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Nouvelles : Le cours Napoléon
Publié par Bacchus le 12-05-2012 16:20:00 ( 1109 lectures ) Articles du même auteur



Il existait encore, dans les années 60, une très ancienne coutume Ajaccienne : ‘ faire le cours’, tous les soirs de l’année, quel que soit le temps ou la saison.
L’été, ce rituel pouvait se prolonger très tard dans la nuit .
Cette promenade avait ses limites, extrêmement précises, et que chacun observait selon un rituel assez hallucinant :
-Passer devant la préfecture, dans le sens de descente du cours et, arrivé au bord du trottoir de la première rue, faire, d’un seul mouvement et sans arrêter la marche, un demi-tour sur les talons pour repartir dans l’ autre sens, aller jusqu’au coin du début du cours, à l’ancienne fontaine, sous les escaliers de la caserne Abatucci, et continuer, face à la place du Diamant, jusqu’au trottoir de la première rue où d’ un seul mouvement, on faisait un brusque demi-tour sur les talons, sans marquer d’arrêt, pour repartir dans l’ autre sens. Et cela, pendant des heures. Vous avez bien saisi l’itinéraire?
Bien sur, ce rite de la promenade avait sa raison d’être.
TOUT se faisait et se défaisait, sur le cours. les affaires: on y croisait les hommes politiques, parlant gravement, les truands notoires, parlant tout aussi gravement, les gens des villages, venant humer l’air de la vie moderne . Mais surtout les amours des groupes de jeunes gens qui faisaient, sur ce cours, leurs premières armes, dans tous les domaines, y compris leurs projets d avenir.
Ainsi, ce Paulo, qui revenait de Pigalle et qui recrutait son équipe pour y retourner. Ce soir-là, plein d’émerveillement pour tout ce qu’il avait vu à Paris, il s’était adressé à moi, entouré de sa bande, qui buvait ses paroles :
-’ Faudrait que tu vois ça, Bacchus ( eh oui, c’ était déjà mon surnom ! ), toutes ces lumières, partout, les grands magasins, les bars, les filles ! ‘
- ‘ Oui, mais je connais tout ça, Paulo ! J’y passe assez souvent’.
Il claqua de la langue, agacé. Ce n’était pas pour moi qu’il parlait, j’ étais juste son faire valoir et je lui cassais la baraque !
Le cours, c’était aussi la vitrine des amours. Mais attention ! Nos coutumes à nous, continentaux, n’avaient rien à voir avec celles d ici. Elles étaient même dangereuses !
A cette époque, sur le continent, dés que des liens s étaient concrétisés entre un garçon et une fille, il était habituel de se déplacer en se tenant par la main. ça n‘ engageait à rien… Ici, houlà !tenir une fille par la main, en ville? et à plus forte raison, sur le cours, c’était l’ annonce officielle de fiançailles, le mariage obligatoire et, s il le fallait, forcé !
A l’époque, avoir une affaire de cœur avec un garçon, pour une fille, c’ était ’ le ’ parler. Ex : ‘ Tu le parles, ce jeune ? ‘prononcé sur sept notes de musique, avec l’ accent d’ Ajaccio. Les méthodes étaient très directes, dans ce genre d’affaires . Suffisait de le demander !
Ainsi, un soir que je faisais le cours, le ‘ grand rouquin’ s’est placé à côté de moi et m’ a dit : - ‘ Paula te fait demander si tu veux la parler ‘ Et comment que je voulais la parler, la Paula ! Alors , pendant la promenade, je la croisais. Sourire. Deuxième croisement, et, au troisième, je fais demi-tour et me place à son côté. Elle se tourne brusquement vers moi et me crie: ‘ qu’est-ce que tu me veux, toi ! Va, va ! Laisse-moi tranquille ! ‘
Sonné, je m’arrêtais net sur place.. Le grand rouquin m’a rejoint en rigolant, et il m’ a expliqué: je l’avais croisé une fois de trop. Une fois, pour le sourire d’entente, et la deuxième fois, pour conclure. Trois fois, c’était une moquerie, une injure aux yeux de ses amies. J’avais bien compris.
Pour donner une suite à ces relations établies, c’était une autre histoire. Selon le but de la jeune fille, il fallait bien prendre garde de ne jamais se montrer avec elle dans les endroits publics et comprendre leurs stratagèmes pour les rencontrer selon leurs convenances. J avais l’avantage énorme de posséder un scooter, ce qui me permettait de les faire monter, dans des ruelles sombres, et de sortir de la ville.
J’ai rencontré une de mes anciennes amies, par hasard dans le Monoprix du cours, il y a quelques années. Dés que je me suis fait reconnaître, elle m’a sauté au cou joyeusement, a prononcé mon nom et mon prénom, sans erreur et m’ a dit : - ‘ Le marin au scooter ! Tu te rappelles quand j’avais perdu ma chaussure, sur la route des Sanguinaires ? ‘ Bah non, je ne m’en rappelais pas, mais on en a parlé quand même.

C’était cela, ’ faire ’ le cours. Le grand cours, car il y avait aussi le petit cours. Juste en face, mais moins long. Il n’allait que de la terrasse du Napoléon, jusqu’au haut du cours. Disons que c était le coin snob de certains promeneurs, une façon, pour quelques uns, de se démarquer du commun.
Mais c’était aussi le théâtre occasionnel d’un spectacle, assez rare, et qui demandait une très longue préparation à celle qui allait jouer en solo.
Une Ajaccienne m’en avait expliqué la raison et ses préparatifs :
Toute jeune fille rêvait, à cette époque de faire une apparition remarquée sur le cours. Bien peu concrétisaient ce rêve. Il s’agissait de défiler, seule, sur le petit cours, de manière à être admirée depuis le grand, avec une très belle robe , une coiffure parfaite et un maquillage remarquable. Cela se préparait des semaines à l’avance, en équipe, pour réunir toutes les conditions nécessaires .
Le soir choisi venu, la fille arrivait, toute parée, entourée de ses amies qui l’accompagnaient jusqu’ à l’angle du cours Napoléon, et là, elle partait seule pour accomplir son tout de piste.
Les deux cours s arrêtaient net. Tous le monde avait les yeux braqués sur la petite poupée qui marchait, comme une automate, perchée sur ses hauts talons, les yeux fixes, comme hypnotisée.
Elle allait jusqu’ à la terrasse Napoléon, faisait demi- tour et retournait à son point de départ pour être happée par ses amies. Et puis elle disparaissait.
Ce qui était étonnant, c’est que les promeneurs se remettaient en mouvement, sans avoir l’ air de tenir compte du spectacle qui s’ était déroulé !
C’était aussi cela, faire le cours.
L’ été, au mois d’ août, une petite entorse à la coutume pouvait se faire en allant exécuter les mêmes va et vient en bord de mer, boulevard Lantivy, face au casino et sa salle de bal.. Il était de bon ton de se montrer aux deux endroits, le soir.
C’est, hélas, une coutume disparue depuis quelques années…..

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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 13-05-2012 13:26  Mis à jour: 13-05-2012 13:26
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Le cours Napoléon
Aucun doute nous sommes bien en Méditerranée.
Tout est codé, regardé et on ne rit pas.
En lisant je pensais à la promenade bi-quotidienne de mes chiens.
Sans rire, leur promenade est tout aussi réglée au quart de poil, seraient-ils d'origine Corse mes toutous ?
J'ai connu une époque serrée aussi, ou chaque geste et comportement avaient sa signification.
Merci
AntoneR
Posté le: 15-05-2012 10:38  Mis à jour: 15-05-2012 10:38
Plume d'Or
Inscrit le: 14-05-2012
De: Lyon
Contributions: 26
 Re: Le cours Napoléon
Je me disais en lisant la même chose, mais au sujet de mon chat, qui chaque jour, part en promenade, emprunte les mêmes chemins et va saluer les mêmes amis... Après une journée longue et reposante de sommeil sur son fauteuil douillet et avant une nuit paisible de repos à mes pieds.
En dehors de cela, le texte est enjôleur... Les histoires de ce genre sont toujours un plaisir !!
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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