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Nouvelles confirmées : La maison en coquillages N° 1
Publié par Loriane le 05-02-2012 18:10:00 ( 1284 lectures ) Articles du même auteur



La maison en coquillages 1


Linette les yeux dans le vague, caressait en un tendre va et vient de la paume de sa petite main la tête douce et ronde du petit chien de céramique, statuette en relief et qui dépassait du muret du balcon.
La maison de coquillage où elle vivait avec sa famille était un endroit extraordinaire, une maison un peu folle de la pauvre banlieue nord de Paris.
La totalité des murs extérieurs de ce modeste pavillon étaient entièrement couverts d'une décoration fabuleuse, collés dans le ciment on voyait surtout des coquillages, des coquilles saint Jacques, des morceaux de vaisselles, de bouchons de verres brillants et colorés, de flacons de parfum, bleus pour la plus grande partie, de fleurs en céramique, de ces fleurs généralement destinées à orner les tombes, enfin, de tout une foule de morceaux de céramiques, faïence, verre, et d'une foule de statuettes cassées... pas un morceau de mur n'était vierge de décorations.
Linette savait qu'elle habitait un endroit peu ordinaire, et il lui arrivait souvent d'être photographiée devant sa maison par des passants curieux. tant le spectacle de cette maison était surprenant, c'était bizarre !
Linette avait des cheveux plus roux que blonds, nous dirions aujourd'hui qu'ils étaient blonds vénitiens, personne dans sa famille, n'avait ce genre de cheveux, tout le monde autour d'elle avait des cheveux de couleurs "normal", bruns châtains ou blonds mais pas cette maudite couleur de sorcière qui pue ! personne ! sauf elle ! c'était bizarre!
Linette ne s'appelait pas Linette. Le prénom que sa mère avait choisi pour elle, était un prénom que personne d'autre ne portait.
Sa maman lui avait raconté que Lydia était le prénom d'une petite camarade de pension qui avait toutes les qualités, elle était belle, intelligente, gentille ... alors maman c'était dit que si elle avait une fille un jour, elle l'appellerait comme ça en souhaitant que cela marche !
"Mais qu'est-ce qui a pris à ta mère de t'appeler comme ça, tu peux pas avoir un nom comme tout le monde ?" avait dit avec agacement sa tante. Je ne rappareillais que Linette, ou peut-être Linou, des prénoms normaux.
Lydia c'était trop bizarre !
Linette travaillait bien à l'école, dans cette famille, c'était nouveau, c'était inattendu, c'était bizarre !

La petite fille "bizarre" se tenait debout, sur la terrasse carrée qui, au centre de la façade du petit pavillon de banlieue, surplombait la cour soutenue par ses deux gros piliers sous lesquels elle passait chaque jour pour monter "à la maison" par l'escalier de bois, un escalier si raide qu'il méritait plus justement le nom d'échelle.
La tête de la petite fille dépassait depuis peu les hautes jardinières de béton qui faisaient le tour du balcon. Sur la pointe des pieds, le nez dans ses plantations, elle regardait comme un miracle, dont elle se réjouissait, les petites feuilles pointues des tulipes qu'elle avait enfoui, planté là avant l'hiver.
La couleur de la terre noire de la région Parisienne la réjouissait.
D'instinct, elle en devinait toute la richesse, c'était avec volupté qu'elle grattait, retournait, ratissait cette nourriture pour les petites plantes dont elle surveillait la pousse avec appétit et avec une curiosité presque mystique. Les plantes ne sortent-elles pas du fond de la terre, Là, en-dessous, dans le mystère, là où il n'y a rien, où l'on ne voit rien, au fond où vivent les petits asticots rigollots qui se tordaient, où s'enfonçaient les racines des arbres dans les fissures du sol vers un monde inconnu, entre les cailloux et les roches, dans les fractures puis un jour soudain, affleure un fragile brin vert, et ...Ce miracle des fleurs, des arbres, de tous ces végétaux en général qui viennent du néant pour illuminer ses yeux de leurs couleurs, de leurs formes inattendues et de leurs odeurs, venues à n'en pas douter, du paradis, c'était là, une de ses passions.
Pour Linette le paradis créateur était quelque part sous la terre.
Le regard fixé sur le devenir de ce brin de végétal, elle rêvait quand sa rêverie prit fin brutalement.
Du bout de la rue, venait au loin le bruit de la mobylette de son père. Ce bruit qu'elle abhorrait déclencha en elle la terreur habituelle, son ventre se tordait, elle se liquéfiait. La peur de se salir la contraint comme d'habitude à se taper avec frénésie, les fesses contre le mur, jusqu'à ce que les spasmes incontrôlables s'apaisent.
Soudainement, elle se sentit tirée brutalement en arrière, elle faillit tomber en même temps qu'elle ressentit une douleur aiguë dans ses cheveux et que sa barrette tomba sur le sol avec un bruit métallique en libérant ses longs cheveux attachés en queue de cheval..
Elle n'eut pas le temps de se retourner tout à fait, que deux claques dures et sèches la giflaient en un vif "aller retour".
Ses joues brûlaient, elle pensa immédiatement qu' elle venait, une fois de plus de recevoir ce que sa mère nommait, des "giroflées à cinq branches".
Chaque jour elle recevait un véritable bouquet de ces "giroflées", qui, toujours selon sa mère, faisaient circuler le sang.
Une fois sur deux, elle ne savait pas pourquoi, les gifles tombaient drues sur elle, et elle se sentait incapable de les éviter, ne sachant pas toujours prévoir les réactions que ses actes ou non actes pouvaient provoquer. Ce côté imprévisible de sa mère, la déstabilisait tant qu'il lui semblait que les règles étaient mouvantes et lui échappaient tout à fait. Elle aurait probablement mis tout son cœur à éviter ces sempiternelles punitions mais elle n'en comprenait pas toujours les raisons, trop obscures pour elle, tant les colères de ses parents dépendaient d'un tas de motifs qui ne la concernaient pas.
"Attends ma p'tite fille, je vais te dresser, moi, tu crois que je vais finir ta vaisselle à ta place, ton père arrive "
La voix âcre et dure de sa mère venait sur elle comme un acide, un jet de fiel.
Son père arrivait, ça, elle le savait, elle avait bien entendu.
"Pourquoi Daniel ne fait rien"
Un autre aller retour, prévisible cette fois, la secoua pour la seconde fois en quelques minutes.
" Ah oui, et tu réponds ? tu vas voir ma p'tite fille je vais t'apprendre, c' est pas à un garçon de faire la vaisselle".
Elle connaissait cette sentence par cœur pour l'avoir tant entendue, mais elle n'en voyait toujours pas le fondement.
Mais pourquoi ? se disait-elle à chaque fois.

La vaisselle essuyée, elle sortit du petit placard sous l'évier, la cuvette émaillée de blanc, elle la remplit d'eau chaude prise dans le faitout qui ronronnait sur la cuisinière, et avec le gant de toilette et le savon de Marseille, elle fit la toilette de son petit frère et de sa petite sœur. Tous deux perchés debouts sur la chaise de bois à côté de l'évier, vive et soigneuse elle savonnait le haut de leurs corps, puis le rinçait, venait ensuite le bas de corps. Tous deux collaboraient, ils connaissaient bien, le scénario, et se prêtaient sans problème à offrir leurs bras, leurs jambes aux caresses du gants de toilette, après quoi elle les essuya, puis vida, l'eau savonneuse de la grande cuvette dans l''évier, et alla vite mettre la table.
Elle s'occupait de ses frères et sœurs sans renâcler, elle le faisait avec sérieux et responsabilité, elle se conformait, rassurée, à son rôle de "petite maman", comme le rappelait sans cesse sa maman, Linette la petite maman savait qu'alors elle n'était plus, à ces moments là, ni bizarre ni mauvaise. Elle était utile.
Dans la pièce d'à côté son père hurlait et sa mère aussi, le sujet de la dispute lui était comme chaque soir inconnue.
Le petit logement était composé de trois minuscules pièces en enfilade.
Au sortir de l'escalier-échelle, on entrait dans une petite pièce qui servait de cuisine, avec simplement une table de bois blanc, une chaise, une cuisinière et une pierre à évier avec son robinet d'eau froide bien évidemment. Près de la fenêtre une porte fermait un débarras en surplomb de l'escalier-échelle, dans ce renforcement obscur les parents de Linette gardaient au frais les réserves d'oignons, d'aulx, les casseroles, le précieux couscoussier, les grandes poêles, des conserves, des tas de pommes de terres qu'il fallait, pour le plus grand déplaisir des enfants, régulièrement dégermer, assis tous en rond, et tout au fond de cette réserve-cagibis, en hauteur était accroché le fusil de chasse du père, sur une petite étagère, enfermées dans des boîtes en fer, la réserve de cartouches, et aussi les noix rapportées de la maison de Dordogne ... tout un tas de choses dormaient là dans le noir.
Sur le rebord de la fenêtre était accroché un long placard de bois grillagé sur l'extérieur, qui servait de garde-manger.
En trois pas on entrait dans la seconde pièce où la famille prenait ses repas.
Pompeusement nommée salle à manger, cette pièce petite également, était meublée d'une table ronde au centre, entourait de ses cinq chaises, un vilain buffet de bois, couvert de la coupe de fruits et de la précieuse soupière , avec dessus un petit vaisselier, le lit-cage en métal de ses parents, au dessus accrochait au mur le calendrier Vermot aux feuilles détachables, avec chaque jour un dessin humoristique ou un adage populaire faisait rire les parents, dans l'angle de droite en entrant, 'une cheminée avec sa tablette de marbre noir et blanc, où trônait la radio et son cadre anti-parasite.
La dernière pièce était la chambre. Le mobilier ici encore, était plus que rudimentaire et surtout très laid.
Le sol était couvert d'un vieux "balatome" balatum si usé qu'il n'avait plus de couleur,
Au milieu de la pièce un grand lit en fer pour elle sa petite sœur, dans l'angle de droite, face à une autre cheminée, juste derrière la porte, un autre lit de fer plus petit, pour son frère. A gauche près de la fenêtre une vieille armoire à glace contenait tout le linge et vêtements de la famille, sur le mur de gauche une planche en bois servait de penderie fermée d'un rideau de tissu vert et gris, qui cachait les chaussures, cartables des enfants, la musette du père et à côté le grand pot de chambre jaune émaillé avec son couvercle, récipient qu'elle allait vider chaque matin, dans les "ouatères" de la maison en bas dans la cour.
Linette avait terminé de mettre le couvert et devant l'assiette de son père, elle avait pris grand soin de ne rien oublier : le grand couteau pliant, le quart en fer, ramené avec fierté de l'Algérie, le poivre sacré, qui en cas d'oubli provoquait des drames: "lou diable me crame l'âme, il n'y a rien sur cette table, y'a pas de bonnes femmes ici ? c'est aux hommes à tout faire dans cette maison !!...."
"Linette tiens toi droite, va chercher le pain pour ton père, tu lui as taillé sa soupe..?."
Les cris continuaient, et le drame se précisait, les yeux sur les deux bouteilles de vin, Linette lisait et relisait les étiquettes, lire, lire et lire encore, lire n'importe quoi, les étiquettes, l'almanach Vermot, les images de son livre de catéchisme, les titres du journal "l'humanité" derrière lequel, à table, disparaissait le visage de son père, les pubs du métro , Dubo Dubon Dubonnet ...
Mais lire, lire, s'enfermer dans un livre.
Au milieu du repas l'explosion du père fit trembler la table, les bouteilles sur celle-ci s'entrechoquaient après le grand coup de poing de celui ci ponctué comme toujours du cri en patois "lou diable me crame, qui est le maître ici...on va voir de quel bois je me chauffe..."
cette voix puissante, menaçante, et violente était chargée de haine;
"Les gosses, allez vous coucher !"
L'ordre était sans réplique possible, exécutable sans délai comme une fuite.
Derrière la porte les hurlements étaient comme des bêtes qui attaquent, les trois enfants debout dans le noir, entendaient les bruits sourds des premiers coups, le raffut se mêlaient à leurs prières.
A genoux derrière la porte, Linette et son frère suppliaient jésus et son père, sa mère, les saints., tous les habitants du ciel étaient suppliés, appelaient au secours
Les deux enfants, marchandaient :
"Dieu envoies nous un orage, ....non, deux orages mais que mon papa et ma maman ne se battent pas"
Et les chocs et les bruits sourds continuaient.
Quatre orages.... dix orages...Le bruit de bagarre s'amplifiait, les enfants hurlaient.
Linette entendait le cri aiguë de bête folle, terrifiait qui sortait de sa gorge malgré elle.
Dans cette pénombre elle devinait sa sœur et son frère, tout comme elle, blancs comme des morts avec leurs lèvres qui tremblaient de façon spasmodique.
La porte céda, la mère hurlait :
"Non, René, pas devant les enfants, arrête pas devant les enfants, non, je t'en supplie".
Son visage était en sang, ses beaux cheveux noirs ébouriffés et ses yeux déjà gonflés par les coups.
Elle se mettait à genoux, les mains sur la tête et criait de peur.
Dehors, on entendait le bruit de la voisine et des policiers habitués à venir mettre fin aux "scènes de ménages bi ou tri hebdomadaires".
Les policiers du quartier intervenaient avec peu de conviction et beaucoup d'agacement :
" Ça va mal finir, si vous continuez comme ça, vous deux !! on est là deux à trois fois par semaine, y'en a marre de vous !! "
Quelques minutes de morale, quelques menaces, et le rappel à l'ordre terminé, l'intervention paraissait suffir à tous.
Les gendarmes rappelaient que déranger ainsi les voisins était interdit. C'était du tapage,; diurne ou nocturne, c'est pareil, ! c'est interdit !
Puis ils reprenaient leurs vélos et repartaient jusqu'à la prochaine fois.
Les cris éteints, la gorge des enfants serrée, mais les yeux sans larmes, tous se retrouvaient au lit dans leur culotte et maillot de corps en interloque.
La lumière éteinte Linette sentait collée contre elle sa petite sœur, elle l'entendait respirer régulièrement et s'endormir. Celle-ci avait la chance d'être plus jeune de 4 ans et Linette se demandait souvent si elle comprenait bien se qui se passait autour d'elle.
Daniel, son cadet de 16 mois seulement, avait une place à part, c'était le garçon si désiré et objet de toutes les fiertés de ses parents, pour ce moment, dans son lit à un mètre de ses sœurs il avait finit sa prière, il s'apaisait lentement, sa respiration aussi devenait plus lente et plus profonde. Le sommeil emportait enfin les deux plus jeunes.
Linette avait si mal à la peau que les draps rêches semblaient s'accrocher à ses jambes. Elle se sentait raide comme la mort, elle était tendue, elle avait envie de vomir.
Ça y est ! se dit-elle, terrorisée.
Le trouble recommençait, elle devenait folle encore, folle comme ses parents : elle sentait ses jambes croisées au dessus du genoux.
Elle promena ses mains sur ses cuisses pour faire cesser le charme et constater qu' elle était bien étendue, avec les jambes allongées, droites, parallèles, mais des jambes serrées fort, comme collées l'une à l'autre.
Et elle entendait, derrière le mur le bruit des soupirs et la cadence régulière des corps de ses parents dans le lit-cage.

Loriane Lydia Maleville

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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