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De Montpellier
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Le 22 mai 1907 naît Georges prosper Remi dit Hergé
à Etterbeek, auteir belge Dessinateur et scénariste de bande dessinée, père des aventures de " Tintin " Il reçoit les distinctions suivantes: en 1973, grand prix Saint-Michel, en 1977 : la médaille de vermeil de la Ville d'Angoulême, en 1978 : grade d'officier de l'ordre de la Couronne. Il est marié à Germaine Kieckens de 1932 à 1977, puis Fanny Vlamynck à partir de 1977. Il meurt, à 75 ans, le 3 mars 1983 à Woluwe-Saint-Lambert en Belgique. D'abord dessinateur amateur d'une revue scoute, à partir de 1924 il signe ses planches du pseudonyme « Hergé » formé à partir des initiales R de son nom et G de son prénom. Quelques mois plus tard, il entre au quotidien Le Vingtième Siècle, dont il devient rapidement l'homme providentiel grâce aux Aventures de Tintin. Celles-ci débutent le 10 janvier 1929 dans un supplément du journal destiné à la jeunesse, Le Petit Vingtième. Hergé, qui est l'un des premiers auteurs francophones à reprendre le style américain de la bande dessinée à bulles, est souvent considéré comme le père de la bande dessinée européenne. Durant les années 1930, Hergé diversifie son activité artistique illustrations de journaux, de romans, de cartes et de publicités, tout en poursuivant la bande dessinée. Il crée tour à tour Les Exploits de Quick et Flupke 1930, Popol et Virginie au pays des Lapinos 1934 et enfin Les Aventures de Jo, Zette et Jocko 1935. Après l'album Tintin au pays des Soviets, où il entraîne son personnage de jeune reporter à affronter les embûches du monde soviétique, il produit Tintin au Congo puis Tintin en Amérique. Ces albums sont en noir et blanc. En 1934, il fait la rencontre de Tchang Tchong-Jen, jeune étudiant chinois venu étudier à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. Cette rencontre bouleverse la pensée et le style d'Hergé. Il commence à se documenter sérieusement, ce qu'il ne faisait pas jusque-là , et crée Le Lotus bleu, toujours en noir et blanc. Durant la Seconde Guerre mondiale, Hergé publie les aventures de Tintin dans le supplément jeunesse du quotidien Le Soir, alors contrôlé par l'occupant allemand ; cela entache sérieusement sa réputation et lui vaut, à la libération, d'être accusé de collaboration. Il est cependant remis en selle par un ancien résistant, Raymond Leblanc, devenu éditeur qui lance, en 1946, le journal Tintin. Hergé est directeur artistique de cet hebdomadaire, dont le grand succès contribue à celui de la bande dessinée franco-belge et grâce auquel il impose son style propre, la ligne claire. Durant les années 1950 et 1960, perfectionniste et visionnaire, Hergé développe cette technique graphique dans le journal Tintin sans oublier de reprendre Jo, Zette et Jocko et, surtout Quick et Flupke. Tintin demeure cependant son œuvre principale, et lui vaut une renommée européenne, puis internationale. Hergé dirige un studio où travaillent notamment Edgar P. Jacobs et Bob de Moor qui, outre leur apport à l'exécution des aventures de Tintin, s'imposent eux aussi comme de brillants créateurs de la bande dessinée franco-belge. Au fur et à mesure des années, des hommages internationaux affluent vers Hergé ; après d'ultimes retrouvailles en 1981 avec Tchang qui a miraculeusement traversé guerres et révolution, il meurt d'une leucémie en 1983. Depuis, il est considéré comme l'un des plus grands artistes contemporains et a vendu presque 250 millions d'albums, traduits dans une centaine de langues. L'œuvre d'Hergé est gérée par sa veuve Fanny Rodwell via les sociétés Moulinsart et Studios Hergé anciennement Fondation Hergé.
En bref
Du général de Gaulle, qui selon André Malraux dans Les Chênes qu'on abat, déclara : « Mon seul rival international, c'est Tintin ! », au philosophe Michel Serres, qui écrivit : « J'ai plus appris en théorie de la communication dans Les Bijoux de la Castafiore que dans cent livres théoriques mortels d'ennui et stériles de résultats », les témoignages abondent sur la place exceptionnelle que l'œuvre d'Hergé a occupée dans l'imaginaire collectif de la seconde moitié du XXe siècle. Aucune autre bande dessinée au monde n'a été aussi commentée, n'a fait l'objet d'autant d'ouvrages – un phénomène éditorial seulement comparable, dans le domaine de l'histoire culturelle contemporaine, à la masse de livres sur les Beatles publiés dans les pays anglo-saxons. Une parution hebdomadaire : Le créateur qui influença le plus la bande dessinée francophone, le Belge Georges Remi, dit Hergé, est né le 22 mai 1907 à Bruxelles. Ses premiers dessins sont publiés dès 1922, et c'est en 1924 qu'il adopte son pseudonyme, formé à partir de ses initiales inversées (R.G.). Très engagé dans le scoutisme, il publie de 1926 à 1929, dans le mensuel Le Boy-Scout belge, Les Extraordinaires Aventures de Totor, chef de patrouille des Hannetons, récit naïf, avec le texte placé sous l'image, sur les tribulations en Amérique d'un jeune chef scout qui préfigure Tintin. En 1928, le quotidien bruxellois Le XXe Siècle demande à Hergé de créer un supplément hebdomadaire pour la jeunesse. Dans ce journal catholique, très marqué à droite (où Hergé se lie un moment avec un reporter, le futur chef fasciste Léon Degrelle), Hergé lance Le Petit Vingtième, et y dessine à partir du 10 janvier 1929 une histoire – avec, cette fois, le texte dans des bulles –, Tintin au pays des Soviets. Avec les aventures satiriques du jeune journaliste Tintin et de son chien Milou dans la Russie stalinienne, Hergé vient de créer, à son insu, la bande dessinée qui deviendra le grand classique européen du genre. En 1930, au terme de ce premier épisode, la direction du journal demande à Hergé d'envoyer son reporter fictif au Congo belge, afin d'y exalter l'œuvre des missionnaires : c'est Tintin au Congo (1930-1931), récit souvent jugé raciste par la suite, mais que personne alors ne perçut comme tel. Après la satire du communisme, Hergé se moque dans Tintin en Amérique (1931-1932) du capitalisme, autre contre-modèle de l'extrême droite chrétienne. Puis il s'éloigne de l'esprit burlesque de ces trois épisodes initiaux dans Les Cigares du pharaon (1932-1934), marqué par l'irruption du fantastique et la création de la paire de détectives stupides, Dupond et Dupont, et surtout dans Le Lotus Bleu (1934-1935), sa première œuvre maîtresse, défense et illustration de la Chine, brutalement occupée par le Japon. Après les aventures sud-américaines de L'Oreille cassée (1935-1937) et écossaises de L'Île Noire (1937-1938), Hergé revient à une veine plus politique dans Le Sceptre d'Ottokar 1938-1939, inspiré par l'annexion de l'Autriche par Hitler (le dictateur s'appelle Müsstler, contraction de Mussolini et Hitler). Une bande dessinée d'avance : Durant l'occupation de la Belgique, c'est le grand quotidien bruxellois Le Soir qui poursuit la publication de la série. Dans Le Crabe aux pinces d'or (1940-1941), Tintin rencontre un personnage si truculent qu'il finira par être quelque peu éclipsé par lui : le capitaine Haddock, ivrogne au grand cœur. L'Étoile mystérieuse (1941-1942) est pour le moins politiquement maladroit, puisque les « méchants » y sont des juifs new-yorkais. Le diptyque constitué par Le Secret de la Licorne (1942-1943) et Le Trésor de Rackham le Rouge (1943), généralement considéré comme l'un des sommets de l'œuvre, voit l'apparition du professeur Tournesol, savant génial, sourd et distrait. La libération de la Belgique interrompt jusqu'en 1946 Les Sept Boules de cristal (la première partie est publiée en 1943-1944, la seconde en 1946), mais aussi la carrière d'Hergé, à qui l'on reproche sa participation au Soir, dont certains articles étaient ouvertement pro-nazis. Pendant deux ans, les éditeurs de journaux le tiennent à l'écart, ce qui provoquera en lui un traumatisme durable et des périodes de dépression Hergé réapparaît en 1946 dans le premier numéro du journal Tintin, lancé par les éditions du Lombard, dont le responsable, Raymond Leblanc, est un ancien résistant qui prend la défense d'Hergé, dont le retour suscite l'hostilité de certains députés. L'hebdomadaire, qui aura une édition française à partir de 1948, va publier en feuilleton tous les épisodes suivants, réalisés à partir de 1950 avec des assistants, principalement Bob De Moor et Jacques Martin qui prennent la suite de E. P. Jacobs, avec lequel Hergé avait travaillé de 1943 à 1947 (l'importance du mystérieux Jacques Van Melkebeke, qui collabora à la même époque aux scénarios d'Hergé, avant de participer à ceux de Jacobs, ne sera longtemps connue que de quelques initiés). Neuf épisodes vont ainsi se succéder dans « le journal des jeunes de 7 à 77 ans ». Le Temple du Soleil (1946-1948) se déroule chez les Incas, Tintin au pays de l'or noir (1948-1950, commencé en 1939-1940 dans Le Petit Vingtième) évoque un Proche-Orient déchiré (la première version montre notamment des soldats britanniques aux prises en Palestine avec des militants sionistes), Objectif Lune (1950-1952) et On a marché sur la Lune (1952-1953) anticipent avec réalisme l'exploration spatiale, L'Affaire Tournesol (1954-1956) est typique de la « guerre froide » (la Bordurie fasciste du Sceptre d’Ottokar est devenue un État stalinien). Après Coke en stock (1956-1958), qui rassemble beaucoup de personnages en une multiplicité d'intrigues entremêlées, Hergé donne son histoire la plus dépouillée : Tintin au Tibet (1958-1959), une de ses grandes réussites, correspond à une crise intime, due notamment à une nouvelle orientation de sa vie conjugale (les neiges de l'Himalaya représenteraient la nostalgie et les impasses de la pureté). Les Bijoux de la Castafiore (1961-1962) est une anti-aventure (Hergé joue avec le lecteur : malgré les apparences, rien ne se passe). Enfin, Vol 714 pour Sydney (1966-1967) et Tintin et les Picaros (1975-1976) sont des histoires décalées, où Hergé se moque subtilement de ses personnages. À sa mort, le 3 mars 1983 à Bruxelles, il laisse l'ébauche d'un vingt-quatrième épisode, Tintin et l'Alph-Art, qui sera publié en l'état en 1986. Outre Tintin, Hergé est l'auteur de Quick et Flupke, une série sous-estimée sur les espiègleries de deux gamins de Bruxelles, née dans Le Petit Vingtième en 1930 (l'auteur, plus libre que dans Tintin, y joue parfois avec les codes de la bande dessinée), ainsi que de Jo, Zette et Jocko, une bande mineure créée en 1936 pour l'hebdomadaire français Cœurs Vaillants. La ligne claire : La source graphique de Tintin se trouve dans les premiers albums de Zig et Puce d'Alain Saint-Ogan : à celui qui est alors son modèle, et qu'il ira voir à Paris en 1931, Hergé emprunte la technique de la bulle, le goût d'un dessin immédiatement compréhensible, à la fois réaliste et épuré des détails inutiles – ce que l'on baptisera un demi-siècle plus tard la « ligne claire » – et même plusieurs gags. Mais il apporte, dès Les Cigares du pharaon, la cohérence narrative dont Saint-Ogan ne s'est jamais soucié, et une telle diversité de thèmes que l'on peut s'interroger sur l'unité de la série : à part la présence de Tintin et Milou, il n'y a guère de rapports entre les univers du Lotus Bleu (aventure historique), d'On a marché sur la Lune (récit de science-fiction) ou des Bijoux de la Castafiore (comédie de situation). Ces univers apparemment distincts traduisent en fait l'évolution de leur créateur, du monde encore puéril de Tintin au pays des Soviets (Hergé a alors vingt et un ans) à celui de Tintin et l'Alph-Art, où l'auteur, septuagénaire, aborde le sujet qui le passionne alors : l'art moderne. Contrairement aux interminables séries où la succession des épisodes n'est qu'une simple accumulation, sans progression interne, la suite des albums de Tintin, parce qu'elle correspond au cheminement intellectuel et artistique de toute une vie, renvoie le lecteur à l'évolution intime d'Hergé et, au-delà , à la réalité ultime : le temps. L'ampleur du succès de Tintin (plus de 200 millions d'albums vendus, en environ quatre-vingts langues ou dialectes) et la variété des points de vue sous lesquels l'œuvre peut être analysée (historique, idéologique, ésotérique, psychanalytique, sémiologique, esthétique, bibliophilique...) ont provoqué des études pléthorique (plus de deux cents ouvrages), complémentaires ou contradictoires. Le « reporter du Petit Vingtième » est devenu une figure emblématique du XXe siècle. Ouvert en 2009, le musée Hergé à Louvain-la-Neuve (Belgique) rend hommage au créateur de Tintin. Dominique Petitfaux
sa vie
Georges Remi est né au 25, rue Cranz anciennement devenant aujourd'hui 33, rue Philippe Baucq à Etterbeek, une commune de l'agglomération bruxelloise, le 22 mai 1907 à 7h30. L'enfant est baptisé quelques semaines plus tard, le 9 juin, à l'église paroissiale de la commune ; sa marraine est sa propre grand-mère maternelle, Antoinette Roch. Ses parents appartiennent à la classe moyenne bruxelloise : Alexis Remi 1882–1970 est employé dans la maison de confection pour enfants Van Roye-Waucquez à Saint-Gilles et Élisabeth Dufour 1882–1946, ancienne couturière, est sans profession. Son père, wallon, était né d'une union illégitime entre une servante, Léonie Dewigne 1860-1901 et probablement Alexis Coismans, un ébéniste bruxellois de vingt-quatre ans. Le fait qu'il se présenta à la maison communale d'Anderlecht pour déclarer la naissance des jumeaux et le choix du prénom d'un des enfants semblerait lui donner la paternité d'Alexis et Léon Remi. Certains pensent que la paternité reviendrait plutôt à Gaston, comte Errembault de Dudzeele 1847-1929 chez les parents de qui Léonie travaillait comme domestique à Chaumont-Gistoux. Délaissée par Coismans, la jeune fille épousa Philippe Remi qui reconnut les enfants septembre 1893. Cette mystérieuse affaire a fait évoquer à Serge Tisseron le poids d'un secret de famille dans l'œuvre du futur Hergé. Quant à Élisabeth c'est une flamande ce qui fera dire plus tard à Georges Remi : Je suis un Belge synthétique. Après la naissance de Georges, la famille Remi ne va cesser de déménager. Le 26 juin 1908, ils s'installent au 34 de la rue de Theux à Etterbeek, la demeure du plombier Joseph Dufour 1853-1914 et Antoinette Roch 1854-1935, les parents d'Élisabeth. De santé fragile, la jeune maman est victime d'une rechute de pleurésie durant le printemps 1909. Une friction familiale fait partir le jeune couple qui s'installe le 12 janvier 1912 au 57 avenue Jules Malou dans la même commune. Le 26 mars de la même année, naît à Ixelles Paul Remi 1912-1986, le frère cadet de Georges avec qui les contacts sont très lâches. Le lendemain, les Remi élisent domicile au 91 rue de Theux à Ixelles. Je me sentais médiocre et je vois ma jeunesse comme une chose grise, grise.
— Interview d'Hergé.
Occupation de la Belgique 1914-1918
Selon les propres mots d'Hergé, le petit Georges était un enfant insupportable, particulièrement lorsque ses parents l'emmenaient en visite. L'un des remèdes les plus efficaces était de lui fournir un crayon et du papier. L'un de ses premiers dessins connus figure au dos d'une carte postale où sont représentés au crayon bleu un train à vapeur, un garde-barrière et une automobile vers 1911. Le 29 septembre 1913, le jeune garçon de 6 ans entre à l'école primaire de l'Athénée à Ixelles. À peine l'année scolaire est-elle terminée que la Belgique est occupée par l'armée allemande de Guillaume II 20 août 1914. Son oncle Léon est mobilisé sur le front de l'Yser dès la fin août 1914 ; il en reviendra, après quatre ans de combats, avec la croix de guerre avec palmes. Le cardinal Mercier, archevêque de Malines, en appelle à la résistance belge. Entretemps, après une rechute d'Élisabeth, la famille Remi déménage une nouvelle fois 124 rue du Tram à Watermael-Boitsfort dans la banlieue sud de Bruxelles septembre 1914. Durant sa scolarité à l'école no 3 d'Ixelles, Georges Remi dessine dans le bas de ses cahiers des histoires imagées qui racontent les démêlés d'un petit garçon avec l'occupant allemand. Un jour, un élève m'a pris un dessin et l'a montré au professeur. Celui-ci l'a regardé avec une moue méprisante, et m'a dit Il faudra trouver autre chose pour vous faire remarquer !. Parfois l'instituteur, me voyant occupé à griffonner et me croyant distrait, m'interpellait brusquement : Remi !… Répétez donc ce que je viens de dire ! Et déjà il ricanait méchamment dans sa barbe. Mais son visage exprimait généralement un profond étonnement lorsque, tranquillement, sans hésiter, je répétais ce qu'il venait de dire. Car si je dessinais d'une main, eh bien, j'écoutais attentivement de l'autre !
— Hergé, interview.
En raison de l'amélioration de la santé d'Élisabeth, la famille revient s'installer définitivement au 34 rue de Theux à Etterbeek août 1917. En mars 1918, Georges Remi croque dans le cahier de poésie de son amie Marie-Louise van Cutsem Milou un dessin à l'encre de Chine et à l'aquarelle représentant un coq qui apostrophe un lapin face à un œuf brisé. Le 7 octobre 1919, l'écolier entre à l'École supérieure no 11 d'Ixelles. À l'occasion du premier anniversaire de l'Armistice en novembre 1919, il compose une vaste fresque patriotique faite de craies de couleur dans laquelle les soldats belges flanquaient une solide raclée à l'armée allemande, ce qui bouleverse son professeur de dessin, monsieur Stoffijn, dit Fine-Poussière.
Études secondaires et scoutisme.
Georges Remi était issu d'une famille de la classe moyenne catholique et ancrée à droite. En 1919, le patron de son père, Monsieur Waucquez avait fortement conseillé Alexis Remi de mettre son fils en établissement catholique à la suite d'une année scolaire plutôt médiocre. Le jeune garçon est, à son grand désespoir placé au sein de la troupe scoute du collège Saint-Boniface de Bruxelles. Dès lors, l'environnement ultracatholique et scout ne le quittera plus jusqu'aux années 1950. Après avoir fait sa communion, le jeune garçon entre à l'Institut Saint-Boniface de Bruxelles dirigé par l'abbé Pierre Fierens ; il est âgé de 13 ans 1920. Malgré une légende tenace répandue par Hergé lui-même, l'élève se montre excellent dans toutes les matières sauf en dessin. Au dernier trimestre, le prix de dessin ne lui est pas décerné au grand dam de ses camarades et le professeur de dessin répond : ...Bien sûr, Remi mérite mieux ! Mais il fallait dessiner des épures, des prismes et autres objets avec ombre portée… Chez ce garçon, un autre dessin est inné ! Ne vous en faites pas, on en reparlera... En 1918, Georges Remi avait rejoint les Boy-Scouts de Belgique organisme laïque, La 1re Troupe du Groupe Honneur. Il devient rapidement chef de la patrouille des Écureuils et reçoit le nom totémique de Renard curieux. avant de les abandonner en 1921 pour la Troupe Saint-Boniface du collège. Le jeune garçon vit ce changement avec beaucoup de tristesse. Durant le début des années 1920, l'adolescent prend plaisir dans le scoutisme qu'il considère comme la grande affaire de sa jeunesse. À l'époque, Georges Remi poursuit ses croquis, notamment lors des camps d'été en Autriche, en Suisse, en Italie, dans les Pyrénées, et en fait paraître à partir de 1921 dans les revues du collège Jamais Assez puis Le Boy-Scout. Enfin, à la suite de ses cours d'anglais et de sa passion pour le scoutisme, le jeune Remi est fasciné par l'Amérique des cow-boys et des indiens comme le prouvent ses cahiers de l'époque qui fourmillent de visages qu'il commence à signer Hergé, Remi Georges 1924. Au même moment, à l'occasion de la fête de l'aumônier Hansen, le créateur de la troupe scoute, il est choisi pour dessiner une vaste fresque sur un mur du collège Saint-Boniface vers 1922. Redécouverte par hasard en 2007 : elle est composée d'une scène de chevaliers en armure, de cow-boys et d'indiens. Lorsque le jeune Hergé retourne auprès de ses parents, c'est pour se rendre en famille au bord de la mer à Ostende avec la famille van Cutsem étés 1923, 1924 et 1925.
Première carrière de dessinateur 1925-1929
Entrée au Vingtième Siècle et aventures de Totor
Durant les années 1920, les réalisations d'Hergé restent encore très modestes. Bien qu'il illustre des articles et des couvertures de mensuels de gags scouts, la technique reste maladroite : par exemple, en avril 1925, il croque pour le Blé qui lève quatre dessins sur les plaisirs du vélo où un cyclotouriste regonfle son pneu tellement fort qu'il le fait exploser…. Au même moment, son chef de troupe René Weverbergh lui offre pour la Saint-Georges, un ouvrage intitulé Anthologie d'Art pour perfectionner son coup de crayon. Ses études secondaires terminées, Hergé cherche désormais du travail. Lors d'une réunion scoute, l'abbé Wathiau lui propose un poste d'employé au Vingtième Siècle. Acceptant l'offre, il est engagé à partir du 31 octobre 1925 : Mon travail consistait surtout à inscrire le nom des nouveaux abonnés sur des formulaires spéciaux … à envoyer par la poste, et à établir un fichier. Le journal est dirigé par l'autoritaire abbé Norbert Wallez 1882-1952 dont la ligne éditoriale est ultracatholique et nationaliste. C'est d'ailleurs l'administrateur du Boy-Scout belge, le journal du collège, René Weverbergh qui présenta le jeune Georges à l'abbé Norbert Wallez, le directeur du Vingtième Siècle 1925. L'ecclésiastique se révéla alors à un jeune garçon qui n'avait aucune assurance et qui s'autocritiquait sans cesse. Plus tard, Hergé avoua que Wallez avait profondément influencé sa philosophie, sa personnalité et même sa vie conjugale puisque c'est lui qui lui présenta sa secrétaire Germaine Kieckens au dessinateur. Or, le directeur du Vingtième Siècle est un ultracatholique fasciste vouant un véritable culte à Mussolini dont il avait un portrait dans son bureau. Au début des années 1930, Église et anticommunisme se confondaient en Belgique et Tintin, que lui avait commandé l'abbé, devint tout naturellement un jeune reporter catholique sauveur du peuple russe contre la barbarie soviétique… Hergé continue de publier en parallèle pour la revue du Boy-Scout des planches de gags. Dans le numéro de juillet 1926, la double page centrale propose les Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons, un grand film comique d'United Rovers. La suite des aventures de ce scout débrouillard, souvent reconnu comme l'ancêtre de Tintin, se déroule en août-septembre à Manhattan. Cependant, le dessinateur est appelé au service militaire le 16 août : il est affecté à la 4e Compagnie du 1er Régiment de Chasseurs à pied à Mons alors qu'il avait demandé la cavalerie ! Totor qui devait réapparaître dans le Boy-Scout à l'automne 1926, ne fera sa réapparition qu'en février 1927 à partir de la septième planche. Conscients du talent de leur fils, les parents de Georges Remi se décident finalement à l'inscrire à l'école Saint-Luc, en vain : J'y suis allé un soir à l'école Saint-Luc, mais comme on m'y avait fait dessiner un chapiteau de colonne de plâtre et que ça m'avait ennuyé à mourir, je n'y suis plus retourné. Cette surcharge de travail quotidien empêche le jeune Remi de poursuivre sa relation avec Marie-Louise van Cutsem Milou. Fin avril 1927, Georges Remi fait la connaissance de Germaine Kieckens, employée dans une fabrique d'écrins à Bruxelles. Il l'invite le week-end suivant à l'aérodrome de Bruxelles où il est chargé avec sa compagnie de surveiller l'avion de Charles Lindbergh en visite en Belgique après son exploit aérien. En parallèle, Hergé accepte la proposition de l'abbé Wallez d'illustre, Popokabaka 1er mars-26 juillet 1927 et La Rainette 2 août-25 octobre 1927.
Le Petit Vingtième Le Petit Vingtième.
Après son service militaire, Hergé est chargé par l'abbé Wallez des tâches d'illustrateur et de reporter-photographe. Son amie Germaine est embauchée au Vingtième Siècle le 15 février 1928 comme secrétaire de l'abbé Wallez. Satisfait du travail d'Hergé, ce dernier lui confie la responsabilité du nouveau supplément hebdomadairdestiné à la jeunesse pour agrandir le nombre de lecteurs : Le Petit Vingtième. Poussé par Wallez, Hergé s'instruit en dévorant de nombreux ouvrages afin de donner plus de précisions à ses illustrations. Le premier numéro du Petit Vingtième paraît le 1er novembre 1928 mais se montre aux yeux du public assez décevant. L'artiste y propose dans un premier temps L'Extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet, une série qui raconte l'histoire de trois jeunes adolescents et d'un porc connaissant diverses aventures, sur un scénario de l'abbé Desmedt, un rédacteur sportif du journal. L'histoire se déroule sur un fond colonialiste et proclérical, toujours en vogue à l'époque, en particulier lorsque les enfants, prisonniers dans un village de cannibales, sont sauvés par la bienveillance d'un missionnaire catholique. Hergé est peu motivé mais la série se poursuit jusqu'en mars 1929. Je me sentais comme dans un costume mal coupé qui me gênait aux entournures.
— Interview d'Hergé.
Cette année-là , Bruxelles accueille une exposition sur la Russie bolchevique. Les employés du Vingtième Siècle, ultra-catholiques et anticommunistes sont indignés par cette exposition située à quelques pas de leur bureau. L'un d'eux, le comte Perovsky, est un ancien Russe blanc réfugié en Belgique après la guerre civile de 1918-1921. Une centaine d'étudiants nationalistes dirigés par Léon Degrelle met à sac l'exposition à la grande joie de l'abbé Wallez. Enfin, pour donner plus de clarté à ses dessins, l'artiste abandonne le dessin artisanal du XIXe siècle et adopte la nouvelle technique de la photogravure, technique simple mais efficace traitement des plaques à l'acide. Pressentant le talent et la personnalité du jeune dessinateur, l'abbé Wallez est le premier à lui donner le coup de pouce décisif : L'abbé Wallez a eu sur moi une énorme influence, pas du point de vue religieux, mais il m'a fait prendre conscience de moi-même, il m'a fait voir en moi
Collaborations au Boy-Scout belge et à l'Action Catholique 1927-1929
Appel du cardinal Mercier 1917. En parallèle de son activité au Vingtième Siècle, Hergé a préservé des rapports étroits avec ses camarades scouts et les abbés qu'il a côtoyés à Saint-Boniface. Au cours de l'année 1927, le Boy-Scout devient le Boy-Scout belge, au sein duquel il continue à faire paraître, jusqu'en juillet 1929 et à raison d'une planche par mois, les aventures de Totor. En 1928, une publicité vante les articles de culture générale, de formation technique scoute, des événements du mois, de sciences naturelles, de nouvelles des troupes… Hergé y dessine presque tout : la couverture de présentation qu'il modernise, les cartes postales, les illustrations d'articles. D'autre part, le dessinateur collabore aussi à diverses publications des mouvements d'Action catholique. Le rôle de ce mouvement, mis au point par Léon XIII et poursuivi par le cardinal Mercier, est de relancer l'enthousiasme religieux qui commence à péricliter au sein de la société belge et plus largement européenne. Pour Hergé, il s'agit de réaliser les têtes de rubriques, d'illustrations de contes, de petits gags et aussi l'emblème de la Jeunesse indépendante catholique JIC : l'aigle noir tenant le bouclier armorié JIC. Le 16 décembre 1928, pour accroître davantage l'audience du quotidien, l'abbé Wallez lance un supplément culturel intitulé Le Vingtième Siècle Artistique et Littéraire. Georges Remi est comme d'habitude chargé du dessin, il illustre des centaines de romans : Ilias de Léon Tolstoï, La Belle Histoire de Geneviève d'Henri Lavedan… Durant cette période, l'artiste approfondit et précise son coup de crayon. Tintin et Milou au Petit Vingtième 1929-1931 Goût pour la bande dessinée
L'absurde Krazy Kat 1918
À la fin des années 1920, Hergé découvre par l'intermédiaire de Léon Degrelle, correspondant du Vingtième Siècle au Mexique, la bande dessinée américaine faisant sortir directement les paroles de la bouche des personnages. Depuis la fin du XIXe siècle le comic strip est très populaire aux États-Unis et s'adresse avant tout aux enfants. Le tournant des années 1930 exporte le genre en Europe occidentale. Les séries américaines les plus célèbres sont Krazy Kat de George Herriman qui paraît dans The New York Evening Journal depuis 1913 ou encore les Katzenjammer Kids de Rudolph Dirks dans le New York Journal depuis 1897. En France, le genre est déjà utilisé depuis peu par le dessinateur des aventures de Zig et Puce 1925, Alain Saint-Ogan. Jusqu'ici, les dessins de l'artiste belge n'étaient que de simples textes mis en images : désormais il va créer une véritable bande dessinée. Parallèlement, Hergé publie toujours dans d'autres revues : il dessine ainsi sept planches pour l'hebdomadaire satirique Le Sifflet avec en particulier, dans le numéro du 30 décembre 1928, une histoire intitulée La Noël du petit enfant sage au contenu scatologique ; pour la première fois, Hergé y présente ses dialogues exclusivement au sein de bulles. À la fin de l'année 1928, songeant à abandonner l'histoire considérée comme ennuyeuse de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet, Hergé reprend le personnage de Totor, modifie son nom, lui adjoint un petit fox-terrier Milou, peut-être en référence à son ex-amie Marie-Louise van Cutsem ? et lui donne un nouveau métier : celui de reporter. Mis au courant du projet, l'abbé Wallez, admirateur de Mussolini et virulent anticommuniste, propose d'envoyer ce nouveau personnage, auquel les enfants sont invités à s'identifier, en URSS pour y dénoncer les crimes qui y sont perpétrés : dès ses origines, Tintin aura une fonction politique.
Lancement des Aventures de Tintin Tintin au pays des Soviets.
Georges Remi a toujours su s'adapter au contexte dans lequel il se trouvait. Au milieu des années 1920, il dessinait Totor, chef de patrouille comme lui. En 1929, devenu reporter au Petit Vingtième, son nouveau héros devient naturellement reporter pour le même journal. Selon l'auteur lui-même, le visage de Tintin lui aurait été inspiré par son frère cadet Paul : le visage rond et la houpette, alors que d'autres voient une certaine ressemblance avec le jeune navigateur danois Palle Huld, adepte des culottes de golf, qui fit le tour du monde en 1928. Le 10 janvier 1929, Tintin fait donc son apparition dans Le Petit Vingtième. Hergé exécute et livre deux planches par semaine qui enchaînent gags et catastrophes sans bien savoir où son récit l'entraîne. Devant le choix de sa direction, profondément anticommuniste, d'envoyer Tintin en Russie soviétique URSS, et ne pouvant se rendre sur les lieux de pérégrination de son personnage, Hergé s'inspire pour son histoire d'une source unique : le livre Moscou sans voiles, paru sous la plume de Joseph Douillet en 1928. Les caractères cyrilliques sont dessinés par son collègue le comte Perovsky. Durant l'été 1929, le rappel d'Hergé sous les drapeaux lui inspire la présence d'une manœuvre militaire dans la série qu'on peut voir aux planches 56-57. Le 25 décembre 1929 sort la première couverture de Tintin au Petit Vingtième en bichromie avec deux planches couleurs 100 et 101. L'hebdomadaire catholique français Cœurs vaillants reprendra dès octobre l'histoire, mais l'adaptera en y ajoutant des textes explicatifs, au grand dam d'Hergé. Au terme des 138 planches 1er mai 1930, les traits de Tintin se sont affirmés, passant des premiers dessins du gros scout lourdaud et ridicule … au personnage que nous connaissons désormais. L'aventure est assemblée dans un album publié à seulement 5 000 exemplaires. Avant même la fin de la publication des planches, une fausse lettre de la Guépéou arrive au bureau de Petit Vingtième, lui demandant de mettre un terme à l'activité du reporter virtuel : selon Benoît Peeters, il s'agit déjà d'accréditer l'existence de Tintin.
Premiers succès Quick et Flupke.
Le 23 janvier 1930, le dessinateur crée deux nouveaux personnages de la moyenne bourgeoisie bruxelloise : Quick et Flupke. Cette nouvelle bande dessinée paraît dans les pages du Petit Vingtième de façon continue, tous les jeudis, jusqu'en 1935, puis de façon plus irrégulière jusqu'en 1940 seulement 19 gags entre 1937-1940. D'après l'auteur lui-même : Quick était le surnom d'un de mes amis. Pour Flupke, j'ai pris Flup Philippe et le ke flamand signifie "petit". Flupke c'est "petit Philippe" Selon Benoît Peeters, les Exploits de Quick et Flupke semblent rassembler « tous les éléments que ses autres albums n'étaient pas en mesure d'intégrer. Ici aucun exotisme, mais de simples planches de gags causés par les enfants eux-mêmes, le souvenir d'une enfance endiablée pour Hergé. Mais l'artiste est surtout occupé ailleurs : en mai 1930, commençant à se rendre compte du succès de Tintin, il imagine déjà une suite. L'abbé Wallez a l'idée de mettre en scène le retour de Tintin de son voyage soviétique. Le 8 mai 1930, le Petit Vingtième organise le retour des héros : Le jour venu, je suis parti avec un garçon Lucien Pepperman qu'on avait désigné pour incarner Tintin …. Je l'avais affublé d'un costume à la russe et de belles bottes rouges ; pour faire plus réaliste nous avions emprunté tous deux le train en provenance de Cologne, c'est-à -dire le train de l'Est, de la Russie …. J'étais persuadé que nous débarquerions dans un grand désert. Or, à ma grande stupéfaction il y avait foule. À la fin de l'année 1930, c'est au tour de Quick et Flupke d'être rattrapés par le succès. La Radio Catholique Belge organise quelques émissions improvisant une interview fictive des deux gamins de Bruxelles. Finalement, les demandes s'accroissent. Le Petit Vingtième double, puis triple, et enfin sextuple son tirage le jour où paraît le fameux Tintin. La même année, Hergé se voit pourvoir un assistant en la personne de Paul Jamin qui sera plus tard connu en tant que caricaturiste du journal satirique bruxellois Pan sous le pseudonyme d'Alidor. Dans l'élan d'une tradition coloniale qui marque la Belgique depuis le début du siècle, Hergé décide, sous les ordres de l'abbé Wallez, d'envoyer son personnage en Afrique, dans la colonie belge du Congo. Propriété du roi des Belges Léopold II depuis la conférence de Berlin sur le partage de l'Afrique 1885 qui lui avait accordé de développer la colonisation et de lutter contre l'esclavage en Afrique centrale, le Congo est annexé par un vote du parlement belge en 1908. La Belgique va alors commencer à récupérer l'emprunt consenti au roi ainsi que les frais d'envoi d'officiers, et aussi, après la guerre, de récolter les fruits des combats victorieux, en 1914-1918, contre les troupes ennemies de l'Afrique orientale allemande. Mais, au début des années 1930, le Congo belge est confronté à une pénurie de main-d'œuvre européenne qui menace son développement. Et Tintin s'y rend, non plus pour critiquer, mais pour faire valoir le domaine africain afin d'y attirer de jeunes Belges entreprenants. Le récit est aussi l'occasion d'exalter l'œuvre d'évangélisation et d'enseignement auprès des noirs des missionnaires de Scheut. L'histoire débute dans les colonnes du Petit Vingtième le 5 juin 1930. Pour établir son histoire, Hergé s'est surtout documenté par le biais du musée royal de l'Afrique centrale où se trouve la célèbre statue de l'Aniota à peau de léopard représentant un membre d'une secte secrète indigène, ce qui donne lieu, dans l'album, à un épisode dramatique dont Tintin sort évidemment indemne. 118 planches se succèdent jusqu'au 11 juin 1931. Malgré le peu d'enthousiasme du dessinateur, la seconde aventure du reporter du Petit Vingtième est encore un succès : Tintin et Milou reviennent triomphalement à la gare du Nord de Bruxelles, devant une foule en liesse. On peut lire dans la presse : Tintin et Milou accueillis par Quick et Flupke. Dix Congolais les accompagnent. Le jeune garçon qui représente le héros est costumé en colonial.
Illustration de romans et de publicités 1929-1932
Au début des années 1930, Hergé participe peu au supplément Votre Vingtième, Madame, y réalisant des couvertures d'esprit Art déco assez étonnantes. C'est l'image de la femme libérée de l'entre-deux-guerres qui transparaît ici, influencée par les années folles venues tout droit des États-Unis. Le dessinateur dresse des portraits de femmes faisant du sport, pilotant une automobile ou encore un bateau. À partir de la fin des années 1920, Georges Remi officie comme illustrateur pour plusieurs romans, bien souvent dans le sillage du scoutisme catholique. Le premier d'entre eux est L'Âme de la mer 1927 de Pierre Dark, un ancien compagnon de scoutisme. L'année suivante, il illustre Mile, histoire d'un membre de patronage de Maurice Schmitz, un ouvrage à succès. Enfin, il s'associe à l'édition de l'Histoire de la guerre scolaire 1932 de Léon Degrelle. En parallèle de ces activités, Hergé réalise des centaines de publicités : le lettrage et la composition sont toujours au rendez-vous. Parmi elles figurent une affiche de 1928, la Grande Fancy-Fair : organisée au profit des écoles libres de la paroisse Saint-Boniface, mais aussi des illustrations pour des marques d'amplificateurs Modulophone, 1930, de tapisseries J. Lannoy fils, 1928, de magasins de jouets L'Innovation, 1931… Ce travail en parallèle d'illustrateur renforce davantage sa technique et sa précision dans la composition de ses bandes dessinées.
Début d'une industrie 1931-1936,
Tintin en Amérique.
En mai 1931, Hergé et le dessinateur Paul Jamin qui deviendra, après la guerre, le brillant dessinateur caricaturiste de l'hebdomadaire Pan se rendent à Paris où ils rendent visite à Alain Saint-Ogan pour se perfectionner et demander des conseils. Le Français témoigne : J'avais oublié cette visite. Mon Dieu ! Qu'avais-je pu dire alors à celui qui devait devenir le créateur de Tintin, célèbre dans le monde entier ? Grâce au Ciel, paraît-il, je ne l'avais pas découragé. Après avoir convaincu l'abbé Wallez qu'il fallait dénoncer la pègre de Chicago, l'artiste se décide enfin à envoyer son héros au pays des cow-boys et des indiens, milieu qu'il affectionne tout particulièrement. Déjà , sur les dernières planches de Tintin au Congo, il avait fait figurer des gangsters américains qui devaient annoncer le prochain scénario, un peu comme si l'auteur avait hâte de passer à l'aventure suivante. Les premières planches des Aventures de Tintin, reporter à Chicago apparaissent le 3 septembre 1931 toujours dans le Petit-Vingtième. Pour la première fois, Georges Remi intègre dans le récit un personnage réel : Al Capone 1899-1947. Il se documente sur les États-Unis à travers une revue, Le Crapouillot mais aussi des ouvrages, Scènes de la vie future de Georges Duhamel ou encore L'Histoire des Peaux-Rouges de Paul Coze. Contrairement aux deux histoires précédentes, le scénario propose non plus une succession d'épisodes mais un grand mouvement général structurant. Le 17 septembre 1931, quelques jours à peine après l'apparition de Tintin en Amérique, le dessinateur propose une série publicitaire intitulée Tim l'écureuil, héros du Far West publiée dans un petit journal de quatre pages et distribué dans le magasin bruxellois L'Innovation. Quelques années plus tard, l'aventure sera remaniée dans le Petit Vingtième sous le nom de Popol et Virginie au Far West février 1934. Ce sont les seules histoires d'Hergé mettant en scène des animaux anthropomorphes :J'ai essayé de mettre en scène des animaux, et j'ai vu rapidement que ça ne me menait nulle part. J'en suis donc revenu à des personnages humains. Au tournant de l'année 1931-1932, le dessinateur signe un contrat avec l'éditeur tournaisien Casterman qui aura, après avoir indemnisé Wallez, le privilège d'éditer tous les albums de l'auteur en langue française. Le 20 juillet 1932, Hergé épouse Germaine Kieckens 1906-1995 avec la bénédiction de l'abbé Wallez qui célèbre le mariage dans une église bruxelloise. Les jeunes mariés s'installent le mois suivant au 10 rue Knapen à Schaerbeek. L'aventure en Amérique s'achève le 20 octobre 1932, Casterman sort le premier album à la fin de la même année. L'éditeur tournaisien propose à Hergé de percer dans le marché français très prometteur courant décembre 1933.
Plein cap sur l'Orient Les Cigares du pharaon.
Les illustrations égyptiennes inspirèrent Hergé dans son travail. Le 8 décembre 1932, apparaissent dans le Petit Vingtième les premières planches des « Aventures de Tintin reporter en Orient version ancienne des Cigares du pharaon. Pour la première fois Hergé fait de cette aventure une sorte de roman policier dans lequel on trouve le paramètre mystère. Selon B. Peeters, Les Cigares du pharaon représentent la quintessence du récit feuilletonesque. On y retrouve … la mystérieuse malédiction, la redoutable société secrète, l'indémasquable génie du Mal …, le poison qui rend fou. Durant les épisodes du feuilleton, l'artiste joue avec ses lecteurs chaque semaine en proposant la rubrique Le Mystère Tintin au sein de laquelle le public doit proposer des solutions pour sortir le héros d'affaire. La malédiction égyptienne est, au début des années 1930, dans l'air du temps. En effet, l'opinion publique avait été frappée, quelques années plus tôt, par la mystérieuse affaire du tombeau de Toutânkhamon et les morts successives des savants qui avaient ouvert la tombe de ce pharaon. Mais surtout, ce qui fait le nœud gordien de l'histoire n'est pas l'égyptologie mais le trafic armes et drogue, particulièrement actif à l'époque dans la région de la mer Rouge. D'ailleurs Hergé s'inspire du récit autobiographique de Henri de Monfreid, Les Secrets de la mer Rouge 1931, qu'il représente dans l'aventure. Dès les premières planches du feuilleton, deux nouveaux personnages apparaissent, des policiers en civil nommés X 33 et X 33 bis futurs Dupond et Dupont. Au terme des 124 planches, Les Cigares du pharaon sont achevés le 8 février 1934. Au début des années 1930, Hergé réalise un certain nombre de bandes dessinées à caractère publicitaire. L'une des plus célèbres est Cet aimable M. Mops, composée de huit planches parues dans un agenda édité par un grand magasin bruxellois 1932 ou encore Les Mésaventures de Jef Debakker quatre planches pour les Briquettes Union vers 1934.
Tchang Tchong-Jen : bouleversement dans l'œuvre d'Hergé Tchang Tchong-Jen et Le Lotus bleu. Invasion japonaise de la Mandchourie.
Les quatre premières aventures de Tintin restaient maladroites, parfois un peu bâclées et truffées de préjugés. Hergé témoigna sur son rythme de travail : C'était réellement du travail à la petite semaine. Je ne considérais pas cela comme un véritable travail, mais comme un jeu, comme une farce. Tintin était un jeu pour moi jusqu'au Lotus bleu. Durant le printemps 1934, après avoir installé avec deux collaborateurs José De Launoit et Adrien Jacquemotte l'Atelier Hergé à Bruxelles, Georges Remi annonce à la rédaction du Petit Vingtième qu'il souhaite faire la suite des Cigares du pharaon en envoyant le jeune reporter en Extrême-Orient, plus exactement en Chine. Jamin s'empresse de brosser un tableau du pays dans lequel Tintin doit prochainement partir dans le Petit Vingtième. À la lecture de cet avant-goût, certains lecteurs craignent que le reporter soit tué par les Chinois! Après avoir lu les stéréotypes effrayants annoncés par le collaborateur d'Hergé, l'abbé Gosset, aumônier des étudiants chinois à l'université de Louvain, lui recommande au travers d'une lettre de se documenter sérieusement sur la Chine. C'est ainsi qu'Hergé fait la connaissance d'un jeune Chinois étudiant à l'Académie des beaux-arts de Bruxelles : Tchang Tchong-Jen 1907-1998. Ce dernier fournit une mine d'informations à Hergé dans de nombreux domaines histoire, géographie, langue, art, littérature et philosophie. Avant cette rencontre, l'artiste belge imaginait encore le mythe du Jaune qui mangeait des nids d'hirondelles, portait une natte et jetait les petits enfants dans les rivières comme l'avait écrit Jamin quelques jours plus tôt : C'est à partir de ce moment-là que je me suis mis à rechercher de la documentation, à m'intéresser vraiment aux gens et aux pays vers lesquels j'envoyais Tintin, par souci d'honnêteté vis-à -vis des lecteurs qui me lisaient. Tchang deviendra un personnage-clé de l'œuvre d'Hergé, sauvé de la noyade par Tintin, l'un des vrais amis qu'il se fera au cours de ses aventures. Pourtant, Le Lotus bleu est plus un message politique qu'une histoire pour les enfants. La cinquième aventure de Tintin est l'une des plus engagées de la carrière d'Hergé. Depuis 1931, le Japon cherche à coloniser la Chine pour développer sa puissance économique. L'invasion de la Mandchourie province chinoise septentrionale démarre à la suite de la section d'une voie ferrée japonaise dans cette région près de Moukden. Cet attentat fut probablement planifié par les Japonais eux-mêmes, leur donnant le prétexte d'une invasion immédiate de la province. Hergé fait figurer dans l'aventure le faux attentat sur la voie ferrée. Hergé se tient au courant des événements sino-japonais en 1934-1935 grâce aux informations pourtant pro-japonaises des médias européens : l'une des planches de l'aventure représente Tintin allant au cinéma pour visionner les actualités mondiales. L'aventure se termine le 17 octobre 1935 au bout de 124 planches. Le Lotus bleu devient dans les années 1936-1939 un véritable succès en Chine mais pas pour Tokyo puisque l'ambassadeur japonais à Bruxelles est irrité de la position de l'histoire vis-à -vis de son pays. Durant ces années, le père de Tintin poursuit la réalisation de couvertures de livres ou de publicités. Ainsi, il offre ses services à Paul Werrie, auteur de la Légende d'Albert Ier roi des Belges qui vient de décéder d'une chute lors d'une escalade des rochers de Marche-les-Dames, en bord de Meuse 17 février 1934. Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... t_id=11037#forumpost11037
Posté le : 21/05/2016 15:23
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