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Nouvelles : Azéline chapitre 23
Publié par arielleffe le 05-07-2014 18:02:51 ( 864 lectures ) Articles du même auteur



Quelle aventure cette sortie au cinéma ! Béryl avait un souvenir plutôt sympathique de Fantômas, elle a découvert un personnage effrayant.
La carte suivante est encore écrite par Guillemette, les grandes vacances approchent, et la déclaration de guerre aussi. Que vont devenir Jules et Henri ? Les filles vont-elles pouvoir continuer leurs études ?

Ma chère amie,

Il me tarde de te revoir. Je sais que tu vas être en vacances bientôt. Ici, à Lannargan, les congés n’existent pas. J’aide mes parents à la ferme. Ma seule distraction est la messe et la vie paroissiale. Mais je m’amuse bien, le Père François a toujours de très bonnes idées.
Je t’embrasse, à bientôt !

Guillemette

§§§§§


Nous sommes déjà au mois de Juin, et les beaux jours sont là. Les tenues se font un peu plus légères. Germaine porte des corsets fins, envoyés par sa fameuse tante parisienne. Azéline les trouve un peu indécents, mais ils ont l’air si confortable.

- Tu n’as pas peur de t’abîmer le corps ? On dit qu’il faut être bien serrée dans ses vêtements si on ne veut pas que la poitrine tombe. Même les femmes enceintes doivent porter des corsets à baleine.
Germaine rit, comme souvent quand Azéline résiste à ce qu’elle considère un progrès.

- Et bien je ne suis pas encore enceinte ma chérie ! Je veux être bien dans mes vêtements. On est au 20ème siècle, il faut vivre avec son temps ! J’ai vu dans un magazine, à Paris, des photographies du défilé des mannequins de Madeleine Vionnet.

http://www.lesartsdecoratifs.fr/franc ... ne-vionnet-puriste-de-la/

Elles ne portent pas de corset, et pas de chaussures ! Ca a créé un scandale, forcément, les gens sont tellement bornés ma pauvre Azie. Mais je sais que c’est ça l’avenir. Les femmes ne vont pas rester éternellement des poupées. Si tu savais comme c’est bon de ne pas se sentir étouffée par tous ces lacets !
Azéline aime se retrouver dans ce carcan, ça la rassure. Mais c’est vrai qu’avec la chaleur de Juin, elle a tendance à faire des malaises, elle ne peut pas rester debout trop longtemps, ni marcher trop vite. Germaine a sûrement raison, une fois de plus.
Elles partent toutes les deux, lire sur l’herbe verte du jardin du Thabor. Azéline a emporté le livre La mort à Venise de Thomas Mann. Il est très court, elle l’aura sûrement terminé à la fin de l’après-midi. Une histoire d’amour, ça correspond tout à fait à la douceur de cet après-midi. Germaine a préféré Proust, un auteur d’une quarantaine d’années qui décrit la bonne société qu’elle connait si bien.

Aujourd’hui c’est le 15 du mois, et les ouvriers ont reçus leur paye. Comme à chaque fin de quinzaine, les cafés sont pleins. Les ouvriers dépensent tout ce qu’ils ont gagné pour remplir leur verre. De temps en temps, on voit une femme en colère qui vient avec une ribambelle d’enfants arracher son mari à l’ambiance de fête d’une terrasse bondée. La vie est dure pour certaines familles.
Les jeunes femmes s’installent à l’ombre d’un orme. Elles ont apporté une couverture pour ne pas salir leurs jolies robes.

- On est tellement bien. J’ai l’impression que ça pourrait durer toujours, soupire Azéline.

- Mais ça va durer toujours, mon Azie, pourquoi veux-tu que cela change ?

- Je ne sais pas, j’ai un mauvais pressentiment. J’ai l’impression que nous sommes trop heureuses, que ça ne peut pas continuer. Une catastrophe va arriver, j’en suis sûre.

- Quel rabat joie tu fais ! Tu te poses trop de questions ma toute belle, dit Germaine en lui caressant la joue.

Profite de ce que tu as maintenant. On ne peut pas s’inquiéter tout le temps.

Azéline sait que Germaine a raison, elle devrait être plus insouciante, il fait beau, elles sont toutes les deux. Pourtant au plus profond d’elle-même, la jeune institutrice sait qu’elles vivent leurs derniers instants de véritable bonheur.

§§§§§


Béryl est assise sur un fauteuil de jardin, près des rosiers.

- Tu as raison. L'archiduc François-Ferdinand et son épouse seront assassinés le 28 Juin à Sarajevo, et ce sera le début de la fin pour tout le monde.

- C’est vrai, répond Azéline. Mais Germaine avait raison, il faut profiter de ce qu’on a. Le malheur arrive bien assez tôt. Si on se gâche l’existence en pensant toujours au pire, on ne vit plus.

- Est-ce que vous avez revu les garçons avant de partir en vacances ?

- Une ou deux fois oui. Jules était aussi inquiet que moi. Henry ressemblait beaucoup à Germaine, il n’a pas mesuré du tout ce qui se préparait. La nouvelle de la mort de François-Ferdinand a eu lieu trois jours avant notre départ. Jules rentrait à la campagne chez ses parents près de Lanvollon. Henri habitait Quimper, il était moins arriéré que nous ; et Germaine repartait à Paris. La rentrée d’Octobre serait bien triste.

- Est-ce que tu te rappelles ce que tu faisais quand tu as appris la nouvelle ?

- C’était un dimanche, le 2 Aout. J’étais au village, quand le tocsin a retenti dans Lannargan, c’était horrible.

http://www.youtube.com/watch?v=HUEKbrusbWY

Tout le monde s’est rassemblé sur la place de l’église, nous savions qu’un danger imminent nous menaçait, et c’était sûrement la guerre.
Ce qui m’a le plus surprise, c’est que les jeunes gens étaient contents, ils voulaient défendre la patrie contre les Boches.

- Ils ne se rendaient pas compte du danger ?

- Pas du tout ! Pour eux, on allait écraser les Allemands en quelques jours. Les vieux qui avaient fait la guerre de 70, étaient moins optimistes, mais quand on est jeune, on se sent invincible.

- Combien de tes amis sont morts pendant cette guerre ?

- Un quart des hommes n’est jamais revenu. Ils avaient entre 19 et 40 ans. La plupart de mes amis et voisins ont disparu. D’autres sont revenus atrocement mutilés, ou complètement fous. C’était le cas de ce pauvre Jean-Marie, il n’était déjà pas très éveillé avant de partir, il est devenu complètement idiot à son retour.

- Ta vie n’a pas été drôle, ma pauvre amie.

- Tu sais Béryl, j’ai fait des choses passionnantes pendant les quelques années que j’ai passé à Rennes, les jeunes qui ont connu la guerre ont souffert davantage.

- Qui vous a annoncé que la France était en guerre ?

http://www.histoire-compiegne.com/iso ... -dimanche_2_aout_1914.pdf

- Le garde champêtre a lu l’ordre de mobilisation générale -tous les hommes de 19 à 48 ans devaient se présenter à la Mairie. Le lendemain, la guerre était déclarée, l’Allemagne envahissait la Belgique et la France.

- Que sont devenus Henri et Jules ?

- Nous ne les avons pas revus à la rentrée d’Octobre. Ils nous envoyaient des cartes postales.

Dans l’album que Béryl feuillète, il y a de nombreuses cartes représentant des poilus, on peut suivre les déplacements des deux garçons. Leur moral baisse au fil des mois.
- Comment s’est organisée la vie au village après le départ des hommes ?

- Tu sais Béryl, les femmes bretonnes ont l’habitude de travailler dur. Beaucoup d’hommes passaient du temps à boire des coups de cidre, ou à rencontrer leurs copains à la chasse. Ils n’étaient pas toujours efficaces. Les femmes s’occupaient de la maison, des enfants mais aussi des travaux des champs et des bêtes. Elles ont continué, en prenant la relève. L’entre aide était là, les hommes qui étaient restés venaient aider pour les tâches qui demandaient plus de force.

- Tu recevais des nouvelles de Germaine cet été-là.

- Bien sûr, elle trouvait cette période très excitante.

Ma chérie,

Tu me manques beaucoup. Heureusement à Paris il y a toujours quelque chose à faire. Hier, je suis allée voir tous ces beaux militaires qui partaient à la guerre. Certains avaient une fleur au fusil, c’était magnifique ! Leur famille les accompagnait, les femmes pleuraient, mais on sentait qu’elles étaient tellement fières. Mon cousin Armand est parti lui aussi, je lui ai donné un mouchoir brodé avec un peu de parfum. Il pourra le respirer pour se rappeler de nous quand il se couchera le soir, content du devoir accompli.

Ta Germaine

§§§§§


Azéline range la carte de Germaine dans sa petite boîte en fer blanc. Son amie voit toujours le bon côté des choses. Azéline est peut-être trop pessimiste. La mélancolie est un trait marquant de son caractère. A quoi est-ce dû ? Elle a eu une enfance sans histoire, elle vit un présent plutôt exaltant, serait-ce le futur qui s’invite et assombrit sa vision des choses ? Certaines personnes semblent plus sensibles aux influences invisibles, à ce qu’on pourrait appeler les bonnes ou mauvaises ondes. La jeune femme ressent tout trop fort, trop intensément, ça lui gâche souvent la vie.
Elle part retrouver Guillemette qui passe de plus en plus de temps à l’église. Le Père François est le seul homme jeune à être resté au village, il a toujours une nuée de jeunes filles après lui. Elles papillonnent et bourdonnent en allant de la sacristie à la salle paroissiale. Certaines s’occupent du catéchisme, d’autres du patronage. Il y a l’église à décorer pour les cérémonies, les messes et les célébrations. Guillemette s’occupe de la chorale. Elle retrouve les enfants tous les jeudis après-midi. Le mardi soir, ce sont les adultes qui se retrouvent pour chanter, sous la direction du beau curé. Azéline l’accompagne, elle adore chanter.

- Alors, comment est-ce que tu le trouves le Père François ? Il est gentil, qu’est-ce que tu en penses ?

Guillemette est toujours enthousiaste quand elle parle du chef de chœur. Ses yeux brillent, et ses joues rosissent.

- Quel dommage qu’il soit curé ! Tu crois qu’il pourrait renoncer à l’Eglise ? Je sais que c’est un pêché de penser des choses comme ça, mais c’est tellement bête de penser qu’il ne pourra jamais se marier !

- Guillemette arrête de te monter la tête, il est prêtre et le restera.

- Je sais bien, mais quand même, c’est idiot cette loi. Dieu a dit : « aimez-vous les uns les autres », je suis d’accord avec lui.

- Moi aussi Guillemette, mais il a prononcé des vœux de chasteté, personne ne l’a obligé à le faire…

- Mais il avait la vocation, c’est pour ça ! Il est tellement bon, il s’est donné corps et âme au Bon Dieu ! Il s’est fait avoir, je te le dis comme je le pense.

- Tu ferais mieux de laisser de la place à un autre garçon dans ta tête. Celui-là n’est pas pour toi, il a une alliance, il est marié avec la foi.

- Ils sont tous partis à la guerre les garçons ! Ils se battent, alors que François est un militant de l’Amour.

La pauvre Guillemette, elle est folle amoureuse de son curé. Ce dernier ne peut pas l’ignorer, les sentiments de la jeune paroissienne crèvent les yeux.
Les deux amies aiment toutes les deux des personnes interdites, mais Azéline ne peut se confier à personne, même pas à sa meilleure amie, elle ne comprendrait pas.




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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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