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Nouvelles : L'incendie
Publié par Loretta le 16-10-2014 17:00:00 ( 942 lectures ) Articles du même auteur



Je frotte vivement contre le buffet de l’entrée pour effacer les innombrables traces de doigts. D’un rapide coup d’œil, je remarque que la porte du bureau du ministre est entrebâillée. Je m’approche et perçois la voix de mon employeur faiblement. Il chuchote au téléphone. J’essaie de ralentir ma respiration pour faire le moins de bruit possible, et capter le moindre son émanant du cabinet. Je n’entends, pourtant, que des bribes de conversations.

« Il faudrait revoir son cas… Menace inquiétante des révolutionnaires… Certains soldats s’allient à eux et nous… Guerre civile approche ! »

Une odeur de fumée me parvient, mais je n’y prête aucune attention, totalement absorbée par le discours de mon maître. Les habitants de ce pays ne sont donc pas tous soumis, il existe des gens comme moi qui veulent que les choses changent ! Je ne suis plus seule.

J’entends un cri à l’étage du dessous. Je me retourne et m’avance vers l’escalier. Katherine m’appelle et ça semble vraiment urgent. Mais quelque chose en moi ne veut pas perdre une miette de la conversation du ministre. Je reste plantée devant les marches sans trop savoir quoi faire, jusqu’à ce que de rapides bruits de pas résonnent. Katherine se trouve en bas des marches, haletantes et les larmes aux yeux. Je l’interroge du regard sans trop comprendre. C’est alors que l’odeur de brûlé me revient aux narines.

- April, sors de cette maison, dépêches-toi.

Je fronce les sourcils.

- Qu’est-ce qui se passe ?

Son visage semble s’adoucir quelques instants et sa respiration se calme. Et elle lâche alors :

- La maison est attaquée par les révolutionnaires.

Mon cerveau s’éteint juste après cette phrase, et mes membres ne me répondent plus. Le ministre sort alors, en trombe de son bureau et fonce vers moi. Il attrape le col de mon uniforme et m’attire à lui, les yeux emplit de colère. Il cri des mots qui ne parviennent pas jusqu’à mes oreilles. J’essaie de me concentrer sur ses lèvres, mais elles bougent bien trop vite pour mes yeux qui sont rapidement pris en otage par une épaisse fumée grise.

Le ministre me lâche et descend les escaliers en toute hâte. Il percute Kat qui, elle, monte les marches pour venir à moi. Elle m’attrape par les épaules et me regarde droit dans les yeux d’un air sévère.

- April, écoute-moi, les révolutionnaires ne sont pas mauvais. C’est eux qui assureront notre avenir. Promets-moi, promets-moi de quitter cette maison et de te joindre à eux pour nous sortir de ce merdier. Je t’en prie, fais en sorte que cet attentat fasse bouger les choses !

Elle m’implore avec tellement d’ardeur que je comprends alors qu’elle fait partie de ces insurgés.

Les flammes commencent à se faire voir. Je perds mon calme et me met à pleurer. Katherine m’embrasse sur le front et me pousse vers les escaliers.

- Sors par derrière, j’ai mis feu à la cuisine, on croira que le cuisinier a oublié d’éteindre le four.

A ces mots, elle repart dans la direction qu’à prit notre maître.

Je n’ai pas le temps de réfléchir à ce qu’elle m’a dit. La première chose à laquelle je pense, c’est à la photo de Dune et Logan sur ma table de chevet. Je me précipite dans le couloir en direction de ma chambre. Le feu a déjà envahie tout le rez-de-chaussée et le premier étage, si je veux m’en sortir, je devrai, sans doute, sauter par la fenêtre ou glisser par la gouttière.

La porte de notre chambre est à moitié consumée par les flammes. Je remonte mon col devant ma bouche pour respirer le moins de gaz possible. Je pousse ce qui reste de la porte, ce qui fait s’envoler un nuage d’étincelles qui me brûlent les yeux. Je tousse et crache à plusieurs reprises. Je me jette sur mon lit et saisit le petit cadre en métal. Il est brûlant et la douleur à son contact me fait le lâcher. Je tombe à genou et le cherche à tâtons, mais à présent, les quatre murs autour de moi sont embrasés. Si je reste ici à le chercher, je risque de ne jamais ressortir vivante. Je me relève et fonce vers la petite fenêtre à côté de l’armoire. J’essaie de l’ouvrir, en vain. Le loquet est bloqué par le froid glacial qu’il fait dehors. Je tire de toutes mes forces sur la petite poignée, en lui conjurant de céder. Sans succès.

Je m’éloigne alors, et repasse par la porte qui s’est transformée en bûcher. Je sens que mes vêtements prennent feu à leur tour, et je tape sur ma jupe pour faire fuir les braises. Je saute dans les escaliers pour les descendre plus vite et m’écorche les deux genoux dans ma chute. Je ne ressens presque pas la douleur de la peau arrachée, mes poumons flambent dans ma cage thoracique. Je cours dans tout le manoir, en cherchant une échappatoire, n’importe laquelle… Une sortie de secours. Je percute des tables, des vases et fonce même parfois dans les murs.

Je suis complètement perdue. Je connais pourtant cette maison comme ma poche, mais ici et maintenant, j’ai l’impression d’être perdue dans un labyrinthe de feu sans issue. Je pousse une énième porte et trébuche sur quelque chose. Je m’écrase au sol non sans pousser un hurlement de surprise. Je me retourne et aperçoit une forme longue étendue de tout son long. Je rampe pour m’en approcher et remarque ses quatre membres, pourtant, quelque chose d’inhabituel pointe vers le haut. Je passe ma main par-dessus et cogne contre l’objet vertical : c’est un bout de bois. Des frissons parcourent mon échine quand je comprends de quoi il s’agit. C’est un cadavre empalé. Je m’avance encore plus pour essayer de voir si c’est le corps de Katherine ou celui d’un autre. Il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte que le somptueux costume appartient au ministre. L’attentat aura donc été un succès.

Je ne réfléchis pas plus et me relève avec peine. J’ai trop de mal à respirer, je n’atteindrais certainement pas la sortie avant d’avoir perdu l’usage de mes poumons. Je continue pourtant à arpenter les pièces et couloirs du manoir. Je pousse parfois un cri dans l’attente d’une réponse, mais évidemment, rien ne m’est renvoyé.

Je crois être arrivée au rez-de-chaussée et reprend espoir. La porte d’entrée ne devrait plus être loin à présent. Je tente de garder les yeux ouverts encore un moment. Mais lorsque je crois atteindre l’ultime porte, je m’engouffre encore plus profondément dans le puzzle de pièces de la demeure.

Je tombe à genou lorsque je parviens au petit salon. Mes forces m’ont quittée et je manque d’oxygène pour continuer. Je m’efforce à continuer à ramper, mais quand j’atteins la table basse, quelque chose de lourd me tombe sur le crâne, et je perds connaissance.

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 18-10-2014 17:01  Mis à jour: 18-10-2014 17:01
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: L'incendie
Un suspense haletant sur fond de drame politique. Je ne suis pas sûre qu'elle aurait pu tenir si longtemps dans un manoir en feu. Et la fin nous fait comprendre que tout est perdu pour elle. Une victime innocente.

Merci

Couscous
plouf-17
Posté le: 23-02-2015 03:45  Mis à jour: 23-02-2015 03:45
Mascotte
Inscrit le: 11-03-2014
De: Vénus
Contributions: 100
 Re: L'incendie
Woow j'ai énormément aimé ce texte dramatiquement sublime !!
Merci !

Plouf
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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