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De Montpellier
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Le 19 avril 1588, à Vérone meurt Paolo Caliari, dit Véronèse
né à Vérone ans la république de Venise en 1528, est un peintre maniériste italien de l'école Véronaise, il a pour maître Antonio Badille, ses oeuvres les plus réputées sont " Les noces de Cana, Le repas chez Lévi Bien qu'il ait joui d'une réelle popularité de son vivant, notamment à Venise, il fut ignoré des critiques de son temps qui parlent de l’art vénitien, seul Francesco Sansovino parlant de lui dans son Guide de 1556. Pourtant, Véronèse constituait avec Titien et Le Tintoret le triumvirat des peintres vénitiens de la Renaissance tardive. Véronèse est connu comme un grand coloriste ainsi que pour ses décorations illusionnistes trompe-l’œil en fresque et huile. Ses travaux les plus connus sont des cycles narratifs raffinés, exécutés selon le style dramatique et coloré des maniéristes, avec des arrangements majestueux et scintillants. Son véritable patronyme reste inconnu : le peintre ayant signé successivement Paolo Spezaped surnom paternel Paolo di Gabriele, Paolo da Verona ou Paolo Caliaro probable nom d’emprunt. La tradition de l’histoire de l'art parle de Paolo Caliari. Finalement, il sera connu sous le nom de Véronèse en raison de son lieu de naissance à Vérone.
En bref
Il est bien étrange qu'aucun des critiques qui rendirent compte de l'art vénitien au milieu du XVIe siècle, Aretino, Pino, Doni, Biondo, Dolce ne se soit intéressé à Véronèse. Celui-ci, en fait, ne fut découvert que par Francesco Sansovino, qui parle de lui dans son Guide de 1556. Peut-être paraissait-il trop extérieur à la sphère culturelle de la peinture vénitienne et faisait-il figure d'étranger sans grande importance. Pourtant, il arriva à Venise en un moment providentiel, comme pour s'y voir assigner la tâche de porter à une solution – sinon à sa solution à lui – un ensemble d'exigences formelles du grand courant maniériste, qui vers le milieu du siècle avait pris une place prédominante. Tout en gardant son indépendance, il trouva à Venise un terrain convenant à son génie propre, non seulement dans le camp maniériste, qui eût été disposé à l'accueillir dès l'époque de Vasari, de Salviati ou des expériences romanistes de Titien lui-même, mais aussi en raison de tout ce que ce cadre comportait de faste et de lumière, et qui était destiné à devenir partie essentielle du discours de l'artiste. Fils d'un spezapreda tailleur de pierre-sculpteur de Vérone, Paolo Caliari, dit Véronèse, est placé, dès l'âge de dix ans, pour y apprendre la peinture, chez Antonio Badile, mais il se plaît également, suivant l'exemple paternel, à faire des modèles en terre. Avide de connaître toutes les tendances qui vont de la tradition héritée de Mantegna à la génération véronaise du début du XVIe siècle, déjà représentée de diverses manières à Venise, il fréquente Gianfrancesco Caroto et Torbido, qui travaillent dans le style de Giorgione, Antonio Badile, coloriste classique mais original et Domenico Brusasorzi, compositeur fantasque ; il s'intéresse également aux suggestions froides des maîtres de Brescia, de Romanino à Savoldo et à Moretto, dont il voit des peintures dans les églises de la ville. Soudain, pourtant, il adopte une attitude d'indépendance, tout en restant fidèle, en vertu des liens anciens, à la pureté cérébrale de certaines gammes de couleurs propres au vieil héritage gothique, qui était bien représenté à Vérone. Il est certain que la mystérieuse formation de Paolo s'explique en grande partie par la situation particulière de cette ville dans la géographie artistique de l'époque : proche de Mantoue et de Parme, ainsi que des routes conduisant à Venise, Vérone était par là ouverte aux trouvailles les plus inédites du maniérisme. Paolo fit probablement quelques voyages à Mantoue, qui lui procurèrent le moyen de connaître directement les œuvres de Giulio Romano à la Reggia et au palais du Te. Il n'y trouva pas seulement une incitation explicite à suivre le romanisme monumental, dans le sillage de Michel-Ange ou du dernier Raphaël, mais surtout, semble-t-il, l'occasion de revenir au sens architectural de l'espace, figures et couleurs s'ordonnant alors à l'intérieur de celui-ci. Par Mantoue peut-être, ou directement à Parme, et, de toute manière, grâce aux gravures et aux dessins de Parmesan et de Primatice, Véronèse entra ensuite en relation avec la peinture de Corrège et reçut de ces exemples de très fortes impressions, surtout en raison de leur correspondance avec sa propre conception originelle de la couleur, qu'il était porté à traiter en des tons froids s'accordant à travers dissonances et contrastes plutôt que fondus dans une sorte de brassage. À cette très vaste connaissance de la peinture s'ajoute, chez Véronèse, la recherche d'un sens particulier de la composition, qui semble relever d'une vocation personnelle et qui, lui non plus, n'est cependant pas gratuit : Paolo appartenait en effet à une famille de tailleurs de pierre et très tôt il se mit en rapport avec le plus grand architecte de Vérone, Michele Sanmicheli. Avec son classicisme maniériste, ce dernier unissait la leçon de Sangallo et celle de Giulio Romano, constituant ainsi, pour le jeune Paolo, un pont idéal qui devait le conduire directement à Palladio. Il est même possible que le rigoureux clair-obscur des créations de Sanmicheli ait inspiré le buon disegno de Véronèse, qui par la suite se tourna vers la sérénité de Palladio, comme ouvertement et dans une sorte d'harmonie de l'esprit. Ce thème fondamental d'une composition de type architectural, qui acquiert lumière et sourire dans un équilibre paisible des couleurs, semble caractériser les toutes premières œuvres, qui sont bien révélatrices de Véronèse. La Madonna Bevilacqua-Lazise du musée de Vérone (jadis dans la chapelle achevée en 1548 à San Fermo) relève d'un style dont les traits essentiels se retrouvent parfois dans l'ambiance véronaise de Badile et de Caroto, ou même à Mantoue et à Parme. Déjà pourtant se détache, dans une absolue originalité, la couleur, encore ténue et un peu transparente, étendue en couches gris perle, tandis que sur les effets ainsi obtenus s'allient, en les soulignant souvent par des contrastes de tons chauds et froids, le jeu imprévu des ombres colorées, un goût recherché et joyeux pour le changement, la splendeur de l'agencement des nuances. Au début des années soixante, Véronèse va franchement au-delà de toutes les expériences vénitiennes, du maniérisme de Parmesan aussi bien que du tonalisme de Titien. Arrivé dans la capitale vers 1551, il s'y affirme réellement en peignant la Pala Giustinian à San Francesco della Vigna, œuvre qui, tout en reprenant la composition de la Pala Pesaro de Titien, révèle dans la vivante juxtaposition de teintes claires et lumineuses, la pureté propre à l'artiste. Lorsque Paolo entreprend, en 1555, de décorer l'église San Sebastiano, où il travailla ensuite à plusieurs reprises pendant des années, son style a désormais trouvé une expression stable, et il ne s'en est plus départi. L'objectif de Véronèse est alors non point la représentation dramatique ou idyllique de la réalité, comme chez Titien ou Bassano, ni la transfiguration hallucinatoire de celle-ci, comme chez Tintoret, mais plutôt une espèce de contemplation abstraite et joyeuse de la beauté. Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le plafond de San Sebastiano, chef-d'œuvre qui remonte à la fin de la sixième décennie du siècle et où l'on reconnaît l'allégresse décorative propre au monde de Véronèse. Les rapprochements de teintes, la transparence des ombres, le caractère étincelant de la composition produisent l'inoubliable impression d'une peinture lumineuse, mélodieuse. À cet effet contribue de manière notable la technique de Paolo, laquelle dépasse à la fois le tonalisme de Titien, c'est-à -dire la fusion harmonieuse des teintes, et le luminisme de Tintoret et de Bassano, qui se caractérise par l'exaltation des intensités de couleur de la lumière contrastant avec l'obscurité, ce qui finit par donner une impression de noir sur blanc. Devançant les théories modernes de la décomposition de la lumière, Véronèse découvre d'instinct l'effet de luminosité qui découle de l'opposition de deux teintes complémentaires, c'est-à -dire de celles dont la fusion donnerait le blanc, la teinte la plus riche en lumière. Les rouges, les bleu ciel, les jaunes et les violets en viennent ainsi à créer sur ses toiles une myriade de plans lumineux, produisant un effet irréel, d'une extraordinaire intensité.
Sa vie
Véronèse est né vraisemblablement en 1528. Son père, Piero di Gabriele, est architecte et tailleur de pierre comme l'avaient été ses parents. Avec son épouse, Catarina, ils eurent dix enfants dont Véronèse, qui fut le septième et Benedetto de dix ans son cadet. Très jeune, il commence par travailler dans l'atelier de son père à Rome. Il y acquiert une habileté de modeleur pour les figures et les ornements en relief. Toutefois, il manifeste très vite un penchant pour la peinture ce qui amène son père à le placer comme apprenti chez l'un de ses oncles Antonio Badille, issu d'une vieille famille de peintres locaux et qui possédait un atelier. Il étudie alors, outre les œuvres de Badille, qui deviendra plus tard son beau-père, celles des autres artistes de Vérone et des alentours comme les fresques et tableaux de Giovanni Maria Falconetto, Domenico et Francesco Morone, Girolamo Dai Libri, Giovanni Francesco Caroto, Francesco Torbido, etc. De cet apprentissage auprès de l'école véronaise et des peintres locaux, il acquiert beaucoup de connaissances en matières d'architecture et de perspective, mais aussi la vivacité et l'élégance dans les figures, la dignité et le naturel dans les expressions, l'éclat et l'harmonie dans le jeu des colorations. Alors qu'il n'avait pas encore vingt ans, Paul Véronèse avait déjà signé plusieurs retables pour des églises de Vérone et décoré des façades de maisons, ce qui lui avait donné une certaine réputation. Parmi les retables, il faut citer la pala qui est l'un des premiers chef-d'œuvre de Véronèse réalisée avant 1548 pour la chapelle de la famille Bevilacqua-Lazise.
Des débuts prometteurs
En 1548, il quitte sa ville natale et, grâce à sa renommée grandissante, il obtient et exécute plusieurs commandes. Il se rend quelque temps à Trévise où, en 1551; l'architecte Michele Sanmicheli le charge, avec le peintre Giovanni Battista Zelotti de décorer la villa Soranza, près de Castelfranco Veneto, qu'il venait de construire. Son travail y est remarqué par le cardinal Ercole Gonzague qui, l'année suivante, lui commande un tableau pour la cathédrale de Mantoue, la Tentation de saint Antoine musée des beaux-arts de Caen. Par la suite, il décore la villa Emo à Fanzuolo, un hameau de la commune de Vedelago dans la province de Trévise, construite par l'architecte Andrea Palladio, qu'il avait rencontré à Vicence. On lui confie également la décoration du palais du Collatéral, à Thiene où, toujours en compagnie de Giovanni Battista Zelotti, il réalise, dans un style déjà très libre et personnel, plusieurs peintures de l'histoire ancienne Xerxès recevant les présents de Cyrus, le Mariage de Massinissa et de Sophonishe, Mucius Scaevola se brûlant le poing, le Festin d'Antoine et de Cléopâtre. En 1560, il fait un voyage d’étude à Rome où il découvre Raphaël et Michel-Ange. Il y séjourne pendant deux ans.
L'installation à Venise
En 1552, il obtient une première commande pour l'église San Francesco della Vigna à Venise pour laquelle il réalise la Conversation sacrée. L'année suivante, sa réputation toujours grandissante amène le père Bernado Torlioni, prêtre de l'église San Sebastiano à Venise que Véronèse avait rencontré à Vérone, à le faire venir auprès de lui pour lui confier les peintures de l'église. Il s'installe donc à Venise en 1553. Les commandes officielles sont nombreuses car il est devenu le peintre de la République. Il réalise notamment, en compagnie des peintres Giambattista Ponchino et Giovanni Battista Zelotti, les fresques des salles du conseil des Dix au palais des Doges. Véronèse exécuta notamment un médaillon qui décorait, en son centre, le plafond de la Salle des audiences : Jupiter foudroyant les Vices. Il décore également la salle de la Boussolla d'un Saint Marc couronnant les Vertus qui est à présent au musée du Louvre. En 1555, il entreprend la réalisation du plafond de la sacristie de l'église San Sebastiano avec le Couronnement de la Vierge et les Quatre évangélistes. On lui demanda ensuite des panneaux ronds, ovales ou carrés, destinés à être insérés dans le plafond de la nef. Il y raconte trois scènes du Livre d'Esther, entourées d'ages, de balustrades décoratives et de figures allégoriques : Esther présentée au roi Assuérus, le Couronnement d'Esther et le Triomphe de Mardochée achevées le 31 octobre 1556, onze mois après leur commande. Cette série de chefs-d'œuvre a fait de cette petite église un lieu de pèlerinage pour tous les peintres postérieurs. Avec le soutien de Titien et Jacopo Sansovino, il est désigné, avec six autres peintres célèbres dont Battista Franco, Giuseppe Porta, Bartolomeo Ammannati et Le Tintoret, pour participer à la décoration du plafond de la salle de la Libreria de la Biblioteca Marciana ou bibliothèque Saint-Marc. Il réalise notamment trois allégories la Musique, la Géométrie et l'Arithmétique, l'Honneur pour lesquels il obtint une prime, un collier d'or, qui lui est décerné publiquement par Titien. Veronèse retourne quelques mois à Vérone, sa ville natale. De ce séjour, il laissera une série de peinture dans plusieurs édifices dont l'église Santa Maria della Vittoria Déposition de Croix et le musée municipal Portrait de Pace Guarienti.
La maturité
Véronèse revient à Venise où il est devenu le peintre à la mode, le décorateur favori des nobles et des ecclésiastiques. Sa popularité dépasse le seul cadre de la ville et s'étend aux provinces avoisinantes. Il reçoit des commandes de toute nature, des fresques ou des tableaux, des sujets profanes ou sacrés, des allégories ou des portraits… Il est de nouveau invité à travailler à l'église San Sebastiano en 1558 où il fut chargé de peindre, sur la partie supérieure des murs, des séquences de la vie du saint. Entre 1559 et 1561, il décora les volets de l'orgue et le panneau de l'autel. On y voit La Vierge en gloire avec saint Sébastien et d'autres saints. Puis, un peu plus tard vers 1565, il réalisa pour le chœur de l'église trois œuvres illustrant d'autres événements de la vie du saint dont Saint Marc et saint Marcellin encouragés par saint Sébastien sur le chemin du martyre et Le Martyre de saint Sébastien En 1562, Véronèse entreprend la décoration de la villa Barbaro à Maser en Vénétie appartenant à Daniel Barbaro et son frère, Marcantonio. Ceux-ci avaient engagé le célèbre architecte Andrea Palladio en 1556 pour la construction de leur villa et ils confièrent ensuite la décoration picturale à Véronèse que Daniel Barbaro avait rencontré vers 1553, lorsqu'il exécutait ses compositions pour la Salle des audiences au palais des Doges. Véronèse réalise dans cette villa des fresques qui marquent l'apogée de son art parmi lesquelles il faut citer L'Harmonie universelle, ou L'Amour divin entouré des dieux olympiques, Vénus et Vulcain avec Proserpine ou bien encore Bacchus et les nymphes. De très nombreuses pièces sont décorées des fresques de Véronèse et, partout, l'espace architectural est mis au défi grâce à l'usage de trompe-l’œil d'illusions picturales. C'est à cette même période, entre 1562 et 1563, que Véronèse peint la plus célèbre de ses œuvres, Les Noces de Cana qui lui avait été commandée pour le réfectoire du monastère bénédictin de Penquesten situé sur l'Île de San Giorgio Maggiore, à Venise. Comme dans d'autres tableaux de Véronèse représentant un banquet, la scène reflète les festivités qui étaient courantes à l'époque dans la vie vénitienne. La peinture est immense avec presque dix mètres de large et elle contient plus d'une centaine de personnages, dont les portraits reconnaissables de Titien, de Tintoretto, et de Véronèse lui-même. Il retourne dans sa ville natale de Vérone où, en 1566, il épouse Elena Badile avec qui il a quatre enfants dont Carlo et Gabriele qui travaillèrent avec lui plus tard. En 1573, il défie le tribunal de l’Inquisition qui lui reproche des licences prises par rapport aux textes saints dans une Cène et qu’il sera condamné à amender. Véronèse n'en fera rien et rebaptisera simplement l'œuvre du nom de Le Repas chez Lévi, qu'elle porte encore aujourd'hui, bien qu'il s'agisse en réalité du dernier repas du Christ. On lui reproche d’avoir ajouté à l’épisode religieux quantité de personnages secondaires et anecdotiques, dont un perroquet ou encore deux hallebardiers buvant et un serviteur saignant du nez. La réponse nous est restée : Nous, les peintres, prenons des libertés tout comme les poètes et les fous.
Les thèmes mythologiques et les portraits
Ce langage, que l'on peut définir comme étant d'une sublime poésie décorative, trouve sa plus triomphale application dans les fresques des villas et des palais vénitiens. L'exemple le plus célèbre en est l'ornementation de la villa palladiana de Maser (environ 1560). Les paysages que Véronèse a peints sur les murs de cette demeure tendent à donner l'illusion que ces derniers s'ouvrent et qu'une lumière calme et diffuse émane de l'écran, refluant sur la couleur de l'ambiance, qui se fait douce et intime. Au-dessus, dans des lunettes et sur des plafonds dessinés selon des perspectives architecturales, des personnages mythologiques et des allégories, d'une originale transparence, créent un monde qui transcende, dans la clarté diaphane de ses teintes, la référence persistante aux formes monumentales du style de Michel-Ange. Cette contexture lumineuse donne une tonalité particulière aux portraits qu'a peints Véronèse, ainsi qu'en témoigne la Gentildonna du musée du Louvre, toute vibrante d'une harmonieuse symphonie de bleu ciel et de roses. Il est certain, par ailleurs, qu'un souci d'abstraction formelle l'emporte sans exception dans tous les sujets profanes, qui auraient pu fournir à l'artiste l'occasion de se rapprocher d'une figuration plus ardente de la réalité : par ces sujets on peut entendre, outre les portraits, les scènes pour lesquelles Paolo trouvait une sûre inspiration dans la vie contemporaine, telles les représentations de la Cène. Le thème du repas biblique est pour lui un thème de prédilection, non certes pour des motifs religieux personnels, mais pour l'intérêt que présentent à ses yeux la foule multicolore, la grandiose distribution du cadre, qu'il peut peindre en des images toujours plus riches en couleurs, toujours plus éclatantes quant à la décoration. Que ces représentations de la Cène puissent être surtout des prétextes pour la couleur, Paolo, d'ailleurs, le reconnaît lui-même, lorsque, dans Le Repas chez Lévi de l'Académie de Venise 1573, il n'hésite pas à placer des Allemands et des bouffons dans la suite de Jésus ou lorsque, dans la Les Noces de Cana du Louvre, il met au premier plan un concertino qui comprend, avec lui-même, ses trois grands émules : Titien, Tintoret et Bassano. Convoqué, pour ces fantaisies, devant le tribunal de l'Inquisition, il répond : " Nous autres peintres, nous prenons les mêmes libertés que les poètes et les fous. " Et il ajoute : " On m'a demandé de décorer le tableau à ma convenance, or il est grand et peut contenir de nombreux personnages... "
Véronèse peintre officiel
Parmi les plus importants travaux de la période suivante figure la décoration de la salle du Collège au Palais ducal 1575-1577. Le long de l'axe central du plafond, Paolo dispose les trois plus grands carrés et, tout autour, la série des Vertus, de sorte qu'une lumière des plus éclatantes semble se répandre sur le rebord doré des corniches. Ainsi le Collège fournit-il toute une mythologie d'images fraîches et lumineuses qui paraissent, comme les allégories peintes à la même époque pour l'empereur Rodolphe II 1576-1584, caractériser le triomphe du Siècle d'or de l'art et de la vie de Venise. Il est indubitable que Véronèse atteint sa période la plus heureuse avec ces peintures, qui ont pour trait fondamental d'être en quelque sorte chantantes, mélodieuses et d'obéir à la recherche la plus mesurée de formes idéales. On peut citer, parmi ces allégories, Venise entre Hercule et Cérès de l'Académie de Venise, Hercule et l'Inspiration et Le Poète entre le Vice et la Vertu de la collection Frick à New York, ainsi que Mars et Vénus du Metropolitan Museum. Les œuvres de la dernière décennie sont caractérisées par une certaine mélancolie et par une atténuation de la couleur solaire qui marquait la période moyenne de la carrière de l'artiste. On a l'impression que celui-ci, au contact de la lumière de Bassano, tend à se rapprocher de quelque façon d'une représentation plus naturaliste. Souvent apparaît un éclairage crépusculaire ou nocturne, d'une tonalité plus diffuse et affaiblie, comme dans l'angoissante atmosphère vert soufre de la Lucrèce de Vienne ; ou encore se manifeste une intention plus pathétique, comme dans le phosphorescent Miracle de Saint Pantaléon dans l'église San Pantalon à Venise. Peut-être est-ce là le signe d'un début de fatigue, mais le langage figuratif garde ses caractéristiques formelles dans la netteté du jeu de la couleur, qui est le jeu d'un artiste libre et d'un précurseur. Terisio Pignatti
La dernière période
Entre 1575 et 1577, Véronèse réalise, au palais des Doges, le Triomphe de Venise pour la salle du Grand Conseil et les Allégories de la Vertu pour la salle du Collège qui comptent parmi ses grands chefs-d’œuvre. À partir de 1575, Véronèse s'intéresse davantage aux paysages, il abandonne progressivement les grandes compositions et porte plus d'intérêt aux petits formats où il s'exprimera d'une manière très lyrique. C’est de cette époque que datent les scènes mythologiques comme L’Enlèvement d'Europe et La Mort de Procris. Il envisagea pourtant de concourir pour l'exécution d'une représentation du Paradis au palais des Doges. Ce concours eut ieu entre 1578 et 1582. Les artistes vénitiens les plus importants participèrent dont le Tintoret et Palma le jeune. Véronèse fut déclaré lauréat avec Francesco Bassano, et il lui fut confié l'exécution du groupe central. Il ne réalisa pas ce projet, mais on peut voir à Lille une esquisse qu'il avait préparée pour ce concours. Un nouveau concours fut organisé à la mort de Véronèse et c'est Jacopo Tintoretto qui réalisa le travail avec son fils.
Il meurt d’une pneumonie en 1588 à l'âge de 60 ans et est enterré dans l'église de San Sebastiano dont il a peint un grand nombre de fresques.
Après son décès, son frère Benedetto Caliari et deux de ses fils, Carlo et Gabriele qui hérite de l'atelier de Véronèse, achèvent certaines peintures que le maître n'avait pas finies sous le nom des Haeredes Pauli. Gabriele sera le dernier survivant de cet atelier et continue à peindre au moins jusqu'en 16035.
Son Å“uvre
Véronèse suivit le courant baroque, dans une aspiration au maniérisme. Son œuvre comporte de nombreuses fresques d'inspiration religieuse mais également des tableaux profanes, essentiellement mythologiques ou allégoriques. Il met souvent en scène des tableaux monumentaux. Il utilise des couleurs accentuées, il représente des scènes très détaillées, des personnages nettement dégagés des fonds, avec de forts contrastes, des architectures théâtrales et rythmées. Sa palette claire, ses ombres colorées, son univers poétique, la grâce sensuelle de ses personnages et son sens du décor en font un maître incontournable de la peinture du XVIe siècle. Ses plus fameuses peintures murales demeurent celles décorant la villa Barbaro, à Maser Vénétie, ensemble illusionniste prenant place dans une architecture conçue par Andrea Palladio. Il est également célèbre pour sa série de portraits aux visages éblouissants de naturel. Le maître s'intéresse surtout aux visages.
À sa mort, en 1588, Véronèse ne laisse pas d’école, mais son œuvre va influencer toute la peinture postérieure et de nombreux artistes comme Vélasquez ou Rubens puis, au XIXe siècle, les coloristes européens dont Delacroix et Cézanne.
Les noces de Cana
Cette immense composition a été commandée à Véronèse pour le réfectoire du couvent des bénédictins de San Giorgio Maggiore à Venise. Véronèse est âgé alors de 43 ans et c'est le peintre le plus fêté de la Sérénissime. Il s'est agi de mettre en scène le premier miracle de Jésus, le changement d'eau en vin lors d'un banquet de noces. Véronèse mêle intimement le sacré et le profane, ne sacrifiant cependant point l'un à l'autre. La somptueuse architecture n'est autre qu'un hommage à un ami du peintre, Andrea Palladio, l'architecte de l'ensemble conventuel de San Giorgio Maggiore et du réfectoire en particulier, aux proportions admirables. Quant aux personnages – 132 figures en tout –, sauf Jésus et Marie, ils sont les contemporains du peintre, avec leurs vêtements somptueux et leurs riches joyaux. Une double légende voulait que cette noble assemblée – sorte de banquet idéal – présentât les traits de plusieurs souverains de l'époque. De même, le quatuor de musiciens au premier plan était censé représenter quatre célèbres peintres : le vieux Titien, Tintoret, Jacopo Bassano et Véronèse lui-même. Mais aucune preuve formelle ne vient étayer ces interprétations. Avec une virtuosité raffinée, Véronèse a su animer cette foule sans offrir un schéma confus, en variant les attitudes et en jouant sur d'harmonieux rapports de couleurs. Toute monotonie est ainsi évitée, sans toutefois empêcher une compréhension adéquate du sujet. Une telle peinture, dont il ne faut pas sous-estimer la dimension religieuse, est en fait une des œuvres emblématiques par lesquelles Venise célèbre sa propre gloire, une gloire politique, une prospérité économique dont les fêtes sont les échos éclatants, elles-mêmes matérialisées par le pinceau du maître. Véronèse apparaît ici non seulement en tant que peintre, mais aussi en tant que témoin lucide d'une civilisation à son plus haut niveau d'incandescence. La plus grande toile jamais peinte par Véronèse est entrée au Louvre comme prise de guerre, en 1798. Lorsque, après la chute de Napoléon, la France dut restituer ses prises de guerre artistiques, un échange fut négocié et ce fut le Repas chez Lévi 1573 qui regagna l'Italie. De 1989 à 1992, les Noces de Cana ont connu une restauration exemplaire qui a permis de mieux percevoir ce chef-d'œuvre du Cinquecento – ainsi le manteau rouge de l'intendant du festin, à gauche, débarrassé des repeints, est redevenu vert – et de mieux comprendre son élaboration et les liens qui l'unissent à la civilisation vénitienne de la haute Renaissance.
Posté le : 17/04/2015 19:47
Edité par Loriane sur 19-04-2015 19:47:05
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