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Essais confirmés : En attendant le tram
Publié par Iktomi le 11-11-2014 06:00:00 ( 1278 lectures ) Articles du même auteur
Essais confirmés



«Celui qui écrit une page et qui, une demi-heure plus tard, en attendant son tram, s'aperçoit qu'il ne comprend rien, même pas ce qu'il vient d'écrire, apprend à reconnaître sa propre petitesse et comprend, en pensant à la vanité de sa propre page, que chacun prend ses propres élucubrations pour le centre de l'univers, mais vraiment chacun, sans exception.»


(Claudio Magris – Danube)



Cesser d’écrire fait un bien fou. C’est comme une cure de désintoxication, la souffrance du sevrage en moins. Et cesser d’écrire pour être lu est encore plus salutaire. En fait, cesser d’écrire pour quelque motif que ce soit pourrait très bien devenir une sorte d’ascèse, née d’une certaine lassitude. Laisser l’encre sécher dans le stylo, mais volontairement pour une fois, par paresse, nonchalance et manque d’envie. Par fatigue. Fatigue physique autant qu’intellectuelle d’ailleurs. Le stylo plume que j’ai acheté il y a un an et demi pour une occasion spéciale et pas du tout littéraire est devenu bien fatiguant à secouer. J’ignore si cela résulte d’un défaut de fabrication ou du climat tropical qui coagule l’encre, mais ce satané stylo m’oblige à le secouer comme un vieux thermomètre avant chaque utilisation pour que l’encre consente enfin à irriguer la plume. Et c’est précisément au moment où le liquide foncé est sur le point de se transmuer en mots… que rien ne se produit. Alors je pose le stylo et j’ouvre un livre.


A l’évidence, je ne ferai jamais partie de ces gens pour qui l’écriture est une nécessité vitale et qui ne peuvent concevoir de laisser passer une journée sans écrire. Je ne suis pas atteint à ce point-là et je m’en félicite. Je n’ai plus écrit une seule ligne depuis fin novembre 2013, cela fait donc un an. Au fond je préfère lire, c’est moins fatigant. Par un mouvement progressif mais irrésistible, la lecture a complètement remplacé l’écriture. Et ça me va très bien. Je n’en conçois pas l’ombre d’un début de culpabilité : affreux, n’est-ce pas ? Alors même que des projets d’écriture tous plus attrayants les uns que les autres continuent à germer sous mon crâne, c’est avec une jubilation sournoise et perverse que je m’applique non seulement à ne pas les réaliser, mais encore à les renvoyer au néant en dédaignant de les noter (et dire que je me suis ruiné en carnets de moleskine noire !) et en m’empressant de les oublier.


Je pourrais évidemment faire de la surenchère à la modestie et à l’humilité en déclarant que tout ce que j’ai lu ces derniers mois m’a fait découvrir des écritures d’une perfection, d’une beauté, d’une poésie désespérantes, à m’en faire perdre toute envie d’écrire. Il n’en est rien : j’ai trouvé Les racines du ciel de Gary interminable et chiant, Pour qui sonne le glas misogyne et prétentieux, Ferdydurke (de Gombrowicz) vain et niais ; il ressort clairement de ses Lettres à Milena que Kafka n’était décidément pas un petit gars simple, et si par hasard ou extraordinaire vous entendez parler un de ces jours de Pierre Benoit (sans accent circonflexe sur le « i », s’il vous plaît), dites-vous bien qu’il est tombé dans un oubli largement mérité, alors que de son vivant certains n’hésitaient pas à le considérer comme le meilleur écrivain français après Proust.

J’avais fixé une limite à ce texte : une page, et j’arrive à la fin de cette page. Nous ne sommes pas ici au centre de l’univers, n’est-ce pas ? A présent, il ne me reste plus qu’à attendre le tram.

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Ermite
Posté le: 11-11-2014 08:41  Mis à jour: 11-11-2014 08:41
Plume d'Or
Inscrit le: 31-03-2014
De:
Contributions: 1652
 Re: En attendant le tram
Intéressant, vraiment.
Invitation à la réflexion , à l'inspiration.
( J'en profite pour te remercier de tes commentaires. )
Amitiés.
couscous
Posté le: 11-11-2014 08:54  Mis à jour: 11-11-2014 08:54
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: En attendant le tram
Cela signifie que nous ne te lirons plus alors. Tu es définitivement sevré de l'écriture, dommage. Mais cela te laisse plus de temps pour venir nous lire alors...

amitiés

Couscous
Iktomi
Posté le: 11-11-2014 10:15  Mis à jour: 11-11-2014 10:24
Modérateur
Inscrit le: 11-01-2012
De: Rivière du mât
Contributions: 682
 Re: En attendant le tram
Amie couscous, tes suppositions sont un peu aventurées, en ce qui concerne l'écriture.

Revenir vous voir m'a redonné le goût d'écrire, mais il est certain, je le sais maintenant, que ça ne prendra jamais une place disproportionnée dans ma vie. Le sevrage a eu du bon mais n'était pas une fin en soi. Se sont mêlées à cela quelques péripéties que j'ai connues ailleurs sur un autre site, que quelques uns ici (dont toi) connaissent... C'est d'ailleurs au moment où ça allait le plus mal que j'ai écrit ce texte, je l'ai posté ici car je crois qu'il a au moins le mérite de livrer quelques pistes de lecture qui pourraient intéresser certains de nos amis de l'Orée.

Mais cesser définitivement d'écrire, ça non.

Attends les jours prochains et tu verras...

Merci pour ton passage.

Bien à toi.
Marco
Posté le: 11-11-2014 12:06  Mis à jour: 11-11-2014 12:07
Plume d'Or
Inscrit le: 17-05-2014
De: 24
Contributions: 725
 Re: En attendant le tram
Iktomi,
Pourquoi te sentirais-tu coupable de ne plus écrire ?
Tes écrits étaient-ils vitales pour autrui ?
La seule personne qui pourrait souffrir de cette décision, ranger le stylo au rayon des objets obsolètes, c'est toi.

D'un mot à l'autre
D'un mot pour un autre
D'un mot plus haut que l'autre

Ma plume mutilée
Mon encrier renversé
Mes mots noyés

La lune devenue noire
Torture mon espoir
À même mon écritoire

Plus un mot
Ne me
Vint
À
L'esprit.

Et c'est pourquoi tu as choisi la lecture. Lecture qui te permet d'utiliser l'art de la critique, domaine dans lequel tu excelles.
J'ai lu de nombreux commentaires que tu as déposés, et le plus souvent, je n'ai lu que des critiques acerbes ou tout moins peu encourageantes.

Même Romain Gary n'y échappe pas !
La modestie et l'humilité ont dû simplement te croiser, un soir d'écriture.

Eh bien, je te souhaite bon voyage !

Marco
Que la vie te soit aussi douce que possible.
Iktomi
Posté le: 11-11-2014 13:29  Mis à jour: 11-11-2014 13:29
Modérateur
Inscrit le: 11-01-2012
De: Rivière du mât
Contributions: 682
 Re: En attendant le tram
Cher Marco merci pour ton passage.

Tu comprendras que je ne vais évidemment renier aucun de mes commentaires passés, même si j'y ai eu la dent dure : c'est vrai, je n'ai pas la moindre tolérance pour les textes qui massacrent allègrement les règles les plus élémentaires de la syntaxe et de l'orthographe de la langue française... et j'espère que tu m'accorderas que c'est loin d'être rare, même ici à l'Orée que je tiens pourtant pour un petit sanctuaire d'excellence en la matière !

Et puis n'oublions pas que toute critique un tant soit peu sensée est forcément subjective, c'est peut-être ce qui permet de lui apporter des nuances quelquefois nécessaires. Ne serait-ce que pour garder l'exemple de R. Gary, je maintiens que j'ai trouvé Les racines du ciel pénible à lire, mais par contre Education européenne et La promesse de l'aube sont de très beaux livres.

Et puis non, mes écrits n'étaient vitaux pour personne, c'est d'ailleurs le sens de la citation de Claudio Magris que j'ai mise en exergue de mon texte, mais il est vrai que je reconnais avoir eu le tort, allez, disons même la prétention, de leur accorder naguère plus d'importance qu'ils n'en avaient. Je crois, j'espère, être guéri de cela à présent.

Bien à toi.
Loriane
Posté le: 13-11-2014 00:09  Mis à jour: 13-11-2014 00:09
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: En attendant le tram
J'ai souri en te lisant, sais-tu combien de fois j'ai profondément choqué mon auditoire, en faisant preuve de franchise jugée digne de celle d'une inculte ?
" Ouah Aragon ! non, sa semaine sainte, un vrai cauchemar !! "
" Mais comment peux-tu, dire ça, toi ??? mais c'est un génie !"
" Ah oui, un génie chiant, alors ! "
J'ai du lire, tant et tant de génies (!), ennuyeux, mais ennuyeux !! indigestes, et je devais ensuite noircir des pages pour chanter leurs louanges, leurs admirables mérites !!! ou les faire aimer à des élèves !. Je n'ai jamais été une excellente politique, je ne suis pas douée pour l'hypocrisie, pas plus pour le snobisme, alors oui, je te rejoins à 100%, beaucoup de réputations sont surfaites et on trouve souvent sur les petits chemins de traverses des pépites d'inconnus qui nous rendent heureux.
Quand à l'écriture, nous devons tous accepter nos cycles, nos appétits irréguliers, les longues périodes de vacuité, ces vacances de l'esprit sont naturelles et souhaitables, excepté évidemment pour celui qui veut en faire son gagne-pain., et qui, en se contraignant, va nous saouler " d'oeuvres" chiantes.
Très heureuse de profiter de ton retour, car rien n'est jamais figé.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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