| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Découverte de Madagascar 2 [Les Forums - Histoire]

Parcourir ce sujet :   1 Utilisateur(s) anonymes





Découverte de Madagascar 2
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57133
Hors Ligne
La chasse et la pêche

D'après les restes alimentaires conservés, on a constaté que la chasse était marginale, alors qu'une vision simpliste accordait une grande place aux activités de prédation, dans la première période de l'histoire de Madagascar. On pourrait, certes, mettre la rareté des os des petits gibiers sur le compte de la putréfaction dans les sols anthropiques souvent acides. Ils n'ont pourtant laissé aucune trace. La chasse demeure donc une activité secondaire à côté de l'élevage, qui fournissait l'essentiel de la viande consommée. Andranosoa XIe s. est le seul site qui renfermait une quantité abondante de menu gibier, notamment des variétés d'insectivores appartenant à la famille des Centétidés, telles que les trandraka Centetes ecaudatus, espèce de grande taille, les sokina Ericulus telfairoi et les ambiko Hemicentetes semispinosus. On parle souvent, dans les traditions, de la chasse aux potamochères qui a donné une expression courante haza lambo qui font des ravages dans les champs cultivés. Leur viande était consommée, comme le prouvent les découvertes de Rafolo qui a pu isoler des défenses et des canines de potamochère, en procédant à l'étude archéozoologique des ossements animaux d'Analamanitra et d'Erimoho.
Les habitants des sites côtiers se nourrissaient de poissons et de fruits de mer. Ils se livraient à la pêche sur la côte, ou bien ils partaient en boutre ou en pirogue pour la pêche en haute mer, comme le font encore les Vezo pêcheurs de la côte sud-ouest. C'était, sans aucun doute, l'activité principale des occupants de Sarodrano et de Talaky, villages dans lesquels on a trouvé non seulement des amas d'arêtes de poisson, de coquillages, d'huîtres, de moules, de crustacés, mais aussi des instruments de pêche, harpons et hameçons en fer, pesons de filet. Les populations de l'intérieur de l'île pratiquaient la pêche de gros poissons d'eau douce. C'est le cas des habitants de Vohitrandriana XVIIe s. et d'Andranosoa qui trouvaient probablement leurs ressources, respectivement, du lac volcanique de l'Alaotra et de la rivière Manambovo. L'espèce identifiée dans le premier site porte le nom local de besisika ou Megalops cyprinoides.

Les techniques traditionnellesLa métallurgie du fer

Il n'y a pas d'industrie lithique à Madagascar, car les premiers migrants ont débarqué dans l'île à une époque où l'on connaissait déjà le travail du fer. Les deux objets en pierre d'apparence néolithique qui ont été découverts dans le centre et le sud-ouest du pays, respectivement par Maurice Bloch et Marimari Kellum-Ottino, et qui ont été assimilés à des herminettes polies, n'ont qu'une signification très limitée car ils sont isolés de leurs contextes. Aucun gisement préhistorique n'a été mis au jour jusqu'à présent.
Bien que certaines traditions veulent attribuer une origine récente à la métallurgie du fer, on dispose de plus en plus de preuves archéologiques de l'ancienneté de cette technique dans l'île. On a longtemps admis que le roi Andriamanelo en fut l'inventeur au XVIe siècle ; il serait aussi d'ailleurs le fondateur du royaume hova nom donné aux habitants du Centre. Grâce à son fer volant sagaie en fer, il aurait vaincu les populations vazimba qui ne possédaient que des sagaies en roseau à pointe d'argile. Des instruments en fer proviennent de la fouille de sites antérieurs au Xe siècle sur les côtes et antérieurs au XVe siècle sur les hautes terres. On a également mis au jour des ateliers de métallurgie. L'abondance d'amas de scories de fer témoigne d'une activité métallurgique intense, pratiquée probablement très tôt dans le sud de l'île. Cependant ces vestiges, aussi nombreux soient-ils, apportent peu de renseignements. Le fer était fabriqué suivant des procédés ingénieux, à partir de minerai à l'état pulvérulent appelé localement vovo-by, et de roches ferrugineuses ou magnétites vatovy, que l'on trouve fréquemment sur les hautes terres et dans le sud. La transformation se faisait dans un petit fourneau de terre, alimenté par du charbon de bois.
La métallurgie du fer, comme la riziculture inondée ou l'élevage du zébu, loin d'être une innovation tardive du XVIe ou du XVIIe siècle, est apparue dans l'île en même temps que les premiers habitants, ainsi que le démontrent les preuves archéologiques.

La poterie

La quasi-totalité des sites archéologiques malgaches recèle de la poterie. Certains sites du sud ne renferment que de rarissimes objets en terre cuite, sous forme de tessons. Les calebasses ou vatavo auraient, dans la plupart des cas, remplacé les récipients en céramique. La qualité de l'ancienne poterie malgache varie en fonction de ses usages. Les matières premières utilisées étaient minutieusement sélectionnées. Les potiers se procuraient soit les argiles claires des alluvions, soit les kaolinites résultant de l'altération directe du granit. Ces deux variétés permettent d'obtenir une poterie de meilleure qualité par rapport aux argiles altéritiques ordinaires. Le graphite était aussi largement employé dans les régions centrales où il existe en abondance. Mélangé à l'argile, il améliore la qualité de la pâte-céramique, et donne des poteries plus résistantes et moins poreuses.
Les poteries ont toutes été façonnées à la main. Et, cependant, les pièces de vaisselle sont généralement d'une finesse et d'une régularité remarquables. L'argile a dû subir un traitement préalable de lavage, pour éliminer les grosses inclusions minérales, les grains de quartz par exemple. Toutes les céramiques ont été cuites sans four. On en connaissait pourtant la technique, puisque les métallurgistes l'employaient. Mais la cuisson en plein air, à une température de 600 à 800 0C, devait sembler suffisante pour obtenir des ustensiles de bonne qualité.
Une vaisselle graphitée en forme de coupe, connue sous le nom de loviamanga et répandue sur l'ensemble des hautes terres, a fait l'objet d'une cuisson spéciale : à température modérée de l'ordre de 500 0C avec réduction d'air, surtout pendant le refroidissement, cela afin de préserver le graphite, carbone qui risque de disparaître en brûlant sous l'effet de l'oxygène. On plaçait le loviamanga dans un trou aménagé et adapté à sa taille, puis on entretenait le feu jusqu'à la température voulue, avant de boucher l'ouverture. Les loviamanga, ou assiettes graphitées à pied étaient conçus pour faciliter la prise des repas selon les coutumes : on mangeait en effet par terre, sur une natte. Cette vaisselle, parfois de grande taille, peut contenir une quantité de nourriture suffisante pour deux ou trois personnes, regroupées autour d'elle. Cela se pratique encore couramment dans les milieux ruraux ou traditionnels malgaches. Le graphite, grâce à ses propriétés antiadhérentes, facilite le nettoyage de la vaisselle.
Parmi les récipients à usage domestique, on trouve aussi différentes formes de cruches pour transporter l'eau les siny et les sajoa, de grandes jarres pour conserver l'eau à la maison, les sinibe, et des marmites vilanitany, tantôt à fond plat, tantôt à fond arrondi. D'autres objets en terre cuite étaient destinés à des rites religieux, c'est le cas des brûle-parfum en forme de coupe ou fanemboa. Ces poteries possèdent des qualités qui méritent d'être évoquées, d'autant plus qu'elles sont en voie de disparition, la technique actuelle étant en nette régression. Les cruches malgaches antérieures au XVIIIe siècle présentent une légèreté et une solidité étonnantes. Cela est dû à la minceur des parois, qui ne dépassent guère 3 à 4 millimètres d'épaisseur, d'une part, à l'homogénéité et à la bonne cuisson de la pâte argileuse, d'autre part. Les sinibe, quant à eux, sont volontairement dotés d'une paroi poreuse, permettant à l'eau de s'y infiltrer et de rafraîchir par évaporation le contenu du récipient, principe comparable à celui des gargoulettes. Les vilanitany, enfin, ont fait preuve d'une grande résistance, au cours de leurs usages répétés sur le feu : on y faisait habituellement griller certains aliments comme le riz.
Les céramiques malgaches portent des décors exclusivement géométriques. Les motifs d'impressions triangulaires, réalisés au moyen d'une tige de zozoro, une plante aquatique de la famille des Cypéracées, sont les plus répandus. Les incisions de lignes parallèles qui s'apparentent à des décors obtenus à l'aide d'un peigne se rencontrent assez fréquemment, tandis que les décors en relief sont plutôt rares.
Les fouilles de Fanongoavana ont mis au jour deux ateliers de potiers qui contenaient des restes de matières premières, argile et graphite, des foyers et des ratés de cuisson. Tout portait à croire que la vaisselle et les ustensiles en terre cuite que les habitants du site avaient utilisés puis abandonnés étaient fabriqués sur place. En tout cas, des céramiques étaient certainement produites localement. Or les analyses chimiques qu'on a effectuées sur une soixantaine d'échantillons de poteries récoltés à Fanongoavana ont révélé la variété de provenance des argiles employées. Certains groupes de céramiques, de par leur composition, présentent des caractères étrangers au site et à ses environs, d'où on aurait normalement extrait les matières premières. Cette variation des constituants chimiques suggère l'existence d'une structure d'échanges avec d'autres villages, voire d'autres régions. Ou bien ce seraient les populations venues s'installer sur ce site qui auraient amené ces objets de leur ancien lieu d'implantation. Ce qui permettrait de retracer des itinéraires de migration dans le peuplement des régions centrales de Madagascar.
Malgré des contacts suivis entre les habitants des mêmes régions, et probablement entre ceux de différentes régions, dont témoigne la circulation des techniques, cela est frappant dans la ressemblance des formes de poteries et des motifs de décoration, on constate, sur les hautes terres centrales, un développement, en vase clos, d'une civilisation fortement imprégnée des ressources locales et présentant des caractères originaux. Les habitants de nombreux villages fabriquaient eux-même les outils en fer et les ustensiles en poterie dont ils avaient besoin. Ils possédaient leurs propres ateliers et adaptaient leur savoir-faire aux matières premières existantes. Des études ethnoarchéologiques ont permis, par ailleurs, de dégager une continuité culturelle malgache qui s'étend sur plusieurs siècles, voire sur un millénaire. L'archéologue est bien souvent surpris par les survivances actuelles de pratiques et de techniques anciennes qu'il a rencontrées dans ses fouilles. L'extraction du granit par choc thermique, que l'on continue à utiliser de nos jours, existait déjà il y a six cents ans.

Les échanges avec l'extérieur L'influence arabo-musulmane

L'île de Madagascar n'est pas aussi isolée qu'on l'a pensé. Elle était régulièrement fréquentée, après l'installation des premiers navigateurs qui ont peuplé l'île, ne serait-ce que pour des raisons commerciales. L'influence étrangère s'est surtout fait sentir sur les côtes et, en particulier, dans le nord. L'arrière-pays, surtout le centre, est resté à l'écart de ces contacts.
Des groupes islamisés, tels que les Antalaotse et les Rasikajy, ont installé, à partir du XIVe siècle, des comptoirs de commerce. Ceux-ci ont favorisé l'importation de vaisselle en céramique islamique , pour reprendre les termes de Pierre Vérin, de récipients en sgraffiato et en faux céladon, imitation musulmane de céramique chinoise. La présence de ces objets suppose des relations avec les pays du golfe Persique. Ces peuples islamisés ont introduit dans l'île une architecture en pierre de style arabe, dont témoignent les mosquées et les habitations en ruines de Mahilaka et Antsoheribory. La fabrication des marmites tripodes taillées dans du chloritoschiste date de la même époque.

Les échanges avec l'Extrême-Orient

Les marchandises chinoises ont eu une plus large diffusion dans l'île. Elles sont présentes dans beaucoup de régions. Il s'agit de vaisselle de luxe : bols, assiettes et plats en céladon, de couleur vert pâle. Des échantillons proviennent du site d'Antsoheribory et de la nécropole de Vohémar. La fouille des tombes rasikajy de Vohémar a aussi fourni des soucoupes, des théières et des pots, ainsi que de la porcelaine chinoise bleu et blanc datant du XVe siècle. Le céladon a aussi atteint de nombreux sites de l'Androy, dans l'extrême sud.
Si la Chine parvenait à acheminer ses produits céramiques jusqu'à Madagascar, à l'autre bout de l'océan Indien, l'Asie méridionale, en l'occurrence le sous-continent indien, ne devait pas être à l'écart de ces transactions sur de longues distances. Parmi les objets de parure trouvés dans les tombes de Vohémar, des perles en cornaline rouge proviennent de l'Inde.

Les contacts avec le monde européen

De nombreux objets découverts dans les sites du nord de Madagascar ont été importés d'Europe. Citons, par exemple, une faïence portant des motifs à fleurs, découverte à Vohémar, et différentes céramiques de luxe. Une série de perles en cornaline, en quartz, en verre et en corail a été fabriquée aux Pays-Bas, vers le XVIIe siècle, comme le démontrent les investigations de Suzanne Raharijaona concernant les provenances des perles de Vohémar. Des bijoux en métaux précieux, bracelets en argent et bagues en or, ainsi que des sabres en fer seraient également venus d'Europe.
Si l'on considère les origines, parfois très lointaines Europe, Extrême-Orient, de certains objets archéologiques, l'isolement de Madagascar dans le passé est un concept qu'il convient de nuancer. La navigation à travers l'océan Indien est très ancienne, si l'on considère la fréquentation des côtes de l'Asie méridionale, du golfe Persique et de l'Afrique de l'Est par des populations du Sud-Est asiatique. Les routes maritimes, partant de l'Extrême-Orient vers le sud-ouest de l'océan Indien, devaient certainement aboutir dans la région de l'Afrique orientale et de Madagascar.

Histoire

Si le problème des origines n'est pas complètement éclairci, la connaissance de l'histoire moderne – celle du royaume malgache et de la colonisation française – s'est considérablement enrichie depuis les années 1960 par un renouvellement des sources et de la méthode historique : dépouillement d'archives publiques et privées ; étude critique de la tradition orale et des manuscrits, ainsi que du vocabulaire en usage dans l'administration coloniale, par exemple l'emploi du mot hova comme synonyme de merina ! ; éclairages nouveaux et souvent décisifs apportés à l'histoire événementielle, politique et militaire, par l'analyse des faits économiques et sociaux ; remise à plat de certains événements ou situations considérés auparavant comme bien établis.
Du coup, l'image un peu figée et trop, terre française de la Grande Île donnée par les manuels d'histoire classiques, c'est-à-dire jusqu'aux alentours des années 1960, fait place à un portrait plus complexe et plus tourmenté. Cette analyse est sans aucun doute plus proche de la vérité historique, qu'il s'agisse des rapports de rivalité-domination entre les Merina et les autres ethnies, ou des relations collaboration-conflit entre les Malgaches et le colonisateur français.
À cet égard, la rébellion de 1947 illustre et clôt à la fois une période historique pour Madagascar.

Le problème des origines

La question de l'origine du peuplement de Madagascar a donné lieu pendant longtemps à des débats passionnés parce qu'elle renvoyait directement à la question de la légitimité du pouvoir du premier occupant. Vu sous cet angle, le problème est aujourd'hui dépassé, mais l'intérêt scientifique de la question demeure. À la différence d'autres îles du sud-ouest de l'océan Indien les Mascareignes dont on connaît l'origine et la date du premier peuplement, Madagascar retient toujours son mystère : quand apparurent et qui furent les premiers habitants – ou premiers arrivants envahisseurs ? – que l'on appelle, faute de nom plus précis, les Proto-Malgaches ? La réponse n'est pas simple.
Il est vrai que la Grande Île, excentrée par rapport au reste du monde, lointaine et unique en son genre, a jusqu'à l'époque contemporaine suscité les affabulations, légendes et mythes : mythe littéraire d'une Lémurie paradisiaque ; mythe des Vazimba, un mot qui selon le discours renvoie tantôt au monde des esprits tantôt à ces Proto-Malgaches mal identifiés, alors que ce mot « mythique » pourrait bien n'être que le résultat d'une distorsion progressive de vocabulaire ; mythe encore, et toujours répandu aujourd'hui, que celui des Mikea qui seraient une race particulière de Pygmées, voire de nains vivant totalement repliés, et à la limite permanente de la survie, dans la forêt d'épineux, notamment dans le Sud-Ouest, en pays masikoro ; cette population avec laquelle il est en effet très difficile d'entrer en contact reste mal connue, quelques centaines de familles ?. Mais il s'agit pour l'essentiel de Malgaches dont les parents ont fui la civilisation à l'époque coloniale pour éviter l'impôt et d'autres contraintes et qui, faisant souche, ont fini par s'acculturer ? à leur façon au point d'ignorer complètement le monde extérieur alors qu'à vol d'oiseau ils sont à quelques encablures de la modernité. Mythe encore que celui de l'Eldorado, de la Normandie australe, répandu au début de la colonisation.
S'il n'est déjà pas facile d'appréhender toutes les données du peuplement contemporain – à commencer par le nombre exact de la population –, on conçoit la difficulté en ce qui concerne les origines. Toutefois, les apports récents de l'archéologie (à supposer que les datations au carbone 14 soient fiables eu égard à la durée de la période envisagée) ainsi que de l'anthropologie, de l'ethnographie et de la socio-linguistique (en particulier les travaux de Paul Ottino) permettent de mieux cerner aujourd'hui les origines du peuplement de Madagascar. Encore qu'il y ait place à l'imagination et, bien sûr, à d'autres découvertes.

Traits indonésiens, apports africains

La diversité anthropologique des Malgaches est évidente. Certains types évoquent l'Indonésie, d'autres l'Afrique ; les types mixtes sont les plus fréquents, conséquence de métissages multiples, anciens ou plus récents, entre originaires d'Asie et d'Afrique, eux-mêmes nuancés par d'autres apports asiatiques et européens. Une diversité qui éclate sur un fond incontestable d'unité et qui fait toute l'originalité de la personne et de la personnalité malgaches. Le poète Jacques Rabemananjara la résume ainsi, Présence de Madagascar, 1957 : Visiteurs malais, asiatiques, africains, européens y ont déposé ensemble ou tour à tour leurs marques et leurs types. De leur brassage séculaire s'est formé un peuple intermédiaire guère facile à déterminer et pourtant typiquement reconnaissable : le Malgache contemporain.Pour le président Tsiranana, les Malgaches étaient les seuls véritables Afro-Asiatiques. Plus sommairement, la distinction traditionnelle entre Merina et Côtiers renvoie aux origines lointaines : Indonésie, ou plutôt Austronésie selon la formule à la mode pour les premiers et Afrique pour les autres. Il faudra nuancer.
La langue, elle, est d'origine indonésienne, on disait naguère malayo-polynésienne. Cela confère à Madagascar un fond d'unité linguistique très réel malgré les variations dialectales et les apports de vocabulaire africain bantou et de termes arabes qui ont progressivement enrichi cette langue dont la transcription écrite ne sera effectuée qu'au XIXe siècle.
La technologie et les coutumes anciennes, malgré des apports africains, semblent apparentées surtout au monde austronésien : culture, vitale et célébrée, du riz qui a engendré une véritable civilisation du riz, et usage généralisé de l'angady, bêche à long manche, au lieu de la houe africaine ; maisons quadrangulaires à toit pointu et, à l'est, cases sur pilotis ; fourreau de fibres pour le vêtement ; sagaie, sans arc; système de parentés partiellement indifférenciées et hiérarchies sociales ; culte des ancêtres, tombeaux et, sur les plateaux, cérémonie du famahadina ou retournement des morts, etc. En revanche, la toge lamba paraît être d'origine africaine ainsi que – si l'on se réfère au vocabulaire – certains animaux domestiques et certaines pratiques d'élevage, en particulier celui du zébu omby, quasi-objet de culte dans le Sud et l'Est où le troupeau est signe de prestige plus que source de profit. D'un point de vue économique, ce système d'élevage contemplatif a souvent été critiqué. Les instruments de musique et les types de danse témoignent de ces apports divers et entremêlés. L'art de la divination, en particulier par des grains, sikidy, est d'origine arabe ainsi que les divisions du temps dans un calendrier fondé sur l'astrologie.
Quels que soient les progrès effectués dans la connaissance des origines, l'étude précise de nombreux traits ethnographiques reste à faire. Sur bien des points, on s'en tient à des approximations. Mais la thèse d'une origine africaine des Malgaches avancée au XIXe siècle par le grand malgachisant Gabriel Ferrand est depuis longtemps abandonnée. Son contemporain et rival Alfred Grandidier imaginait au contraire le peuplement par des Indonésiens mêlés de Mélanésiens, les apports africains ne lui paraissant que très secondaires et tardifs, et dus surtout à la traite des esclaves. Des hypothèses plus ou moins voisines ont été développées par d'autres auteurs non français, tels Birkeli et R. Kent, Early Kingdoms of Madagascar.

Les Proto-Malgaches : l'arrivée des navigateurs de haute mer

À moins d'imaginer l'existence et la survivance d'aborigènes africains au moment de la cassure qui sépara Madagascar du continent, la Grande Île, déserte et donc terra nullius, n'a pu être au départ peuplée que par des immigrants venus, c'est une évidence, de la mer. Mais des immigrants capables d'affronter avec succès les dangers de la haute mer. Les Africains n'étant pas considérés comme des marins de ce type et l'hypothèse de la venue de Mélanésiens étant aujourd'hui généralement écartée, ce sont des Indonésiens Austronésiens qui auraient donc été les premiers arrivants. On a avancé l'idée de navigateurs en pirogues à balancier venus par le sud de l'Asie et de la côte d'Afrique où un premier mélange se serait produit avant d'aborder Madagascar. On a également supposé une arrivée plus tardive d'Indonésiens disposant de plus grands bateaux et qui auraient d'abord lancé des expéditions de pillage, voire de colonisation, sur la côte africaine avant de toucher la Grande Île. La référence aux indications données par les chroniqueurs arabes du Moyen Âge n'est pas décisive, puisque les île Waq-Waq dont ils parlent peuvent désigner selon les spécialistes aussi bien Madagascar que le Mozambique... ou le Japon.
À quelle date alors fixer ces premiers débarquements ? On a supposé fort logiquement, en l'absence de toute trace d'hindouisme dans la culture traditionnelle malgache, qu'ils étaient antérieurs à l'hindouisation de l'Indonésie, c'est-à-dire au IIIe siècle après Jésus-Christ. Mais seules les îles de Bali, Java et Sumatra ont subi l'impact de l'hindouisme. Si donc les Proto-Malgaches sont originaires des îles non hindouisées de l'Indonésie ainsi qu'on l'a prétendu – îles Célèbes, Sulawesi, Bornéo Kalimantan, îles de la Sonde –, leur départ de l'Austronésie pourrait être beaucoup plus récent, soit aux alentours du Xe siècle de notre ère. On avance aujourd'hui que ces premières circumnavigations indonésiennes, liées déjà au commerce des épices, auraient pu commencer dès le VIIIe ou le IXe siècle, de toute façon plusieurs siècles avant les débuts de la colonisation européenne.
L'invasion primitive a été suivie d'autres arrivées et de nombreux voyages de navigateurs venus de l'Orient, comme l'attestent certains chroniqueurs arabes, notamment Edrissi XIIe s.. Il est vraisemblable que ces voyages ont amené les Merina, prononcer Merne qui, à partir de la côte est ou sud-est de l'île, gagneront progressivement les Hautes Terres où ils se fixeront.
D'autres groupes immigrés d'origine indonésienne ou africaine qui étaient, eux, islamisés ont aussi abordé la côte est. Ce sont les Rasikajy, les Zafy-Raminia et les Antemoro, prononcer Antémour. Les Rasikajy, établis dans le Nord-Est autour d'Iharana Vohémar, ont laissé des tombeaux et de curieuses marmites à trois pieds, taillées dans une pierre tendre. Plus au sud, les Zafy-Raminia ont donné naissance à deux tribus actuelles, les Antambahoaka autour de Mananjary et les Antanosy vers Fort-Dauphin. Arrivés un peu plus tard, les Antemoro s'installèrent sur la rivière Matitana. Tous ces groupes plus ou moins islamisés, dont les descendants donnent aujourd'hui une certaine spécificité culturelle et politique à la région sud-est de Madagascar, possédaient ou possèdent encore des manuscrits anciens, les Sorabe, écrits en langue malgache mais utilisant les caractères arabes et relatant des traditions, des légendes et des formules magiques. Pour le reste, ni par les coutumes ni par la langue, ces arabisés, d'ailleurs peu nombreux par rapport à l'ensemble des ethnies, ne se différencient notablement des autres Malgaches.
Proto-Malgaches anciens ou arrivés plus récemment ont d'abord habité la côte, vivant de pêche et de tubercules, ignames, taro. Certains, par suite de croissance démographique, de querelles familiales ou d'habitudes nomades, se déplacèrent vers l'intérieur. La culture sur brûlis, le tavy, semblable au ladang indonésien et le renouvellement par le feu des pâturages pour les bovidés amenèrent la disparition quasi complète de la forêt primaire des plateaux, plus sèche et moins vigoureuse que celle de la côte est. La rizière inondée, technique amenée de l'Indonésie ou de l'Inde du Sud, occupa peu à peu les fonds de vallée, puis les marais et les flancs des montagnes.
C'est ainsi du moins que l'on peut se représenter, faute de documents, le peuplement de l'île. Il fut longtemps très lacunaire : un archipel de petits groupes humains dispersés entre d'immenses régions vides. Des fouilles archéologiques récentes apportent une meilleure connaissance de la culture matérielle de ces Proto-Malgaches et de leur genre de vie, consommation de bovidés, usage du fer et petite métallurgie, poterie graphitée, etc..

Les étrangers : marchands, négriers et pirates

Venus de l'Afrique voisine puis de l'Europe, ces nouveaux arrivants apparaissent effectivement comme des étrangers (race, langue, coutumes, objectifs) par rapport aux immigrants de première souche, les Proto-Malgaches (ou Vazimba ?). Des brassages vont s'opérer, mais aussi des échanges et des affrontements.

De la côte est d'Afrique et des Comores viennent, peut-être dès le XIIe siècle, les Antalaotra (« gens de la mer »), commerçants islamisés parlant un dialecte swahili, bantou mélangé d'arabe. Ils créent sur la côte nord-ouest des établissements dont il reste quelques ruines imposantes de style arabe. Grâce aux boutres – navires massifs à mât incliné et voile latine –, ils naviguent entre la Grande Île, les Comores et le Mozambique, effectuant longtemps l'essentiel des échanges, y compris, à l'occasion, la traite entre les Malgaches devenus sédentaires et le monde extérieur.

Dès le XVIe siècle, les tentatives de colonisation européenne, infructueuses jusqu'au XIXe siècle, ouvrent une nouvelle page dans l'histoire malgache. Ces tentatives de conquête et d'implantation se limitent à la côte, l'intérieur de la Grande Île demeurant largement inconnu des Européens jusqu'au début du XIXe siècle.
Les Portugais, qui baptiseront île Saint-Laurent l'île découverte par eux en premier au début du XVIe siècle, ne laisseront guère de trace. Ils s'efforcent vainement de ravir le monopole commercial des Antalaotra tandis que leurs missionnaires échouent dans leur entreprise d'évangélisation sur les côtes ouest et sud-est. Ils renoncent à toute installation durable dès le début du XVIIe siècle. On leur doit toutefois une description assez précise des comptoirs établis par eux dans la partie nord-ouest de Madagascar. Les Hollandais, vers la fin du XVIe siècle, envisagent de créer dans la vaste baie d'Antongil, sur la côte est, une escale sur la route de l'île Maurice et de l'Indonésie. Ils y renoncent finalement, chassés probablement par l'insalubrité du site. Mais leur passage laisse au moins une trace culturelle intéressante, la rédaction par Frederik de Houtman du premier dictionnaire malgache-malais. Les Anglais tentent eux aussi, au XVIIe siècle, d'installer des colonies sur la côte sud-ouest, la plus sèche et la plus salubre ; mais ils échouent ou sont massacrés.
Ce sont en définitive les établissements français qui se révèlent les plus durables au XVIIe siècle après une tentative avortée d'installation dans la baie de Saint-Augustin, côte sud-ouest en 1602. Durant trente ans 1642-1672, l'occupation effective de Sainte-Luce et de Fort-Dauphin dans l'extrême sud malgache autorisera le roi Louis XIV à proclamer la souveraineté française sur l'île entière appelée à cette date île Dauphine. Souveraineté toute théorique, certes, mais dont la revendication doit être replacée dans le contexte de la compétition coloniale franco-britannique dans l'océan Indien.
Le comptoir commercial français de Fort-Dauphin a été fondé en 1643 par Jacques Pronis, commis de la Compagnie des Indes orientales, sur ordre de Richelieu, en tant que point de ravitaillement et de rafraîchissement sur la route des Indes.
Parmi les successeurs de Pronis, Étienne de Flacourt restera le plus prestigieux des gouverneurs de l'établissement français de Fort-Dauphin. On lui doit le premier essai de description globale du pays Histoire de la Grande Isle de Madagascar. Des crises intestines surgissent, d'autant qu'en 1664 la Compagnie des Indes décide de porter son effort commercial sur l'Inde et de créer un point de peuplement à l'île Bourbon, la Réunion, négligeant du coup le comptoir. L'entente avec la population Antanosy connaît des vicissitudes ainsi qu'en témoigne le massacre de colons français le jour de Noël 1672. Bien accueillis au départ par les Antanosy, les colons français s'en étaient fait progressivement des adversaires en raison de leur comportement esclavagiste. Les derniers colons français quittent Fort-Dauphin en 1674 pour la Réunion, non sans emmener dans leurs bagages quelques esclaves malgaches.
Abandonnée pratiquement par le colonisateur, l'île devient au XVIIIe siècle un repaire de flibustiers et de pirates anglais et français qui s'affrontent sur la route des Indes. Les baies de Diégo-Suarez et d'Antongil ainsi que l'île Sainte-Marie – qui est cédée à la France en 1754 à la suite des amours célèbres de la reine Bety et du caporal gascon La Bigorne – sont les principaux centres de trafic.
L'éphémère république internationale de Libertalia installée par le Français Misson et l'Anglais Thomas Tew, dans la baie de Diégo-Suarez, fut sans doute une belle utopie de ces pirates. Elle prit fin en 1730.
Cependant, les îles Mascareignes, Bourbon et Maurice, devenues à cette époque des colonies françaises, se peuplant progressivement en s'enrichissant par la culture du café puis par celle de la canne à sucre, vont chercher sur la côte est malgache du riz, des bœufs et des esclaves. Une activité commerciale tous azimuts et au plus offrant se développe par tous les moyens ; les comptoirs de Tamatave et de Foulpointe prennent une importance accrue. La France tente même de se rétablir sur cette côte est, une première fois, 1768-1771 à Fort-Dauphin avec le comte de Modave, une seconde fois, 1774-1786 dans la baie d'Antongil avec le comte de Benyowski, un aventurier extravagant – magyar d'origine, philosophe, négrier à l'occasion comme Modave, qui se proclamera même empereur de Madagascar – et qui laissera son nom à une rue de Tananarive jusqu'en 1973. Ces tentatives échouent rapidement. En cette fin de XVIIIe siècle, où va s'amorcer véritablement le royaume de Madagascar, les Européens présents dans l'île, quelque 4 000 Français seraient venus à Madagascar au XVIIe siècle selon H. Deschamps sont principalement des commerçants que l'on appelle plutôt à l'époque des traitants. Le Français Nicolas Mayeur est l'un des tout premiers à avoir circulé sur le plateau central et à l'intérieur de l'île. L'Europe commence véritablement à découvrir Madagascar.

Au temps des multiples royaumes

L'histoire des différents groupes ethniques malgaches installés dans l'île reste mal connue dans ses détails. On estime que ces groupes, sédentarisés, ont, à la suite de nombreuses migrations intérieures, occupé définitivement leur territoire géographique actuel dès la fin du XVe siècle. À cette date, la carte géopolitique de Madagascar serait pour l'essentiel établie. Ces groupes ethniques, improprement mais couramment appelés tribus, forment des sociétés politiques qui sont tantôt une juxtaposition de clans souvent rivaux, tantôt des royaumes parfois unis mais souvent divisés. Cette diversité contribue, par les luttes et résistances, à forger ce fond d'unité qui apparaîtra à la fin du XVIIIe siècle.

Des rois guerriers

L' organisation monarchique n'a pas été répandue de façon uniforme, et il est certain que le morcellement géographique et les variations du relief vastes plaines et semi-déserts, falaises et vallées, collines ont eu leur influence sur la formation des systèmes politiques de ces communautés. Certains peuples, comme les Tsimihety, n'ont pas connu d'organisation monarchique. Chez d'autres, en particulier dans le sud de l'île, on observe plutôt une mosaïque de chefferies et de petites principautés, les mpanjaka souverains
Les royaumes Antanosy du Sud-Est ont sans doute donné naissance aux dynasties des peuples Bara, Antandroy, Mahafaly et Sakalava. Si la royauté a disparu chez les Antandroy, chez les Sakalava, au contraire, le petit royaume né au début du XVIIe siècle près de la basse vallée du fleuve Mangoky s'est étendu, sous le roi Andriandahifotsy, aux plaines de l'ouest Menabe, puis au nord-ouest (Boina). À leur apogée XVIIIe s., les deux royaumes sakalava du Menabe et du Boina contrôlent un tiers de la Grande Île. Le port de Majunga Mahajanga, fondé en 1745 et peuplé de commerçants antalaotra, assurait les relations avec l'extérieur. Les Sakalava razziaient les populations du plateau. Un de leurs chefs fonda, sur la côte sud-est, le royaume Antaisaka inséré entre des royaumes d'origine islamique.
De l'un de ceux-ci, le royaume Antemoro, étaient partis des nobles, les Zafy-Rambo, qui avaient fondé des royaumes dans la forêt du pays des Tanala, puis, franchissant la falaise orientale, avaient instauré les premières principautés en pays Betsileo. Il en résultera au XVIe siècle quatre petits royaumes, mais qui seront minés par les guerres intestines.
Sur la côte orientale, les Zana-Malata, mulâtres, descendants des pirates, fondèrent au début du XVIIIe siècle, sous l'impulsion de l'un d'entre eux, Ratsimilaho, la confédération des Betsimisaraka les nombreux inséparables. Le royaume par la suite se fractionna. Des raids de pillage associant Betsimisaraka et Sakalava partaient régulièrement, sur de simples pirogues, vers les îles Comores et la côte orientale d'Afrique. D'autres groupes, quittant la plaine, pénétrèrent sur la partie nord du plateau pour donner naissance au peuple libre des Tsimihety, ceux qui ne se coupent pas les cheveux.
Au centre des Hautes Terres, autour de la vallée marécageuse de la rivière Ikopa, les Merina ont établi leurs villages fortifiés après avoir chassé ou soumis les Vazimba. Cette ethnie, issue probablement des plus récentes vagues d'immigration austronésienne, s'était donné dès le XVIe siècle, avec Ralambo, 1575-1610, un début d'organisation politique structurée. L'organisation se renforce avec les successeurs de Ralambo ; l'un deux, Andrianjaka, fondera Analamanga qui deviendra, ultérieurement, la capitale Tananarive, Antananarivo, la ville des mille .
Au XVIIe siècle, le pays – qui a pris le nom d'Imerina, pays qu'on voit de loin sous le jour et ses habitants celui de Merina – se développe sur tous les plans, économique, démographique et politique. La maîtrise de l'hydraulique agricole, drainage et la discipline collective permettent de transformer en rizières irriguées la plaine autrefois marécageuse de la Betsimitatatra, environs de Tananarive. Avec deux récoltes de riz par an, les paysans peuvent dégager un surplus qui induit le développement artisanal, puis urbain. C'est une véritable révolution économique qui est en cours dans cette société de type féodal.
Mais au XVIIIe siècle le pays, en pleine croissance, est sérieusement affaibli par les divisions entre clans issus de l'ancêtre Ralambo et par les partages successoraux. Il est alors divisé en quatre royaumes combattants que des voisins belliqueux cherchent à razzier. Repliés chacun sur leurs collines les seigneurs rivaux s'affrontent avec les moyens de l'époque et sur un espace territorial somme toute réduit. C'est là pourtant que se joue le destin politique de Madagascar.
À la fin du siècle, le roi Andrianampoinimerina,le seigneur au cœur de l'Imerina rétablit l'unité politique merina : après de longues guerres, il réussit, lui qui avait usurpé l'un des royaumes, à s'emparer des trois autres. Il transfère sa capitale d'Ambohimanga, restée colline sacrée, à Antananarivo située sur une colline distante de trente kilomètres. Le règne d'Andrianampoinimerina 1787-1810 ouvre l'ère moderne de Madagascar. Par son autorité, son intelligence et un incontestable génie d'organisation, ce nouveau souverain malgache, qui a seul droit au hasina, caractère sacré reconnu par l'offrande symbolique d'une piastre dans les grandes circonstances, crée une cohésion sans faille en utilisant habilement les institutions traditionnelles, le discours ou kabary, l'assemblée de village ou fokonolona pour asseoir et renforcer son pouvoir. Il poursuit une politique de développement économique, stimulant les vertus du travail et des corvées collectives, encourageant les grands travaux agricoles et les marchés tsena. Il fait habilement accepter sa suzeraineté en tissant un réseau d'alliances matrimoniales avec les princesses d'autres royaumes ; stratégie qui lui permet d'étendre ses possessions vers les voisins de l'est et les royaumes du Betsileo, et d'entretenir de bonnes relations avec les royaumes côtiers. La formule célèbre et peut-être apocryphe qu'on lui prête –la mer est la limite de ma rizière – suggère tout un programme de conquête en vue de l'unification politique de l'île.
Si Andrianampoinimerina n'est pas à l'origine d'un véritable sentiment national malgache comme on l'a écrit parfois abusivement, son règne n'en constitue pas moins une période charnière dans l'histoire de Madagascar. Très méfiant à l'égard des étrangers au point d'interdire l'accès de sa capitale aux marchands, il toléra le commerce européen pour se procurer des armes à feu en échange d'esclaves. Un type de commerce, poudre, fusils et alcool de traite qui, tout au long de cette période des multiples royaumes, a souvent été un élément déterminant dans la conquête du pouvoir. Mais, surtout, le règne d'Andrianampoinimerina apparaît comme la première tentative sérieuse, et en partie réussie, d'institutionnalisation du pouvoir à l'échelle d'une société politique complexe, mais qui prend l'allure d'une nation.

Une civilisation originale

À la fin du XVIIIe siècle, la civilisation malgache connaît son plein épanouissement. Les ressources alimentaires sont, avant tout, le riz, mais aussi le manioc et la patate apportés vraisemblablement par les Portugais, ainsi que la banane, le taro et les pois de terre. Le bœuf (zébu) est élevé comme capital et comme animal de sacrifice. La pêche dans les rivières et les rizières le poisson tilapia tout comme l'élevage de la volaille constituent un complément d'appoint apprécié.
La maison rectangulaire à toit pointu est en bois, plus rarement en argile. On dira, plus tard, qu'à Madagascar le bois est réservé à la maison des vivants et la pierre au tombeau des ancêtres. S'agissant de vêtement, il se compose sur les plateaux d'un pagne et d'une toge (lamba) qui, lorsqu'ils sont lourds et colorés de rouge lambamena, sont réservés aux chefs et aux défunts. Sur la côte chaude et humide, un fourreau de nattes suffit. Le fer est extrait du sol et travaillé ; les ustensiles sont faits de poteries, tant sur les plateaux que sur la côte, ou de cucurbitacées sur la côte.
Le culte des ancêtres donne lieu à des sacrifices d'animaux, bœufs, coqs, à des offrandes, alcools et cérémonie du tromba, qui varient d'une ethnie à l'autre mais appartiennent à un fond culturel commun : la conviction que les ancêtres, quelles que soient les pratiques funéraires des diverses communautés, surveillent, protègent et punissent en cas de désobéissance aux coutumes.
On invoque le Créateur Zanahary, mais ce sont les ancêtres qui jouent un rôle dans la vie quotidienne. Le devin indique les sorts par la géomancie. Un grand nombre d'interdits fady rythment la vie du Malgache qui sait que toute transgression retombera sur lui concepts du tsiny et du tody. Ainsi se construit, sur un fond d'unité très réelle en dépit des variations régionales, une société typiquement malgache, stable et très hiérarchisée, où chacun se sent à sa place par croyance éprouvée et aussi par un certain sens de la fatalité. Cette culture ancestrale malgache restera très vivante malgré les bouleversements ultérieurs de la période coloniale et postcoloniale. Comme l'écrit l'un des meilleurs analystes malgaches contemporains de cette société, le jésuite Rémy Ralibera : Le courant profond de cette culture malgache ancestrale continue à nous mener plus inconsciemment que consciemment.
La littérature orale est d'une grande richesse : contes et histoires d'animaux, proverbes innombrables à portée didactique, poésie amoureuse subtile, dont les hain-teny seront une forme moderne très élaborée, art du discours, kabary, de l'allusion, de la métaphore... et de l'humour. À l'exception de l'épopée, la littérature orale malgache s'exprime brillamment dans tous les genres. Sans oublier la musique et les danses traditionnelles qui jouent un rôle important dans les cérémonies. Sur les hauts plateaux, les troupes quasi professionnelles de chanteurs-conteurs-acteurs-danseurs, appelés mpilalao, font partie du meilleur folklore malgache.
Cette civilisation malgache, qui a intégré les apports asiatiques et africains, apparaît alors dans toute son originalité. Elle saura assimiler à sa façon les apports européens. La malgachitude ou malgachéité ? contemporaine est le résultat de tous ces brassages ethniques et culturels qui font la richesse, et à l'occasion les contradictions internes, de la personnalité malgache.
Les clans, héritiers d'un même ancêtre
La cellule originelle de la société politique malgache est le foko, communauté clanique. Souvent représenté comme une petite démocratie où les problèmes sont débattus dans l'assemblée comprenant tous les hommes du clan jusqu'à obtention du consensus, le foko est en fait une structure hiérarchisée. Un conseil des anciens chefs de famille commande au village. Le foko est, à cette époque, d'abord et avant tout une communauté humaine unie par un même ancêtre. Les liens de famille s'établissent en ligne paternelle ou maternelle. Sur ce point, il semble bien qu'il y ait eu beaucoup de diversité, le matriarcat ayant probablement dominé dans certains clans. Le système contemporain du fokonolona, autrefois spécifique à l'Imerina mais aujourd'hui généralisé et construit à partir d'une base territoriale le Fokontany, est l'héritier u foko originel.
À partir de la fin du XVe siècle, les foko qui ont réussi à s'imposer par leur supériorité militaire ou par leur prestige religieux contrôlent des communautés plus larges qu'on appellera, plus tard, tribus. Et quelques-uns de ces groupes forment, dans certaines régions de l'île, des royaumes. Tout royaume malgache de l'époque est donc un groupement de clans hiérarchisés. Le roi, souvent choisi par les chefs de clans roturiers, est pris dans le clan royal, parmi les fils ou les frères du roi défunt. Les cérémonies d'intronisation lui confèrent le hasina, un droit sacré ; il est dieu visible et son pouvoir, théoriquement absolu, est limité par les coutumes des ancêtres ainsi que par les avis des chefs de clans. On parle de lui en utilisant, parfois, un vocabulaire spécial. Le roi habite une grande case de bois lapa dans une citadelle rova ; il dispose de gardes et d'esclaves, lève et perçoit des impôts, peut exiger la corvée et s'adresse à son peuple par des discours kabary qui annoncent ses intentions et confortent sa légitimité. Ses parents peuvent recevoir des fiefs. Le roi dispose aussi de messagers, sorte d'ambassadeurs dotés de grands pouvoirs. Dans cette société typiquement féodale composée – sous un vocabulaire particulier – de rois, de seigneurs et de vassaux, la guerre est fréquente, occasion à la fois de sport et de pillage.
Les villages sont fortifiés et, en Imerina, toujours installés en haut des collines à des fins stratégiques évidentes. La sagaie, le javelot, le bouclier constituent les armes habituelles ; à partir du XVIIIe siècle s'y ajoutent les fusils d'importation. Ce qui va modifier les rapports de force dans le jeu des affrontements traditionnels.
Dans les royaumes, les clans sont hiérarchisés. Ainsi à l'époque de Andrianampoinimerina la stratification sociale chez les Merina est bien établie : les nobles andriana, les roturiers libres, hova et les esclaves, andevo ou mainty, noirs, esclaves domestiques de naissance ou esclaves de guerre. Cette hiérarchisation comporte des catégories, voire des sous-catégories internes, bien perçues par les intéressés, qui s'accompagnent notamment d'interdits matrimoniaux. Sous des noms différents, cette hiérarchisation, abusivement qualifiée de système de castes alors qu'elle n'a pas de véritable point commun avec le système des castes de l'Inde se retrouve avec des nuances ou des variantes dans la plupart des autres ethnies malgaches. Cela étant, la hiérarchisation sociale, très forte, n'entraînait pas nécessairement une différence très grande de condition matérielle. Il reste que l'exercice du pouvoir, fanjakana était, de par la coutume, l'apanage de la classe ? noble, andriana en Imerina. Pour certains analystes contemporains, la notion de andrianité caractériserait un phénomène sociétal et politique,au moins en Imerina naturellement élitiste qui serait l'aboutissement d'une tradition pluri-millénaire : un pouvoir qui serait resté d'essence essentiellement religieuse et d'un droit à l'exercice [du pouvoir] qui tient de la qualité personnelle de l'individu plus que d'un prétendu droit du sang, J. P. Domenichini, 1987. Une analyse qui, à défaut d'être parfaitement démontrée, a le mérite de remettre à l'ordre du jour l'histoire des stratifications sociales et politiques à Madagascar, en dehors de tout présupposé idéologique.

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... hp?topic_id=2608&forum=24

Posté le : 09/08/2014 18:31
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut   Précédent   Suivant




[Recherche avancée]


Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
44 Personne(s) en ligne (13 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 44

Plus ...