D'an den Koz gwenn e benn. (à l'homme âgé aux cheveux blancs)
Quand les marées reviennent ils sont là sur le port Le regard au-delà de Sein ou de Belle-Ile Regardant l'océan, se souvenant encore De leur dure existence malgré leur air tranquille.
Dans leurs pipes rougit un bien mauvais tabac Seule bouge autour d'eux la fumée qui en sort Pas besoin de parler, nulle envie de débat Tout devant l'océan où s'est joué leur sort.
Dans leurs orbites creuses seuls leurs yeux sont vivants Assis sur le muret qui borde la jetée Ne se souciant pas du crachin ni du vent Et guettant quelque épave par la mer rejetée.
Certains ont fait souvent le voyage à Terre-Neuve Pêchant sur leurs Doris la morue ruisselante Certains ont disparu en laissant maintes veuves Emmenés d'un seul coup par une déferlante.
D'autres ont navigué au sein de la Royale Pour le compte du roi jusqu'aux terres lointaines Gabiers de bordée, vers les eaux boréales Et l'océan pervers en a pris des centaines.
D'autres aussi, marins des rapides Clippers Cherchant laine ou coton aux côtes d'Amérique Franchissaient les Trois Caps aux abords si trompeurs En ramenant toujours des récits homériques.
Mais tous, marins de pont, affrontant la tourmente Ont bravé l'océan sous toutes latitudes Sous les vents déchaînés, les vagues écumantes En maudissant Neptune pour son ingratitude.
Ceux qui sont revenus poser leur sac à terre Se retrouvent ainsi chaque jour que Dieu fait Ils ont tous exercé le métier de leurs pères Et leurs esprits toujours en semblent satisfaits.
Ils ont la tête pleine de vents et de tempêtes Demeurant en osmose ainsi de longues heures Puis l'heure de la soupe déjà dans leurs assiettes Les incite à rentrer dans leurs vieilles demeures.
Ici en Armorique on les nomme les Koz Ces anciens bourlingueurs qui semblent si sereins Contents de n'avoir pas rencontré la Bag Noz Qui abrite en son sein tant et tant de marins.
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