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Nouvelles : De passage
Publié par gin le 29-06-2013 13:56:31 ( 1177 lectures ) Articles du même auteur



Mes histoires naissent toujours avec un presque rien. Deux cellules qui s’entrechoquent et se meurent. Avortements à répétition qui explosent dans l’instant de ce qui aurait pu être.
Mes amours ont été des poussières volant dans les ruelles avant de venir s’écraser sur ma pupille, me faisant rentrer dans un homme comme on rentre dans un mur. Un choc, un moment, presque rien. Un souffle qui, s’éteignant avant d’avoir produit le moindre bruit, vit, meurt, brûle et se noie. La trace à l’œil persiste un instant, puis ne reste que la mémoire des sensations laissées choir, une brise passagère dans un mois étouffant et le néant. Le vide est ma manière d’aimer, le bonheur aura été mon drame. Je ne sais pas être à deux, je ne sais que passer. L’autre m’angoisse, me désespère, encore plus lorsqu’il reste que quand il part. L’absence paraît encore être le mal qui me convient le mieux, et mes amants de passage les seuls à me déposer un parfum que je veuille continuer à respirer. Une tempête sur les ponts de Paris, la chaleur moite sous la pluie de Buenos Aires, le coton doux des nuages au travers des rues pavées de Barcelone.
Pourtant ils s’effritent, là où les autres s’incrustent, malgré les photos, celles que je jette, celles que je garde. C’est le temps qui compte, peu importe l’ivresse. Il fait son œuvre et imprime mon histoire des mensonges officiels qui triomphent.


Paris



Je n’ai jamais bien compris la réputation de cette ville. Tout au plus une nostalgie de ce qui n’a jamais existé que dans l’imagination de quelques romantiques incurables. Un espoir de ce qui aurait pu naître, un soi-disant. Labyrinthe de bois qui craque au vent, Paris s’emprisonne dans les plâtres qui la protègent du feu et étouffent celui qui pourrait nous réchauffer.
Mon obsession, mon mirage, tu promènes ta trace dans les secrets invisibles du quartier latin, caché derrière ce masque qui s’étend à n’en plus reconnaître tes traits. Plantée là, mes yeux courent après les passants à la recherche du fantôme que tu as peut-être laissé trainer, là. Plantée, je cours arrêtée soudain par un souffle dans mon dos. Où bien c’est le fleuve qui me trompe et le reste du monde immobile sur le pont où je passe des heures à guetter ton souvenir. Sur le pont surtout. Le pont où de loin j’ai été éblouie par un éclair qui ne s’est pas éteint bien après même s’être jeté dans les profondeurs de l’eau qui s’agitait alors à mes pieds. Un éclair, puis la nuit. De loin, parmi la foule assourdissante qui hurlait autour de moi, le silence, ton plan emporté par le vent, mon visage plié par ce sourire qui ne m’aime pas. Quelques pas, quelques mots.
Tout ce qui s’en suit n’est que répétition absurde et ridicule de sourires, envie et papillons qui me débordent de la bouche pour se jeter sur toi, histoire commune qui ne l’est pas pour moi et qui fait la magie d’un instant ordinaire pour tant d’autres. Le vent qui nous encerclait, depuis le moindre de tes regards enfantait une tempête, un cri du corps, un désir qui me fascine encore, et le plaisir qui ne s’est pas éteint malgré la froideur de la cage d’escaliers. Ce moment d’indécence et de fureur qui m’a fait revivre et espérer je continue à le chercher sans cesse. Je le retrouve, un peu. Un peu seulement. Alors tu t’étends au-delà de ton absence, tu t’imprègnes bien après l’oubli, espoir de n’avoir fait qu’exister.


Buenos Aires


La moiteur extrême de l’été donne aux corps cette nonchalance suave que je ne connaîtrai peut-être jamais plus. La douceur d’un après-midi à l’ombre, tournant lentement les pages d’un livre que l’on espère interminable, ce sont cent ans de solitude qui passent dans un bruissement de feuilles soufflées par une brise qui n’arrive jamais.
Une question et on ne s’est plus quittés, le temps que vienne le vent d’automne qui m’a emporté. Des semaines ou des mois, je ne me souviens plus. Longues journées pluvieuses, enlacés dans une transpiration qui espérait que la fraîcheur inévitable ne réussisse pas à la sécher, le temps s’est arrêté.
Du tout qui tournait inlassablement tout autour de nous, je ne me souviens que de la douceur, la légèreté des mains et des mots qui m’effleuraient sans cesse afin d’enlacer l’instant. Un instant qui a duré toute une vie. Parfois, immobiles sous les feuilles, nous pouvions presque apercevoir la maison de campagne, les enfants qui jouaient autour des platanes et les ancêtres au barbecue, avec leurs sourires sans dent et leurs regards pleins de compassion. Cent ans d’une vie à deux qui n’ont existé que dans nos imaginations dilatées par la chaleur. Ce mirage formé de la vapeur qui s’échappait de l’asphalte brûlante, je lui ai construit une boîte pour l’emporter vers le froid et la sécheresse. Eté embaumé que j’ose à peine ouvrir de peur que ne s’évapore le peu de ce sentiment de douceur qui subsiste malgré le vent d’automne qui a soufflé il y a bien longtemps maintenant.


Barcelone


Qui aurait pensé qu’au travers des ruelles chaotiques, des bruits incessants des bars et des gens, j’aurais trouvé une paix que je pensais plus propice au calme infini des hauteurs des Andes ? Mais c’est au milieu du tumulte que tu devais apparaître, prendre au dépourvu ma raison attachée à ce cœur que je ne pensais plus, pour éveiller une foi en ces jours sans fin, suites de vérités et d’évidences auxquelles je peine aujourd’hui encore à croire. Sous le coup d’une ivresse qui ne passera plus, oubliant le temps et les lieux, nous avons errés sur les toits d’une ville qui porte désormais ton nom. Moi qui me suis vidée pour ce que je croyais absorber, un regard neuf, une étincelle usée quand j’aurais dû prier pour un monde tout entier, je ne peux plus me contenter de ce qui était.
Veines obsessions de tenir le mondes évanouies en quelques chansons, je me suis laissé bercer des montagnes à la mer, des pavés aux balcons où les battements de ton cœur anéantissaient le regard des passants sur nos corps nus. Bien au-delà de tout ce que j’avais cru, j’ai respiré un univers dans ton cou, senti la paix infinie du paradis entre tes bras. Une vie sans question et sans doute, sans ennui et sans frayeur. Tu m’as fait oublier ce que je n’oublie jamais. Moi qui fus l’amante de tes mains que je vois encore, j’ai aimé ce demain qui ne m’avait jamais aimé.
Et tu es parti, si vite, me laissant à ce temps qui me dévore. Mais ce monde, je veux le garder, contre toutes les sagesses. Il m’accompagnera le temps que j’oublie, le temps qu’il revienne sous d’autres traits, que je le voie dans l’éternité. Trop tard ! Jamais peut-être !


Ces moments qui se mélangent à bien d’autres encore, irréels fruits des mes délires sentimentaux, resteront dans mon éternité solitaire des îles où j’irai trouver l’exil de la paix, me retrouver sourde aux bruits qui ne sont pas miens. Et alors que vous m’avez sans doute effacés, moi qui passe plus de temps aux adieux qu’à aimer, j’ai dû payer ma liberté de solitude, ma paix d’espoirs suicidés en plein vol ; moi qui ai toujours adoré le changement, mais moi qui n’ai jamais accepté de changer, je vous couche une dernière fois, cette fois là, vous rendre l’amour que vous m’avez inspiré, vous, fugitifs dont l’espoir m’a souvent fait naître.

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Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 29-06-2013 14:10  Mis à jour: 29-06-2013 14:10
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: De passage
Tu es rare dans tes publications mais elles en valent dix. Ici, tu m'as transportée aux quatre coins du monde dans tes amours éphémères mais dignes chacun d'un roman à lui seul !
Merci du partage Gin.

Couscous
Loriane
Posté le: 07-07-2013 22:31  Mis à jour: 07-07-2013 22:31
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: De passage
Citation :
Le vide est ma manière d’aimer, le bonheur aura été mon drame. Je ne sais pas être à deux, je ne sais que passer. L’autre m’angoisse, me désespère, encore plus lorsqu’il reste que quand il part.

C'est bien exprimé et si souvent vécu.
Tu as sur Paris un regard surréaliste dont la poésie traduit le désir autant que le rejet. J'aime ce ressenti hors des discours conventionnels.
Citation :
Ce mirage formé de la vapeur qui s’échappait de l’asphalte brûlante,

C'est tout à fait ça, et la pluie qui soulage suivie de la moiteur qui redouble.
Barcelone ton regard original est loin de ma perception d'une ville que j'adore. J'ai aimé.
Ce texte est un merveille, j'y reviendrai.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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