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Nouvelles : Destination surprise
Publié par arielleffe le 23-07-2014 10:11:22 ( 1036 lectures ) Articles du même auteur



Quelquefois, je ne sais pas quoi faire, je regarde la poussière s’entasser dans les coins et les mauvaises herbes envahir mon jardin. C’est souvent à ce moment-là que le canapé du salon me tend les bras en ayant l’air de me dire :

- Tu en as assez fait pour aujourd’hui, viens te détendre sur mes coussins moelleux. Mets tes jambes sur le repose pied, écoute cette playlist qui ne contient que des morceaux de musique que tu aimes et qui peut durer des heures.

J’avoue que bien souvent je me laisse tenter. Mais on ne se refait pas, très vite, la voix de mes parents disparus depuis des lustres, se fait entendre :

- Tu restes là à ne rien faire ! Le jour n’est pas fait pour dormir. Bouge-toi un peu ! Tu perds ton temps !

« Perdre son temps », quelle chose horrible ! La mort viendra bien assez vite, comment peut-on envisager de gaspiller une minute, une seconde ! Dans ces cas-là, j’allume mon ordinateur portable, et je commence des recherches. Je m’informe sur des tas de choses que je n’ai pas le loisir d’étudier quand je suis occupée. Mon nouveau passe-temps s’appelle la généalogie. J’avais commencé il y a quelques années par la branche paternelle de ma mère. Nous étions en vacances près du bourg où elle était née, il pleuvait. Ma sœur et moi ne pouvions rester à « gober les mouches », nous nous sommes rendues à la mairie, et nous avons commencé notre arbre généalogique. Nous étions fascinées par les registres de l’état civil. En remontant dans le temps, les gros livres devenaient de plus en plus vieux, les pages étaient jaunies. On pouvait aisément s’imaginer le maire écrire avec une plume et de l’encre noire. Quelquefois nos ancêtres savaient signer leur nom. On voyait l’application qu’ils mettaient à dessiner les lettres tels des enfants d’école maternelle. Sur d’autres pages, quelqu’un signait à leur place. Leurs métiers n’étaient pas très variés : laboureur, ménagère, parfois meunier ou menuisier.

Bien plus tard, j’ai décidé de mettre de l’ordre dans mes notes, et j’ai enregistré les précieux noms et dates sur un logiciel spécialisé. A chaque fois que j’ai un peu de temps, le virus me reprend. J’ai découvert que toutes les archives étaient désormais numérisées, j’ai donc continué mes recherches du côté paternel cette fois-ci. C’était magique de voir mon nom de famille apparaître sur l’écran et tous ces cousins, cousines, grand-oncles et grand-tantes. Ils avaient des prénoms très classiques : Jan, Catherine, Pierre, Marie…J’ai découvert que « Jean » s’écrivait sans « e » en Bretagne, voilà sans doute l’explication de l’orthographe du prénom de ma mère : « Janine ».

Hier, j’ai réussi à retrouver dans les registres paroissiaux, l’ancêtre le plus ancien que je pourrai jamais découvrir, il est né en 1590 à Etables-sur-mer, et il s’appelle Yvon, il s’est marié avec Marye, née en 1595. Me voilà arrivée au 16ème siècle ! Je cherche des tableaux représentant la vie des paysans et des marins à cette période. Je trouve quelques gravures, et je suis aux anges !

Tout à coup, je me sens happée par la peinture, je rentre littéralement dans le tableau ! C’est incroyable ! J’essaie de me retenir aux coussins du canapé, mais c’est impossible. Mes jambes rentrent dans l’écran, puis mon corps, puis mes bras et enfin ma tête. Je ne me cogne à rien du tout, j’arrive dans un jardin, devant une maison en granit, au toit de chaume. Je suis habillée d’une longue jupe noire, et je porte un fichu blanc. Qu’est-ce que je fais là ? Aucune voiture aux alentours, il y a un chemin en terre battue devant la porte en bois.

Je frappe à la porte. L’ouverture me semble minuscule et mon mètre soixante et onze a du mal à passer. Une toute petite femme habillée comme moi, ouvre :

- Demat.

Je connais cette façon de parler, cet accent un peu dur, elle parle breton ça ne fait aucun doute.

- Bonjour, je m’appelle Arielle, je suis perdue.

- Ne gomprenan ket.

Elle ne me comprend pas, c’est sûr. Elle tient un bébé dans ses bras, il pleure. Elle me fait entrer.

- Petra a fell deoc’h kaout ?

Elle doit vendre du lait ou du beurre.

Je répète en montrant avec mon doigt :

- Arielle, et vous ?

- Marye.

Elle me montre le bébé :

- Estienne. Komz a rez brezhoneg?

Estienne, Marye, les vêtements bizarres. Je suis partie dans le passé, je suis au 17ème siècle, et je parle avec la plus anciennes de mes grand-mères. Elle m’emmène avec elle, et nous allons voir le curé. Il parle français dieu merci. Je lui dis que je suis perdue, mais que Marye et Yvon sont de ma famille. Ils ne me connaissent pas, parce que je viens de très loin.

Le curé plaide ma cause, et je repars chez Marye. Nous longeons la mer, la maison n’est qu’à quelques rues du port. Ma grand-mère, qui est beaucoup plus jeune que moi… m’installe à sa table et me verse du cidre dans un petit plat creux en bois. Leur maison est jolie et bien arrangée. Leurs vêtements sont de bonne qualité, ils ont l’air de vivre très correctement. Par la fenêtre j’aperçois un potager de rêve. Tout est bien aligné, il n’y a aucune mauvaise herbe. Dans une pièce voisine, il y a une étable. Les deux vaches sont dans un pré tout près de là. Il y a un cochon dans un enclos dans la cour, il fouille avec son nez dans la terre. Les poules entrent et sortent de la maison comme elles veulent. Le sol est en terre battue.

Je la sens nerveuse. Je comprends qu’Yvon doit rentrer dans l’après-midi, elle a l’air de craindre un peu son retour. En fin d’après-midi on entend chanter à l’extérieur. Trois petits hommes, d’un mètre 55 environ, se tiennent bras dessus bras dessous. Ils ont un sac en toile sur l’épaule. Mon aïeul est marin, je l’ai vu sur les registres, il doit rentrer en congé. Les trois amis ont fêté leur retour à terre au cabaret du coin, bien avant de rentrer dans leurs foyers. La soirée va être longue, Yvon parle fort, il semble en colère de me voir.

Ils discutent tous les deux, dans cette langue que je ne comprends pas. Marye arrive à le convaincre. Le soir nous mangeons du pain trempé dans de la soupe. Quand il fait nuit, c’est-à-dire très tôt, chacun s’installe sur sa paillasse. Seul Estienne a droit à un vrai lit, un petit berceau de bois qui ferait la fortune des antiquaires. Sous la couverture de laine, je sens des choses qui me piquent, les poules apportent des puces dans la maison, je vais être couverte de morsures. Pourvu que personne n’éteigne mon ordinateur, je suis contente d’avoir rencontré mes ancêtres mais cette destination surprise, n’était pas prévue au programme. J’ai beaucoup de mal à m’endormir, et je fais des rêves très bizarres. Le lendemain matin, je m’apprête à découvrir que mes bras et mes jambes sont constellés de points rouges. J’ouvre les yeux : ouf ! Je suis de nouveau assise dans mon canapé. J’éteins vite mon portable, je vais arrêter mes recherches généalogiques pendant quelques temps.







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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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