Chère Mère,

C’est sans doute la dernière fois que je t’écrirais. J’ignore même si tu recevras ma lettre un jour.

Aujourd’hui les troupes japonaises ont dû se replier vers les côtes de la Chine. La menace soviétique était trop importante pour oser tenter quoi que ce soit. Nous avons été contraints de nous cacher sur les plages, parfois même dans l’eau, afin de pouvoir espérer rester en vie. La fatigue est devenue notre plus fidèle compagnon et la peur nous berce chaque soir avant de s’endormir. Nous ne tiendrons plus très longtemps. La Chine reprend confiance en elle grâce à son nouvel allié et nous repousse inlassablement, jusqu’à notre abandon. Mais par rapport à toi, ma situation est enviable…

Cette nuit, la Terre a tremblé comme jamais auparavant. Cette nuit, par la seule force d’un obus, notre chère ville a sombré. Certains disent avoir aperçu d’immenses montagnes de fumées. D’autres confient avoir entendu les hurlements des martyrs. Moi je n’ai rien vu venir. Peut-être aurait-on dû s’en douter, pourtant. Il était clair que les Etats-Unis ne nous auraient pas laissé nous en tirer à si bon compte après Pearl Harbour. En guise de vengeance, ils ont ravagé une ville, ils ont arraché des vies, ils m’ont enlevé ma famille, ma maison, ma vie.

A présent, Mère, où vais-je bien pouvoir rentrer, lorsque je quitterai la Chine ?

Affectueusement,
Ton fils bien-aimé,
Mamoru.