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Nouvelles : A l'Italienne
Publié par gin le 03-05-2013 22:06:27 ( 1140 lectures ) Articles du même auteur




Les fins de nuits étouffantes. Le vide s’éparpille, quelques chaussures zigzaguant, et le silence, si ce n’est les cris intempestifs et ces talons qui résonnent sur les pavés de Trastevere, les yeux débordés des fontaines géantes de l’Italie.
Toc… Toc… Toc…
Plus loin, les cloches romaines frappent encore et encore son crâne du temps qui passe et des riens qui ne se pressent pas encore et encore.

Encore une nuit de perdue, un jour, une semaine, elle ne sait plus compter. Tout ce dont elle se souvient, c’est de la place des miroirs qu’elle a appris à fuir. Seuls, eux aussi, à la poursuivre de l’image de ses yeux noirs qui s’effritent tout comme les sérénades mensongères ont fini par dépecer la peinture asséchée des façades où naissent les romances de l’humanité.
Autant qu’elle puisse s’en souvenir, tout avait bien commencé. Tout commençait toujours bien. Il lui manquait simplement ce don cruel et réaliste de reconnaître le moment où le doux son des violons se transforme en une bave acide vous rongeant les os. Ses amies sont belles, certes elle ne l’est pas. Elle se le répète chaque fois qu’elle doit sortir accompagnée de paires de jambes interminables, de décolletés accueillants et de sourires hypocrites, angéliques. Laide, laide, laide. Seule, personne ne la remarque de toute façon. Où est le pire ? Ne pas exister aux yeux du monde, où n’avoir de substance que dans le regard méprisant et intéressé de ceux qu’elle ne sera jamais ? Rejet après rejet, déception avant déception, elle y retourne pourtant, arpenter les pavés de Trastevere, avec toute la foi des églises qui l’entourent, l’espoir aux lèvres et le sourire dans un verre d’Espumante.
Tout avait bien commencé. Tout commence toujours plus ou moins de la même manière. La fin est tout à fait la même. L’équilibre, personne en rade. Des mots agréables, des éclats de rire le long du Tibre, les effleurements, toujours derrière, pour observer le cirque. Pas elle, les autres. Ils veulent pouvoir lever leur doigt et partir avant qu’un embouteillage ne se forme et que les portes ne se ferment par des yeux qui tombent. Toujours derrière. Il faut bien être sympa avec le canard, ça rassure le troupeau et ça évite que des plumes ne viennent voler, disgracieuses, au milieu du champ des cygnes.

A la traîne. Comment ils se la répartissaient celle qu’il fallait écouter ? Comment ils arrivaient à la jouer cette foutue sincérité ?
Et les jeux s’ouvrent. Les boites de conserve volent, les flèches explosent des ballons multicolores avant même le moindre contact pour des ours en peluche à trois euros qu’on a tout de suite envie de balancer à la flotte. Ils encombrent pour jouer au baby. Et les roses. Ces putain de roses dont on pourrait tapisser toute la chapelle Sixtine et le reste de la ville avec. Elles sont là à pourrir, bouffant les détails de ce qui pourrait être beau derrière les sucs qui lissent le tout d’un insoutenable conventionnel.
Toujours derrière, à l’approche du pont, quand les infortunés pourront témoigner de la victoire sans péril du reste de la meute éphémère, ils auront enfin le droit de se débarrasser de leur poids mort pour aller chasser leur gloire parmi les miettes acceptables abandonnées çà et là entre les pierres et le verre des cadavres scintillant au milieu du désintérêt général.

Le pont approche. Le manège tourne, les chevaux de bois font la ronde, les chiens de garde à la bride bien serrée s’assurent que le tour finisse à l’heure prévue, suffisante pour le faire tourner encore. Elle n’y montera pas. Pas cette fois. Toujours pas. Le billet est trop cher pour le son et lumière qui attire l’œil du touriste et ne reste que le labyrinthe raidi par le froid où naissent les putains de miroirs aveugles et les familles malheureuses, les sorties de secours et les entrées fantômes. Et la bave s’échange. Et le crapaud a disparu.

Eclats opaques et suintants sur les marches de Santa Maria. Epines lacérant les paumes étranglant la tige de ce qui pourri déjà dans le lit du fleuve. A espérer que la nuit se meure, que le soleil renaisse des cendres qu’il a éparpillées sur le pont Garibaldi pour recommencer, demain, à frapper les pavés de Tratevere.
Tac… Tac… Tac…
Et y chercher ce qui ne s’y est jamais trouvé.

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Auteur Commentaire en débat
Iktomi
Posté le: 06-05-2013 17:02  Mis à jour: 06-05-2013 17:02
Modérateur
Inscrit le: 11-01-2012
De: Rivière du mât
Contributions: 682
 Re: A l'Italienne
Je m'en serais voulu de passer à côté de ce petit bijou.

Un reproche pourtant : je ne suis pas fou-fana de l'usage répétitif du vocable "putain", c'est devenu le gimmick à la mode et ça ne sert pas à grand-chose d'en truffer ses phrases...

Excepté ce bémol, je trouve de grandes qualités à ton écriture.

Bien à toi.
emma
Posté le: 06-05-2013 19:17  Mis à jour: 06-05-2013 19:17
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: A l'Italienne
Bonjour,

Je n'ai pas vraiment compris cette histoire de : "Et la bave s’échange. Et le crapaud a disparu", je ne sais pas s'il y a une symbolique particulière. Peut-être une petite explication de texte pour les redoublants de la métaphore ?

pour le reste, j'ai bien accroché à ton texte, le personnage est très intéressant et les détails du lieu le rendent assez mystérieux et féérique.

A plaisir de te lire de nouveau,
gin
Posté le: 06-05-2013 20:58  Mis à jour: 06-05-2013 20:58
Plume de Bronze
Inscrit le: 16-04-2013
De: paris
Contributions: 5
 Re: A l'Italienne
C'est une petite référence aux baisers de contes de fées. Merci de ton commentaire.
Loriane
Posté le: 08-05-2013 15:44  Mis à jour: 08-05-2013 15:44
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: A l'Italienne
C'est superbe, riche et poétique, ce magnifique manège tourbillonnant de sensations et d'images, de bonheur et de souffrance

Citation :
où le doux son des violons se transforme en une bave acide vous rongeant les os


Citation :
Elle se le répète chaque fois qu’elle doit sortir accompagnée de paires de jambes interminables, de décolletés accueillants et de sourires hypocrites, angéliques. Laide, laide, laide.
Mon dieu, l'infernale dictature de la beauté, et toutes ces petites filles qui se surveillent dans le miroir, qui s'interrogent inquiètes, que sera ma vie, suis désirable ou à jeter ?
Une chanteuse que j'admire sans réserve, chante que "le souci se fane moins vite que la rose" . Bon c'est joli, ça peut consoler, mais pas sûr.
Joli !
Le sujet parle à chacun et l'écriture élégante souligne chaque propos. C'est un excellent moment de lecture.
J'aime beaucoup.
Merci
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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