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Nouvelles : Le grand mensonge ( suite)
Publié par Salimbye le 08-08-2013 05:50:00 ( 819 lectures ) Articles du même auteur




V- Ils arrivèrent sur les lieux. Trois petits bergers étaient là face au mystérieux rocher. Le cheikh les congédia autoritairement.
Fronçant les sourcils, l'instituteur contempla avec délectation l'œuvre qu'il avait accomplie la veille. Les lettres, écrites en gros caractères rouge vif, luisaient sous l'effet des derniers rayons du soleil couchant. « Ce n'est pas du français », déclara le mistrou.
Cette annonce pulvérisa ce qui restait de la mince chance de réussite du cheikh. Pour l'intriguer davantage, l'instituteur se contenta d'une supputation qu'il drapa habilement dans le jargon d'une vérité générale : « C'est sans doute du pétrole découvert par une société allemande ou russe ».
« - Je ne te pardonnerai jamais ce mensonge », lui a déclaré le vieil homme sur un ton de colère et de reproche.
« -Toi aussi tu as menti à tout le monde », rétorqua le parlementaire.

Du pétrole ! Le mot fit le tour de la tribu, à la vitesse des incendies qui ravageaient souvent ses maigres récoltes. Enfin, les M'rahis allaient devenir riches.
Le cheikh qui n'avait, bien entendu, aucune idée sur l'or noir, voyait déjà toutes les collines se transformer en pâturages. Lui-même devenu un président d'une coopérative laitière. Il avait un puissant cheval noir destiné uniquement à la fantasia lors des nombreux festivals qui se tenaient en été. Toutes les régions avoisinantes viendraient lui solliciter une aide quelconque. L'Etat même le récompenserait sûrement pour ses valeureux services.
Les yeux brillants, le cheikh a sursauté et déclaré d’une voix triomphale :
« -Le caïd me respectera. Il ne haussera plus le ton sur moi. Il me courtisera en me disant « S'il vous plait Monsieur… Ayez l'obligeance Monsieur… Si cela ne vous dérange pas Monsieur… ». Et moi, invectivant le pauvre caïd : «Tu ne peux pas faire attention … Ce n’est pas possible !... qu'est-ce que tu fais ici toi ? ».
Ma femme ne me terrorisera plus. Elle ne lèvera plus la main sur moi. Elle me cajolera en disant : « Mon amour ! … Chéri… mon cœur… ». Et moi, la comblant de cadeaux inestimables ».
Voyant que ce rêve aux allures d’un monologue allait porter sur des détails qui risquaient d’ennuyer les lecteurs, le mistrou a pris la sage décision de l’interrompre et s’est attaqué à la progression du récit :

- Le soir même, j’ai conseillé les habitants de ne jamais divulguer le secret de leur richesse imminente. L'enjeu était d'une importance telle, que l'Etat pourrait leur confisquer leurs terres. Ils n'avaient le droit d'évoquer ce mot magique que dans La Chambre lors des réunions nocturnes. J’ai insisté particulièrement sur la profondeur du fossé et sur les lettres inscrites sur le rocher qui devaient rester à tout prix intactes.
- J’avais raison de rassurer la tribu que je me chargerais, moi même de ces deux points, précisa le cheikh.
En effet, le représentant des autorités locales avait déjà mesuré la profondeur du fossé, à l'aide d'un long bâton, et il en gardait secrètement les mesures. Personne ne remit en question son intégrité ni son incorruptibilité.
Aussi, toutes les réunions nocturnes avaient-elles pour thème : le pétrole. Parler de jeu de cartes ou de dames devint un tabou. On écoutait les analyses techniques et confuses de l'instituteur même si on ne comprenait rien. On hochait silencieusement la tête de haut en bas tout en se gardant de prononcer un mot de peur de dire une sottise qui trahirait son ignorance dans le domaine de l'or noir.
Plus tard, on voyait le représentant des autorités, chaque soir, son bâton à la main, se diriger vers le fossé pour vérifier si les mesures n'étaient pas altérées ou pour repeindre les lettres du rocher. Parfois, il faisait appel à l'un de ses ouvriers qui, à l'aide d'une pioche et d'une pelle, réajustait les mesures.

- Et C’est ainsi que je suis devenu membre à part entière de la tribu. Le directeur à Gzoula recevait les listes fictives mais légales des soi-disant élèves scolarisés. Il recevait en même temps d'autres documents traitant du nombre d'unités didactiques prévues pour chaque trimestre, des types d'activités pour les apprenants. Je lui proposais mêmes certains exemples d'exercices d'évaluation.
Avec le temps, cette paperasse devint un rite que le mistrou accomplissait périodiquement au cours de l'année scolaire.



VI- Au début, je m’ennuyais un peu, surtout quand tout le monde partait aux champs ; mais j’ai fini par m'adapter à ma nouvelle vie, donnant de temps en temps, un petit coup de main aux rares paysans qui travaillaient près de chez moi. Plus tard, ma situation financière s'est améliorée. Je recevais régulièrement ma paye. J’ai économisé une bonne somme d'argent, mais je ne savais quoi en faire. Je voulais être riche. Mais comment y parvenir ? J’ai fini par prendre une décision qui chamboula le mode de vie de la tribu.
Les lèvres tremblant de colère, le vieil homme s’est retourné vers l’instituteur et l’a pointé de son index :
- Toutes les décisions que tu avais prises ont chamboulé, comme tu dis, le mode de vie de notre tribu. Nous étions naïfs. Tu n’as jamais pensé à nos intérêts.
J’ai senti que le cheikh était effervescent. J’avais peur qu’il saute sur l’homme à la djellaba blanche immaculée pour l’étrangler dans mon bureau, devant moi, surtout qu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre. Je me suis donc levé pour les calmer et les séparer. J’ai cédé ma place qui était de l’autre côté de la table au vieil homme. Je craignais qu’un accident ou un crime ne se produise dans ma chambre pour voir débarquer les autorités chez moi, surtout que j’ai horreur de tous les hommes en uniformes (gendarmes, policiers, soldats, douaniers, sapeurs pompiers, facteurs…). Mais j’avais surtout peur qu’une partie de mes lecteurs et plus particulièrement ma femme n’arrive à l’improviste, comme il lui arrivait assez souvent pour déverser ses reproches et me rappeler ma « paresse déguisée »
Une fois ma petite chambre a retrouvé son calme habituel, je me suis retourné vers le narrateur qui avait gardé son sang froid et je l’ai prié de continuer le récit. Personnellement, j’étais emporté par les péripéties

de cette histoire et je voulais bien connaitre son aboutissement.
La salle d'attente fut réaménagée en petite épicerie, ce qui plut énormément à la tribu, surtout au cheikh, qui, tyrannisé par le caïd et persécuté par sa femme, avait l'habitude d'oublier une bonne partie des achats nécessaires.
En entendant le narrateur parler ainsi, le vieil homme a voulu réagir à nouveau, mais je suis parvenu à le calmer une seconde fois.
Rudoyé au souk comme chez lui, le représentant des autorités locales voyait donc en cette épicerie une aubaine qui le délivrerait, au moins, d'une petite partie de ses soucis. Finis donc les longs et exténuants déplacements jusqu'au village pour s'approvisionner. Tout était là : sucre, huile, thé, savon, sel, bougies, menthe…

Quelques mois après, je me suis rendu compte que les marchés hebdomadaires gênaient terriblement la floraison de mon commerce, et qu'il n'y avait pas moyen d'empêcher une bonne partie de ces campagnards d'aller au souk de Gzoula pour vendre ou pour acheter une bête, ou, tout simplement, pour faire leurs achats.
Alors j’ai changé de stratégie. J’ai gardé la boutique et je me suis acheté une ancienne grosse voiture diesel et une vieille mule.
Et j’ai commencé à faire du transport en commun.

Les premières semaines furent très dures : N'ayant pas d'autorisation pour exercer son nouveau métier, le mistrou se voyait quotidiennement harcelé par les gendarmes. Mais il finit par leur faire comprendre qu'il n'abandonnerait pas. Il avait assimilé les méthodes étonnamment efficaces de la tribu. Il remporta cette bataille contre les hommes en uniformes et fut admis à transporter illégalement les habitants de la tribu, moyennant, bien entendu, un pourcentage de ses gains à l'adjudant-chef de la gendarmerie.
Le vieil homme n’a plus réagi depuis tout à l’heure. Assis là en face de moi, il écoutait malgré lui l’ex-instituteur et le narrateur lui rappeler d’un passé douloureux


VII- Chaque matin, le maître prenait sa mule pour se rendre à Tnine Ghiat, un petit douar sur la route de Gzoula. Là, il attachait sa bête près d'un dispensaire abandonné, lui donnait à manger et faisant chauffer le moteur de sa vieille voiture, il commençait à crier : « Goula ! Gzoula! Encore une place ».
Le soir, il garait son véhicule devant le moulin et reprenait sa mule pour rentrer chez lui. Personne ne pouvait se passer des services de l'instituteur : Femmes malades qui devaient se rendre chez les guérisseurs, vieillards qui ne pouvaient plus supporter les longs déplacements à dos de bêtes, marchands de volailles, de bétails, de grains ou de légumes… La voiture du maître était prête à tout transporter.
- J’aurais aimé conduire mon engin jusqu'à l'école, ne serait-ce, que pour impressionner les rares indécis qui persistaient à utiliser encore leurs moyens de transport traditionnels. Malheureusement, je ne pouvais pas : le fossé qui barrait la piste était tellement profond que toute tentative pourrait s'avérer catastrophique.
Le vieil homme que je croyais avoir retrouvé son calme, a manifesté une nouvelle fois sa colère en s’adressant au mistrou et en lui criant :


- Et moi, j’aurais aimé t’enterrer vivant dans ce fossé !
Je suis intervenu encore une fois pour calmer le cheikh.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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