse 1884 qui retracent son itinéraire intellectuel depuis sa naissance à Tréguier, sa formation à Saint-Nicolas-du-Chardonnet (1838-1841) et au grand séminaire 1841-1845 jusqu'à sa sortie de Saint-Sulpice. Il se croyait la vocation religieuse : ses études le convainquirent de la fragilité des bases du christianisme et il rompit avec l'Église, « dignement et gravement ». Il n'a pas vécu une crise métaphysique comme Jouffroy, ni une révolte politique comme Lamennais : il a renoncé par probité d'esprit à une carrière ecclésiastique qui s'annonçait facile et brillante. Enclin par tempérament au respect des corps constitués, il substitua naturellement au prestige de l'Église celui du savoir officiel représenté pour lui par le Collège de France et l'Institut ; dès sa sortie du séminaire, il songe à une chaire au Collège de France ; en même temps qu'il conquiert ses grades universitaires, il est couronné deux fois (1846 et 1848) par l'Académie des inscriptions pour des mémoires érudits. Il restera toujours fidèle à son programme juvénile de 1848 qu'il réalisera grâce à l'appui de sa sœur Henriette : « Poursuivre à tout prix mon développement intellectuel. Je ne vis que par là : sentir et penser. »
L'Institut le chargea d'une mission archéologique en Italie (1849-1850). À son retour, il donna à ces antichambres académiques qu'étaient alors le Journal des débats et la Revue des Deux Mondes les articles que recueilleront ses Études d'histoire religieuse (1857) et ses Essais de morale et de critique (1859). À trente-trois ans, il entra à l'Académie des inscriptions.
Ses tendances l'opposaient au régime de Napoléon III dont il dénoncera plus tard (La Réforme intellectuelle et morale, 1871) le cléricalisme et la vulgarité matérialiste. Mais il était l'ami des bonapartistes libéraux, notamment de Mme Cornu, dont l'influence sur l'empereur obtint pour lui une mission scientifique au Liban et contribua à sa nomination au Collège de France (1862). Les persécutions qu'il subit de la part des catholiques le contraignirent à quitter sa chaire, mais sa révocation (1864) lui donna l'auréole de victime du régime impérial : aussi, quoique par sympathie il penchât vers une monarchie constitutionnelle, la troisième République le combla-t-elle d'honneurs. Élu à l'Académie française (1878), administrateur du Collège de France (1883), il réussit dans la société laïque une carrière aussi glorieuse que celle qu'il aurait faite dans l'Église. Au moment de sa mort qui survint à Paris, son génie conciliant, son prodigieux labeur lui avaient valu un rayonnement analogue à celui des grands esprits encyclopédiques de la Renaissance, et il paraissait incarner la France officielle.

L'« Histoire des origines du christianisme »

Une part de l'œuvre de Renan se trouve aujourd'hui déclassée. Si le Corpus inscriptionum semiticarum dont il fut l'initiateur (1867) maintient son renom d'orientaliste, ni son essai De l'origine du langage (1848), ni son Histoire générale des langues sémitiques (1855) n'ont conservé de valeur scientifique, mais ces ouvrages l'ont préparé à construire le monument qui devait occuper toute sa vie, l'Histoire des origines du christianisme, avec son nécessaire complément, l' Histoire du peuple d'Israël.
Encore à Saint-Sulpice (1845), Renan avait écrit un curieux Essai psychologique sur Jésus-Christ. En 1849, son article sur les Historiens critiques de Jésus affirmait l'intérêt du problème des origines du christianisme, qu'on devrait, disait-il, étudier en se gardant de tout préjugé doctrinal. Présage significatif : la grandeur de Renan est d'avoir, pour la première fois en France, désacralisé les recherches bibliques et fondé une exégèse laïque. Son séjour à Beyrouth de 1860-1861, dont il exposa les résultats dans la Mission de Phénicie, cristallisa son projet d'une Vie de Jésus, qu'il commença à rédiger en 1861.
Sa leçon inaugurale au Collège de France (22 février 1862), où il parlait de Jésus comme d'un « homme incomparable », heurta l'opinion conservatrice. La polémique contre lui redoubla de violence lorsque parut la Vie de Jésus (1863), dont le succès fut retentissant. Dans un style très étudié, il faisait revivre Jésus dans son cadre historique, en rejetant l'appareil du fidéisme chrétien. Six volumes suivirent, racontant l'histoire du christianisme depuis Les Apôtres (1866) jusqu'à Marc-Aurèle (1881). Puis Renan remonta du christianisme à sa source dans les cinq volumes de l'Histoire du peuple d'Israël (1887-1893).
Ce chef-d'œuvre est d'un historien philosophe et non d'un théologien. Renan se propose une étude d'embryogénie : il veut, dit-il, traiter en naturaliste de la naissance d'une religion. Renan estime en outre que les faits, incomplètement connaissables, requièrent de l'historien une sorte de divination qui supplée à la pénurie des sources. L'historien, selon lui, doit retenir au besoin les légendes qui montrent « sinon comment les choses se sont passées, du moins comment on les conçut ». Ainsi, son œuvre d'historien est positiviste par son présupposé constant que « tout dans l'histoire a son explication humaine », mais, par l'imagination et la sensibilité qu'il met à l'interprétation des faits, on y retrouve la tradition romantique. Le choix même d'un sujet où la documentation certaine est peu abondante atteste que, pour lui, l'essentielle qualité de l'historien est « le sentiment des choses primitives, la souplesse qui fait deviner et sentir des états d'âme ». Savant scrupuleux, il s'attache à « discerner les degrés divers du certain, du probable, du plausible, du possible » et réunit dans un ensemble harmonieux érudition et ingéniosité, au risque de réduire l'histoire à ce qu'il a un jour appelé « une petite science conjecturale ».

Le jeu des antinomies et l'humanisme renanien

La prudence qui incitait Renan à juxtaposer les hypothèses explicatives l'a fait passer pour un dilettante. Reproche injustifié, car la valeur de ses travaux historiques est due largement à la philosophie critique de la nature et de l'humanité qui les soutient. Sa pensée présente une unité qu'un fait suffit à prouver : il publia en 1890 L'Avenir de la science, écrit dans l'enthousiasme au printemps de 1849, et put affirmer en préface qu'au fond il n'avait guère changé. Cet essai prolixe, nourri de Cousin, de Herder et de Hegel, assigne à la science, dans le monde moderne, la grandeur d'une religion nouvelle capable d'organiser rationnellement l'humanité.
Cette métaphysique idéaliste, qui substitue la catégorie du devenir à celle de l'être, ne cessa de nourrir la réflexion de Renan, comme le montre sa lettre à Berthelot (1863) : il y conçoit la matière comme animée d'un nisus qui la pousse à sortir du chaos, à s'élever par étapes, jusqu'à l'apparition de l'humanité qui donne à l'Univers la conscience et l'exemple d'une cause libre. Cette création continue se résume par le mot « Dieu ». Dieu n'est pas, mais il devient, à travers et par le progrès de l'humanité, progrès qu'achèvera le triomphe de l'esprit sur la matière. En 1871, alors que la guerre et la Commune semblaient infirmer son optimisme, Renan reprit ces méditations en Dialogues philosophiques, forme qui lui plaisait, car elle lui permettait de laisser converser entre eux « les lobes de son cerveau » et de présenter sans dogmatisme les diverses faces des problèmes métaphysiques. Les interlocuteurs des Dialogues philosophiques sont d'assez froides abstractions : dans les Drames philosophiques, Renan donna de la vie à ses idées en les incarnant dans des personnages symboliques et en développa les aspects moraux et sociaux. Caliban (1878) et l'Eau de Jouvence (1880) traitent de l'aristocratie du savoir aux prises avec la brutalité démocratique. Le Prêtre de Némi (1885) évoque l'antinomie entre l'esprit, qui cherche à épurer les croyances, et la masse, aveuglément attachée à ses traditions. L'Abbesse de Jouarre (1886) donne une grave méditation sur le rôle de l'amour dans la réalisation de l'être idéal. Ainsi, chez Renan, la réflexion du moraliste vient-elle donner un sens profondément humain à son œuvre de savant et d'historien.
Jean Gaulmier

Comment Renan faisait ses cours

Je suivis au Collège de France, assez régulièrement pendant trois ans, le cours de Renan. Tout le monde sait comment Renan faisait son cours d'hébreu. Il ne le préparait que peu ou point. En ce temps-là, il expliquait le texte des Psaumes. Il prenait un verset, le lisait, le traduisait, lisait la version grecque des Septante pour la comparaison, citait les conjectures de l'oratorien Houbigant ou de quelque critique moderne pour la correction du texte, pesant chaque mot pour ainsi dire, et ne s'interdisant ni les digressions ni les répétitions. Son avis était qu'un professeur du Collège de France doit travailler devant ses auditeurs, et il travaillait, en effet, devant nous, un peu plus lentement, je suppose, que dans son cabinet. Somme toute, son cours était une très bonne initiation à la critique textuelle de l'Ancien Testament. Il y parlait souvent d'autre chose ; mais c'est cela surtout qu'on y pouvait apprendre

Idées et thèses

Ernest Renan se montre fasciné par la quête de vérités et le désintéressement, seuls systèmes permettant à la connaissance humaine de se consolider de génération en génération, alors que la perpétuation aveugle des mêmes erreurs et les égoïsmes individuels ont pour résultante de nécessairement s'annuler sous l'effet de forces antagonistes et sont voués à ne laisser aucune trace. (Voir aussi l'article Noosphère.
Les rapports d'Ernest Renan avec la religion sont complexes. Il la critique comme système de pensée tout en affirmant son importance comme facteur d'unification des sociétés humaines ainsi que le danger de s'en détourner trop hâtivement. Dans L'Avenir de la science, il résume la situation en disant : « Quand je suis à la ville, je me moque de celui qui va à la messe ; mais quand je suis à la campagne, je me moque au contraire de celui qui n'y va pas ».
Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques. Une part essentielle de son œuvre est d'ailleurs consacrée aux religions avec par exemple son Histoire des origines du christianisme, 7 volumes de 1863 à 1881, dont le premier, la Vie de Jésus, eut un grand retentissement. Ce livre qui marque les milieux intellectuels de son vivant contient la thèse, alors controversée, selon laquelle la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et la Bible comme devant être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Ceci déclenche des débats passionnés et la colère de l'Église catholique.
Renan comprend immédiatement l'idée de sélection naturelle défendue par Charles Darwin et s'y rallie. Il ne prône cependant pas pour autant, au contraire, son application à l'ordre social.
Ernest Renan se montre en général inquiet pour l'avenir de l'humanité, craignant « sa mort par épuisement de la générosité des cœurs, comme celle de l'industrie peut-être un jour par épuisement du charbon de terre ». Peut-être nos descendants ne vivront-ils que comme « des lézards ne pensant qu'à profiter paresseusement du soleil ».
Il ne se rallie pas pour autant à une philosophie de la vie tournée vers la réussite matérielle comme la prône Benjamin Franklin : La science du bonhomme Richard m’a toujours semblé une assez mauvaise science. Quoi ! un homme qui résume toute sa vie en ces mots : faire honnêtement fortune (et encore on pourrait croire qu’honnêtement n’est là qu’afin de la mieux faire), la dernière chose à laquelle il faudrait penser, une chose qui n’a quelque valeur qu’en tant que servant à une fin idéale ultérieure ! Cela est immoral ; cela est une conception étroite et finie de l’existence ; cela ne peut partir que d’une âme dépourvue de religion et de poésie. Eh grand Dieu ! qu’importe, je vous prie ? Qu’importe, à la fin de cette courte vie, d’avoir réalisé un type plus ou moins complet de félicité extérieure ? Ce qui importe, c’est d’avoir beaucoup pensé et beaucoup aimé ; c’est d’avoir levé un œil ferme sur toute chose, c’est en mourant de pouvoir critiquer la mort elle-même. J’aime mieux un iogui, j’aime mieux un mouni de l’Inde, j’aime mieux Siméon Stylite mangé des vers sur son étrange piédestal, qu’un prosaïque industriel, capable de suivre pendant vingt ans une même pensée de fortune.
Dans son livre Histoire générale et système comparé des langues sémitiques 1855, Ernest Renan établit un rapport étroit entre les religions et leur racines ethnico-géographiques, thèse qu'il développera en 1862 dans son discours d'ouverture au Collège de France, opposant le « psychisme du désert » des peuples sémites le désert est monothéiste au psychisme de la forêt des Indo-Européens dont le polythéisme paraît modelé par une nature changeante et la diversité des saisons.
Il combat l'idée selon laquelle la race ou même la langue citant le contre-exemple de la Suisse constituerait l'origine de la Nation, et s'oppose ainsi à toute forme de pangermanisme, panslavisme, etc.
Ernest Renan est considéré aujourd'hui comme un intellectuel de référence avec des textes célèbres comme Prière sur l'Acropole 1865 ou Qu'est-ce qu'une nation ? 1882. Dans ce discours, Renan s’efforce de distinguer race et nation, soutenant que, à la différence des races, les nations s’étaient formées sur la base d’une association volontaire d’individus avec un passé commun : ce qui constitue une nation, ce n'est pas parler la même langue, ni appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore » dans l'avenir. Ce discours a souvent été interprété comme le rejet du nationalisme racial du type allemand en faveur d’un modèle contractuel de la nation. Pourtant, comme l’ont signalé Marcel Detienne et Gérard Noiriel, la conception par Renan de la nation comme un principe spirituel n’est pas exempte d’une dimension raciale, au point que des penseurs racistes comme Maurice Barrès en firent leur précurseur. Le plébiscite de tous les jours défendu par Renan « ne concernent que ceux qui ont un passé commun, c'est-à-dire ceux qui ont le même racines .

Des interrogations sur l'Univers

« La nature n'est pas obligée de se plier à nos petites convenances. À cette déclaration de l'homme : « Je ne peux être vertueux sans telle ou telle chimère », l'Éternel est en droit de nous répondre : « Tant pis pour vous. Vos chimères ne sauraient me forcer à changer l'ordre de la fatalité ».
« De cette résultante suprême de l'univers total, nous ne pouvons dire qu'une chose, c'est qu'elle est bonne. Car si elle n'était pas bonne, l'univers total, qui existe depuis l'éternité, se serait détruit. Supposons une maison de banque existant depuis l'éternité. Si cette maison avait le moindre défaut dans ses bases, elle eût mille fois fait faillite. Si le bilan du monde ne se soldait pas par un boni au profit des actionnaires, il y a longtemps que le monde n'existerait plus. … Pourquoi être s'il n'y avait aucun profit à être ? Il est si facile de n'être pas ! »
« Ici, le mystère est absolu ; nous sentons bien en nous la voix d'un autre monde ; mais nous ignorons quel est ce monde. Que nous dit cette voix ? Des choses assez claires. D'où vient cette voix ? Rien de plus obscur. … Elle éclate surtout dans ces sublimes absurdités où l'on s'engage, tout en sachant bien que l'on fait un mauvais calcul, dans ces quatre grandes folies de l'homme, l'amour, la religion, la poésie et la vertu, inutilités providentielles que l'homme égoïste nie et qui, en dépit de lui, mènent le monde.

Renan et la Bretagne

Renan était reconnu de son vivant, à la fois par les habitants de sa région trégorroise comme par toute la Bretagne, y compris par ses ennemis, comme un grand intellectuel breton. Il parlait le breton dans sa jeunesse et n'en perdit pas l'usage13. Son intérêt pour sa Bretagne natale a été constant ; de L'Âme bretonne 1854 à son texte autobiographique Souvenirs d'enfance et de jeunesse 1883.
Quelques citations extraites de l'ouvrage de l'universitaire Jean Balcou, Renan et la Bretagne :
« Il est certes évident qu'un Renan breton n'est pas tout Renan. p. 9 ;
« Qu'Ernest Renan soit un des auteurs les plus importants de la culture française, nul ne le contestera. Qu'il ait, avec deux autres Bretons, Chateaubriand et Lamennais, orienté le romantisme, un historien de la littérature comme Thibaudet l'avait déjà établi en démontrant que le XIXe siècle tout entier reposait sur cette assise granitique ;
« (…) il y a dans l'œuvre de Renan la permanence d'une musique bretonne et celtique. » ;
« (…) à travers le destin d'un homme exceptionnel confronté à la modernité, et qui fait cette modernité, nous touchons, par-delà l'Histoire, à ce qu'il faut bien appeler une nouvelle matière de Bretagne. » ;
« (…) j'étais, je suis patriote et je ne me désintéresserai jamais de la Grande patrie française ni de la Petite patrie bretonne15. » ;
« (…) nous autres Bretons, nous sommes tenaces… En cela, j'ai été vraiment breton.

Les peuples

Ernest Renan était aussi le relais de certains préjugés de son temps. En témoigne par exemple cette citation : La nature a fait une race d'ouvriers. C'est la race chinoise, d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d'honneur ; gouvernez-la avec justice en prélevant d'elle pour le bienfait d'un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l'ordre ; une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale, 1871
Ainsi que celle-ci : Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi. Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale, 1871

Le judaïsme

Il importe, avant d'en donner des extraits, de rappeler que Renan ne cachait pas son admiration pour le peuple juif, « le seul à avoir su se passer longtemps de cette chimère de la survie individuelle » et à qui il ne reprochait - au terme d'une analyse fondée sur des datations de textes (Proverbes, l'Ecclésiaste, Livre de Job, etc - que de s'être laissé en fin de compte contaminer par cette notion, jugée par lui absurde. Le judaïsme devenait dès lors une religion comme les autres, renonçant à ce qui avait longtemps fait son honneur face à elles Renan était philologue de profession.
Dans La jeunesse cléricale d'Ernest Renan, Jean Pommier rapporte que Renan avait inscrit sur la couverture de sa Bible ce mot de Néhémie, celui qui reconstruisit les murs de Jérusalem : Magnum opus facio et non possum descendere Je fais une grande œuvre et je ne puis descendre. Dans son Histoire du peuple d'Israël, Renan souligne encore que
Néhémie fit une réponse que doivent toujours avoir dans l'esprit ceux qui ont quelque devoir à remplir dans la vie : Je fais une grande œuvre et je ne puis descendre .
— Ernest Renan, Histoire du peuple d'Israël cité in Jean Guéhenno, Journal des années noires, 31 octobre 1941, Gallimard, 1947.
Et pourtant, on trouve aussi sous sa plume : L'homme peut faire de très grandes choses sans croire à l'immortalité ; mais il faut qu'on y croie pour lui et autour de lui. On peut ainsi comprendre cette réflexion de George Sand au sujet de Renan : « Renan s'acharne à réparer d'une main ce qu'il détruit de l'autre.
Jules Lemaître souligne ce mélange de prudence et d’ironie comme un trait de caractère constant chez Renan :
Il nie dans le même temps qu’il affirme : il est si préoccupé de n’être point dupe de sa pensée, qu’il ne saurait rien avancer d’un peu sérieux, sans sourire et railler tout de suite après.

La science et la prédilection

« Aimez la science », disait Renan.
« L'existence et la nature d'un être ne se prouvent que par ses actes particuliers, individuels, volontaires, et, si la Divinité avait voulu être perçue par le sens scientifique, nous découvririons dans le gouvernement général du monde des actes portant le cachet de ce qui est libre et voulu ; la météorologie devrait être sans cesse dérangée par l'effet des prières des hommes, l'astronomie parfois en défaut. Or aucun cas d'une telle dérogation n'a été scientifiquement constaté ; aucun miracle ne s'est produit devant un corps savant ; tous ceux que l'on rencontre ou bien sont le fruit de l'imagination et de la légende, ou bien se sont passés devant des témoins qui n'avaient pas les moyens nécessaires pour se garantir des illusions et juger du caractère miraculeux d'un fait. »
La Métaphysique et son avenir, 1860.
Quand la science aura décrit tout ce qui est connaissable dans l'univers, Dieu alors sera complet, si l'on fait du mot Dieu le synonyme de la totale existence. En ce sens, Dieu sera plutôt qu'il n'est : il est in fieri, il est en voie de se faire. Mais s'arrêter là serait une théologie fort incomplète. Dieu est plus que la totale existence, il est en même temps l'absolu. Il est de l'ordre où les mathématiques, la métaphysique, la logique sont vraies, il est le lieu de l'idéal, le principe vivant du bien, du beau et du vrai. Envisagé de la sorte, Dieu est pleinement et sans réserve ; il est éternel et immuable, sans progrès ni devenir.
— Les sciences de la nature et les sciences historiques, lettre à Marcellin Berthelot, 1863.
L'art[modifier | modifier le code]
« Notre race ne débuta point par le goût du confortable et des affaires. Ce fut une race morale, brave, guerrière, jalouse de liberté et d'honneur, aimant la nature, capable de dévouement, préférant beaucoup de choses à la vie. Le négoce, l'industrie ont été exercés pour la première fois sur une grande échelle par des peuples sémitiques, ou du moins parlant une langue sémitique, les Phéniciens. Au Moyen Âge, les Arabes et les Juifs furent aussi nos maîtres en fait de commerce. Tout le luxe européen, depuis l'Antiquité jusqu'au xviie siècle, est venu de l'Orient. Je dis le luxe et non point l'art : il y a l'infini de l'un à l'autre (…) »

L'Islam

L'islamisme [à l'époque, sens général de religion musulmane »] ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira à l'état de religion libre et individuelle, il périra. L'islamisme n'est pas seulement une religion d'État, comme l'a été le catholicisme en France, sous Louis XIV, comme il l'est encore en Espagne, c'est la religion excluant l'État (…) Là est la guerre éternelle, la guerre qui ne cessera que quand le dernier fils d'Ismaël sera mort de misère ou aura été relégué par la terreur au fond du désert. L'islam est la plus complète négation de l'Europe ; l'islam est le fanatisme, comme l'Espagne du temps de Philippe II et l'Italie du temps de Pie V l'ont à peine connu ; L'islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c'est l'épouvantable simplicité de l'esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d'une éternelle tautologie : Dieu est Dieu …
Discours au Collège de France De la part des peuples sémitiques dans l'Histoire de la civilisation, 1862.
Cette civilisation musulmane, maintenant si abaissée, a été autrefois très brillante. Elle a eu des savants, des philosophes. Elle a été, pendant des siècles, la maîtresse de l'Occident chrétien. Pourquoi ce qui a été ne serait-il pas encore ? Voilà le point précis sur lequel je voudrais faire porter le débat. Y a-t-il eu réellement une science musulmane, ou du moins une science admise par l'islam, tolérée par l'islam ? Il y a dans les faits qu'on allègue une très réelle part de vérité. Oui ; de l'an 775 à peu près, jusque vers le milieu du xiiie siècle, c'est-à-dire pendant cinq cents ans environ, il y a eu dans les pays musulmans des savants, des penseurs très distingués. On peut même dire que, pendant ce temps, le monde musulman a été supérieur, pour la culture intellectuelle, au monde chrétien.
...
Tout fut changé quand, vers l'an 750, la Perse prit le dessus et fit triompher la dynastie des enfants d'Abbas sur celle des Beni-Omeyya, Le centre de l'islam se trouva transporté dans la région du Tigre et de l'Euphrate. Or, ce pays était plein encore des traces d'une des plus brillantes civilisations que l'Orient ait connues, celle des Perses Sassanides, qui avait été portée à son comble sous le règne de Ghosroès Nou-sehirvan. L'art et l'industrie florissaient en ces pays depuis des siècles; Ghosroès y ajouta l'activité intellectuelle. La philosophie, chassée de Constantinople, vint se réfugier en Perse; Ghosroès fit traduire les livres de l'Inde. Les chrétiens nestoriens, qui formaient l'élément le plus considérable de la population, étaient versés dans la science et la philosophie grecques ; la médecine était tout entière entre leurs mains ; leurs évéques étaient des logiciens, des géomètres. Dans les épopées persanes, dont la couleur locale est empruntée aux temps sassanides, quand Roustem veut construire un pont, il fait venir un djathalik (catholicos, nom des patriarches ou évêques nestoriens) en guise d'ingénieur.
Le terrible coup de vent de l'islam arrêta net, pendant une centaine d'années, tout ce beau développement iranien. Mais l'avènement des Abbassides sembla une résurrection de l'éclat des Ghosroès. La révolution qui porta cette dynastie au trône fut faite par des troupes persanes, ayant des chefs persans. Ses fondateurs, Âboul-Âbbas et surtout Mansour, sont toujours entourés de Persans. Ce sont en quelque sorte des Sassanides ressuscités ; les conseillers intimes, les précepteurs des princes, les premiers ministres sont les Barmékides, famille de l'ancienne Perse, très éclairée, restée fidèle au culte national, au parsisme, et qui ne se convertit à l'islam que tard et sans conviction. Les nestoriens entourèrent bientôt ces califes peu croyants et devinrent, par une sorte de privilège exclusif, leurs premiers médecins. Une ville qui a eu dans l'histoire de l'esprit humain un rôle tout à fait à part, la ville de Harran, était restée païenne et avait gardé toute la tradition scientifique de l'antiquité grecque ; elle fournit à la nouvelle école un contingent considérable de savants étrangers aux religions révélées, surtout d'habiles astronomes.
— Conférence prononcée à la Sorbonne, L'Islamisme et la Science, 1883.,
Le sociologue Gustave Le Bon commente la conférence, intitulée L'Islamisme et la Science et prononcée par Ernest Renan à la Sorbonne en 1883 :

« (…) l'antagonisme intérieur entre l'homme ancien créé par le passé, et l'homme moderne formé par l'observation personnelle, produit dans l'expression des opinions les contradictions les plus curieuses. Le lecteur trouvera un exemple remarquable de ces contradictions, dans l'intéressante conférence faite à la Sorbonne, sur l'islamisme : l'auteur veut prouver la nullité des Arabes, mais chacune de ses assertions se trouve généralement combattue par lui-même à la page suivante (…) les préjugés s'effacent un instant, le savant reparaît et est obligé de reconnaître l'influence exercée par les Arabes sur le Moyen Âge, et l'état prospère des sciences en Espagne pendant leur puissance. Malheureusement les préjugés inconscients l'emportent bientôt (…) L'éminent écrivain semble un peu chagrin quelquefois de la façon dont il malmène les Arabes. La lutte entre l'homme ancien et l'homme moderne aboutit à cette conclusion tout à fait imprévue, qu'il regrette de n'être pas un disciple du prophète : Je ne suis jamais entré dans une mosquée, sans une vive émotion, et, le dirai-je, sans un certain regret de n'être pas musulman. »
La suite immédiate de cette phrase provoque une polémique. En effet, il y accuse l'islam de s'opposer à la liberté et en conséquence au progrès de l'humanité :
(…) pour la raison humaine, l'islamisme [nous dirions aujourd'hui : l'« islam »] n'a été que nuisible. Les esprits qu'il a fermés à la lumière y étaient déjà sans doute fermés par leurs propres bornes intérieures ; mais il a persécuté la libre pensée, je ne dirais pas plus violemment que d'autres systèmes religieux, mais plus efficacement. Il a fait des pays qu'il a conquis un champ fermé à la culture rationnelle de l'esprit. »
Aussi bien Renan que Le Bon omettent de signaler que l'islam a connu deux périodes très distinctes : celle des Arabes prônant l'Ijtihad (guerre sainte contre ses passions) propice à l'esprit scientifique, puis au xiie siècle l'accent mis plutôt par les Ottomans sur le jihad simple, guerre contre autrui, qui coïncide en effet avec la fin d'une période scientifique faste.
Djeman ad Dîn, intellectuel afghan, alors en voyage à Paris, répond à Renan dans Le Journal des Débats 23 : il est permis de se demander comment la civilisation arabe, après avoir jeté un si vif éclat dans le monde, s’est éteinte tout à coup ; comment ce flambeau ne s’est pas rallumé depuis, et pourquoi le monde arabe reste toujours enseveli dans de profondes ténèbres et ajoute : Les religions, de quelque nom qu’on les désigne, se ressemblent toutes. Aucune entente ni aucune réconciliation ne sont possibles entre ses religions et la philosophie. La religion impose à l’homme sa foi et sa croyance, tandis que la philosophie l’en affranchit totalement ou en partie. Comment veut-on dès lors qu’elles s’entendent entre elles ? ce qui va tout à fait dans le sens de Renan. Il y reste cependant positif : « je ne peux pas m’empêcher d’espérer que la société mahométane arrivera un jour à briser ses liens et à marcher résolument dans la voie de la civilisation à l’instar de la société occidentale pour laquelle la foi chrétienne, malgré ses rigueurs et son intolérance, n’a point été un obstacle invincible. Non, je ne peux admettre que cette espérance soit enlevée à l’islam. Je plaide ici auprès de M. Renan, non la cause de la religion musulmane, mais celle de plusieurs centaines de millions d’hommes qui seraient ainsi condamnés à vivre dans la barbarie et l’ignorance .
Il reviendra à Mustapha Kémal de tenter de matérialiser autoritairement cet espoir en fondant manu-militari la Turquie moderne.

Posté le : 26/02/2016 22:33
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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