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Nouvelles confirmées : Ivan le survivant
Publié par Donaldo75 le 06-02-2015 08:04:13 ( 1061 lectures ) Articles du même auteur



Ivan le survivant


« Ouvrez ! Police Nationale ! »
Ivan se réveilla d’un coup. « Les condés, il ne manquait plus qu’eux ! » se dit-il. Il n’eut même pas la force de jurer contre l’injustice, contre les délateurs et contre le système.

Ivan quitta son lit de fortune. Il enfila rapidement un blue- jean puis il prit son portefeuille et enfin il s’échappa par la fenêtre de la salle de bains. La rue était encore déserte à six heures du matin et il devait faire attention à ne pas se faire repérer avec son look d’oiseau mort.
Ivan se confondit avec le décor, les murs, les poubelles et les détritus.

Ivan n’avait pas envie d’attendre le réveil des policiers venus l’appréhender. Il savait pourquoi ils étaient là, à l’aube en pleine semaine. Un voisin, probablement le petit fonctionnaire du troisième étage, l’avait dénoncé, de manière anonyme évidemment.
Depuis sa réélection, le président français avait durci son discours envers les immigrés et surtout ceux venus de l’Est, des anciennes démocraties populaires comme on les appelait au siècle dernier.
« Putain, quand je pense que ce con est un Hongrois ! » se dit Ivan, rageur.

Ivan était dans le vrai. Pour un Ukrainien de sa trempe, se faire posséder par un Magyar représentait la honte suprême. Il repensa aux temps héroïques, quand Kiev brillait de mille feux, ceux de la fière Union Soviétique où l’Ukraine produisait le meilleur blé du monde pour des centaines de millions de prolétaires. A cette époque, les gars de Budapest, les parents de l’autocrate installé à l’Elysée, mangeaient les céréales communistes sans se demander d’où elles provenaient.

Ivan soupira. « A quoi bon ressasser ces souvenirs ? » cria une voix intérieure. Tout ceci relevait d’un passé glorieux mais déjà lointain. Il n’avait que quinze ans à la chute du mur de Berlin et cet événement mondial avait moins compté à ses yeux que perdre sa virginité dans les bras de Ludmilla.
« Maintenant, on est vraiment dans la merde ! » lui avait dit son père Igor, un fondu de l’identité slave qui voyait derrière chaque Allemand de l’Ouest un Américain en puissance, un suppôt du capitalisme et de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Ivan arriva dans la station de métro. Il regarda à droite et à gauche puis il jugea le quai sécurisé, sans policier en civil ou milicien national. Ivan se fondit dans la crasse locale en attendant la prochaine rame. L’étape suivante consistait à retrouver un logement, dans un quartier contrôlé par ses potes russes si possible, un endroit sans prétention mais propre et protégé des cafards humains de la rue.
Le train s’annonça dans un bruit de ferraille rouillé et Ivan glissa dans la voiture de tête.

Ivan descendit à la station de la Porte de Vincennes. Il marcha jusqu’au magasin d’électronique de son grand copain Grigor. Le macadam sentait la merde parisienne, un mélange d’excréments de pigeon, de vomi de clochards et de détritus macérés dans leur jus. Les employés municipaux étaient encore en grève et ce depuis plus d’une semaine. La mairie avait contracté avec des prestataires privés et il avait été décidé en haut lieu de ne passer qu’une fois tous les deux jours, pour des raisons budgétaires évidentes selon le maire.

Ivan entra dans le commerce par la porte de derrière, celle du local à poubelles. Il se dirigea vers la pièce dédiée aux stocks de composants électroniques et de cartes à puces puis il bifurqua sur la droite. Ivan ouvrit la porte et il vit Grigor en train de prendre son petit-déjeuner.
— Salut Grigor !
— Salut Ivan ! Tu es tombé du lit ou quoi ?
— J’ai du me tailler en urgence. Les bleus se sont pointés chez moi.
— Quel bordel ! Encore une dénonciation, je suppose ?
— Je ne vois que ça.
— Ce n’est pas grave. Tu trouveras un autre point de chute. Il y a de la place dans le quartier chinois et les flics n’osent pas y pointer leur groin.

Ivan se posa sur une chaise. Il regarda son ami russe tartiner ses biscottes avec de la confiture de fraises, son péché mignon, tandis que le café brûlant diffusait ses effluves rassurantes dans l’air ambiant. Ivan se sentit las et fatigué de fuir toutes les semaines depuis des mois.
— Le Hongrois veut vraiment nous faire la peau, affirma l’Ukrainien.
— Nous ne sommes pas en tête de liste, répondit le Moscovite. Les Roumains, les Moldaves et les Albanais sont plus mal lotis. J’ai arrêté le compte des arrestations arbitraires dans le quartier tellement c’est fréquent.
— Je crois que je vais devoir partir ailleurs, quitter ce pays.
— Tu ne veux quand même pas revenir à Kiev ?
— Non, pas tant que la guerre civile n’est pas terminée.
— N’essaie pas l’Angleterre. Toutes les filières sont noyautées par la police.
— Je pensais à la Belgique ou à l’Allemagne.
— Oublie ! Les Belges ont renforcé leurs mesures anti-immigration et les Allemands vont les suivre dans la chasse aux va-nu-pieds de l’Est. Nous sommes seuls.
— Ne me dis pas que Paris est le meilleur endroit au monde pour refaire ma vie.
— Je ne prétends pas ça. Seulement, il faut se faire une raison : la situation est mauvaise et la seule option est de courber l’échine et de passer entre les gouttes, en attendant des jours meilleurs.
— Est-ce que je peux rester ici quelques heures ?
— Oui. Va te reposer dans l’arrière salle, là où je range les ordinateurs en panne.
— Merci mon frère !

Ivan s’allongea sur un matelas de fortune déjà bien utilisé par de nombreux déçus du mirage européen, de pauvres gars venus de l’enfer soviétique devenu le purgatoire des travailleurs clandestins, le territoire informe et dévasté où les renvoyaient inlassablement des policiers trop zélés et obsédés par leurs statistiques d’expulsion et de passages à tabac.
« Liberté, égalité et fraternité, mon cul ! » jura Ivan avant de s’endormir dans les bras de Ludmilla, son dernier bon souvenir d’un paradis terrestre rasé depuis par le Dieu Dollar et perverti par la Déesse Corruption.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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