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Annonce : Conversation
Publié par Vadnirosta le 10-03-2023 18:36:29 ( 97 lectures ) Articles du même auteur



Conversation



Au Dr E.




Un jeune homme et une femme sont physiquement là, dans une salle que l'on dira ensoleillée par l'été. Tous deux sont assis, elle derrière son bureau, lui devant, ne parvenant à maintenir un regard prolongé vers celle-ci.


Elle

Où êtes-vous?


Lui

Où êtes-vous, mon diable?


Elle

Ah! Je vous ai entendu mais je ne perçois que très difficilement votre voix tant elle me paraît lointaine...


Lui

Je suis dans mes poumons Madame. Le goudron m'a englué tant et tant que j'ai les oreilles noircies. De plus, il est difficile de vous entendre: les sons doivent remonter par la trachée puis par la gorge puis par la bouche, que le mutisme a cousu, en violation des droits de l'humanoïde.


Elle

Cessez de vous afficher en dessins sur cette chaise ! Elle est réservée à des patients, non à des détritus… Un peu de décence, de dignité, monsieur. Cessez vos obscénités! Remontez!


Lui

Mais comment faire?




Elle

Je sais que votre vie, c'est la peinture; je sais que tout ce que vous faites en art est thérapeutique avant tout pour vous. Que peignez-vous monsieur en ce moment?
Lui

Je peins...euh...enfin…je dessine des poumons


Elle

Soyons logiques, monsieur, votre vie c'est donc bien les poumons, n'est-ce pas?


Lui

Je dirais plutôt que l'on ne peut vivre sans poumons Madame....



(C'est alors que le jeune homme s'extirpe du goudron, remonte sa trachée, sa gorge irritée puis il remonte de sa rhinite....Désormais la voix du patient revenu semble angélique, venir de nulle part, loin de la rocaille et des étangs glaireux... Elle ne le remarque pas...)


Elle

Que peignez-vous d'autre?
Peignez- vous des rivières, des fleurs?


Lui

Mon corps en est privé: il ne connaît que le tumulte de la houle et aussi les épines des roses fanées...
Je peins aussi peut-être des strabismes...Je peins des puanteurs cruelles, des vents mauvais, des senteurs odoriférantes de gardénal, des fruits amers... et puis il y a les femmes (écrites ici en tout petit, sans doute pour masquer un manque, un abandon, une méconnaissance, une impressionnabilité devant cette Étrangère (Eh oui, Madame, il m'arrive encore, comme dirait le poëte....


Elle

Les femmes?




Lui

Euh oui.....


Elle

Comment les peignez-vous?


Lui

Avec deux yeux, toujours symétriques, une paire d'ailes, un nimbe, une chevelure abondante, délicatement bouclée, une petite nuisette sensuelle. De plus, je les campe toujours élégamment sur une colonne d'ordre corinthien...


Elle

Vous êtes poëte aussi monsieur je crois....


Lui

Euh oui....enfin....j'essaie....


Elle

J'ai lu vos écrits et je vous ai écouté causer monsieur; vous êtes cru, dites-moi?


Lui

Non, chère Madame. Cessez donc de nager toujours la tête hors de l'eau. Plongez en profondeur en mon pôle nord et regardez ce qui est caché, la facette émergée de l'iceberg, car il est bien évident que je suis insaisissable comme un cheval. Vous souvenez-vous de mon Virage mélancolique (Merci pour le titre!) à la petite C. ?: cette musicalité, ces mots doux sont-ils crus à vos yeux, à vos oreilles?


Elle

Non bien sûr, monsieur, mais sachez que votre violence occasionnelle écrase tout de son poids et bâillonne votre frêle douceur et vos petits nuages blancs épars... Vous qui êtes poëte, que faites-vous du temps? Je suis sûr qu'il vous abîme et vous enlaidit. Regardez donc! Vous frôlez le cynisme et vous êtes indélicat par dessus tout!



Lui

Oui, je change. Certes le temps m'en veut et creuse mon visage d'ange, me donne la face d'un damné, d'un martyr sous les roses, mais je n'y suis pour rien: il a choisi une innocente victime... Avec le temps, tout nous vient tout nous tient... Sachez que vous vous trompez, Madame (ou bien serait-ce moi-même qui me trompe! Je ne sais plus...) Même si je me (vous?) parais devenir dur comme du bois mort, je suis en fait devenu plus nu que nu puisque désormais, au gré des martèlements coutumiers d'une souffrance grandissante sur ma pauvre âme, un rien peut me tourmenter durant toute une nuit, durant toute une éternité noire aux mille tortures, aux toiles saturées de matière et aux flashs nocturnes sanglants.



Lui

Je comprends mieux monsieur: vous souffrez, c'est certain. Maintenant louangez la vie et n'interpellez pas les corbeaux noirs... Vous pouvez commander les temps: vous pouvez être horloger de votre vie en cultivant votre enfance. Vous pouvez dessiner encore vos blés pas encore fauchés sous un azur impeccable avec des nuages blancs chatouillés, bercés par un bon vent... Alors vous verrez! De meilleurs temps chasseront les corbeaux noirs!


(A cet instant précis, le jeune homme fut pris d'un orgasme inconnu jusqu'alors.... Les moutons d'infini bêlèrent et burent dans son sang (bleu); les enfants se cachèrent dans son arbre (respiratoire) et puis les femmes du monde entier se disputèrent la moindre pose pour ses toiles tant le jeune homme n'offrit ses sillons au visage que pour une terre promise à ensemencer...)




30/07/2010, Décines, HDJ





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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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