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Nouvelles : L'impuissant (suite)
Publié par Salimbye le 06-09-2013 19:40:00 ( 883 lectures ) Articles du même auteur




L'impuissant (suite)

VII- Salka était toute seule, enfermée dans une petite chambre qu’on avait partagée en deux parties à l’aide d’un drap : d’un côté le lit conjugal, de l’autre le lieu où le vizir devait attendre, prêt à intervenir. la jeune fille fut débarrassée du lourd burnous qu’elle avait porté le long du voyage. Ses mains et ses pieds furent libérés des torchons qui protégeaient le henné. Une maquilleuse vint la rejoindre avec un tesson en argile qui contenait une teinture rouge. Après avoir craché sur le contenu, la coiffeuse le remua fermement avec son index et commença à étaler cette mixture, presque gélatineuse, sur les joues de la jeune mariée qui devint méconnaissable. Elle lui tendit avant de sortir le bout d’une écorce d’arbre, lui conseilla de le mastiquer afin que ses lèvres prennent une couleur attrayante.
Livide malgré les fards, l’air amorphe, Salka s’exécuta en fixant le plafond de la chambre. Des roseaux posés sur des troncs d’arbres. Quelques araignées pendaient à des fils invisibles. La bougie qu’on avait fixée sur une pierre plate près des deux oreillers afin qu’elle mette en relief la beauté de la mariée ne dégageait qu’une lueur vacillante et très faible.
Allongée sur un tapis très usé, couvert d’une peau de mouton, Salka attendait l’arrivée imminente de son futur mari. Elle essayait de s’imaginer son allure, sa voix, son aspect vestimentaire. Mais toutes les images étaient insaisissables.
« Que va-t-il me dire ? Par quoi va-t-il commencer ? Dois-je enlever moi-même mon pantalon blanc et le mettre au dessous de nous pour qu’il puisse récupérer la preuve irréfutable que j’étais vierge jusqu’à cette nuit ? Va-t-il me faire mal en me pénétrant ? Serai-je- capable de retenir mes cris au cas où… ? ». Les questions se bousculaient violentes et en désordre dans son esprit. Elle avait chaud. Elle suffoquait.
La maquilleuse lui apporta un verre d’eau et l’informa que son mari allait venir d’une minute à l’autre.
Le vizir arriva à la maison en courant. Essoufflé, il demanda à tous les musiciens de se taire. Le mari allait venir. Il repartit vers la mosquée. Tous les jeunes ramassèrent leurs instruments et le suivirent.


VIII- Deux rangs d’hommes bien alignés avançaient lentement en direction de la maison. Le mari était au milieu. Le capuchon de son burnous couvrait entièrement son visage. Le fkih qui psalmodiait des versets de Coran à haute voix, tenait fermement le bras de Mekki pour le guider. Celui-ci avait les jambes flageolantes.
Tout le monde franchit le portail. Le fkih livra le marié au vizir. Les deux jeunes hommes entrèrent dans la chambre nuptiale. Mahjoub referma soigneusement la porte derrière lui.
Le fkih et quelques invités partirent chez eux. Ils étaient fatigués. Les autres tels des hyènes prirent position dans un coin et attendirent le résultat. Ils voulaient avoir le cœur net quant à la virginité de la jeune fille. Si les choses se déroulaient normalement, le vizir leur tendrait au bout de quelques instants le pantalon blanc imbibé de sang que la famille de la mariée brandissait triomphalement sous le nez des invités, preuve que Salka était vierge et que son mari était puissant. Et dans ce cas là, la fête reprendrait jusqu’au petit matin.
Le monde entier était donc suspendu à cette goûte de sang qui rendrait fiers, en plus des familles des mariés, toutes les tribus avoisinantes. Dans un silence total, toutes les oreilles étaient bien tendues pour saisir le moindre cri de douleur de la mariée. Mêmes les chiens avaient cessé d’aboyer.
Mais si les choses tournaient mal, ce serait le désastre, la catastrophe. Le vêtement tant attendu ne réapparaitrait pas. Le désordre régnerait dans la foule et se propagerait dans les familles des mariés avant de dévaster toutes les tribus avoisinantes.
Les uns diraient que Salka n’était pas vierge.
« Non, c’est Mekki qui est impuissant !», affirmeraient d’autres.
La situation était très tendue. L’atmosphère électrifiée. L’absence de la goutte de sang sur le pantalon blanc de la mariée pourrait déclencher une mutinerie, voire une guerre. Le fil qui retenait le chaos pouvait rompre à tout moment. Tout le monde s’était mis sur ses gardes, prêt à agir.

IX- Mekki ôta son burnous. Il tremblait en regardant autour de lui comme une bête qui venait d’être prise dans un piège.
«- Mon ami aide- moi », chuchota-t-il.
« - Calme-toi, lui répondit Mahjoub. Est-ce qu’il y a un problème ? »
« - Et quel problème ! Je suis perdu, si tu ne m’aides pas. Je n’arrive pas à…, je n’arrive pas… ».
« - Vas-y parle ! Que puis-je pour toi ? »
« - Ma femme…, ma femme… »
« Qu’est ce qu’elle a ta femme ? »
« Non, non. C’est moi qui n’arrive pas… Je n’ai jamais pu te dire ça avant… Je n’ai jamais eu d’érection. Je ne peux pas entrer chez elle. »
A son tour, le vizir devint tout pale. Il n’avait jamais imaginé qu’il allai affronter une situation pareille.
« Comment va-t-on annoncer ça à ta famille et à la famille de la mariée. Que vont dire tous ces fauves qui guettent derrière la porte ? Le ridicule te marquera, toi et tes parents, indélébile jusqu’à ta mort »
« Non, surtout ne dis rien. Écoute moi bien, si je suis bien ton ami, tu ne vas pas me laisser tomber maintenant. Rends-moi un service, s’il te plait », poursuivit Mekki, haletant, les yeux pleins de larmes.
« Quel service ? »
« Veux-tu bien faire le travail à ma place ? Toi au moins tu en es capable et tu as déjà une certaine expérience… »
« Jamais de la vie, lui répondit fermement Mahjoub. Et que feras-tu les jours qui viennent ? »
« Ne t’en fais pas, je m’arrangerai. Je ne veux pas devenir la risée de la tribu. Je te supplie, aide-moi »
Mekki commença à pleurer. Il suscitait la pitié. Le temps pressait. Le silence se faisait plus pesant. Il fallait prendre une décision d’urgence.
Mahjoub réfléchit un instant et accepta malgré lui ce droit de cuissage. Il enfila rapidement les vêtements de son ami et entra chez la jeune fille. Il éteignit la bougie.
L’opération ne dura qu’une quinzaine de minutes. Il sortit avec le pantalon tacheté de sang, enfila ses propres habits et tendit le vêtement aux deux femmes qui attendaient devant la porte. Triomphantes, celles-ci brandirent, sous le nez des invités, le vêtement tacheté de sang
La cacophonie reprit plus assourdissante : Ululements, youyous, musique…
Le sol se mit à vibrer
Soulagés ou déçus, les curieux quittèrent enfin les lieux en faisant les louanges d’une jeune femme qu’ils n’avaient jamais connue.
Mahjoub retourna chez lui. Sa mission était finie.
Salka passa la nuit toute seule.
Mekki dormit sur un tas de foin près de ses deux vaches.


(à suivre)

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 06-09-2013 22:39  Mis à jour: 06-09-2013 22:40
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: L'impuissant (suite)
Toujours bien conté , sujet intéressant, bien sur, mais je n'arriverai jamais à me persuader qu'il s'agit là d'une forme de culture civilisée.A moins qu'il existe quelque part des femmes dénuées d'âme et de sentiments ?
couscous
Posté le: 07-09-2013 06:38  Mis à jour: 07-09-2013 06:38
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: L'impuissant (suite)
Mon Dieu, quelle pression sur ces deux jeunes épaules ! La femme n'a pas vraiment voix au chapitre. Une goutte de sang qui évite une guerre, ce n'est pas un peu ironique ?

Une petite faute : "un vers d'eau", c'est un "verre d'eau"

J'attends la suite ...
aliv
Posté le: 08-09-2013 17:53  Mis à jour: 08-09-2013 17:53
Plume d'Argent
Inscrit le: 25-03-2013
De:
Contributions: 290
 Re: L'impuissant (suite)
Je suis impatiente d'en lire plus. Surtout de savoir comment il va se sortir de cette situation.
à bientôt.
Loriane
Posté le: 12-09-2013 21:00  Mis à jour: 12-09-2013 21:00
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: L'impuissant (suite)
La relation à la sexualité est vraiment malsaine, le manque de respect de l'autre est insupportable.
C'est tellement bestial, si exempt de sentiment que c'est vraiment attristant..
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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