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Annonce : Paradis perdu.
Publié par Vadnirosta le 10-03-2023 20:31:32 ( 91 lectures ) Articles du même auteur



Paradis perdu.




A Noélie...







Il y a peu, je suis retourné sur les lieux de mon Enfance véritable, sur les lieux de ma Mort...
J'ai remonté la Pente de toutes les béatitudes de mille affres teintées...
C'était il y a près de dix ans, vous rendez-vous compte?
En revenant sur mes terres promises, se réveillent soudainement tous mes sens...
C'est presque comme si je fondais là sur l'asphalte en plein mois de juillet, comme si toute ma vie de trois années jaillissait par pleurs torrentiels par mes oreilles, ma bouche, mon nez, mes yeux...
Rien n'a changé: le cimetière est toujours là et les Granier sont toujours bien au chaud sous terre dans la tombe où j'ai fait poser mon ami de toujours (?) avec cette demoiselle héroïnomane aux couleurs d'une nuit véritablement sans étoile...
Les tags sur les murs de la Montée-Des-Petits-Anges-Fous de nos folles nuits laissent une empreinte indélébile à nos amours vénéneuses. En fait, ce n'était rien d'autre qu'un besoin vital de cracher à l'Indifférence générale un trop-plein de tourments et un moyen de nier notre transparence aux yeux des vilains...
Et là à gauche, voici le magasin Pic et Pain... Je songe à mon ami René et je le revois après une nuit bien prolongée aller se rendre pratiquement en pantoufle à la petite boulangerie à tenez-vous bien...15 heures: c'était son heure de repas!!!
Ah, ne m'en veux pas, mon petit René! Tu es le frère que je n'ai jamais eu. On a fait les quatre cent coups ensemble, écumé tous les bars de Grenoble et des environs... Mais tu vois, j'ai le foie solide... Te souviens-tu quand je voulais déraciner les arbustes de la Rotonde, désespéré par une jeune femme avec qui je faisais Feu? Toi tu étais là et une fois calmé, je pouvais me blottir contre ta poitrine et pleurer la fuite des étoiles... Oui vraiment je t'aime...
J'avance peu à peu et là tout me revient en cascade: la Pension, bistrot pourri de la Tronche où je prenais le café tous les jours avec mon amie Lauren après le déjeuner, les tables en bois, les plats du jour à 12 francs, les nappes en papier crépon, Jean-Claude et ses deux chiots blancs peints niaisement et grossièrement sur la vitre, etc...
Maintenant, le lierre a pris possession des lieux comme pour mieux enterrer le passé...
Je n'en peux plus; j'arrive à présent larmoyant à mon berceau, à ma tombe: « CLINIQUE DU GRESIVAUDAN -pôle PSYCHIATRIE »...
Le nom a changé. Auparavant, c'était la « CLINIQUE GEORGES DUMAS » tout court...
Je tremble comme feuille en automne et j'ai envi de pleurer...
Je regarde les stores du pavillon Belleflore dans lequel je me trouvais: toujours les mêmes et toujours aussi laids...
Je contemple le parc, ce parc où l'on avait décidé, mon ami René et moi, de se faire enterrer à l'heure de notre mort...
Puis, mon regard se pose sur les fenêtres du pavillon Belledonne: tout est encore là pour empêcher les jeunes de sauter par désespoir... On a mis des lanières et je songe soudain à cette jeune fille qui était passé dix ans auparavant entre celles-ci et qui avait sauté comme une nuit qui tombe après avoir trop boité...
Que voulez-vous, tout a une fin sauf le désespoir: il traverse les années sans prendre une ride, même au pays des enfants...
J'entre dans la Rotonde avec mon cœur qui bat la chamade... Et là je laisse ruisseler mes souvenirs, les gardant bien au chaud comme un enfant à porter car je sais que C'EST ICI ET NULLE PART AILLEURS QUE J'AI VERITABLEMENT VECU.
C'est alors que je te revois, ô gracile Véronique... Je revois nos coïts en chambre d'urgence, toi qui partais, revenais, puis repartais à nouveau, et ce, à l'infini, me brisant chaque jour un peu plus. Je revois ce couloir vert du deuxième, le couloir de mes détresses et de mes consumations, le couloir de la peur, de l'angoisse d'être à nouveau quitté. Ta chambre était au milieu, avec des lettres coutumières dessous ta porte pour « purifier notre amour » comme je l'écrivais à l'époque...
Je me souviens de tout tu sais: ta façon délicate de te mouvoir, ton âme d'artiste écorchée vive. Je me souviens aussi de ta violence qui faisait ambivalence avec ta douceur...
Oui vraiment, tu souffrais trop et je ne parvenais à te protéger, moi « le petit oiseau qui ne savait pas voler » et pourtant c'est précisément ma naïveté qui te faisait « craquer »... Et puis aussi j'étais un artiste...
J'ignorais tout de ta pathologie, l'anorexie, et pas plus encore de ma propre maladie; je sortais de mon œuf et pourtant j'avais connu l'enfer de la mélancolie extrême et l'univers hospitalier en psychiatrie... J'étais resté malgré tout enfant et je le devins sans doute plus en te rencontrant....
Je te vénérais comme une Aphrodite posée sur une colonne ionique et moi, le poëte, je devenais larve à même la terre, sans doute par mésestime de moi-même...
Je garde souvenance de ce 14 juillet 2000 à Doyen Gosse, le lieu-dit où l'on jouait régulièrement au football avec quelques gars de La Tronche. La bière coulait à flot et le village en fête dansait, oubliant qu'à cent mètres une jeune nuit dépouillée préparait son suicide dans la liesse générale...
La sono lança Franky Vincent et toi tu me revins comme une rose nouvelle. Tes bras murmurèrent à nouveau ces mots de douceur que je buvais jusqu'à atteindre la lune et ses extases de croissants délicieux... Si je me rappelle bien, tu me dis ceci ce soir-là: « écoute, je ne sais plus où j'en suis... »
Alors, on a laissé courir la Tendresse, ce miracle qui avait malgré tout toujours survécu sur nos chemins communs de tempête et je t'ai serrée contre moi et on a dansé, virevolté, chaviré au cœur des volcans et des cendres, mais non loin de la prochaine déchirure inéluctable... J'étais ta « brute épaisse », « le plus gentil de tous les Yohann » et toi tu régnais en maîtresse des lieux, distribuant les pluies ou bien les perles enchanteresses au gré de tes maux, de tes blessures, de notre incapacité à communiquer...

Mais soudain, je commence à me sentir mal... Car je revois la petite Noélie, mon Petit Rossignol envolé du nid... Je la revois pleurer sur un siège à l'entrée du pavillon Belleflore. Cette môme souffrait le martyr. Le crépuscule en elle abritait d'effrayants trous noirs mais aussi mille soleils éclatants qui lui offrirent le talent de peindre divinement bien... Noélie venais parfois me voir dans ma chambre pour me dessiner, pour discuter de peinture. De temps en temps, elle me taquinait gentiment sous les douches en emportant ma serviette de bain... Oui vraiment Noélie, j'ai mal car je n'étais pas là en ce fameux jour de mars pour te tendre la main et je n'ai pas su répondre à ton manque d'amour exacerbé... Mon cœur était au pôle nord et le tien était gros et se mourait au pôle sud... Ah si j'avais su!...Depuis, je suis aux regrets, aux regrets de ne pas t'avoir prise sous mon aile, dans mes bras... Alors j'ai tout essayé: je t'ai dessinée, je t'ai peinte, j'ai écrit j'ai sculpté, je t'ai nimbée mais je sais pertinemment qu'aucune de ces armes ne servent à remonter le temps et à réparer et les fourvoiements du passé...

La vie est ainsi faite: la Grand' Roue tourne toujours à l'envers en psychiatrie et le mal avance inexorablement, broyant au passage toute jouissance et laissant la porte ouverte à toutes les formes d'autodestruction, y compris les plus extrêmes, qui résolvent les énigmes de la Mort...
Ô douce Noélie, emmène-moi dans ton ailleurs, dans ton cosmos peuplé de peintres de génie et de naïades toutes brunes. Présente-moi à Corrège, moi qui suis en train de peindre sa Madone à la corbeille. Je t'aime et c'est tout ce qui compte. Pardonne-moi d'avoir suivi avec entêtement un sentier boueux qui menait à une mer sans corail, sans sirènes. La mer en question abritait un énorme Léviathan qui me menaçait de pourrir avec lui et de laisser en moi l'éternelle empreinte putride d'une mélancolie atroce. Un matin, je la sentis gonfler en moi en ne gardant que le linge de Véronique...
Je t'aime toi, mon tout petit brin d'oiseau blessé. Je n'attends que la mort pour me racheter égoïstement... J'irai trouver la meilleure peinture à l'huile et nous ferons l'amour sur les nuées parmi les éclaboussures de bleu Chagall, les feuilles d'or et les caresses des pinceaux sur nos peaux d'enfants picassotés...
Garde-moi une place dans ton giron.
Je prierai aussi la Vierge de sécher les larmes de ta maman, de ton papa et de tous les Zacchariotto car il me semble entendre d'ici monter un long râle depuis les montagnes, les chalets vides, les sapins... Ô Madone! Ecoute les plaintes de ces gens dévastés par la douleur. Qu'ils te rejoignent pour le Grand Banquet de la Grande Famille...
Si j'aurai sans doute jamais à fêter mes noces d'ici-bas, faites au moins que je puisse en jouir enfin aux côtés de Petit Rossignol au milieu des rus de miel, dans un monde idyllique proche de celui qu'Hamilton photographia dans les années soixante-dix...

Je demeure là, sur l'autre versant, te berçant de si loin par mes mots. Ô cruelle langueur!

Dors mon enfant. Le sommeil est enchanté
C'est un jardin orné de pluie
C'est une barque au gréement d'oiseaux
C'est un chagrin qui brille au soleil
C'est une enfant qui s'éveille

Je reste sur la rive de ton sommeil
J'attends sur le dessin de tes yeux
Tu emmènes ta main dans ton ailleurs
La chanson t'emporte. Si tu savais!
Ce fleuve vient de si loin...

Si tu savais... Mon enfance est enchantée
Si je pouvais te suivre là-bas
Retrouver la chaleur de la maison
Vague douleur et douce, déraison
L'amour qui m'a laissé seul.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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