| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> xnews >> La stupéfiante aventure du Pé' Liset - Nouvelles confirmées - Textes
Nouvelles confirmées : La stupéfiante aventure du Pé' Liset
Publié par Bacchus le 27-11-2013 01:50:00 ( 1063 lectures ) Articles du même auteur



C'est l' histouère du l'pé' Liset qui sortait du bistrot en se traînant une chouette biture dans sa musette, comme tous les soirs depuis qu'il était en bonne santé, et l'pé' Liset, il avait jamais été malade. Faut dire qu'il était solide comme une charrue d'avant guerre et, gndedieu ! dans c'temps-là, on savait les faire, les charrues.
Savait pu très bien à quelle date il était né et, pour être sur de ne pas rater son anniversaire, il le fêtait tous les soirs, dès son labeur terminé.
Quoi c'était, le labeur à Liset ? Pour être franc, y'avait des jours où on aurait pu croire qu'ils étaient une tribu de Liset. On le voyait derrière la charrue tirée par un cheval, en train de labourer le grand champ à patates, devant le château. A la même heure, vous auriez bien juré l'avoir aperçu en train de patauger dans la porcherie, à nourrir les cochons, si un témoin qui revenait des champignons ne vous avait affirmé l'avoir aperçu en train de rentrer les vaches, derrière le château. Liset, il était partout, à des plus d'heure.
Il pêtait l'feu, l'pé' Liset. Faut dire qu'il avait le privilège de bénéficier d'une très vieille coutume qui faisait que son châtelain de patron devait lui accorder, chaque matin, son quota de calva et de cidre. Finaud, Liset avait su obtenir que le cidre soit remplacé par le vin rouge.Il avait de la volonté, Liset,et ,gndedieu ! , y savait obtenir son du. Bon d'accord, y gagnait pas beaucoup, mais faut dire qu'il était nourri et bien nourri : c'était un investissement de rapport, compte tenu de ce que le bonhomme était capable d'abattre comme boulot dans une journée. Et les journées, à Liset, c'était des vraies petites semaines actualisées !
Il avait aussi coutume de dire qu'il était également logé.Bon...si ça lui convenait...Il dormait avec les chevaux et, comme il disait, il n'avait jamais froid, dans la paille.
Réveillé par le premier pet de cheval, et ils sont matinaux, les chevaux, il s'assurait d'abord de son droit au calva et zou ! au travail.
Le bruit courait que l'pé' Liset, il avait des sous, et même beaucoup. Allez savoir, avec les racontars de campagne. Le fait était, quand même, qu'il n'avait jamais de mesure, quand il s'était installé au bistrot, le soir.
Il arrivait, crotté et fleurant le cul du cheval derrière lequel il avait poussé la charrue l'après-midi, et il s'installait derrière le coin du bar, un coin que personne ne lui contestait. Il était là, debout, jusqu'à la fermeture, heure à laquelle le patron du tapis avait bien de la peine pour le pousser dehors. Pas facile ! pasque Liset ( prononcez : Liséï ), il avait pas fini d'expliquer le truc qu'il avait commencé à expliquer au moment où on lui remplissait son premier verre de rouge.
J'étais souvent là, avec un copain, en train de faire des parties de billard japonais et, bien souvent, on restait, la bouche ouverte, à écouter Liset nous conter ses soucis de valet de ferme, dans un langage qui devait être très proche du Normand moyen-âgeux.
Son public n'était pas désintéressé, dans la mesure ou, à chaque fois que le patron lui remplissait son verre, il le faisait avec un petit mouvement interrogateur de la tête vers le dit public qui, par le plus grand des hasards, avait des verres qui se tendaient vers la bouteille. Liset avait, sans s'arrêter de parler, un petit haussement d'une épaule, ce qui représentait l'acceptation d'un type qui se fichait de payer pour tout le monde. C'était une des raisons qui étayait la légende du Liset plein de sous.
Légende d'ailleurs puissamment consolidée quand on a su qu'il avait acheté un bar à sa fille, dans un village de la région. Parce que Liset avait une fille ! Je crois bien que c'était là le plus grand mystère sur sa personne. Cela à été une question à laquelle personne n'a jamais eu de réponse: avec qui, quand et comment Liset avait-il bien pu avoir un enfant ?
Je l'ai vu quelque fois dans le bar de sa fille. Elle le traitait comme un client ordinaire, probablement avec plus de dureté qu'un autre, et lui semblait avoir affaire à une taulière ordinaire.
Mais ne nous égarons pas. Nous avions laissé Liset , coincé entre le bar et le présentoir à journaux. Le jour auquel je pense, il était largement plus tartiné que les jours habituels. Sans doute avait-il usé avec exagération de son allocation de calva ? toujours est-il qu'il n'était plus cohérent du tout dans la narration journalière de sa saga agricole et qu'il poussait même l'inacceptable jusqu'à ne plus donner son coup d'épaule déshydratant quand on remplissait son verre. Et il y avait dans l'air des prémices annonciateurs de restitution possible.
Gentiment, mais fermement, le patron du bar poussa Liset, en le tenant par le coude, jusqu'à la porte. C'était pas grave, il payerait le lendemain, sans rechigner.
Mais attention ! Liset, seul, brusquement livré à la rue, à une heure où la logique aurait voulu qu'il soit encore coincé entre le bar et le présentoir à journaux, ce n'était plus le même homme !
Les loups, avides et voraces, l'attendaient à la porte. Des loups qui, compte tenu de cette heure inhabituelle, n'étaient pas encore rentrés à la maison, des loups qui, en manque de bonbons, espéraient bien arracher à Liset de quoi aller s'en acheter.
En rigolant, Liset vida ses poches de toute sa monnaie qu'il balança à la meute. Elle n'en fit qu'une bouchée...
La fameuse fortune de Liset était aussi venue aux oreilles des moutards qui se voyaient bien arracher une parcelle du magot au nabab. ils se mirent à lui tirailler les vêtements et à le secouer fortement.
Liset arrêta de rigoler et commença à s'énerver. Son regard chercha, autour de lui, une solution à ses ennuis.
C'était une époque durant laquelle notre socièté était bien organisée:
sous le nez de Liset, entre la devanture du bar et la boite aux lettres, la grosse boite bleue abritant le téléphone, relié directement à la gendarmerie.
Nul être, dans le canton , ne pouvait prétendre que Liset, à un moment quelconque de son existence, avait éprouvé le besoin de faire appel à la maréchaussée. Cet homme, ténébreux durant ses longues journées de travail et fortement allumé dès la nuit venue, avait toujours géré les alèas de la vie quotidienne sans éprouver la nécessité de faire appel à toute aide extèrieure.
Mais là, y'avait urgence.
D'une main ferme, à défaut d'être précise, il arracha la porte en bois du caisson et s'empara du téléphone qu'il se colla contre l'oreille.
Liset avait beaucoup de choses à gérer en même temps. D'un côté, les gamins qui maintenant le secouaient avec nervosité, et de l'autre, le gendarme de permanence qui l'écoutait. Il n' a pas été déçu :
- " C'es mouê, Liséï ! Z'allez-ti m'fout' la paix, band' de galvaudeux ! bons à rien ! faut v'nir m'aider, j'm'en sors pu ! j'm'en va vous en r'tourné une , d'ici peu! malfaisants, grands vouyoux, ouaih ! c'est mé, l' Liset du château . Quouè ? Vo' venez d'suite à c't'heu' ?J'suis là, j'm'en vais point . C'est-ti pas fini, z'allez m'fout' la paix, à la fin !"
Le gendarme a tenu Liset au bout du fil, le temps nécessaire pour que le panier à salade ait fait le kilomètre et demi de distance .
Trois gendarmes son descendus, hilares et détendus. Habituellement, ils n' étaient jamais très chauds pour atterrir parmi nous: nous mettions trop de chaleur dans nos accueils, mais pour un cas d'urgence de ce type, la détente était de rigueur.
Ils ont gentiment fait monter Liset dans le fourgon. Il m'a semblé qu'il y avait ses habitudes.
Le panier à salade s'est éloigné lentement. On entendait encore la haute voix de Liset, contant ses déboires, dans tous les sens du terme.

Epilogue :

Une petite heure plus tard, à la nuit tombante, le panier à salade est réapparu, discrètement, sur la pointe des pieds, si je peux me permettre cette image osée.
Un joyeux brouhaha s'échappait du fourgon, comme pour un retour de noces.
La portière latérale laissa apparaître un Liset plus beurré que jamais, si toutefois la chose put être possible.
Durant la libération de la victime, nous avons eu l'image fugace des gendarmes, les joues fortement rougies par leurs efforts d'intervention, et le képi bizarrement instable à l'arrière du crâne, et légèrement de travers. Ils sont repartis en faisant des adieux émouvants au tout nouveau libéré.
La conclusion, je la prends à mon compte, n'ayant que ma légère expèrience humaine en la matière :
Tout me laisse à penser que le fourgon, lors de l'enlèvement du contrevenant, n' a jamais été plus loin que le milieu de la descente vers le commissariat et qu'un interrogatoire serré a eu lieu sur la petite clairière où nos gendarmes, l'après-midi, après le déjeuner, avaient coutume de faire leur inspection de routine de circulation.La peur du gendarme étant, c'est bien connu, efficace, ils n'ont jamais eu à sévir sur ce tronçon de sous-bois.
Puisque je suis dans les suppositions, j'ai également supposé que, généreusement, ils ont puisé dans leurs propres réserves de liquide , durant l'interrogatoire.
Parce que je suis prêt à tout gober, tout, mais quand même pas qu'ils ont pu maintenir Liset tranquille sans arguments consommables !






Article précédent Article suivant Imprimer Transmettre cet article à un(e) ami(e) Générer un PDF à partir de cet article
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 27-11-2013 06:22  Mis à jour: 27-11-2013 06:22
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: La stupéfiante aventure du Pé' Liset
En lisant ton texte, j'ai presque entendu une voix pleine d'un bel accent, qui pourrait s'approcher de celui de Liège.
Une tranche de vie pleine de vie et de joie. Quel personnage haut en couleurs ce Liset ! Ta narration est toujours drôle à souhait. Merci pour ce bon moment passé à tes côtés.

Amitiés

Couscous
arielleffe
Posté le: 02-12-2013 08:32  Mis à jour: 02-12-2013 08:32
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: La stupéfiante aventure du Pé' Liset
C'est le gendarme à St Tropez ton histoire ! Je pense que j'ai connu pas mal de Liset et de gendarmes exerçant dans sa campagne. Petite histoire bien sympa et qui nous met de bonne humeur.
Loriane
Posté le: 09-12-2013 17:58  Mis à jour: 09-12-2013 17:58
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: La stupéfiante aventure du Pé' Liset
Bacchus que c'est délicieux, mais vraiment délicieux, je me suis régalée.
Je retrouve un univers et des personnages connus, déjà vus ..;

Citation :
Jusqu'à ne plus donner son coup d'épaule déshydratant quand on remplissait son verre. Et il y avait dans l'air des prémices annonciateurs de restitution possible.

Que c'est adroitement dit.

Citation :

C'était une époque durant laquelle notre socièté était bien organisée:


Tout passéisme mis à part, il faut reconnaître que c'est juste.
C'est une lecture qui laisse un beau souvenir et l'envie d'y revenir.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
46 Personne(s) en ligne (17 Personne(s) connectée(s) sur Textes)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 46

Plus ...