Un Matin de Bataille,


D'abord c'est l'odeur de la mort, âcre, fulgurante,
Puis celle de la boue à la pluie mélangée,
Qui imprègne la nappe qui monte du charnier :
Cadavres jonchant le sol dans l'effluve suffocante,
En des gestes grotesques ou suppliant la faux.
Puis la terre labourée dans un air lourd et gris,
Viendra les recouvrir à jamais dans l'oubli.
Bientôt leurs âmes tristes sortiront des tombeaux.

Leur ennemi saoulé par autant de tuerie,
S'enfuira plein de sang en semant le malheur,
Laissant la terre rouge; les blessés dans la peur
Feront monter leurs plaintes et que le vent charrie.
Les corps suppliciés qui en tas s'amoncellent,
Resteront dans la nuit, à pleurer, à gémir,
Le silence rompu par de très longs soupirs.
Leur repos ne viendra que par un coin du ciel,
Qui dans un dernier souffle les enveloppera,
Calmera leur douleur et les fera voguer
Vers un large horizon de nouveau étoilé.
Ce matin ils sont morts, ce soir ils sont tous rois.

Cuga
(Werra-1979)
Livre 2 - 2012