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Nouvelles confirmées : Le voleur de fleurs
Publié par Bacchus le 04-06-2012 00:30:00 ( 1095 lectures ) Articles du même auteur



L' hiver déroulait ses longues journées moroses et noël s'était écoulé, sans que j'en éprouve le bonheur habituel.

Cette année-là, je n'ai pas eu les rires d'enfants, à l'ouverture de leurs cadeaux, ni le joyeux carillon des verres qui s'entrechoquent, ni les arômes venant de la cuisine, annonciateurs d'un réveillon familial baigné de rires et de gestes caressants.
J'apercevais dans le couloir, par la porte entr'ouverte de ma chambre, quelques tristes décorations de circonstance, accrochées par une infirmière qui avait voulu que nous partagions aussi cette pèriode de fêtes.
Comment dire à ceux qui m'aiment et que j'aime combien leurrs visites rendaient plus lourde ma solitude, en ces instants ?

L'hiver déroulait ses longues journées moroses, rythmées par le souffle lancinant de la pompe à oxygène, les visites techniques des infirmières qui m'adressaient leurs sempiternelles recommandations, ponctuées de l'incontournable ' d'accord ?', comme s'il était prévu que je sois d'accord avec chacune de leurs phrases.
Les silencieux passages de nuit avec une lampe de poche ou le brusque éclairage au plafond, selon les changements des infirmières de nuit. La bruyante introduction du chariot de médicaments, dans la chambre, à 6h00 du matin, à l'heure où le sommeil commençait enfin à m'anéantir.

Fin janvier, par la large baie qui m'autorisait une vue d'ensemble du parking, je commençais à voir se poindre, dans le rideau d'arbres, en arrière-plan, les premières touches jaune du mimosa. Leur observation m'a occupé plusieurs semaines et me permettait d'alimenter mon imagination. Les fleurs...Que de champs de ma jeunesse j'ai visité en rêvassant. Je n'avais jamais songé vraiment à quel point elles étaient variées, colorées, odorantes, ondulant sous la brise de mes printemps, alors que je les piétinais ou les écrasais en me roulant dans l'herbe.
Les fleurs...On m'en apportait parfois, avec un air géné, comme s'il était bien établi que les hommes n'aiment pas qu'on leur amène des fleurs. J'aimais regarder les petits bouquets que l'on déposait sur ma table de chevet et que je plaçais ensuite sur ma tablette, devant mes yeux.

Pour la première fois de ma vie, je n'ai pas eu le plaisir d'aller acheter les brins de muguet que j'allais distribuer, joyeusement, à tous ceux que j'aime et qui savaient me voir, ce jour-là. Ceux que j'ai reçu ne me semblaient pas à leur place, au milieu des poches et des tubes. C'était comme une méprise . Le muguet s'offre sous un ciel de printemps, avec sa fraîcheur qui fait penser à la rosée, aux sous-bois, au fragile et éphémère symbolisme de ses clochettes, si ravissantes , même en semi-liberté.
Les brins, dissimulés par des roses futiles, semblaient aussi prisonniers que je l'étais.
Je crois bien que c'est à ce moment que je me suis promis, si j'avais la chance de sortir d'ici, de réserver aux fleurs ma première liberté. Durant ces moments particuliers, je sais maintenant quelles étranges pensées on peut avoir.

je suis sorti au temps des lilas .

J'ai retrouver ma maison et, durant quelques temps, je la sentais comme étrangère. Non.Plus exactement, c'est moi qui me sentais étranger à ma maison.Ces sept mois m'avaient détaché de mes objets habituels, de mes gestes ordinaires, des petites bricoles de tous les jours dont, insensiblement, j'avais appris à me passer.
Retrouver ma voiture a été un grand moment. L'habitude du quotidien nous a amenés à considérer la voiture comme un mal nécessaire. Pour ma part, j'ai probablement cassé les pieds à beaucoup de monde en clamant à quel point c'est une chose merveilleuse qui nous transporte, comme un tapis volant, selon notre volonté, sur tous les lieux où nous souhaitons nous retrouver.
J'ai caressé la mienne, reconnaissant qu'elle m'ait fidèlement attendu et qu'elle m'ait reconnu, elle !
C'est alors que je me suis mis à écumer la région, vitres ouvertes, en roulant tranquillement par plaines et montagnes, narines dilatées et chansons aux lèvres.
J' ai commencé ma chasse aux fleurs. Le lilas, tout d'abord. J'ai une passion toute particulière pour le lilas pour lequel je ne sais quel souvenir très lointain m'attache, comme viscéralement. Je sens que cette fleur est liée à quelque chose de ma prime enfance, mais je n'arrive pas à l'extraire de ma mémoire.
En tous cas, au gré des routes de Corse, dés que j'apercevais du lilas en fleur, je freinais aussitôt, me garais et me glissais, en tapinois, jusqu'à la clotûre d'où les fleurs pendaient.Et puis la technique aidant, je suis devenu plus hardi et me glissais parfois dans les jardins pour prélever mon bouquet.
La vie du lilas est assez éphémère. Je dus me résoudre à arrêter de le cueillir dés que je le vis trop parsemé de taches couleur de rouille.

Il me restait toutes les autres fleurs. Celles des jardins et celles des champs.. Toutes variétés mélangées pouvaient faire de somptueux bouquets;
Je gambadais donc dans les champs, faisant d'énormes gerbes dont je m'évertuais à nuer les couleurs. Je m'inventais un art de leur confection ne répondant à aucune autre norme que les miennes, et je les trouvais très convenables.
J'apportais deux à trois énormes bouquets, chaque jour, et ils envahissaient la maison. Mais, ciel ! que j'étais heureux de les voir s'accumuler sur le comptoir de ma cuisine ! Mon épouse les tolérait, partageant, mais à un niveau plus raisonnable , ma passion pour les fleurs.

Toute passion suit une courbe de progression, avec son crescendo et son pic optimal.
La mienne me lança dans une aventure, un road-movie inattendu. Je présume que les symptômes et les idées fixes de ma maladie ne s'étaient pas encore totalement dissipés.

J'en étais arrivé à un point où mes raids sur les jardins privés se faisaient de plus en plus ouvertement, le culot remplaçant la prudence. Il me fallait maintenant les fleurs les plus belles, celles que je n'avais jamais cueillies,y compris, et surtout, celles qui n'avaient pas l'habitude de se retrouver dans des vases !
J'ai éprouvé parfois la délicieuse sensation du risque d'être surpris et d'avoir à improviser un comportement cohérent.
Au retour de mes razzias, il m'est arrivé plusieurs fois, presque rendu chez moi, de faire demi-tour sur les chapeaux de roues: Il me manquait une touche de rouge dans mon bouquet ! Il me fallait trouver des coquelicots.
Ces fleurs si magnifiques se trouvent sur tous les bords de routes, sur le moindre talus d'herbes, dans les fentes de trottoirs.Mais jamais quand j'étais obstiné à en trouver.J'y parvenais toutefois, piquais mes coquelicots, avec mon art et mes critères, dans mes bouquets, et rentrais à la maison,gôutant pleinement le plaisir du devoir accompli.

Mon apothéose, je l'ai atteint le jour où, en passant devant la Gendarmerie Nationale, j' ai été pris de l'envie irréprésible de posséder leurs roses ;
Sur la cloture qui borde leur cour, devant les bâtiments, une jolie haie de rosiers en fleurs s'épanouissait, bien en vue sous les fênêtres des bureaux des gendarmes.
Je devais être en état second.
Je me suis garé tranquillement devant la clôture de la gendarmerie, me suis muni de mon sécateur qui ne me quittait jamais et je me suis approché des rosiers;
En prenant bien mon temps pour sélectionner les plus belles, je me me suis confectionné un bien joli bouquet, en prenant le temps de retirer les épines du bas des tiges. J'adressais, par moment, un sourire radieux aux gendarmes qui , statufiés, me regardaient, bouche bée, les dépouiller de leurs roses.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais certain qu'ils ne diraient rien.; et ils n'ont,effectivement , rien dit et m'ont regardé monter dans ma voiture, mon gros bouquet de roses sur le siège arrière, empressé d'aller vite les mettre en pot, avec de l'eau bien fraiche.

Cette passion-lubie, que plus tard j'ai eu la bienveillance d'attribuer à une forme de séquelles de ma maladie, m'a, bien-entendu, passé, depuis.
Pas le gôut des fleurs, que j'entretiens à un niveau raisonnable, voire même en allant en acheter, mais, je vous l'assure, je ne vais plus en voler dans les jardins.

Le rosier-pompons de ma mère, dont j'avais ramené quelques boutures de Normandie, trouvées au milier du champ où se trouvait ma baraque avant que tout ne soit rasé, Ce rosier-pompons, disais-je, a envahi tout un mur de ma terrasse
Aujoud'hui, ses milliers de petites fleurs rouges m'empêchent de voir le vert de ses feuilles. Mon obier, ou ' boules de neige ', ressemble à un petit igloo et les incroyables fleurs sauvages de la Corse cernent mon bungalow de jardin.

Je suis allé à la rivière cet après-midi, avec mon ainée et son fils. Nous avons pris notre premier bain, entourés de saponaires et de héllébores Corsicana, de népita et de fleurs sauvages.

Je n'ai ramené aucun bouquet....Je suis guéri ?





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Auteur Commentaire en débat
Loriane
Posté le: 04-06-2012 18:00  Mis à jour: 04-06-2012 18:22
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Le voleur de fleurs
Quel bonheur.
Quel plaisir, j'aime tant, tant les fleurs !
Tu en parles avec finesse et élégance et une bien jolie poésie, une si touchante délicatesse.
Les fleurs sont pour moi, la manifestation de vie la plus pacifique, la plus complète, elle satisfait tous les sens et aussi notre besoin de beauté.
Oui les clochettes virginales du muguet sont au ras de l'herbe comme de délicates gouttes de rosée.
Et oui le lilas est pour moi aussi ma fleur préférée, une fleur qui m'émeut, dont l'odeur m'envahit du bonheur de l'enfance, tout comme quand lycéenne je traversais à pied sans précipitation et et rêveuse, les parcs et jardins publics de banlieue et je m'emplissais de son parfum, je m'en saoulais et il m'accompagnait sur le chemin de l'école à l'heure matinale où l'on éteint les premières réverbères.
Cet amour des fleurs à commencé avec mes premiers pas d'enfant sauvage en pérégrination dans les champs et sur les sentiers péri-gourdins, avec mon petit panier pleins de fleurs sans queue, puis plus tard à St Denis dans les jardins ouvriers où j'escaladais les fils de fer barbelés de tous les jardins, en abandonnant sans chichi des morceaux de mollets, de bras ou même de joues, ou de cuisses pour aller cueillir les pivoines, les lys, les hautes marguerites, les clarkias, les Iris, les désespoirs du peintre, les roses, les lupins ....tout, tout ce que je pouvais prendre. Aucune fessée, aucune menaces ne m'ont arrêtées, jamais.
Et plus près de moi, quand la vie m'a fait un vilain croche-pied, m'a mise au placard et que je vivais de rien, sans manger, le manque de fleur était insupportable, et j'ai sans honte, écumé toutes les poubelles de cimetières pour fleurir ma maison, comme toujours avec excès.
Je ne peux plus en cueillir car je ne supporte plus de les voir mourir dans un vase.
Je préfère les faire pousser.
Avec ma copine nous pensons avoir créé la SPP (société protectrice des plantes).
Pour le plaisir je relirais ce texte parfumé.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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