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Annonce : Etoile saignante.
Publié par Vadnirosta le 10-03-2023 18:37:24 ( 119 lectures ) Articles du même auteur



Etoile saignante.

Conversation II




Au Dr E.



Elle

Oh mon Dieu ! Qu’avez-vous donc fait de vous ?


Lui

Je me suis sculpté : j’ai fait du modelage avec la terre de mon corps… Quelle belle œuvre d’art je suis devenu, ne trouvez-vous pas ?

Elle

Vous me faites peur ! Vous ne ressemblez à rien !


Lui

Vous savez, la terre me permet de parachever aux instruments de torture lente l’œuvre ratée de la nature. De toute façon, je ne ressemblais déjà à rien avant mon intervention, alors j’ai préféré enfoncer les clous là où ça fait mal… Il s’agissait par là d’ouvrir au maximum les plaies, de labourer encore et encore jusqu’à l’os, de faire monter l’iris encore plus haut que l’extrémité supérieure du globe oculaire ; il s’agissait de malaxer la terre énergiquement, de la surprendre dans sa respiration avec l’espoir d’y aggraver les maux divers ; il s’agissait de tenir la main à l’engeance de la vie et de l’accompagner en levant bien haut le chapeau en signe de respect et de gratitude.


Elle

Je ne comprends pas ; trouvez-vous la vie belle, oui ou non ?


Lui

La vie est cruelle pour qui demeure au même niveau de la mer, mais, lorsque les monts se creusent, se hérissent et se lézardent, alors tout devient délicieux…



Elle

Trouvez-vous vraiment beau ce cloaque tout rond que vous êtes devenu ????


Lui

Vraiment Madame, vous me décevez ! Rien ne devrait être plus beau à vos yeux que mille poumons dépassant chaotiquement de la surface de cette naine blanche, vespérale et imparfaite. Rien ne devrait plus vous enchanter que ce liant odoriférant de matières fécales, vous qui êtes médecin. Rien ne devrait vous plaire autant que ces pans confus d’intestins, solidifiés à souhait par le Maître Artisan- plombier que je suis. De plus, si le goudron vous gêne, vous pourrez vous servir de cette boule résiduelle que je suis devenu pour des expériences scientifiques….


Elle

Quelle horreur ! Arrêtez s’il- vous- plaît de vous dévaloriser ainsi et regardez plutôt les enfants dans le jardin : cela vous empêchera de lorgner toujours votre nombril …..


Lui

Vous savez, Madame, plus rien ne m’émeut… Je n’aime que moi, surtout lorsque j’y mets mon grain de sel. Car c’est bien en étoile striée que je suis venu à vous. J’aime la saison morte des labours et les révolutions pour le sang versé, les arquebuses et le radicalisme. Par ailleurs, sachez qu’à trop s’habituer à la Torture, on finit par se délecter à l’idée de prendre le relais de la course aux stigmates…..


Elle

Mon Dieu ! C’est horrible ! Vous êtes dur comme du bois mort, monsieur !


Lui

Oui, vous avez raison. Sachez d’ailleurs que je déteste tout ce qui me ressemble de près ou de loin…..


Elle

Que voulez-vous dire par là, monsieur ?





Lui

Que vous êtes rude vous aussi, Madame. Comme moi. Comme la vie… Je vous laisse déduire la suite…


Elle

Je… Euh… Vous… Je suis confuse, monsieur… Je… Je ne sais que dire… Je… Je croyais bien faire…….


Lui

Je vous pardonne, Madame car les dieux crèchent dorénavant tout près de moi, dans les cieux ultramarins aux flux et reflux cruels et incessants. Il est vrai que j’attendais de votre part un lieu tout neuf où déposer les armes, les boulets, une terre promise tiède où coulerait un fleuve de Jouvence, un Eldorado peuplé d’animaux sauvages divers, un pays orné de toutes parts de nymphéas, de fougères, de roseaux, de miel, de praline, d’or, d’argent et de jade. Hélas, -et vous ne pouvez le démentir-, se dresse ici tout royaume en béton armé, un monde froid bâti de ferrailles pour qui veut s’user, un microcosme d’acier. Il est normal qu’avec tout cela je sente la nuit des mâchoires se fermer goulûment sur mon corps maigre, ensanglanté, transpercé…


Elle

Pardon monsieur ! Pardon ! Je suis très sensible à votre désespoir et vous êtes très touchant ! Aussi, je ne vois qu’une solution à votre problème : demain, j’appellerai la Vierge afin qu’elle veille constamment sur vous et rallume votre naine blanche striée. Aussi, je vous réserve un lit de cristal, un berceau d’argent pour que vous puissiez dormir en paix. J’espère que les dames blanches trouveront un baume à vos plaies béantes…


Lui

Je suis heureux car j’ai réussi à vous émouvoir et ce, en dépit de toute cette matière abjecte qui m’habite… Oui je suis heureux, chère Madame ! Sachez bien que je vous parle ici comme je parlerais à toutes les femmes, toutes celles qui se sont vues raidir à l’instant même où je passais par là comme un froid…….


Elle

Oh mon Dieu ! Que c’est beau et si bien dit ! Vous êtes un poëte (malheureux !), mon pauvre Yohann ! Vous faites des prouesses avec votre sensibilité débordante ! Au fait, vous avez peur des femmes, n’est- ce- pas ?




Lui

Bien sûr que oui ! J’ai peur aussi des anomalies qui, chez moi, sont perçues comme étant encore plus anormales que de (simples !) cancers… A vrai dire, j’ai peur de tout. J’ai les boules car je sais qu’il y a là effets d’optique : même si ma naine blanche semble diminuer de volume, elle grossit insidieusement en vérité dans la gorge des horloges, cette gorge que soutient inexorablement la nuit… Oui, j’ai peur de ce qui se prépare en mon étoile éteinte….


Elle

N’ayez crainte, Yohann, car le poëte ne meurt jamais : il s’envole un jour de beau temps. De plus, on rit à son enterrement… Oui, ses funérailles demeurent une festivité avant tout.





Brignais, 25/10/2010.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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