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Textes : Dépendance affective (lettre à mes amis).
Publié par malhaire le 13-09-2014 08:20:00 ( 1945 lectures ) Articles du même auteur



«Mes chers amis, je tiens pour commencer à vous préciser qu’habituellement, je suis quelqu’un d’extrêmement pudique, d’entier et d’une honnêteté absolue.
A cause ou grâce à cette honnêteté et à toute la force que je suppose à notre amitié je sens qu’il m’est aujourd’hui indispensable de me livrer à vous, non pas pour me répandre indignement, mais dans l’espoir de vous aider à me comprendre.
Pourtant, n’arrivant pas à vous parler, je décide de vous écrire... Les mots seront plus justes.
Vous le savez à présent, je présente depuis quelques semaines maintenant un état légèrement dépressif.
Du coup, assurément je me suis éloigné de vous, et nos rapports sont je crois devenus hésitants, manquants cruellement parfois pour ma part de naturel. Tout est de ma faute, et j’ai en moi ce sentiment profond de vous devoir quelques explications…

C’est au mois de mai pour moi que le malaise à commencé. Au début, une petite crise existentielle, une légère déprime tout au plus, et puis petit à petit, le vide sidéral douloureux à l’intérieur de soi.
Je le connais bien ce vide, il rôde souvent, mais jamais n’était parvenu à prendre le dessus. Il est à la fois tous les maux de mon enfance, l’abandon, la maltraitance, le rejet, ma peur d’être seul, ma peur de déplaire, ce manque d’affection, mon père manquant, et cette enfance qui a dû s’oublier si vite…
Ces derniers temps, ce vide ne m’a laissé aucun répit, je n’en ai gardé qu’une émotion gênante, une fuite qui ne fait que nourrir ce manque d’estime de soi, et ce désir constant de m’effacer au profit d’autres gens.
Bien souvent, les personnes qui comme moi ont eu une enfance « trouée » passent en vain une grande partie de leur vie à vouloir combler ce vide. C’est un chantier permanent…

Et puis juin est arrivé, avec notre amitié de plus en plus forte et plaisante, avec toute votre affection et votre bienveillance, mais aussi les grands travaux de votre maison.
Quelle aubaine pour moi qui cherchait tant à donner aux autres, et à me remplir d’affections, de reconnaissance, ou même, de gravats…

D’un côté, toi, mon voisin, devenu mon ami, le type chouette, généreux, à qui tout semble réussir, le gars de chantier solide et inépuisable, et de l’autre côté…
Moi, le rêveur oisif, un peu poète ou jardinier, un brin désarmé ou paumé…
Etait-il envisageable que tu puisses m’apprécier tel que j’étais ? Quelle amitié pouvait-être possible ?!

C’est peut-être une évidence aujourd’hui, avec le recul, mais bien avant que je ne perde pied…
J’ai durant toute cette période de travaux passé de merveilleux moments, et je pèse mes mots. Je me suis senti vivant avec ce désir absolument sincère de vous aider, entouré, valorisé, croyant toucher des qualités que j’admire tant chez toi, mon voisin, mon ami.

Et puis petit à petit, je ne sais comment, j’ai perdu le sommeil, les pédales aussi…
J’ai même cru pouvoir abandonner ma vie que je croyais ne plus aimer.
Même ma femme qui peu à peu ne me reconnaissait plus n’a pas réussi à me raisonner, à me convaincre ; je l’ai rendu si triste et cela m’était égal. Je m’en veux terriblement.
Nous n’avions rien vu venir… Et vous ne pouviez pas savoir.
J’étais comme dans un rêve, reconnu pour ce que j’admire tant chez les autres ; à ne me sentir « complet » que dans ces travaux ou notre amitié, telle une drogue émotionnelle, rien ne trouvait plus grâce à mes yeux. J’avais alors perdu toute vision. Je n’ai rien compris. Je ne l’ai pas dit.
J’ai même commencé à chercher une autre drogue ; je me suis mis à courir. Un peu, et puis souvent, de plus en plus loin, et même, de plus en plus vite. Courir parfois à en vomir, comme s’il était possible d’échapper à soi-même, à son néant, à sa béance…

Mais je vous l’assure le plus sincèrement possible, rien n’incombe à votre responsabilité.
Tout cela n’est que la conséquence de ce maudit vide intérieur dont je parlais plus haut…
Et puis septembre a surgit, me sortant de ma torpeur ou de mes illusions ; ce fût pour moi le choc, la rupture…
Le travail a repris, l’école aussi, les gros travaux se sont achevés, et l’intensité de notre relation que j’avais durant ce temps surinvesti s’est tout naturellement estompée…
Le vide douloureux au fond de moi est revenu décuplé, si violent.
Je me suis senti tellement inutile.

Pourtant, durant ces deux dernières semaines, j’ai parcouru un long chemin et j’ai pris beaucoup de recul.
J’ai compris que rien, ni personne n’était là pour me combler ou remplir ce vide en moi.
Je vais devoir apprendre à devenir autonome affectivement, devenir heureux, même quand je suis seul.
Je vais me faire accompagner.

Aujourd’hui, je retourne peu à peu dans mon jardin abandonné, et je reviens doucement à ma vie…
Je me rapproche plus encore de ma femme et de mes filles que j’aime tant. J’ai une femme merveilleuse de compréhension. Il n’est pas toujours simple de vivre avec moi.
Aussi, je reste convaincu que cette expérience, au fond, ni bonne, ni mauvaise, va au final tant m’apporter. Je réagis et j’ai malgré tout toujours en moi cette force étonnante et ce formidable instinct de survie qui toujours m’empêche de renoncer.
Bien sûr, j’ai aussi en moi ces failles et ces fragilités si présentes qui font ce que je suis, qui font que l’on m’accepte ou pas, tel que je suis.
Aussi, je me reconnais parfois un très grand courage ; il n’est pas si facile de vous écrire cette lettre… J’ai tellement peur de votre jugement. J’ai peur qu’après ces confidences vous me trouviez insensé ou toxique. J’ai peur que vous vous méfiez de moi, me jugeant trop inquiétant.
Je vous promets ne pas l’être ; je souffre parfois plus qu’un autre, et c’est bien tout.
Il faut me croire, je suis intègre.
J’espère ne pas vous avoir ennuyé ou même trop inquiété avec de telles confidences, elles sont pour moi indispensables, surtout, si dans l’absolu vous décidiez malgré tout de me conserver votre amitié.
J’espère, malgré cette lettre, que vous allez me permettre de revenir vers vous, doucement et avec prudence, comme avant…
Je serai malheureux et perdu, si je devais vous perdre complètement. Mais cette idée ne doit ou ne peut motiver votre décision.
Aussi, je vous présente mes excuses les plus sincères. »

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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 13-09-2014 11:36  Mis à jour: 13-09-2014 11:36
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Dépendance affective (lettre à mes amis).
Quelle merveille, dans l'équilibre de l'émotion, de la pudeur et de l'humanité émouvante qui se dégage de ces lignes comme toujours simplement élégantes.
J'aime ta propension à la nuance, l'évocation, une douceur se dégage qui dit tout.
Et surtout que dire de ces trous noirs qui nous habitent, là, juste au centre vital de nous-mêmes, de notre être à la colonne vertébrale toujours en construction, ce trou noir qu'il faut sans cesse nourrir, de reconnaissance, d'amour, de regards bienveillants, de stimulations en tous genres ..; et aussi d'oubli indispensables, oublis, rejets, humiliations, vexations abaissantes ...
Que ressent-on lorsque l'on a pris vie sous un regard tendre qui construit, quand on sait que l'amour est une réalité, quand on s'est vu dans des yeux qui nous aiment, quand on " sait " que l'on "peut" inspirer de l'amour, quand on "sais" que l'on a de l'importance pour ces yeux là ?.
Notre fragilité est notre force, et la vie dans sa dureté nous ont offert ce cadeau merveilleux de partager cette fracture par les mots qui soignent, qui maquillent joliment nos bleus.
Outre la sensibilité de vibrer et ressentir, tu as reçu ce cadeau rare, ce beau privilège, de savoir offrir ces souffrances avec art. L'Art le seul moment où un humain peut s'habiller en dieu.
Merci pour cette belle lecture.
Grenouille
Posté le: 16-09-2014 22:17  Mis à jour: 16-09-2014 22:17
Plume d'Or
Inscrit le: 22-01-2012
De: Alsace
Contributions: 317
 Re: Dépendance affective (lettre à mes amis).
Tu as des amis, cher Malhaire, mais beaucoup sont comme moi : que répondre à cette souffrance qui peut surgir chez chacun d'entre nous ? Je te souhaite de guérir très vite Malhaire, reçois toute ma sympathie.

Grenouille
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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